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Biographies et autobiographies

Un monde au-delà des hommes.

Un monde au-delà des hommes.
Un monde au-delà des hommes.

Le roman « Un monde au-delà des hommes » passionnera spécialement les lecteurs dont les connaissances sur les premières expéditions en Antarctique s’avèrent limitées. Si vous ne savez pas qui du Norvégien Roald Amundsen ou du Britannique Robert Scott a atteint le pôle Sud en Antarctique le premier, évitez de faire la recherche avant d’ouvrir ce livre. Vous y gagnerez en intérêt.

À l’époque des grandes conquêtes des territoires encore vierges de la planète, les explorateurs risquaient leur vie pour la gloire de leur pays. On assiste donc ici à une course entre la Norvège et la Grande-Bretagne pour parvenir au pôle Sud en premier.

Ce roman historique ne contient que 134 pages, ce qui permet à l’autrice de se concentrer sur l’essentiel. Elle a divisé le livre en deux parties. La première porte sur Amundsen, la deuxième sur Scott. Les deux hommes ont utilisé des méthodes très différentes pour arriver à leur fin. Elle inclut en début de bouquin une carte montrant les trajets empruntés par les deux explorateurs et les endroits sélectionnés pour faire des arrêts.

L’autrice Catherine Hermary-Vieille traite de la préparation du voyage, des choix stratégiques quant aux objectifs, des obstacles rencontrés en chemin, sans oublier l’attitude mentale adoptée par chaque explorateur et membres de l’expédition.

Endos du roman "Un monde au-delà des hommes" par Catherine Hermary-Vieille.
Endos du roman « Un monde au-delà des hommes » par Catherine Hermary-Vieille.

Lors de ce voyage, un des deux chefs d’expédition utilisera des chiens de traîneaux comme moyen principal pour se déplacer tandis que l’autre tentera de progresser avec des mulets. Un n’aura qu’un objectif en tête, l’autre aura plusieurs buts à atteindre. Un se comportera en dirigeant flexible, l’autre sera plus intransigeant. Les choix et l’attitude de chaque explorateur auront un impact direct sur le succès de l’expédition.

Il faut noter que les deux concurrents ne commencent pas leur voyage vers l’Antarctique en même temps, ce qui occasionne un déséquilibre dès le départ quant à la date d’arrivée au pôle Sud. Mais, malgré tout, une fois que l’on connaît ce fait, il reste encore un continent gelé à traverser, des hommes à nourrir, des crevasses à éviter, des engelures à soigner. On doit aussi pouvoir s’en sortir vivant.

Un tel roman se lit en une journée. On pardonne certaines descriptions un peu sommaires et même une petite erreur comme celle de la page 19 où le nom du chien inuit « Funcha » apparaît deux fois dans la liste. Ces distractions ne diminuent pas l’intensité du récit. Il s’agit après tout d’histoires vécues par des hommes qui sont allés au bout d’eux-mêmes pour la gloire de leur pays.

Aujourd’hui, on assiste à une course similaire entre les pays pour envoyer des humains sur la planète mars. Quel pays arrivera en premier ? Et une fois qu’il y est, aura-t-il le droit de revendiquer une planète pour lui-même au détriment des autres humains de la Terre ?

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Titre : Un monde au-delà des hommes.

Autrice : Catherine Hermary-Vieille

© Éditions Albin Michel,

2023

ISBN : 978-2-226-44240-6

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Roman graphique et bandes dessinées

13 h 17 dans la vie de Jonathan Lassiter

La bande dessinée " 13h17 dans la vie de Jonathan Lassiter".
La bande dessinée  » 13h17 dans la vie de Jonathan Lassiter ».

« Quand on n’a plus rien à perdre, on peut prendre tous les risques… ». Voici la phrase que l’on retrouve à l’endos de la bande dessinée « 13 h 17 dans la vie de Jonathan Lassiter » et qui résume le mieux cette œuvre francophone parue en 2023.

Jonathan Lassiter travaille comme assureur à Keanway, une petite ville reculée du Nebraska. Du jour au lendemain, sa femme le quitte, il perd son emploi, se fait voler son portefeuille. Bref sa vie embrasse soudainement un virage inattendu. Il a deux choix : soit il s’apitoie sur son sort, soit il se transforme. Sa rencontre fortuite avec Edward, homme « distingué, cultivé et cynique » le forcera à se positionner.

