L’étape 10 de ce tour du monde en simulation de vol s’effectue entre la Pologne et l’Allemagne. Deux appareils très différents serviront à compléter le trajet durant cette journée de voyage en vol VFR : un vieux Junkers Ju 52/3m et un hélicoptère d’affaires moderne, le H160 d’Airbus.
Le départ s’opère à partir de l’aéroport de Lublin (EPLB) en Pologne. Le Junkers Ju 52/3m décolle sur une courte distance et sans problème. Le gros trimoteur à roue de queue est aussi prévisible que le Cessna C-170B que j’avais utilisé dans la vraie vie pour traverser le Canada en 1981. On aperçoit ci-dessus les champs cultivés de la Pologne.
La matinée s’annonce très belle quant à la météo. La première étape du trajet permet le survol du château de Moritzburg (Schloss Moritzburg), au nord-ouest de Dresde. Sa construction date de 1542 et était originalement le pavillon de chasse du duc de Saxe.
Sur le trajet en direction Halle se trouve un grand parc d’éoliennes. L’Allemagne comme l’Europe développe son énergie verte rapidement. L’attitude récente de la Russie face à l’approvisionnement en gaz naturel de l’Europe a drastiquement changé la planification énergétique des pays avoisinants.
Ci-dessus, au centre de la photo, se trouve une vue partielle du Musée national de la préhistoire de Halle (Landesmuseum für Vorgeschichte Halle) qui se situe non loin de Leipzig. Il s’agit d’un des principaux musées archéologiques d’Europe centrale.
Avant d’atteindre l’aéroport de Calden pour changer d’appareil, nous contemplons le monument Kyffhaüser (Kyffhaüser Denkmal). Une fois à Calden, nous sauterons dans un hélicoptère moderne construit par Airbus, le H160, pour nous diriger vers Göttingen, plus précisément au-dessus de la rue Münchhausenstrasse.
Nous avons obtenu la permission de survoler cette artère à très basse altitude, le temps de saluer une vieille connaissance. Cette autorisation douteuse va probablement causer la perte de son poste au ministre des Transports de l’Allemagne.
Un survol de cette rue de Göttingen est nécessaire pour vérifier l’ampleur de la circulation.
La descente se fait graduellement entre les bâtiments. Nous effectuons un vol stationnaire juste au-dessus des voitures. Les piétons semblent nous saluer, mais il se peut que nous interprétions le geste de façon erronée.
Notre ami est à la fenêtre et prend le temps de cesser sa lecture d’une excellente bande dessinée pour nous envoyer la main. Nous poursuivons ensuite notre route jusqu’à l’aéroport de Padderborn Lippstadt (EDLP), la destination pour aujourd’hui.
Il y a tout de même passablement d’activité à l’aéroport. Tout de suite après l’atterrissage, nous commencerons la planification de l’étape 11 de ce voyage autour du monde en simulation de vol et météo réelle.
La simulation de vol avec Microsoft Flight Simulator permet de survoler la planète comme jamais à partir de chez soi. Étant donné qu’à chaque instant à travers le monde les aéroports transmettent des observations météorologiques, on peut importer ces données dans le simulateur et progresser virtuellement dans les conditions météo réelles rapportées autour du globe.
Ces données améliorent la sensation de réalité pour le pilote virtuel, mais compliquent du même coup la tâche de ce dernier, car il doit tenir compte de la présence d’orages et de givrage, des vents en surface et en altitude, des changements de couvert nuageux, de visibilité, de pression, etc.
Le pilote virtuel d’aujourd’hui, s’il possède un aéronef virtuel de grande qualité, doit également prévoir que des pannes de tous genres puissent affecter le vol. Le ou les moteurs peuvent tomber en panne, un problème structurel peut affecter les commandes de l’avion, les équipements de navigation peuvent cesser de fonctionner. Une bonne planification devient nécessaire, comme dans la vraie vie. Et comme le cerveau ne fait pas trop de différence entre le réel et le virtuel, le plaisir est au rendez-vous.
J’ai donc décidé de faire le tour du monde en millionnaire et à mon rythme, c’est-à-dire que j’utilise les types d’avions qui me tentent et je vole sur les trajets qui présentent un intérêt particulier. Le tout se fera en météo réelle, avec les joies et les obstacles qu’elle présente. Je publierai à l’occasion un de ces trajets sur mon blogue.
