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Renseignement

Les maîtres de l’air.

Il s’agit du livre qui a inspiré la nouvelle série de Tom Hanks et Steven Spielberg. « Les maîtres de l’air » est un livre de près de 700 pages dont le contenu est absolument fascinant. Très bien documenté, il raconte l’histoire des jeunes bombardiers américains qui ont fait partie de la 8e Air Force américaine ayant combattu l’Allemagne nazie. L’impact de l’arrivée de tous ces équipages et avions sur le sol britannique est décrit en détail…

Le lecteur constate combien d’équipages de bombardiers sont morts inutilement du fait que le commandement aérien croyait qu’une flotte de bombardiers B-17 pouvait effectuer des bombardements sans avoir besoin d’escorte pour assurer sa défense. On comprend mieux l’importance de l’arrivée des avions de chasse Mustang sur la sécurité des opérations.

Les stratégies d’attaque, de défense et les idées préconçues quant aux meilleurs types de bombardements y sont discutées en détail, très souvent en citant les acteurs de l’époque. Les choix des cibles, de même que les manquements importants dans le renseignement sont analysés.

J’ai cité quelques passages, au fur et à mesure de la lecture, pour vous donner une idée de l’intensité des propos :

Les maîtres de l'air page couverture
Les maîtres de l’air page couverture

« Les mitrailleurs de tourelle centrale, forcés d’y rester pendant des heures au-dessus du territoire ennemi, urinaient dans leurs vêtements; leur dos, leurs fesses et leurs cuisses gelaient « si violemment que les muscles se détachaient et mettaient les os à nu » » p.131

« Un agent du renseignement britannique a estimé que pour chaque aviateur abattu qu’on parvenait à évacuer [du territoire ennemi], un membre [des réseaux clandestins], français, belge ou néerlandais, était tué ou mourait sous la torture » p.141

« Alors que Rooney et quelques autres journalistes attendaient devant une tour de contrôle le retour d’une escadrille de bombardiers, la rumeur se répandit qu’un mitrailleur de tourelle ventrale était coincé dans sa bulle de plastique, sous l’appareil. « Le mécanisme, qui faisait tourner la bulle pour mettre le mitrailleur en position de tir ou le ramener à la position qui lui permettait de sortir et de remonter dans l’appareil, avait été touché et s’était bloqué. Le mitrailleur de tourelle ventrale était enfermé dans une cage en plastique. »

                Juste avant l’atterrissage, le système hydraulique de la Forteresse [B-17], criblé de balles, a mal fonctionné, empêchant le pilote de sortir le train d’atterrissage. La commande manuelle du train d’atterrissage avait été détruite. Il allait devoir atterrir sur le ventre. « Il y eut huit minutes de discussions déchirantes entre la tour de contrôle, le pilote et l’homme piégé dans la tourelle ventrale. Il savait ce qui touche le sol en premier lorsqu’il n’y a pas de roues. Nous avons tous regardé avec horreur ce qui arrivait. Nous avons vu cet homme mourir, écrasé entre le béton de la piste et le ventre du bombardier. » p.169

Les maîtres de l'air quatrième de couverture
Les maîtres de l’air quatrième de couverture

« Seuls trente-trois des 178 Liberator [B-24] qui avaient été envoyés à Ploesti revinrent et furent en état de voler le lendemain. » p.257

« Certains bombardiers atterrissaient avec deux ou trois cents trous dans leur carlingue, et des hommes en plus mauvais état que leur avion : des bras et genoux arrachés, des yeux sortis de leur orbite, des poitrines ouvertes si larges que les médecins aériens pouvaient voir les poumons des morts » p.418

« La première semaine de juillet, 434 000 juifs hongrois avaient été envoyés à Auschwitz et près de 90% d’entre eux avaient été assassinés. » p.424

« Le 1er janvier, tandis que les Américains se battaient toujours dans des conditions arctiques dans les Ardennes, la BBC annonça que l’Armée rouge, installée sur les rives de la Vistule, se préparait à avancer. Près de quatre millions d’hommes et dix mille tanks formaient un front qui s’étendait de la mer Baltique jusqu’aux Balkans. » p.532