C’est d’abord la qualité du graphisme qui m’a accroché. Ce n’est pas une de ces publications dont on se demande si sa conception tient en un mois et qui se veut originale à travers l’absence de détails, et du même coup de travail. Cet album a nécessité un effort très important et cela se voit au premier coup d’œil.

Endos de la BD "13h17 dans la vie de Jonathan Lassiter".
Endos de la BD « 13h17 dans la vie de Jonathan Lassiter ».

Tout s’y trouve : le choix judicieux des angles, le dessin raffiné et d’une grande maîtrise, le maintien habile de l’atmosphère à travers des couleurs bien dosées et sous-saturées, le scénario très bien ficelé. Cette bande dessinée conserve l’intérêt du lecteur du début à la fin, sans aucun temps mort. 

Le personnage principal m’a fait penser au célèbre acteur Vincent Price.

Vincent Price
Vincent Price

Il était très connu à l’époque pour ses rôles dans des films d’horreur. La grande ressemblance ne m’apparaît pas fortuite. Mais cela n’enlève rien à la vraisemblance de l’histoire, au contraire.

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Titre : 13 h 17 dans la vie de Jonathan Lassiter

Auteur : Éric Stalner

© 2023 Bamboo Édition

ISBN : 978-2-8189-9880-9

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Roman graphique et bandes dessinées

Un tournage en enfer – Au coeur d’Apocalypse Now.

Le roman graphique "Un tournage en enfer - Au coeur d'Apocalypse Now".
Le roman graphique « Un tournage en enfer – Au coeur d’Apocalypse Now ».

Le roman graphique « Un tournage en enfer : au cœur d’Apocalypse Now » nous plonge au centre de la création du fameux film de Francis Ford Coppola porté à l’écran en 1979. Comme le signale le réalisateur, « […] nous étions dans la jungle. Nous étions trop nombreux. Nous avions accès à trop d’argent et de matériel, et, peu à peu, nous sommes tous devenus fous… ».

Cela avait mal commencé. Dès le début, le réalisateur ne peut convaincre des acteurs bien connus de s’impliquer dans son film. Tour à tour, des comédiens comme Jack Nicholson, Al Pacino, Robert Redford et James Caan refusent de s’associer à l’aventure. Coppola poursuit ses recherches et les entrevues.

En tant que lecteurs, nous pénétrons sur les lieux de production et recevons les confidences des proches du cinéaste. Le tournage commence dans la jungle des Philippines, même si Coppola n’a encore aucune idée du scénario de la fin de son œuvre. Cela le hantera tout au long de la réalisation, lui causant des nuits blanches alors qu’il est déjà passablement épuisé.

Une planche du roman graphique de "Tournage en enfer - Apocalypse Now".
Une planche du roman graphique de « Tournage en enfer – Apocalypse Now ».

Les dépassements de coûts s’enchaînent et la pression des bailleurs de fonds s’accroît toujours davantage sur le metteur en scène. On lui demande de boucler son œuvre cinématographique au plus tôt, ce qu’il s’avère incapable d’accomplir. Coppola en vient à garantir les fonds requis en s’engageant à rembourser lui-même la dette si les recettes en salle n’atteignent pas $40 millions de dollars.

De plus, on a tenu pour acquis que le gouvernement américain fournirait les hélicoptères de combat nécessaires à l’action du film. Mais, au lendemain de la guerre du Vietnam, l’intérêt des politiciens américains pour ce genre de demande diminue. Le réalisateur doit se tourner vers le président des Philippines d’alors, Ferdinand Marcos, pour obtenir des hélicos et du personnel, moyennant certaines rétributions et compensations. Mais ces appareils quittent parfois la scène sur ordre de Marcos pour aller chasser les ennemis du régime. On prend encore du retard…

Une page du roman graphique "Un tournage en enfer".
Une page du roman graphique « Un tournage en enfer ».

On a pensé qu’Harvey Keitel serait le comédien idéal pour donner la réplique à Robert Duvall. De nombreuses séquences plus tard, l’évidence apparaît : l’homme ne fait pas le poids pour plusieurs raisons. On court à la catastrophe et on doit d’urgence contacter Martin Sheen   et le supplier de remplacer Keitel. On doit reprendre de multiples scènes avec le nouvel acteur, les retards s’accumulent, et donc les frais associés.