Le trajet initial s’effectue avec un départ de l’aéroport de Jean-Lesage de Québec (CYQB) passe par Goose Bay (CYYR), dans la province de Terre-Neuve et Labrador au Canada, monte ensuite vers Kuujjuaq et se termine à Iqaluit (CYFB).
Le vol virtuel 2 présentera quelques photos de la traversée de l’Atlantique en passant par le Groënland via Kangerlussuaq (BGSF) et l’Islande via Isafjordur (BIIS).
L’aéroport de Isafjordur est considéré extrême pour son approche exigeante. Je ne sais pas si le Cessna Citation Longitude pourra y atterrir en un morceau, mais je compte bien essayer.
Vol virtuel 1
Ci-dessus, le soleil couchant éclaire les nuages et le Cessna Citation Longitude au décollage de Québec vers Goose Bay. À haute altitude, le pilote règle l’altimètre sur la pression atmosphérique standard, soit 29,92 pouces de mercure. Étant donné que tous les autres pilotes font de même, on s’assure d’une séparation sécuritaire entre les appareils.
Le lendemain, l’avion approche de Kuujjuaq (CYVP) au Nunavik. L’altimètre a été réglé à la pression atmosphérique de l’aéroport pour refléter une bonne hauteur des pistes d’atterrissage par rapport à l’avion. Près de l’aéroport, on débranche le pilote automatique et l’approche se fait manuellement et à vue. La vitesse désirée se situe autour de 135 nœuds pour la finale.
Ci-dessus, le jet décolle de Kuujjuaq en direction d’Iqaluit (CYFB) sur l’île de Baffin au Nunavut.
Le soleil couchant éclaire les hublots de l’appareil. Nous approchons Iqaluit. La descente se fait graduellement pour ne pas susciter d’inconfort aux passagers virtuels…
Ci-dessus, l’aéronef se trouve en finale pour la piste 34 d’Iqaluit (CYFB).
La première étape de vol virtuel autour du monde se termine à Iqaluit, cet aéroport où j’ai travaillé pendant deux ans et demi à titre de spécialiste en information de vol (FSS) dans la tour jaune visible à gauche sur la photo.
Ci-dessus, une photo de l’intérieur de la station d’information de vol à l’époque. Un FSS travaillait sur les arrivées et départs à l’aéroport alors que l’autre s’occupait des vols transatlantiques entre l’Europe et principalement l’ouest des États-Unis.
Il aura fallu le simulateur de vol de Microsoft (MSFS 2020) pour que je découvre cette piste d’atterrissage sur Grosse-Île. Même le Supplément de vol du Canada (CFS–Canada Flight Supplement) de Nav Canada n’en parle pas.
Il y a plusieurs décennies, les autorités canadiennes utilisaient cette île située au milieu du fleuve St-Laurent comme lieu de quarantaine pour les immigrants arrivant au Canada. De nombreux Irlandais, entre autres, ont fait un arrêt obligé sur cette bande de terre avant d’obtenir l’autorisation de poursuivre leur périple au Canada.
Il fut un temps où une section de l’île était réservée aux chercheurs canadiens et américains pour leurs recherches très secrètes sur l’Anthrax. Le plus étonnant quand on lit l’article est de réaliser que toute la production de cette arme bactériologique (439 litres) a été mélangée avec du formaldéhyde et mise dans des barils jetés quelque part dans le fleuve St-Laurent quand on décida qu’elle ne serait plus utile, la Seconde Guerre mondiale ayant pris un tournant en faveur des Alliés. Il me semble que le formaldéhyde n’empêche par des barils de rouiller, mais bon… revenons à notre propos.
Où se situe Grosse-Île ? Dans la province de Québec, un peu à l’est de la ville de Québec. C’est l’une des nombreuses îles que l’on survole une fois l’Île d’Orléans derrière soi. Ci-dessous, une capture d’écran de Google Maps.
L’image satellitaire ci-dessous montre bien qu’il ne s’agit pas d’une invention. Microsoft désigne cette piste comme étant CYMN Montmagny : une erreur avec laquelle on peut facilement vivre, puisqu’en donnant un code officiel à cette piste de Grosse-Île, le pilote peut l’utiliser comme un point de navigation dans son GPS.
Utilisons donc un petit Cessna aux couleurs de la Coast Guard américaine pour effectuer un vol virtuel entre l’aéroport de Québec (CYQB) et Grosse-Île (CYMN). Il faisait un peu frisquet en cette journée de février à Québec, j’ai donc décidé de nous transporter en juillet pour ce vol, en y ajoutant au passage quelques nuages cumuliformes.