« L’ordre insensé de Hitler de combattre jusqu’au bout allait faire s’abattre sur l’Allemagne un véritable déluge de destruction dans les derniers mois de la guerre. La décision du gouvernement japonais de continuer à se battre après la chute des Philippines début 1945 allait rendre la fin de la guerre encore plus terrible pour la population de ses villes de papier et de bois, très vulnérables aux incendies. » p.535

« Même si le [Messerschmitt Me 262] avait malgré tout réussi à faire durer la guerre jusqu’à la fin de l’été 1945, c’est l’Allemagne, et non le Japon, qui aurait probablement été la cible des premières bombes atomiques, armes développées au départ par des équipes scientifiques, où les juifs étaient majoritaires, pour frapper les nazis. « Si les Allemands n’avaient pas capitulé, j’aurais apporté la bombe par ici, déclara après la guerre l’ancien pilote de la 8e Air Force Paul Tibbets, le commandant d’Enola Gay. […] Mes instructions étaient de créer une force de bombardement d’élite, […] et il était entendu que, une fois entraînée, elle serait divisée en deux groupes : un envoyé en Europe, et l’autre dans le Pacifique. Le Japon n’était pas la cible prioritaire. Tous nos plans initiaux prévoyaient que nous larguerions les bombes presque simultanément sur l’Allemagne et le Japon ». » p.588

« Aucun débarquement n’aurait été possible en 1944 sans les souffrances et les sacrifices de l’Armée rouge et de la population russe sur le front de l’Est de l’Allemagne, où moururent plus de citoyens et de soldats que sur tous les autres fronts de la guerre réunis. » p.606

Bonne lecture.

Titre : Les maîtres de l’air : L’histoire des jeunes bombardiers qui risquèrent leur vie contre l’Allemagne nazie. ©2015 pour la traduction française

Titre original : Masters of the Air : America’s Bomber Boys Who Fought the Air War Against Nazi Germany. ©2006

Auteur : Donald L. Miller

Éditions : Michel Lafon

ISBN : 978-2-7499-2602-5

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Simulation de vol

Solution radicale aux vents de travers dans la simulation de vol

Il n’y a pas d’aéronefs dans le ciel aux environs de l’aéroport virtuel de Port Moresby Jacksons (AYPY) aujourd’hui. Aucun aéronef sauf un, chargé d’une évacuation médicale.

Arrivée du Medevac vers l'aéroport de Port Moresby Jacksons (AYPY). Les vents empêchent un atterrissage normal.
Arrivée du Medevac vers l’aéroport de Port Moresby Jacksons (AYPY). Les vents empêchent un atterrissage normal.

Les vents soufflent du 240 degrés à 50G60 nœuds et les pistes sont orientées 14/32. Cela dépasse largement les vents de travers autorisés pour les aéronefs.

Mais l’équipage du Rockwell Shrike Commander 500S ne peut attendre que le vent se calme. Il doit atterrir dans les prochaines minutes pour espérer sauver la vie du patient.

L'aéroport de Port Moresby Jacksons (AYPY) est en vue en haut au centre de la photo.
L’aéroport de Port Moresby Jacksons (AYPY) est en vue en haut au centre de la photo.

Étant donné qu’il n’y a aucun trafic aérien autour de l’aéroport, le commandant de bord a signifié aux contrôleurs aériens son intention d’effectuer une approche sécuritaire mais qui sort de la norme établie.

L'avion est placé graduellement pour arriver en ligne droite vers le hangar de AYPY.
L’avion est placé graduellement pour arriver en ligne droite vers le hangar de AYPY.

L'avion s'aligne face au vent pour l'approche à travers les pistes.
L’avion s’aligne face au vent pour l’approche à travers les pistes.