Toutes sortes d’autres embûches attendent le réalisateur et son équipe tout au long du tournage, dont la barrière de langue avec les Philippins et une tempête qui détruit le décor. L’usage généralisé de drogues et d’alcool par le personnel et les pilotes d’hélicoptères n’aide en rien la situation.

Les moustiques, la chaleur et les exigences constantes de Coppola épuisent des acteurs. Martin Sheen tombe gravement malade et on doit employer son frère pour certaines scènes secondaires. Plutôt que de n’utiliser que des figurants pour simuler des morts, un membre du personnel se rend à la morgue et revient avec un cadavre. Cela provoque l’arrivée des forces policières et on règle le problème avec de généreuses sommes d’argent.

Bien d’autres facteurs viennent encore retarder la clôture du tournage et en augmenter les coûts. Il faut citer en exemple les exigences de Marlon Brando.  On réussit à le ramener sur le plateau de tournage pour une journée supplémentaire, à condition de débourser 70 000 $ de plus que prévu.

Le tournage se termine finalement en 1977. L’équipe affrète un avion privé pour transporter 381 kilomètres de pellicule originale vers les États-Unis. Le montage du film s’avère cependant un calvaire. On dispose de trop de matériel à analyser. En 2001, Coppola présentera une mouture modifiée de sa production originale de 1979. Il livrera enfin en 2019 une dernière version de 182 minutes, Apocalype Now « Final cut » , soit plus de quarante ans après la sortie initiale.

Les recettes rencontreront les espérances du réalisateur et il gagnera finalement son pari. En tout, le film aura généré $140 millions à partir d’un budget total de $30 millions.

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Titre : Un tournage en enfer – Au cœur d’Apocalypse Now

Auteur : Florent Silloray

Éditions : Casterman

© Casterman 2023

ISBN : 978-2-203-21653-2

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Roman graphique et bandes dessinées

Le roman graphique Jours de sable

Le roman graphique "Jours de sable" par Aimée de Jongh.
Le roman graphique « Jours de sable » par Aimée de Jongh.

Le roman graphique « Jours de sable » se veut un rappel historique du fameux Dust Bowl qui a frappé le centre des États-Unis entre 1930 et 1940. Ce furent dix années de misère qui inspirèrent John Steinbeck   pour son œuvre « Les raisins de la colère».

Les tempêtes de sable et de poussière qui ont envahi une partie de l’Oklahoma, du Kansas, du Texas, du Nouveau-Mexique et du Colorado provenaient d’une multitude de causes combinées, dont la surutilisation du sol par les agriculteurs et des sécheresses à répétition.

Le Dust Bowl américain
Le Dust Bowl américain

En rajoutant les facteurs liés à la crise économique et aux multiples épidémies, on peut comprendre l’exode massif des ménages américains. Ils laissèrent tout derrière eux, incluant plusieurs membres de leur famille décédés des suites de complications respiratoires dues à la poussière. La plupart se dirigèrent vers la côte ouest, mais cet afflux important de la population ne fit qu’augmenter le chômage déjà présent dans cette région.

Une planche du roman graphique Jours de sable
Une planche du roman graphique Jours de sable

Le plus étrange, c’est que des décennies plus tard, les changements climatiques https://www.un.org/fr/climatechange/what-is-climate-change  vécus aujourd’hui dans ces mêmes états pourraient aider à la répétition du phénomène, sans qu’il couvre nécessairement une période aussi longue.

L’autrice Aimée de Jongh met en scène des personnes fictives, mais le scénario respecte la réalité vécue par la population. Dans son histoire, un jeune photographe quitte New York en 1937 avec le mandat d’aller faire un reportage sur le Dust Bowl. On lui a indiqué les sujets à couvrir, mais il prend conscience assez vite qu’il a affaire à un drame humain aux proportions insoupçonnées.

Le personnage principal du roman graphique tente de faire son travail dans la tempête de sable
Le personnage principal du roman graphique tente de faire son travail dans la tempête de sable

De demander à des gens qui souffrent et qui ont tout perdu de prendre la pose pour des médias de New York ne s’avère pas aussi simple qu’il l’avait cru. La situation se complique encore davantage lorsqu’il apprend à connaître ces personnes et qu’il peut lui-même expérimenter leurs difficultés.