Ce vol de courte durée nous permettra de survoler l’île d’Orléans, l’île Madame (propriété de Laurent Beaudoin, ancien actionnaire principal de Bombardier), l’île au Ruau (achetée en 2019 par le richissime propriétaire de l’empire Gildan) pour enfin arriver à Grosse-Île.
La photo ci-dessous montre l’appareil établi en base droite pour la piste de Grosse-Île. Je ne connais pas les dimensions officielles de cette piste d’atterrissage en terre, mais elle ne cause aucun problème pour recevoir un avion de type Cessna tel que le nôtre.
Ci-dessous, l’aéronef est établi en finale pour la piste.
Une dernière capture d’écran montre le Cessna roulant sur la piste après l’atterrissage. Comme vous pouvez le constater, la piste peut accueillir des avions plus imposants. Si vous désirez effectuer un vol-voyage réel vers cette île, informez-vous auparavant pour connaître la condition de la piste d’atterrissage et les restrictions entourant son usage par des pilotes de passage.
Cliquez sur le lien pour d’autres expériences de simulation de vol sur mon blogue.
Un DHC-3 de la compagnie Air Saguenay a réussi à faire le voyage entre le Québec et Kokoda en Papouasie Nouvelle-Guinée. Il travaillera dans le secteur, sur les différentes pistes en montagne, durant plusieurs mois.
Aujourd’hui, le Otter se dirige vers Launumu, une piste en montagne dont l’élévation est de 5082 pieds asl et qui a une longueur de 1200 pieds.
Il faut surveiller les oiseaux pour éviter les collisions en vol.
Une bonne façon d’atteindre Launumu est de suivre le sentier de Kokoda.
Si le mélange air/essence n’est pas bien ajusté, l’aéronef perdra de la puissance en tentant de franchir certaines montagnes dont le sommet culmine autour de 7500 pieds.
Tout pilote atterrissant ou quittant Launumu doit composer avec une haute altitude densité. Ce n’est pas seulement dû à l’élévation de la piste, mais aussi à la présence d’air chaud et humide dans la région. En conséquence, une vitesse un peu plus élevée sera nécessaire au moment de l’arrivée et du départ. La piste de Launumu est en vue.
Lorsqu’un pilote atterri en direction sud-ouest sur la piste de Launumu, en provenance de Kokoda, il doit plonger dans la vallée pour perdre de l’altitude. Cela aura pour conséquence d’accroître la vitesse de l’appareil.
Si la vitesse n’est pas promptement corrigée, l’approche pour la piste de Launumu se fera à une vitesse trop élevée. Toute vitesse en haut de 60 nœuds forcera le pilote à effectuer une approche manquée (à moins que vous soyez prêt à mourir virtuellement quelques fois en tentant de forcer l’approche).
Donc, une fois les plus hautes montagnes franchies, une bonne façon de perdre de l’altitude sans gagner de vitesse est d’utiliser les volets et de faire un virage serré de 360 degrés tout en descendant. De cette façon, le pilote terminera le virage en ligne avec la piste et à la vitesse désirée, qui se situe autour de 50 nœuds.
Le Otter plane longuement grâce à ses immenses ailes.
En finale pour la piste de Launumu, le pilote devra composer avec quelques arbustes en finale. Il n’est pas inhabituel pour un Otter ou un Beaver de compléter une approche difficile avec quelques plantes vertes enroulées autour du train d’atterrissage.
Launumu offre une surprise aux nouveaux arrivants. Si le pilote atterri en direction sud-ouest, comme cela est fait ici, et qu’il n’immobilise pas l’avion en-dedans d’approximativement 600 pieds, l’aéronef recommence à accélérer à cause de la pente prononcée dans la deuxième partie de la piste. Cette pente mène à une falaise. En cas d’approche manquée, le pilote peut utiliser la pente descendante pour plonger dans la vallée en fin de piste et ainsi accroître la vitesse de l’appareil et débuter une nouvelle approche.
Maintenant que le travail difficile est fait, il suffit d’attendre les passagers et la cargaison et de planifier le prochain vol!
La scène virtuelle a été conçue par Ken Hall et Tim Harris.
Les paysages et les nuages virtuels ont nécessité les programmes virtuels tels que REX, REX Texture Direct, Cumulus X, FTX Global, FTX Global Vector et Pilot’s FS Global 2010.
