L’histoire se passe en 1977 en Allemagne de l’Ouest. Un accident de la route qui coûte la vie à une femme et son enfant attire l’attention d’un employé de la morgue, un homme professionnel et bien apprécié de ses patrons.
Cet employé, c’est Monsieur Martin, un ancien soldat qui autrefois a combattu lors de la Deuxième Guerre mondiale et pour qui le mot « responsabilité » pèse lourd dans son quotidien d’homme plus âgé. Il mène sa propre enquête et dérange naturellement des personnages haut placés qui ont décidé de regarder ailleurs pour préserver leurs acquis.
Un tel thème sera toujours d’actualité, car il touche non seulement la société allemande mais toutes les nations à travers la planète où les gens qui ont le plus à perdre dans une situation se détournent de leurs responsabilités, malgré les injustices.
Je n’ai que de bons mots pour le roman graphique « L’expert », autant pour la qualité du graphisme, le scénario, le choix des couleurs, la période et l’endroit où s’inscrit l’histoire. Les Allemands ont certainement dû apprécier sa parution en 2022.
« En juillet 1888, aux alentours de la Saint-Jacques, Oncle me fit grosse ». C’est ainsi que commence le roman « Dans le ventre de Klara » de Régis Jauffret, ce maître des phrases chocs et de la synthèse. La Klara en question, c’est Klara Hitler, qui au moment du récit porte en elle un Adolf Hitler déjà capable de lui insuffler à l’occasion des visions du désastre qu’il orchestrera des années plus tard.
L’auteur a trouvé une façon unique de positionner dans le texte les prémonitions terribles de Klara. Ils les imposent soudainement au milieu des rêveries quotidiennes de la future mère, souvent au beau milieu d’un paragraphe ou d’une phrase.
Dans ce récit naviguant entre les faits vécus et la fiction, l’épouse doit demeurer à sa place et ne rien espérer. L’écrivain fait dire à Klara : « Je suis affligée de la manie d’espérer autre chose que mon sort ». Le mari décide de tout. Le confesseur de l’église locale aimerait bien surpasser l’autorité de l’époux, mais cela s’avère plus difficile que prévu. Le mari et l’abbé représentent bien les pouvoirs excessifs dont ils jouissent sur les femmes de cette époque. Un militaire gradé sans grande expérience de combat qui dicte sa conduite à sa conjointe comme à un soldat, et un abbé fanatique qui impose les règles arbitraires d’une religion qui rend malade, asservit la femme et impose ses dogmes à distance aux couples.
L’auteur écrit, en parlant de Dieu et de la femme : « Une chrétienne doit enfanter, contribuer à peupler la Terre qu’Il nous a donnée pour théâtre à nos péchés ». Et lorsque Klara se trouve de nouveau au confessionnal et se fait tancer par l’abbé : « Foin de la voix du Christ envolée, c’était maintenant l’abbé Probst qui s’employait à me faire passer par les verges du langage. Des phrases longues comme des lanières. Des mots lourds, contondants comme des matraques. Des mots subtils, acérés, par endroits hérissés de pointes rougies. Une ponctuation de verre brisé […]. » Vous voyez le style…
J’apprécie particulièrement la plume de Régis Jauffret pour avoir lu d’autres de ses œuvres dont « La ballade de Rikers Island », « Le dernier bain de Gustave Flaubert », « Papa » et les trois volumes intitulés Microfictions, parus respectivement en 2007, 2018 et 2022. Il a d’ailleurs remporté le Goncourt de la Nouvelle pour l’édition de 2018.
Régis Jauffret explique en quelques minutes l’intention derrière son dernier roman dans une vidéo sur Youtube, si cela vous intéresse de creuser davantage le sujet.
Brüsel comblera les amateurs de bandes dessinées bien ficelées. Il y a de tout dans ce bouquin : la très grande qualité du graphisme, l’attention aux détails, une imagination débordante des auteurs, un peu d’humour et de sensualité, une touche de cynisme.