En plus des cases habilement dessinées qui font le régal du lecteur, ce dernier a accès à de nombreuses photos d’époque glanées dans plusieurs musées, ainsi qu’à du contenu historique officiel. J’ai adoré ce bouquin gagnant de plusieurs prix en Europe.

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Titre : Jours de sable

Autrice : Aimée de Jongh

Éditions : Dargaud, 2022

ISBN : 978-2-5050-8254-5

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Roman graphique et bandes dessinées

MBS – L’enfant terrible d’Arabie Saoudite.

Le roman graphique "MBS, l'enfant terrible d'Arabie Saoudite"
Le roman graphique « MBS, l’enfant terrible d’Arabie Saoudite »

Lorsqu’ils entendent le nom de Mohammed Ben Salmane (MBS), la plupart des gens ne réagissent pas, faute de pouvoir l’associer à quoi que ce soit. Si on leur dit que c’est lui qui a fait découper un journaliste en petits morceaux et mis dans des sacs à poubelle dans l’ambassade d’Arabie Saoudite en Turquie, cela résonne davantage.

Le roman graphique « MBS — L’enfant terrible d’Arabie Saoudite » nous présente la vie de ce dirigeant implacable qui tente de tisser des liens avec les grandes puissances. En négociant son appui avec les États-Unis, la Russie, la Chine, l’Inde ou la France, il cherche à positionner son pays comme un joueur majeur sur l’échiquier mondial.

Le livre constitue également une première approche très intéressante de l’histoire de l’Arabie Saoudite, spécialement en ce qui a trait à la famille Saoud et son règne. On réalise l’importance des alliances et des manœuvres radicales pour atteindre un jour le pouvoir suprême.

Quatrième de couverte de MBS L'enfant terrible d'Arabie Saoudite
Quatrième de couverte de MBS L’enfant terrible d’Arabie Saoudite

La stabilité intérieure et de la région demeure une priorité de tous les instants pour MBS. Il doit ménager la chèvre et le chou sur plusieurs plans. Même s’il désire moderniser la société et plaire à la jeunesse, il doit en même temps éviter de trop mécontenter les religieux Wahhabites. Ces derniers bénéficient d’un prestige ancestral et possèdent une influence marquée sur la façon dont le peuple se comporte et réfléchit.

Quant à la façon d’imposer ses idées, MBS n’a rien inventé. Comme la plupart des dirigeants des grands pays de ce monde, il a appris à utiliser les médias et ne ménage aucune dépense pour obtenir les résultats escomptés.

Les patrons des organismes de renseignements et de nouvelles connaissent très bien les limites à l’intérieur desquelles ils peuvent opérer. Vous ne verrez pas de photos des conjointes ni d’articles qui permettraient d’éclairer la population sur la vie nocturne du leader et de ses amis.

Ce roman graphique conserve l’intérêt en intercalant des anecdotes surprenantes et des informations pertinentes accessibles à tous. Comme on peut le lire au verso du bouquin « Ce prince ambitieux se trouve être notre allié au Moyen-Orient : pétrole, lutte antiterroriste, paix israélo-arabe, vente d’armes… nous avons besoin de lui. Mais quel sera le prix à payer ? »

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Titre : MBS — L’enfant terrible d’Arabie Saoudite

Auteurs : Antoine Vitkine et Christophe Girard

Éditions : Steinkis/Les Escales

© 2023

ISBN : 978-2-365696-88-3

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Roman graphique et bandes dessinées

Environnement toxique

Environnement toxique par Kate Beaton
Environnement toxique par Kate Beaton

Pour payer ses dettes d’études rapidement, Kate Beaton, une jeune résidente de la Nouvelle-Écosse, décide en 2005 d’aller travailler dans le nord de l’Alberta pour les compagnies pétrolières exploitant les sables bitumineux. À l’époque, ce voyage vers l’ouest avait la cote auprès des Canadiens cherchant un emploi lucratif. Elle quitte donc les paysages paradisiaques du Cap-Breton pour plonger dans l’univers de Syncrude et Shell à Fort McMurray.