Il s’agit d’un petit livre simple et charmant relatant les péripéties du pilote Fred Max Roberts Jr lorsqu’il volait avec ses différents appareils dans la région de Bismarck, dans le Dakota du Nord, entre les années 1929 et 1937. Le livre a été écrit par son fils, Fred Marke Roberts, de façon à ce que les évènements racontés par son père ne soient pas effacés de la mémoire collective. Étant donné que le livre est publié en anglais seulement, vous trouverez ici un bref aperçu de la façon dont les choses se passaient à l’époque.
Une façon simple et originale de faire le plein
Quand venait le temps de faire le plein, les pilotes atterrissaient régulièrement sur les terres des fermiers. Ils savaient que quelqu’un avait observé l’atterrissage et, très souvent, un véhicule arrivait avec de l’essence sans même qu’un arrangement préalable ait été pris. Il fallait cependant que le pilote ait pris soin de se poser près d’une route. Il arrivait même que, pour faciliter la tâche du préposé, le pilote se pose sur la route elle-même, hors de la ville.
Cette habitude ne semblait pas avoir changé cinquante ans plus tard, lorsque j’ai effectué un vol voyage de 2650 kms avec un Cessna 170B entre St-Jean-sur-Richelieu, Québec, vers Edmonton, Alberta. Durant le voyage, j’ai dû atterrir dans un champ non loin de Lundar au Manitoba, une province canadienne dont la frontière au sud est définie par le Dakota du Nord et le Minnesota.
Quelques minutes après mon arrivée, un pick-up transportant de l’essence est venu à ma rencontre sans que j’aie téléphoné à qui que ce soit. Dans mon cas, il s’agissait d’un atterrissage de précaution, car les jauges à essence du vieil appareil avaient commencé à donner de fausses indications. Étant donné que le carburant était à portée de main, les réservoirs furent remplis avant le prochain décollage.
Tuer des coyotes contre des primes
Des coyotes s’attaquaient souvent au bétail des fermiers. Lorsque la situation devenait intenable, les fermiers téléphonaient à Fred Max. Celui-ci décollait avec son Curtiss Junior Pusher, accompagné d’un tireur expérimenté, et ils repéraient et abattaient les coyotes. L’hiver était la saison propice pour la chasse du haut des airs, car la fourrure foncée des coyotes contrastait avec la blancheur de la neige.
Les fermiers, sur leurs chevaux, suivaient les manœuvres de l’appareil pour repérer les endroits où les coyotes étaient abattus. Ils les ramenaient à leur ferme, et l’aéronef atterrissait plus tard près de cette ferme pour prendre possession des coyotes morts afin de récolter les primes offertes par le comté pour chaque coyote abattu.
L’hospitalité des fermiers du Mid-ouest-américain
Lorsqu’un pilote atterrissait dans un champ de fermier lors d’un long vol voyage, il arrivait fréquemment qu’il se fasse offrir un repas avec la famille. Si la noirceur empêchait le pilote de continuer sa route, on lui donnait même la possibilité de passer la nuit. Le lendemain matin, après avoir déjeuné et en guise de remerciement, le pilote offrait un petit vol de courtoisie au fermier.
Une façon efficace d’amortir les coûts associés à un long vol voyage
Une façon de défrayer les coûts associés à un vol voyage était d’offrir de petites randonnées en avion aux curieux venant à la rencontre de l’aéronef à son arrivée à destination. Le pilote atterrissait, attendait un peu, et savait que bientôt, quelques personnes viendraient à sa rencontre pour demander une envolée.
Le pilote Fred Max Roberts Jr accroché sous l’aile de son monoplan
Une préoccupation majeure pour tout pilote atterrissant dans un champ était de pouvoir approcher son appareil le plus tôt possible près d’une clôture afin de l’attacher pour le protéger contre les vents souvent très puissants soufflant dans les Plaines de l’Ouest.
Mais il arrivait parfois que même les attaches cèdent sous la force du vent. Le pilote raconte que, immobilisé au milieu d’un champ et voyant une tempête arriver, il s’était accroché sous l’aile de son monoplan pour ajouter un peu de poids à la structure. Mais cela n’avait pas suffi. Une forte rafale avait soulevé l’appareil, brisant les deux attaches et emmenant le pilote et l’avion dans les airs, à une hauteur d’environ dix pieds. De peur que l’avion ne continue de monter, le pilote avait lâché prise. L’avion était demeuré en vol en palier, tout en continuant de reculer jusqu’à ce qu’il fasse finalement un tonneau et s’écrase.
