Une biographie raconte généralement l’histoire d’une personne qui a marqué son environnement et la société. Pourquoi alors prendre le temps de rédiger un bouquin sur l’existence d’un individu parfaitement inconnu, qui passe à travers la vie comme un fantôme ?
Paul Reichstein, « l’homme en mouvement », est l’énigmatique grand-oncle de l’auteur, le journaliste Patrick Straumann. Ce dernier tente de mieux connaître ce « mouton noir » de la famille en effectuant des recherches approfondies.
Pourquoi « mouton noir » ? C’est que Paul est né dans une famille talentueuse, dont un des frères, Tadeus (surnommé Tadjik) a même obtenu le prix Nobel en collaboration avec deux Américains pour avoir réussi à isoler la cortisone. Ses autres frères ont tous décroché un diplôme qui les a lancés dans la vie. Sauf Paul, qui s’intéresse à tout, mais se fatigue rapidement d’un sujet ou d’un endroit.
Paul naît à Kiev en 1905 et passe sa jeunesse en Suisse, plus précisément Zurich. On le retrouve un peu partout, mais de façon éphémère. En Russie, il assiste au retour des survivants du brise-glace Tcheliouskine. Il travaille dans une usine de tracteurs durant l’ère stalinienne. Il devient instructeur alpiniste et gravit de très hautes montagnes pour la gloire du régime. (À ce titre, voir également le volume « Les alpinistes de Staline » sur mon blogue).
Il s’engage également dans la marine américaine comme militaire. Il réussit à se faire expulser deux fois de la Suisse, fait un passage en prison, sillonne l’océan Pacifique en trimant pour la marine marchande, vend des terrains et des cabanes à Anchorage en Alaska et travaille plusieurs mois dans une mine au Chili, avant de faire un détour par l’Australie.
Il est hospitalisé à de nombreux endroits comme Rochester, Oakland, Yokohama suite à des accidents. On le suit aussi à San Francisco, Baltimore, Palm Springs, sur les bords de la Volga, Pusan, Séoul, en Chine et aux Philippines.
Il meurt en 1995 et, ayant survécu à tous ses frères, il n’y a plus qu’une dizaine de personnes à son enterrement qui ne savent trop quoi dire sur cet insaisissable « homme en mouvement ».
En 140 pages, l’auteur réussit à brosser un portrait généreux et sans jugement de ce grand-oncle. Les ennuis et errements de Paul rendent cet homme très attachant.
Cliquez sur le lien pour d’autres biographies sur mon blogue.
Le peintre allemand Otto Mueller crée la toile « Deux filles nues » en 1919. À travers cette œuvre qui survit à tous les dangers, nous suivons le destin d’une Allemagne en évolution et les différents acquéreurs du tableau au cours des décennies.
L’auteur use de beaucoup d’imagination pour nous présenter la vie du couple Mueller en début de bouquin. Le peintre décède en 1930 et le tableau change une première fois de main trois ans plus tard. À cette époque, l’inflation fait rage en Allemagne et l’insatisfaction de la population mène à la nomination d’Adolf Hitler à la chancellerie par Hindenburg.
Entre 1933 et 1946, le tableau survit miraculeusement à la censure et la destruction des œuvres qualifiées de dégénérées par les nazis. Des milliers d’œuvres d’art moderne allemand sont incendiées par les autorités.
Les pogroms se multiplient à travers l’Allemagne. On saisit les tableaux de propriété juive. Lorsque la Gestapo impose la mise aux enchères d’une partie de la collection d’Ismar Littmann, (lien allemand, lien anglais) elle sélectionne 64 œuvres dont 53 sont immédiatement brûlées.
Durant la même période, une exposition itinérante intitulée « Entartete Kunst » (« Art dégénéré ») est commandée par Joseph Goebbels et 730 œuvres voyagent entre Munich et d’autres grandes villes de l’Allemagne. Situation ironique, cet art dégénéré attire en fin de compte trois fois plus de visiteurs que pour le savoir-faire allemand considéré acceptable et dont les œuvres sont présentées dans les bâtiments voisins.
Jusqu’en 1946, la peinture « Deux filles nues » change à maintes reprises de possesseur et continue de survivre aux bombardements, à la destruction organisée et aux vols d’œuvres d’art opérés par les nazis.