Elle réalise alors ce que constitue la vie sur des chantiers occupés en majorité par des hommes loin de leur famille, dont plusieurs démontrent des problèmes de comportement. Peu importe l’endroit où elle se trouve, elle subit du harcèlement sous forme de remarques désobligeantes, d’insultes, et éventuellement le personnel en vient à des agressions sexuelles.

Pour ces travailleuses, la solitude et la survie prennent une tout autre signification que pour le reste des employés masculins de ces postes isolés.

Étant pourvue de multiples talents, dont ceux de raconteuse et dessinatrice, Kate Beaton publie en 2023 un roman graphique décrivant ce qu’elle a vécu. Elle dénonce « un système éprouvant et complexe, qui exploite aussi froidement les ressources naturelles que les êtres humains ».

« Environnement toxique » porte moins sur la destruction d’un habitat causée par l’exploitation des sables bitumineux que sur le milieu de travail toxique que doivent endurer le peu de femmes œuvrant sur ces chantiers.

Le Time Magazine, The Guardian et The New Yorker ont salué ce roman graphique gagnant du concours Canada Reads 2023. Il est paru en anglais sous le titre « Ducks », probablement pour rappeler tous ces canards englués dans le pétrole qui avaient fait la manchette à l’époque.

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Bonne lecture !

Titre : Environnement toxique

Autrice : Kate Beaton

Éditions : Casterman

© 2023

ISBN : 978-2-203-24223-4

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Romans

Von Westmount

Couverture du livre "Von Westmount" par Jules Clara
Couverture du livre « Von Westmount » par Jules Clara

Avec tout ce qui se publie aujourd’hui dans une année, on doit forcément prendre des risques ici et là. Au Salon du livre de Québec 2023, j’ai tenté ma chance avec deux ou trois bouquins dont je n’avais pas entendu parler. Celui qui m’a surpris le plus était un petit roman du nom de Von Westmount.

Le design de la couverture attirait l’attention. En voyant la maison cossue et le terme Westmount, je me doutais bien qu’un détour dans l’ouest de Montréal s’imposerait. Pour les personnes n’habitant pas le Québec, on connaît Westmount en tant qu’un secteur plus aisé financièrement et où la majorité des habitants utilisent la langue anglaise comme moyen de communication, dans un Québec majoritairement francophone.

Pendant l’année où l’on suit Aline, l’héroïne de Jules Clara, elle abat péniblement des petits boulots et mène sa vie tant bien que mal jusqu’à ce que le hasard lui permette de tenter sa chance avec un nouvel emploi.

Elle se retrouve éventuellement dans le milieu anglophone de l’ouest de Montréal et, à travers elle, nous témoignons du mode de vie et des conversations se déroulant dans une résidence privée de la ville de Westmount.  Est-ce que l’héroïne une fois installée dans cette résidence cossue saura s’adapter rapidement à ses nouvelles fonctions et faire les choix conformes à ses intérêts et ses valeurs? Comment évoluera sa vision de Montréal au sens propre et figuré?

J’ai adoré ce petit livre jusqu’à la fin. Il convient de noter que certaines personnes ont eu de la difficulté à comprendre la conclusion, une conclusion qui me semblait certainement un choix logique à inclure dans une histoire de ce genre.

Des gens ont aussi contesté l’utilisation de la langue anglaise pour quelques sections du roman.  En ce qui me concerne, je crois que cette langue avait tout à fait sa place et jouait un rôle important dans le déroulement du récit. Mais il faut bien connaître l’anglais et non en balbutier quelques mots.

Bref, vous passerez un très bon moment avec Von Westmount si vous appréciez un livre bilingue et que vous vous intéressez à la dynamique spéciale entre l’ouest et l’est de Montréal.

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Titre: Von Westmount

Autrice : Jules Clara

Éditions : La Mèche

© 2022

ISBN : 9 782 897 071 769

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Photos du Canada Photos du Québec

Personnages de jeu vidéo dans le Vieux-Québec.

Souffle de nouveauté dans le Vieux-Québec
Souffle de nouveauté dans le Vieux-Québec

Lors d’une session de photographie dans le Vieux-Québec, à la Place d’Youville, j’ai rencontré ce groupe de jeunes habillés selon les personnages d’un jeu vidéo qu’ils affectionnent. Je trouve cela tout-à-fait charmant et divertissant. Il faut savoir sortir des sentiers battus et ne pas avoir peur d’exprimer ce qui nous anime le plus.