Pilote et passagers sont surpris en vol par une tornade
Les manuels de pilotage et de météorologie enseignent à tous les pilotes d’éviter les orages à cause, entre autres, de la force inouïe des courants ascendants et descendants que l’on peut y retrouver. Le pilote Fred Max Roberts Jr a non seulement dû affronter un orage, mais il a survécu à une tornade alors qu’il était en vol. Son histoire a fait la manchette de plusieurs quotidiens de l’époque, des articles qui sont d’ailleurs reproduits dans le livre.
Comme le pilote le signale, les prévisions météorologiques et l’accès immédiat aux observations météorologiques n’étaient pas ce qu’ils sont aujourd’hui. Lors d’un vol avec passagers dans son biplan WACO 90, le ciel est rapidement devenu sombre et la météo s’est détériorée très rapidement. Le pilote rapporte avoir fait son possible pour voler entre les deux masses de nuages principales. Il avait peine à voir ses instruments à cause du manque de lumière, même si le vol était effectué en plein jour. Il luttait pour ne pas être désorienté.
Soudainement, l’avion a commencé à prendre rapidement de l’altitude par lui-même. Le pilote a poussé sur le manche pour mettre l’avion en piqué et a ouvert les gaz. L’avion montait toujours, la queue en premier. Puis l’ascension s’est soudainement arrêtée et la chute a commencé. Il a alors tiré sur le manche pour mettre l’avion en palier, mais la descente effrénée s’est poursuivie. Il a ouvert les gaz de nouveau et tiré progressivement pour faire monter l’avion, mais la descente a continué jusqu’à ce que l’avion se retrouve à cinq cents pieds du sol.
Éventuellement, le Waco est sorti de la tempête et a atterri à White Rock. Le pilote de cet appareil à cockpit ouvert a alors réalisé que ses passagers ne s’étaient pas attachés au moment du décollage et que durant le vol dans la tornade, ils s’agrippaient à une section du cockpit avant.
Telles sont quelques-unes des histoires que l’on retrouve dans « Tales of a Dakota Pilot », un livre sans prétention, mais qui est susceptible de surprendre bien des pilotes plus jeunes, tant l’expérience vécue dans le passé diffère de ce que l’on pourrait même commencer à imaginer lorsque l’on intègre le monde du pilotage aujourd’hui.
(Histoire précédente: des cellules orageuses imprévues)
Je me retrouvai donc aux commandes d’un Cessna 170B (roue de queue) sur un vol à travers le Canada, de St-Jean-sur-Richelieu, Québec vers Edmonton, Alberta. Je pilotais l’appareil en compagnie du propriétaire qui, lui, n’avait pas encore terminé son cours de pilote privé. L’avion volait bien, mais datait de 1952 et ne possédait absolument aucun instrument de navigation aérienne, pas même un VOR ou un ADF. Et l’ère du GPS portatif n’était pas encore arrivée.
Quatorze cartes VFR 1:500, 000 couvrant le vol prévu furent pliées, collées et numérotées. Je traçai les trajectoires prévues sur chaque carte, avec des points de repère séparés de 10 miles entre eux. Cela faciliterait le suivi de notre progression, faute d’équipement de navigation. La préparation effectuée, le décollage se fit par une belle journée d’été de 1981.
Il y eut des escales à Gatineau, North Bay, Sudbury et Wawa.
Par la suite, le tour du lac Supérieur fut effectué et les prochains points d’étape se succédèrent, via Thunder Bay et Fort Frances. Au-dessus des grandes étendues boisées, sans aucun repère important, il fallait corriger la précession gyroscopique fréquemment de façon à ne pas trop s’éloigner de la trajectoire prévue. Parfois, lorsque cela facilitait la navigation, nous suivions une voie ferrée, et à d’autres moments des routes principales. Par endroit, les vents soufflaient tellement fort de l’ouest que notre déplacement par rapport au sol était plus lent que celui des voitures.
La trajectoire suivie nous tenait volontairement à l’écart des zones de trafic aérien important. Nous avions choisi de voler au nord de la région de contrôle terminale de Winnipeg, évitant ainsi d’avoir à trop échanger avec le contrôle aérien dans un anglais incertain au moyen d’une radio encore moins performante.