Après la guerre, on modifie le nom du tableau. Il passe de Zwei Mädchenakte (« Deux filles nues ») à Zwei weibliche Halbakte (« Deux demi-nus féminins ») et effectue le tour de l’Allemagne et du monde. En 1976, il est exposé au musée Ludwig de Cologne. Les anciens propriétaires Ruth et Chaim Haller sont finalement réunifiés avec leur tableau en 1999. Ruth est la fille d’Ismar Littmann dont il est question en début d’article.
Le musée restitue officiellement l’œuvre aux propriétaires, mais, dans la même année, fait une offre de rachat qui est acceptée par les Haller. On retrouve aujourd’hui le tableau exposé dans la section expressionniste du musée Ludwig de Cologne.
À travers sa recherche considérable et la publication de son roman graphique, l’auteur souligne l’importance de demeurer alerte face aux censures politiques et culturelles qui ressurgissent régulièrement.
À la fin du livre se trouve la chronologie des événements de même que les biographies des acteurs principaux. L’auteur cherche toutes les manières pour ne pas nous montrer de quoi à l’air le tableau « Deux filles nues » jusqu’à ce que l’on soit rendu pratiquement à la fin du récit ! Une façon très habile de conserver notre curiosité.
Ce roman graphique relate des événements entourant la montée au pouvoir de Vladimir Poutine et l’établissement de sa fortune personnelle. Cette dernière se bâtit à travers l’exfiltration de sommes colossales appartenant au peuple russe et qui sont redirigées vers des sociétés-écrans et des paradis fiscaux.
Étant donné que le récit s’étale sur plusieurs décennies, le lecteur se familiarise avec une multitude de noms de compagnies et de personnages clés dans le domaine politique et économique.
On y trouve également, comme pour d’autres grandes puissances, des règlements de compte politique et des magouilles économiques.
La structure de fonctionnement du pouvoir en Russie diverge du système politique occidental. Les relations tissées avec le président y jouent un rôle beaucoup plus important qu’à l’Ouest. Les avantages sont accordés en échange d’une fidélité indéfectible. On mentionne entre autres les liens entre Silvio Berlusconi et Poutine.
L’échelle des sorties d’argent de la Russie à des fins discrètes surprend. Pour ne citer qu’un exemple, l’auteur note la création de l’opération Luch (une fuite de capitaux estimée à 50 milliards de dollars) en 1990 pour parer aux changements provoqués par Gorbatchev. Il s’agissait de piger dans les fonds secrets du KGB à l’étranger pour enrichir une caisse pouvant servir à assurer la survie du parti et d’autres intérêts particuliers.
« Depuis que Poutine est arrivé au pouvoir, le montant global d’argent sale sorti de Russie et blanchi par les banques de l’Ouest a été au minimum de 1 000 000 000 $ (mille milliards de dollars) ! ».
L’Occident n’a donc pas les mains propres face à ce qui se passe en Russie. Quand il y a de l’argent rapide à faire et que des actionnaires s’attendent à un bilan déraisonnable, la vertu s’efface devant le sens pratique. Parmi les complicités européennes : Danske Bank, SEB et Swedbank, Crédit Suisse, Banca Intesa, Deutsche Bank Russia, Appleby-Estera (cabinet de services offshore), Chypre (cabinets de services financiers), Price Waterhouse Coopers.
Le lecteur constate également l’accumulation des suicides de responsables de tout acabit au cours des années. Par exemple, l’auteur note les suicides déguisés de Nikolai Kruchina, Georgy Pavlov et Dimitri Lissovolik. Ces hommes à l’équilibre précaire avaient tous la fâcheuse habitude de prendre l’air sur un balcon trop élevé pour leur capacité. Le KGB doutait de la fiabilité de ces hommes qui géraient les fonds secrets du parti à l’Ouest.
L’empoisonnement (par le poison Novitchok) est aussi une méthode privilégiée pour aplanir les différends politiques. Mais cet état de fait est déjà connu des Occidentaux, car la plupart des opérations manquées ou réussies font l’objet de nombreux articles dans les médias. Par exemple, cela a été le cas pour Navalny et Skripal. Pour Iouchtchenko, le gagnant des élections présidentielles en Ukraine, un autre poison fût utilisé, mais la source n’a pu être confirmée.