Je les ai vus quelques heures plus tard à la hauteur de la Terrasse Dufferin alors que des touristes insistaient pour se faire photographier en leur présence.

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Environnement Tragédie en mer

À la poursuite du Thunder.

Récit d'investigation "À la poursuite du Thunder".
Récit d’investigation « À la poursuite du Thunder ».

Ce livre plaira à coup sûr aux amateurs d’histoires vécues. « À la poursuite du Thunder – l’histoire de la plus longue traque navale de tous les temps » nous accroche rapidement surtout du fait qu’il s’agit d’une première dans l’histoire maritime. Les auteurs de ce récit d’investigation, deux journalistes expérimentés du nom de Eskil Engdal et Kjetil Saeter, prennent de nombreux risques pour obtenir des informations cruciales permettant de mieux saisir l’ampleur du vol des ressources halieutiques en Antarctique.

Cette pêche illégale est une affaire de gros sous où la mafia, surtout espagnole, n’hésite pas à ordonner que l’on coupe les filets de pêche ou que l’on coule tout simplement un chalutier pour empêcher l’obtention de preuves. Cliquez sur le lien pour un vidéo de cet accident maritime.

La poursuite a lieu dans des eaux inhospitalières et s’étale sur plusieurs mois et sur plus de 15,000 kilomètres alors que l’on suit en parallèle l’histoire de plusieurs membres de l’équipe de poursuite autant que celle des pêcheurs illégaux.

On y discute de dilapidation des ressources, de la législation laxiste concernant la pêche illégale en eaux internationales, des méthodes que les criminels utilisent pour faire disparaître l’immatriculation des bateaux dans les registres, du manque de courage politique au niveau international, de l’omerta qui règne dans les villages d’où partent les pêcheurs illégaux, du blanchiment d’argent et d’esclavage moderne.

Le capitaine du Thunder fait tout en son pouvoir pour échapper aux poursuivants. Cette fuite le mène à emprunter des passages très risqués à travers les glaces dans l’espoir que le navire de poursuite n’osera pas s’y aventurer. Il dirige aussi à l’occasion son bateau vers des zones où la force des vagues risque de détruire le navire de poursuite. Le capitaine Peter Hammerstedt du navire de poursuite Bob Barker ne recule devant aucun des obstacles posés sur son chemin au cours des mois où dure la poursuite. Il fait preuve d’une détermination qui exaspère au plus haut point l’équipage du Thunder.

Le polar écologique Chasing the Thunder a été projeté en 2019 lors de la conférence mondiale sur la biodiversité.

En mars 2023, plus de cent pays ont signé un traité sur la diversité en haute mer, après quinze ans d’efforts. Greenpeace a salué le traité, mais exige que cela se traduise en action…

La lecture de ce seul livre permet au lecteur de s’éveiller à de nombreux aspects jusqu’alors très peu médiatisés de la pêche illégale en haute mer, le tout dans un contexte d’une traque unique dans l’histoire de la navigation maritime.

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Titre : À la poursuite du Thunder

Auteurs : Eskil Engdal et Kjetil Saeter

© Actes Sud, 2021 pour la traduction française

ISBN : 978-2-330-14724-2

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Romans

« Papa » par Régis Jauffret

Le roman "Papa" de Régis Jauffret.
Le roman « Papa » de Régis Jauffret.

Autant Sorj Chalandon, dans son roman « Enfant de salaud », que Régis Jauffret dans « Papa » tentent de saisir la personnalité énigmatique de leur père. Celui de Sorj Chalandon aurait été résistant et traître à la fois, alors que le père de Régis Jauffret aurait été filmé en sortant d’une séance d’interrogatoire de la Gestapo, la terreur sur le visage. Où se situe la vérité ? Qui sont vraiment ces pères ?

Dans un texte précédent, j’ai présenté le livre « Enfant de salaud ». Au tour maintenant du roman « Papa » de Régis Jauffret.