Cette option nous amena à devoir traverser le lac Winnipeg, dans sa portion sud. Nous avions l’altitude requise pour être à distance de vol plané du littoral, en cas de panne moteur. Cependant, la masse d’air froid au-dessus du lac nous faisait perdre graduellement plusieurs milliers de pieds, et ce, même si nous utilisions la puissance maximale. La descente non désirée se termina finalement, mais il fallait maintenant que le moteur tienne bon, sinon nous ne pourrions plus éviter un amerrissage…
Près de Lundar au Manitoba, les vieux cadrans de l’appareil indiquèrent une perte importante de carburant. Le plein avait pourtant été effectué récemment. Par mesure de sécurité, il fallait poser l’avion sur la piste la plus proche, mais les vents de côté excédaient fortement les capacités de l’appareil. Une tentative fut tout de même effectuée avec pour résultat que seule la roue gauche accepta le contact avec le bitume. Dès que la roue droite entrait également en contact avec la piste, l’avion se remettait à voler.
Un champ tout près fut donc choisi pour effectuer un atterrissage de précaution, histoire de vérifier l’état du carburant. Un survol à basse altitude fut effectué au-dessus des vaches et fils électriques, et l’avion se posa sans problème à une vitesse sol n’excédant pas 15 nœuds. Dans son pick-up rouge, un fermier vint nous rejoindre afin d’offrir son aide. Après avoir vérifié que les réservoirs étaient pratiquement pleins et n’avaient besoin que de quelques litres d’essence, il était temps de continuer le voyage. Les aiguilles des jauges à essence ne seraient plus désormais d’aucune utilité…
Dauphin fut survolé et peu de temps après nous disions au revoir au Manitoba. Bienvenue en Saskatchewan! Si nous devions connaître une panne de moteur au-dessus de terrains aussi uniformes, les risques de problèmes à l’atterrissage seraient pratiquement inexistants.
La météo se dégrada lentement. Nous devions désormais nous poser à Watson, en Saskatchewan, sur la piste la plus proche.
La surface d’atterrissage était constituée de terre boueuse et de gazon, le tout délimité par des petits panneaux de bois peint en rouge. Dès le touché des roues, la boue sur les pneus éclaboussa l’appareil et vint se coller sous les ailes.
Finalement, le temps s’améliora et il fut possible de redécoller en direction de North Battleford, la dernière escale avant Edmonton. Le terrain en pente nous contraignit à voler de plus en plus bas près d’Edmonton, sous un couvert de stratocumulus, limitant notre vision pour apercevoir à l’avance le bon aéroport parmi les trois disponibles (international, civil, militaire). Tout se passa bien quant au choix du bon aéroport et de l’approche, mais on ne peut en dire autant des communications radio. Le son qui sortait du vieux haut-parleur était pourri et l’anglais parlé par le contrôleur beaucoup trop rapide pour notre niveau de compréhension. La combinaison de ces deux facteurs obligea le contrôleur à répéter plus d’une fois ses instructions jusqu’à ce qu’il se décide finalement à ralentir le rythme et que nous puissions lui dire officiellement : « Roger! »
Après un court séjour à Edmonton vint le moment du vol de retour vers St-Jean. Celui-ci se fit beaucoup plus facilement et rapidement, car les vents de l’ouest poussaient l’appareil. La vitesse-sol était parfois le double de ce que nous avions réussi à obtenir lors de notre voyage vers Edmonton. Le trajet nous aura finalement pris vingt-cinq heures à l’aller et dix-huit au retour.
Au-dessus de North Bay, le temps est idéal. Mais nous devrons atterrir à Ottawa en attendant que des cellules orageuses s’éloignent de Montréal et de St-Jean-sur-Richelieu. Après un grand total de quarante-trois heures de vol, le vieux Cessna 170B était de nouveau posé à St-Jean-sur-Richelieu.
(Prochaine histoire: la licence d’instructeur de vol)
L’annotation de nuit fût complétée dans les semaines qui suivirent. Durant la période où j’accumulais des heures de vol de nuit, je profitai d’une froide soirée d’hiver sans nuages ni vent pour effectuer un vol voyage d’une heure dans les environs de St-Jean-sur-Richelieu. J’emmenais trois passagers dans un Grumman Cheetah vers la région des Cantons-de-l’Est pour un vol d’agrément. La tour de contrôle de St-Jean-sur-Richelieu était fermée, étant donné l’heure tardive du décollage.