Arrivant directement à travers les pistes, face au vent, l’équipage a l’intention de faire atterrir l’avion à quelques pieds d’un hangar. Le capitaine demande que quelqu’un ouvre la porte du hangar immédiatement. L’approche se terminera devant les portes du hangar, protégée du vent.

Trajet du Shrike Commander 500S vers le hangar de l'aéroport de Port Moresby Jacksons. La porte est ouverte pour l'arrivée.
Trajet du Shrike Commander 500S vers le hangar de l’aéroport de Port Moresby Jacksons. La porte est ouverte pour l’arrivée.

Il est plus sécuritaire d’arriver directement face au vent et d’entrer immédiatement dans le hangar. Il faut éviter de circuler avec des vents de 60 nœuds de travers.

Inutile de dire que le contrôleur aérien a refusé la demande. Le capitaine d’un avion est cependant le seul qui décide de la meilleure surface pour l’atterrissage, autant pour la sécurité des passagers que pour lui-même. Il procède avec son approche, après avoir clairement indiqué quelle trajectoire sera suivie.

Le Shrike Commander 500S au-dessus des habitations près de Port Moresby Jacksons.
Le Shrike Commander 500S au-dessus des habitations près de Port Moresby Jacksons.

Le problème principal pour l’approche est la turbulence mécanique de bas niveau causée par les vents en rafales de 60 nœuds.

Si l’ATC veut faire une plainte, le moment est arrivé : il est possible de prendre une photo de l’avion de même que de son immatriculation.

Vol par le travers de la tour de contrôle de AYPY.
Vol par le travers de la tour de contrôle de AYPY.

La vitesse-sol de l’avion se situe autour de 20 nœuds.

Le Shrike Commander 500S en approche à travers les pistes de l'aéroport de Port Moresby Jacksons. Les vents soufflent du 240 degrés à 50G60.
Le Shrike Commander 500S en approche à travers les pistes de l’aéroport de Port Moresby Jacksons. Les vents soufflent du 240 degrés à 50G60.

La vitesse stable des vents est actuellement plus sécuritaire que si les vents étaient du 240 à 35G60.

Vitesse-sol de 20 noeuds pour le Shrike Commander 500S en finale pour le hangar de Port Moresby Jacksons (AYPY).
Vitesse-sol de 20 noeuds pour le Shrike Commander 500S en finale pour le hangar de Port Moresby Jacksons (AYPY).

Toujours légèrement au-dessus de la piste et à une vitesse-sol entre 10 et 20 nœuds. L’anémomètre indique la vitesse du vent lui-même additionnée à celle de la vitesse-sol.

Vitesse indiquée 70 noeuds.
Vitesse indiquée 70 noeuds.

Vue frontale du Shrike Commander 500S pendant l'arrondi devant le hangar de AYPY.
Vue frontale du Shrike Commander 500S pendant l’arrondi devant le hangar de AYPY.

L’avion flotte comme une montgolfière ou presque!

Vue latérale du Shrike Commander 500S en finale pour le hangar à Port Moresby Jacksons.
Vue latérale du Shrike Commander 500S en finale pour le hangar à Port Moresby Jacksons.

Le Shrike Commander atterrira sous peu à Port Moresby Jacksons.
Le Shrike Commander atterrira sous peu à Port Moresby Jacksons.

Au moment où l’avion touche le sol, il arrête presqu’immédiatement. Il est même nécessaire de mettre les gaz pour atteindre le hangar, comme en témoigne les traînées blanches derrière l’appareil.

Dans la vraie vie, le touché des roues se serait fait dès que débute l’asphalte étant donné que la présence du hangar réduit un peu la vitesse du vent.

Atterrissage du Shrike Commander quelques pieds avant le hangar. Du pouvoir supplémentaire est nécessaire pour atteindre le hangar.
Atterrissage du Shrike Commander quelques pieds avant le hangar. Du pouvoir supplémentaire est nécessaire pour atteindre le hangar.

Quelques secondes après s’être posé, l’avion est dans le hangar, protégé du vent, et autant le médecin que le patient peuvent rapidement être conduits à l’hôpital.