Sous Poutine, les oligarques peuvent conserver les fortunes acquises à travers les nombreuses privatisations, mais il n’est plus question pour eux de s’immiscer dans les affaires politiques. Le bouquin s’attarde aussi sur la détérioration du rapport entre Poutine et des oligarques comme Berezovski (retrouvé pendu dans sa salle de bain à Londres) et Khodorkovski.
Si un dévoué collaborateur change de camp, il peut, dans le meilleur des cas, survivre en quittant le pays et en demeurant apolitique. Autrement, son avion peut exploser en vol, comme pour Prigojine.
Le bouquin montre comment Ivan Rybkyn, un opposant politique de Poutine en 2004, s’est désisté suite à une promenade improvisée en fourgonnette. Il semblerait qu’il ait été saisi et rentré de force dans le véhicule. Cette expérience et les discussions probables qui ont eu lieu durant la balade ont suffi à convaincre le candidat qu’il n’avait pas vraiment le feu sacré pour la politique.
Dans les années 90, le clan mafieux Tambov protège Poutine et Sobchak et participe à la gestion du port de Saint-Pétersbourg. Cela n’empêche pas un « accident » de la route impliquant les filles et la conjointe de Vladimir Poutine. Ceux qui sont insatisfaits de leur part du gâteau font monter les enchères et Poutine doit réunir les familles pour qu’elles s’arrangent entre elles. Pragmatique, il envoie tout de même ses filles en Allemagne pour leur sécurité. Le gardien légal est Matthias Warnig, un ancien de la STASI.
L’auteur signale que de l’argent russe a servi à influer sur le résultat du Brexit (51,89 %), ceci dans le but de fragiliser l’Europe. Ensuite, comme nous le savons déjà, la Russie a influencé le résultat du vote dans les états clés des États-Unis pour aider à l’élection de Donald Trump.
Le roman graphique se termine par un dossier documentaire, avec photos, dessins et références pour ceux qui désirent obtenir davantage d’informations.
Et la fortune de Poutine dans tout ça ? Selon les recherches effectuées par les auteurs, elle s’établirait entre 150 et 250 milliards d’euros.
Le roman graphique « Carcajou » fait partie des très bons achats que j’ai faits cette année. Les auteurs ont créé une œuvre quasiment parfaite, tant côté scénario que graphisme et couleurs.
Les vastes forêts de l’Alberta, grande province de l’ouest du Canada, servent de cadre au déroulement de cette fable. Le lecteur fait la connaissance de nombreux personnages hauts en couleur qui tentent de tirer leur épingle du jeu dans un environnement sauvage. Tous ne possèdent pas les qualités requises pour faire honneur à leur fonction, mais c’est là la réalité de la vie dans les bleds perdus en développement.
En 1895, l’Alberta attire chercheurs d’or et hommes d’affaires intéressés par l’exploitation pétrolière. Certains territoires sont acquis de façon plus ou moins éthique et les autochtones perdent au change. Cependant, leurs croyances ancestrales persistent malgré les injustices et les rapports de force inégaux.
Les auteurs abordent plusieurs thèmes significatifs dans le développement de l’histoire du Canada : le manque de respect face aux Premières Nations, les effets néfastes de l’alcool dans les régions éloignées, le courage et la ténacité nécessaires aux femmes pour imposer le respect, la violence causée par les armes à feu, une police qui parfois navigue dans la criminalité.
Tous ces aspects développés par des auteurs moins talentueux produiraient une trame négative. Le génie des auteurs est d’avoir élaboré le récit de façon très dynamique tout en passant des messages essentiels. Il n’y a pas vraiment de pause dans l’action. L’intrigue tient le lecteur en alerte jusqu’à la fin.
J’ai adoré les personnages et la trame intelligente de « Carcajou » et recommande cette œuvre superbe aux amateurs de romans graphiques.
« En juillet 1888, aux alentours de la Saint-Jacques, Oncle me fit grosse ». C’est ainsi que commence le roman « Dans le ventre de Klara » de Régis Jauffret, ce maître des phrases chocs et de la synthèse. La Klara en question, c’est Klara Hitler, qui au moment du récit porte en elle un Adolf Hitler déjà capable de lui insuffler à l’occasion des visions du désastre qu’il orchestrera des années plus tard.