Dans cette ville, l’entretien des pistes suivait un horaire irrégulier car les fonctionnaires de la municipalité s’occupaient de l’aéroport et de toutes les artères de la ville. Lors de mauvaise météo, il fallait attendre que des employés se présentent à l’aéroport pour dégager les pistes et les voies de circulation. Dans certains cas où tombait de la pluie verglaçante, suivie en quelques heures par un refroidissement important, l’indice de freinage se dégradait rapidement. Il fallait attendre au lendemain matin avant qu’une équipe tente de ramener les conditions de freinage sur les pistes à un niveau acceptable.
C’est ce que j’avais constaté alors que je circulais en direction du seuil de la piste 29. Le phare éclairait ce qui semblait être une belle glace plutôt qu’une surface asphaltée. L’indice de freinage datant de plusieurs heures, il valait mieux ne pas se fier à ces dernières données. Je pouvais toujours annuler le vol, car il n’y avait pas d’urgence. Il était également possible d’accélérer doucement et d’utiliser le palonnier sans à-coups. L’avion décollerait en quelques secondes.
Je choisis la deuxième option, les vents étant calmes. Le décollage se fit naturellement pour un avion qui ne demandait qu’à s’envoler dans cet air froid. Nous étions maintenant en mesure d’admirer les lumières des villes environnantes. Il n’y avait pas la moindre secousse pour indisposer les passagers durant ce vol de nuit.
Lorsque vint l’heure du retour et de l’atterrissage, il fallait de nouveau appliquer une méthode aussi douce que pour le décollage pour éviter un dérapage. Conscient que j’atterrissais sur une patinoire, mais qu’il n’y avait aucun déportement d’un côté ou de l’autre de la piste, je choisis d’arriver le plus lentement possible et de n’utiliser que le palonnier pour diriger l’aéronef, comme pour un atterrissage normal. Cependant, il ne serait pas question d’utiliser les freins, mais de laisser l’avion perdre graduellement de sa vitesse en roulant sur toute la longueur de la piste.
Les passagers se souviennent aujourd’hui de ce vol de nuit pour la beauté des lumières de la ville et pour un vol sans la moindre turbulence. Quant à moi, il s’agissait d’une expérience intéressante où j’eus davantage l’impression de manœuvrer une embarcation plutôt que d’atterrir un aéronef.
(Prochain article: La licence de pilote professionnel: un pneu crève à l’atterrissage)
Note: pour cette histoire vécue, étant donné que je n’avais pas de caméra à bord de l’aéronef lors du vol de 1980, j’ai reproduit l’expérience sur un simulateur, en utilisant un Piper Cherokee, faute de pouvoir mettre la main sur un Grumman Cheetah.
Peu après l’obtention de ma licence de pilote privé, en 1980, on m’avait demandé d’aller chercher un appareil stationné à Earlton (CYXR) en Ontario, soit trois cents milles marins au nord-ouest de St-Jean-sur-Richelieu, et de le ramener à St-Jean. Pour y aller, j’étais en compagnie d’un pilote d’expérience et nous avions donc quitté ensemble à bord d’un monomoteur de type Grumman Cheetah (AA-5A). Pour le retour, chacun pilotait un avion, et nous nous suivions. Mon compagnon ouvrait la voie avec son appareil car il avait avec lui toutes les cartes de navigation VFR nécessaires et s’occupait de la route à suivre jusqu’à St-Jean. Tout ce qu’il me demandait était de le suivre.
En chemin, nous avions dû contourner un front froid et cela avait retardé notre arrivée pour St-Jean. Dès le début du voyage, on m’avait assuré que nous arriverions avant la noirceur. Il me semblait maintenant que ce serait un peu juste.
Mon compagnon avait accéléré légèrement, de façon à battre la nuit de vitesse. Les minutes passaient et deux constats s’imposaient : premièrement, le coucher de soleil était magnifique. Deuxièmement, je n’avais pas mon annotation de vol de nuit. Ce coucher de soleil signifiait qu’il restait environ trente minutes avant la noirceur totale.
Je lui avais demandé, via la radio, s’il croyait toujours que nous atteindrions St-Jean dans les délais prévus. Il estimait désormais que nous serions à la limite.
Je m’étais informé de l’existence possible d’un bouton qui permettrait d’éclairer les instruments la nuit. Le bouton ayant été trouvé, les instruments avaient soudainement pris une couleur rosâtre. Il fallait maintenant connaître les instruments essentiels pour un vol de nuit. Il en avait nommé quelques-uns.