Comme on peut s’y attendre avec Régis Jauffret, le style d’écriture diffère radicalement. L’auteur est lauréat du prix Goncourt de la nouvelle (2018) pour son roman « Microfictions 2018 ». Son sens de la synthèse, de l’humour noir et même du cynisme fait de ce retour dans le passé du père une aventure littéraire autant qu’historique. Le lecteur comprend rapidement que l’auteur se fait plaisir en présentant ses découvertes. Il ajoute même un peu de fiction au besoin.

Fidèle à mon habitude quand il s’agit de Régis Jauffret, je présenterai son livre à travers des citations choisies. En effet, l’intérêt du livre réside autant dans le contenu que dans la façon dont Régis s’exprime pour éclairer son propos. Voici donc quelques citations susceptibles de donner le ton du bouquin :

« Elle me raccompagne ravie, limite hilare, en me donnant de légères tapes dans le dos ».

« — J’ai communié.

Quelqu’un m’a fait remarquer en sortant que je n’étais pas croyant.

   — Justement, une hostie ou des chips.

      J’ai souri mais après ce blasphème je n’en menais pas large. Quand on a été éduqué religieusement on conserve toujours dans un repli de son cerveau la terreur de Dieu ».  

« Il venait d’avoir un AVC qui loin de le handicaper semblait l’avoir ragaillardi ».

« Elle me raconta que l’humidité avait fait sauter le bois de placage [du cercueil]. Ne restait plus qu’une caisse de planches noircies. Je n’étais pas d’humeur assez badine pour appeler la dame des pompes funèbres afin de faire jouer la garantie éternelle dont jouit sans doute ce genre de produits métaphysiques ».

« Un de ces souvenirs de bonheur qui vous donnent raison de n’être jamais entré chez un armurier pour acheter de quoi vous tirer une balle dans la tête ».

« […] Alfred avait pour consigne de serrer les dents pendant le coït sans émettre un soupir tandis qu’elle demeurerait aussi stoïque que lorsque sans anesthésie le dentiste taquinait une de ses molaires du bout de sa fraise ».

 « Par l’entremise du vaste pavillon en cuivre d’un gramophone perché sur un piédestal dont on avait volé la statue, Édith Piaf gueulait “J’ai dansé avec l’amour” tandis que du sous-sol montaient les cris des martyrs ».

« Écrire sur soi-même est une forme d’incontinence ».

« On est condescendant avec les sourds sans statut ni talent mais on préfère les fréquenter parcimonieusement. Quand on ne les a pas aperçus assez tôt pour s’être planqué derrière un engin de chantier ou un homme volumineux, on les salue de loin en filant ».

« Si je n’avais pas vu ces images, tu serais resté dans les égouts de ma mémoire ».

« Si je dure aussi longtemps que Madeleine, je serai un centenaire qui ruminera inopinément son père dans son cerveau desséché comme un raisin de Corinthe tandis qu’un aide-soignant bâti comme un colosse balancera jambes en l’air mon corps décharné pour changer ma couche ».

« Minable descendante de protozoaires devenus difficultueusement êtres multicellulaires pourvus d’encéphale, l’humanité n’a aucun motif de pavoiser ».

« C’est héroïque en temps de guerre d’assumer le rôle de bourreau quitte à se tromper parfois puisque dans les situations extrêmes le doute ne profite jamais à l’accusé ».

« Il discourait du matin au soir. La moindre personne connue de lui rencontrée dans la rue se voyait douchée de langage comme un imprudent sur une jetée un jour de tempête par une déferlante. À son bureau, tout le monde en était trempé. Si bien qu’on le fuyait mais il parvenait toujours à trouver quelqu’un qui par gentillesse se laissait inonder ».

« Je ne l’ai jamais entendu non plus parler de sa journée. Il avait fait beau, il avait neigé, il avait plu, un chamois avait traversé la piste en queue-de-pie, un homme touché par l’orage s’était enflammé, une dame était tombée dans une crevasse en chantant une cantate de Jean-Sébastien Bach ».

« Pendant ce temps, Jean-Jacques et Honoré entreprirent les sœurs rouges comme de la viande bleue de se retrouver en présence de deux garçons dont les pantalons à la mode du temps moulaient l’appareil génital dont elles redoutaient par avance la piqûre ».

Bonne lecture !

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Titre : Papa

Auteur : Régis Jauffret

Éditions : Roman/Seuil, 2020.

ISBN : 978-2-02-145035-4