L’auteur a trouvé une façon unique de positionner dans le texte les prémonitions terribles de Klara. Ils les imposent soudainement au milieu des rêveries quotidiennes de la future mère, souvent au beau milieu d’un paragraphe ou d’une phrase.
Dans ce récit naviguant entre les faits vécus et la fiction, l’épouse doit demeurer à sa place et ne rien espérer. L’écrivain fait dire à Klara : « Je suis affligée de la manie d’espérer autre chose que mon sort ». Le mari décide de tout. Le confesseur de l’église locale aimerait bien surpasser l’autorité de l’époux, mais cela s’avère plus difficile que prévu. Le mari et l’abbé représentent bien les pouvoirs excessifs dont ils jouissent sur les femmes de cette époque. Un militaire gradé sans grande expérience de combat qui dicte sa conduite à sa conjointe comme à un soldat, et un abbé fanatique qui impose les règles arbitraires d’une religion qui rend malade, asservit la femme et impose ses dogmes à distance aux couples.
L’auteur écrit, en parlant de Dieu et de la femme : « Une chrétienne doit enfanter, contribuer à peupler la Terre qu’Il nous a donnée pour théâtre à nos péchés ». Et lorsque Klara se trouve de nouveau au confessionnal et se fait tancer par l’abbé : « Foin de la voix du Christ envolée, c’était maintenant l’abbé Probst qui s’employait à me faire passer par les verges du langage. Des phrases longues comme des lanières. Des mots lourds, contondants comme des matraques. Des mots subtils, acérés, par endroits hérissés de pointes rougies. Une ponctuation de verre brisé […]. » Vous voyez le style…
J’apprécie particulièrement la plume de Régis Jauffret pour avoir lu d’autres de ses œuvres dont « La ballade de Rikers Island », « Le dernier bain de Gustave Flaubert », « Papa » et les trois volumes intitulés Microfictions, parus respectivement en 2007, 2018 et 2022. Il a d’ailleurs remporté le Goncourt de la Nouvelle pour l’édition de 2018.
Régis Jauffret explique en quelques minutes l’intention derrière son dernier roman dans une vidéo sur Youtube, si cela vous intéresse de creuser davantage le sujet.
Le roman « Un monde au-delà des hommes » passionnera spécialement les lecteurs dont les connaissances sur les premières expéditions en Antarctique s’avèrent limitées. Si vous ne savez pas qui du Norvégien Roald Amundsen ou du Britannique Robert Scott a atteint le pôle Sud en Antarctique le premier, évitez de faire la recherche avant d’ouvrir ce livre. Vous y gagnerez en intérêt.
À l’époque des grandes conquêtes des territoires encore vierges de la planète, les explorateurs risquaient leur vie pour la gloire de leur pays. On assiste donc ici à une course entre la Norvège et la Grande-Bretagne pour parvenir au pôle Sud en premier.
Ce roman historique ne contient que 134 pages, ce qui permet à l’autrice de se concentrer sur l’essentiel. Elle a divisé le livre en deux parties. La première porte sur Amundsen, la deuxième sur Scott. Les deux hommes ont utilisé des méthodes très différentes pour arriver à leur fin. Elle inclut en début de bouquin une carte montrant les trajets empruntés par les deux explorateurs et les endroits sélectionnés pour faire des arrêts.
L’autrice Catherine Hermary-Vieille traite de la préparation du voyage, des choix stratégiques quant aux objectifs, des obstacles rencontrés en chemin, sans oublier l’attitude mentale adoptée par chaque explorateur et membres de l’expédition.
Lors de ce voyage, un des deux chefs d’expédition utilisera des chiens de traîneaux comme moyen principal pour se déplacer tandis que l’autre tentera de progresser avec des mulets. Un n’aura qu’un objectif en tête, l’autre aura plusieurs buts à atteindre. Un se comportera en dirigeant flexible, l’autre sera plus intransigeant. Les choix et l’attitude de chaque explorateur auront un impact direct sur le succès de l’expédition.
Il faut noter que les deux concurrents ne commencent pas leur voyage vers l’Antarctique en même temps, ce qui occasionne un déséquilibre dès le départ quant à la date d’arrivée au pôle Sud. Mais, malgré tout, une fois que l’on connaît ce fait, il reste encore un continent gelé à traverser, des hommes à nourrir, des crevasses à éviter, des engelures à soigner. On doit aussi pouvoir s’en sortir vivant.