Les minutes passant, la pénombre s’était installée. Il nous serait désormais impossible de battre la nuit de vitesse, car nous n’avions pas encore traversé la zone de contrôle de l’aéroport international Pierre-Elliott Trudeau de Montréal.
En approchant de Montréal, je tentais de communiquer avec mon compagnon, mais il ne répondait plus.Le seul repère de navigation disponible dans cette nuit naissante était le petit phare rotatif rouge situé sur la queue de son appareil. Étrangement, son intensité s’affaiblissait graduellement. Mon compagnon s’éloignait, son appareil étant plus rapide que le mien.
J’avais augmenté la puissance et appauvri le mélange pour gagner quelques nœuds, tout en me concentrant sur le petit point rouge qui pourrait me diriger vers St-Jean-sur-Richelieu. Je n’étais pas trop content de ma performance. J’aurais dû insisté dès le début pour avoir une copie des documents de navigation. Mais le vol paraissait si simple. Leçon apprise.
Nous passions maintenant à travers la zone de contrôle de l’aéroport international de Montréal. Dans la nuit, les lumières stroboscopiques des gros appareils étaient visibles, sur les approches à l’atterrissage ou lors des décollages. En abusant un peu du moteur, j’avais peu à peu diminué la distance me séparant de mon compagnon. Je ne faisais que le suivre dans le plus grand silence, faute de documents qui fourniraient les fréquences VHF locales à utiliser.
Le feu clignotant rouge qui me précédait au loin s’était soudainement mis à perdre de l’altitude dans la nuit. Nous devions approcher de St-Jean puisque la descente venait de commencer. Mon compagnon communiquait certainement avec la tour de contrôle pour annoncer ses intentions. Pourquoi ne pas en profiter pour lui demander des conseils sur la façon d’atterrir de nuit? La réponse avait été courte et hésitante, car il savait que les communications radio étaient enregistrées. Tout ce qu’il avait pu trouver à répondre était: « Je ne sais pas trop quelles informations te donner, prends ton temps. » Le contrôleur aérien avait entendu cela et s’était empressé de m’offrir la présence des services d’urgence, une offre que j’avais poliment décliner.
Un pilote d’hydravion en vol dans le secteur avait entendu la communication et dit au contrôleur : « Dites-lui d’allumer son phare d’atterrissage ». Je lui avais répondu que ce dernier était brûlé. Cela avait été constaté dès le décollage de St-Jean, mais ça ne devait pas poser de problème puisque nous devions voler de jour seulement.
La première étape en vue d’un atterrissage exige de se situer par rapport à l’aéroport et aux trois pistes. Quand on n’a jamais volé de nuit, le spectacle est différent et demande un ajustement. Une fois la piste en service (piste 11) reconnue, tout ce qu’il me restait donc à faire était d’imaginer que l’instructeur qui m’avait formé était assis à côté de moi. Il exigerait les bonnes positions dans le circuit, les bonnes hauteurs en fonction des différentes étapes, les bonnes vitesses et les degrés de volets appropriés pour finalement terminer avec un angle d’approche adéquat.
Tout ce que je savais du vol de nuit, à l’époque, se résumait à un seul aspect éminemment pratique : il y avait un boisé au début de la piste 11 et je ne voulais pas arriver trop bas et accrocher le sommet d’arbres invisibles dans la nuit. Toutefois, arriver trop haut au-dessus du seuil de piste signifierait que les roues toucheraient trop loin après le seuil et que la longueur de piste restante serait insuffisante pour immobiliser l’avion de la façon idéale, c’est-à-dire en un seul morceau.
En finale, bien que mon attention était entièrement réservée aux procédures, je sentais tout de même que le rythme de mes battements de cœur était plus rapide. En courte finale, tout s’était passé rapidement. L’avion avait survolé le boisé, la piste s’était rapprochée rapidement et les deux roues du train principal avaient touché la piste délicatement. Le freinage s’était fait immédiatement et tout était désormais terminé.
L’essentiel était réglé. J’avais par la suite demandé au contrôleur aérien de me guider sur les voies de circulation jusqu’à l’aéroclub. Il en avait finalement profité pour demander, un sourire dans la voix : « Est-ce que tu vas le suivre ton cours de vol de nuit?»!.
(Prochaine histoire: Atterrissage de nuit sur une patinoire).