On se retrouve avec des thèmes familiers, mais développés à l’envers du bon sens pour piquer la curiosité du lecteur. La société sera donc sauvée par l’avènement du plastique, une véritable révolution. Et l’on va enfin pouvoir se débarrasser des végétaux dont on doit sans cesse s’occuper, qui dépérissent et exigent continuellement un peu d’eau.
Les auteurs abordent également de façon originale la dégradation des soins hospitaliers. Le scénario nous montre un patient qui reçoit toujours des promesses de traitements incroyables grâce à un médecin dont la réputation n’est plus à faire. Cependant, aucun geste valable et intelligent n’est posé et, à force de ne pas être soigné, le malade guérit graduellement.
Le héros du récit et une employée rencontrée par hasard forment un duo non conventionnel et nous entraînent dans les méandres d’une ville en devenir qu’un mégalomane conçoit sans consultation avec les citoyens.
Les quelques responsables désignés pour obéir aux désirs d’un seul homme se promènent avec des bâtiments réduits à l’échelle sous les bras et placent ici et là les gratte-ciels de la maquette de la future cité. Tout cela se décide en vase clos et favorise l’intérêt de quelques-uns, comme cela arrive parfois dans la planification des villes.
Bref, si vous cherchez un récit et du graphisme sortant de l’ordinaire pour vous échapper un peu du déjà vu, cette bande dessinée est pour vous.
« Quand on n’a plus rien à perdre, on peut prendre tous les risques… ». Voici la phrase que l’on retrouve à l’endos de la bande dessinée « 13 h 17 dans la vie de Jonathan Lassiter » et qui résume le mieux cette œuvre francophone parue en 2023.
Jonathan Lassiter travaille comme assureur à Keanway, une petite ville reculée du Nebraska. Du jour au lendemain, sa femme le quitte, il perd son emploi, se fait voler son portefeuille. Bref sa vie embrasse soudainement un virage inattendu. Il a deux choix : soit il s’apitoie sur son sort, soit il se transforme. Sa rencontre fortuite avec Edward, homme « distingué, cultivé et cynique » le forcera à se positionner.
C’est d’abord la qualité du graphisme qui m’a accroché. Ce n’est pas une de ces publications dont on se demande si sa conception tient en un mois et qui se veut originale à travers l’absence de détails, et du même coup de travail. Cet album a nécessité un effort très important et cela se voit au premier coup d’œil.
Tout s’y trouve : le choix judicieux des angles, le dessin raffiné et d’une grande maîtrise, le maintien habile de l’atmosphère à travers des couleurs bien dosées et sous-saturées, le scénario très bien ficelé. Cette bande dessinée conserve l’intérêt du lecteur du début à la fin, sans aucun temps mort.
Le personnage principal m’a fait penser au célèbre acteur Vincent Price.
Il était très connu à l’époque pour ses rôles dans des films d’horreur. La grande ressemblance ne m’apparaît pas fortuite. Mais cela n’enlève rien à la vraisemblance de l’histoire, au contraire.
J’ai finalement complété la dernière étape de la toile de 24 po x 36 po de Blake et Mortimer« La vallée des immortels, tome 1 ». Je croyais terminer le tout avant l’été, mais d’autres obligations plus pressantes ont bouleversé l’horaire prévu.
L’ensemble aura pris à peu près 200 heures et nécessité la création d’environ 130 couleurs pour tenter d’imiter l’album, du moins en partie.
J’ai volontairement éclairci l’œuvre originale, surtout le côté gauche, car je suspends le tableau sur un mur et je trouvais la scène beaucoup trop foncée. Ma version respecte l’idée du clair-obscur tout en ajoutant un peu de lumière. Peindre la toile soi-même permet aussi de jouer davantage avec les différentes nuances des briques du mur de gauche.
Pour la progression des différentes étapes au cours de la dernière année, cliquez sur le lien de la section des romans graphiques et bandes dessinées sur mon blogue. Plusieurs publications s’y trouvent, mais vous y arriverez peu à peu.