Un tel roman se lit en une journée. On pardonne certaines descriptions un peu sommaires et même une petite erreur comme celle de la page 19 où le nom du chien inuit « Funcha » apparaît deux fois dans la liste. Ces distractions ne diminuent pas l’intensité du récit. Il s’agit après tout d’histoires vécues par des hommes qui sont allés au bout d’eux-mêmes pour la gloire de leur pays.
Aujourd’hui, on assiste à une course similaire entre les pays pour envoyer des humains sur la planète mars. Quel pays arrivera en premier ? Et une fois qu’il y est, aura-t-il le droit de revendiquer une planète pour lui-même au détriment des autres humains de la Terre ?
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Au moyen de dessins et de superbes photographies, ce roman graphique relate les évènements qui ont contribué à la création de Magnum, la célèbre agence internationale de photographie.
Avant Magnum, on ne trouve que des photographes qui tentent de se faire connaître et de gagner un mince pécule face aux géants comme Time et autres médias qui dictent leurs volontés. Ces grandes compagnies recadrent les images originales, ne reconnaissent pas le droit d’auteur et engrangent des profits gigantesques sur le dos des photographes comme Robert Capa, David « Chim » Seymour, Gerda Taro, Henri Cartier-Bresson et George Rodger. C’est en réaction aux abus que ces photographes créeront la nouvelle agence.
Le livre nous conscientise sur les risques énormes pris pour ramener des clichés des différents conflits planétaires. Robert Capa et Gerda Taro y perdront même la vie dans le feu de l’action.
On assiste à l’évolution de Magnum, son internationalisation et le changement de sa vocation première. D’un travail initialement axé sur la couverture des guerres, les photographes se tournent progressivement vers une diversification de leurs activités, autant pour accommoder les besoins spécifiques des médias que des productions cinématographiques.
L’agence les protège désormais des abus. Les photographes réalisent cependant qu’ils doivent demeurer à l’écoute des donneurs de contrats pour survivre financièrement. Ils se réservent tout de même une marge de manœuvre pour la création pure, selon la personnalité de chacun et chacune et l’humeur du jour.
De garder en vie cette agence constituée de professionnels aux ambitions différentes n’est pas une mince tâche. Elle connaît des crises, des schismes, des réinventions toutes essentielles à l’évolution de cette institution de renommée internationale.
Pour ceux qui ignorent tout de Magnum, ce roman graphique propose une première approche très accessible.
Le roman graphique « Jours de sable » se veut un rappel historique du fameux Dust Bowl qui a frappé le centre des États-Unis entre 1930 et 1940. Ce furent dix années de misère qui inspirèrent John Steinbeck pour son œuvre « Les raisins de la colère ».
Les tempêtes de sable et de poussière qui ont envahi une partie de l’Oklahoma, du Kansas, du Texas, du Nouveau-Mexique et du Colorado provenaient d’une multitude de causes combinées, dont la surutilisation du sol par les agriculteurs et des sécheresses à répétition.
En rajoutant les facteurs liés à la crise économique et aux multiples épidémies, on peut comprendre l’exode massif des ménages américains. Ils laissèrent tout derrière eux, incluant plusieurs membres de leur famille décédés des suites de complications respiratoires dues à la poussière. La plupart se dirigèrent vers la côte ouest, mais cet afflux important de la population ne fit qu’augmenter le chômage déjà présent dans cette région.
Le plus étrange, c’est que des décennies plus tard, les changements climatiques vécus aujourd’hui dans ces mêmes états pourraient aider à la répétition du phénomène, sans qu’il couvre nécessairement une période aussi longue.
L’autrice Aimée de Jongh met en scène des personnes fictives, mais le scénario respecte la réalité vécue par la population. Dans son histoire, un jeune photographe quitte New York en 1937 avec le mandat d’aller faire un reportage sur le Dust Bowl. On lui a indiqué les sujets à couvrir, mais il prend conscience assez vite qu’il a affaire à un drame humain aux proportions insoupçonnées.
De demander à des gens qui souffrent et qui ont tout perdu de prendre la pose pour des médias de New York ne s’avère pas aussi simple qu’il l’avait cru. La situation se complique encore davantage lorsqu’il apprend à connaître ces personnes et qu’il peut lui-même expérimenter leurs difficultés.
En plus des cases habilement dessinées qui font le régal du lecteur, ce dernier a accès à de nombreuses photos d’époque glanées dans plusieurs musées, ainsi qu’à du contenu historique officiel. J’ai adoré ce bouquin gagnant de plusieurs prix en Europe.
Microsoft a mis à la disposition des amateurs de simulation de vol le fameux hydravion allemand Dornier DO X. Conçu en 1929 par Claude Dornier, cet hydravion dépassait de loin tout ce qui se faisait à l’époque, que ce soit pour le poids, la longueur ou la puissance.
Malheureusement, les Allemands ne purent en faire un succès commercial, cet appareil étant vraiment trop lourd pour espérer couvrir de grandes distances à haute altitude. De plus, les mauvaises expériences s’accumulaient au moment des différentes escales : incendie de la toile de l’aile gauche au Portugal, problèmes avec la météo tropicale, queue arrachée lors d’un amerrissage mal planifié à Passau. D’ailleurs, ce qui reste de l’empennage suite à l’accident se trouve aujourd’hui au musée Dornier.
Les Allemands construisirent les trois exemplaires du DO X à Altenheim, sur la rive suisse du lac de Constance, pour contourner les restrictions liées au Traité de Versailles.
Un membre d’équipage s’occupait de contrôler et surveiller les moteurs. Il obéissait aux instructions du commandant de bord.
La disposition des moteurs causait des maux de tête aux mécaniciens. Six hélices tiraient l’appareil vers l’avant et six autres hélices poussaient le DO X. Les moteurs qui actionnaient les hélices arrière recevaient moins d’air que ceux devant l’appareil. Ils connaissaient donc des problèmes de refroidissement, ce qui diminuait la fiabilité lors de vols sur de longues distances.
L’hydravion réalisa son premier test en vol à partir du lac de Constance (Bodensee) en 1929. Ci-dessous, une capture d’écran du vol alors qu’il se trouve près du lac Brienz en Suisse.
Lors de ses trajets internationaux, le DO X effectua des escales dans plusieurs pays européens, en Afrique, en Amérique du Sud, à Miami, à New York et à Terre-Neuve. À l’époque, Terre-Neuve ne faisait pas encore partie du Canada. Les Terre-Neuviens émirent un timbre pour commémorer le passage de l’avion à Hollyrod. Naturellement, ceux qui ont conservé un exemplaire du timbre ont vu sa valeur augmenter fortement depuis le temps.
Cet hydravion légendaire suscite encore aujourd’hui l’admiration des amateurs d’aviation. On le trouve en modèle à coller, en maquette de bureau et même en modèle réduit télécommandé.
De passage à L’Islet, un arrêt s’impose au Musée maritime du Québec. Ci-dessus, on aperçoit le brise-glace Ernest Lapointe, chargé de dégager le fleuve Saint-Laurent entre Montréal et Trois-Rivières pendant 37 ans.
Sur le terrain se trouve également le fameux HMCS Bras d’Or. Cet hydroptère fut créé au Canada lors de la guerre froide pour surveiller les eaux canadiennes contre l’intrusion possible de sous-marins soviétiques. Comme on le mentionne dans ce bateau-musée, « il était obligatoire de posséder un double brevet de pilote d’avion et de navigation pour conduire cet engin doté d’ailes autoportantes ».
Un peu plus à l’est, on arrive à Pointe-au-Père, dans la région de Rimouski. Là se trouve le seul sous-marin musée au Canada. Le public peut visiter l’intérieur du HMCS Onondaga, utilisé jusqu’en 2000. Le voyageur traverse 17 stations pour apprendre la vie à bord d’un submersible.
Le mécanicien travaillait pendant des périodes de deux mois consécutifs à la surveillance des moteurs, dans cet endroit bruyant et empestant le gasoil. Un espion allemand débarqué par un sous-marin de nuit en Gaspésie avait été repéré dans un autobus parce qu’il sentait fortement le diesel.
Ci-dessus, un cliché d’une des salles du Musée de l’Empress of Ireland. Son naufrage dans le fleuve Saint-Laurent fut le deuxième plus coûteux en vies humaines après le Titanic. Parmi tous les objets remontés de l’épave se trouve ce squelette en porcelaine qu’un des passagers avait dans sa cabine.