Le Shrike Commander 500S dans le hangar à Port Moresby (AYPY).
Le Shrike Commander 500S dans le hangar à Port Moresby (AYPY).

Une fois dans le hangar, les vents virtuels sont ajustés à zéro, ce qui est logique, à moins que le mur opposé du hangar soit absent!

Vue verticale de l'aéroport de Port Moresby Jacksons (AYPY)
Vue verticale de l’aéroport de Port Moresby Jacksons (AYPY)

Il est maintenant temps de se préparer à affronter une autre tempête, celle de l’enquête qui suivra possiblement l’atterrissage!

(P.S. : Tim Harris et Ken Hall ont été les créateurs de cet aéroport virtuel de Port Moresby Jacksons. Ce dernier est vendu par Orbx et l’avion virtuel est venu par Carenado).

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Histoires vécues comme spécialiste en information de vol (FSS): Rouyn-Noranda FSS

Une ligne de grains passe par Rouyn-Noranda.

1986. Journée d’été bien calme en cette fin d’après-midi à l’aéroport de Rouyn-Noranda (CYUY). Le personnel de la station d’information de vol de Transports Canada sait qu’un front froid passera sous peu. Jusqu’à présent cependant, c’est le beau fixe. Ciel bleu, vents légers. À cette époque, les spécialistes en information de vol (FSS) n’ont pas accès à des images radars ni aux photos satellitaires.

En plus des prévisions régionales destinées à l’aviation, les deux stations d’information de vol dont nous nous servons pour connaître les systèmes météo arrivant de l’ouest sont Earlton FSS (CYXR) et Timmins FSS (CYTS) en Ontario. Une consultation des observations météorologiques passées indique la présence de sautes de vent accompagnées d’un orage isolé. Rien qui sort de l’ordinaire. Mais Timmins est loin et ne représente qu’un point de repère pour tenter de mieux cerner le système météo.

Étant en service ce jour-là, je regarde l’indicateur de la vitesse des vents, par hasard, comme un réflexe développé au cours des années. Comme dans un rêve, alors qu’il y a quelques secondes tout était tranquille, je vois l’aiguille de l’anémomètre passer de 5 à 20 nœuds, redescendre un peu puis monter à 40 nœuds, diminuer de nouveau encore un peu puis monter à 60 nœuds et, dans une dernière correction, se stabiliser pour un court instant à 72 nœuds, ce qui correspond à environ 134 km/h.

Tout est pourtant si tranquille près de la station d’information de vol. Je regarde par la fenêtre pour déceler tout mouvement d’objet afin de vérifier s’il y a une erreur de l’indicateur de vent, et, au même moment, j’aperçois, passant devant la station, le cabanon de bois normalement utilisé par le préposé au carburant. Cette construction doit bien peser quelques centaines de kilos. Ce cabanon qui se promène au gré du vent est une confirmation sans équivoque que l’équipement fonctionne. Il est évident qu’une ligne de grains est associée à ce front froid.

Tout ce qui n’est pas bien fixé au sol se met en mouvement. Dans l’heure qui suit, les orages forts éclatent au-dessus de Rouyn-Noranda tout en se dirigeant vers l’est. L’aéroport de Val-d’Or (CYVO) étant soixante milles plus à l’est, il devient clair qu’il sera frappé de plein fouet d’ici environ deux heures. La tour de contrôle de Val-d’Or est donc avisée de façon à ce que les différents intervenants se préparent à la violence des changements causés par la ligne de grains. Les mesures étant prises, le pire sera évité.

Une heure plus tard, le calme est revenu et Rouyn-Noranda bénéficie d’une soirée d’été idéale.

Pour d’autres histoires vécues à la station d’information de vol de Rouyn-Noranda, cliquez sur le lien suivant:

Histoires vécues en tant que FSS à Rouyn-Noranda

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Histoires vécues comme spécialiste en information de vol (FSS): Rouyn-Noranda FSS

Des procédures officielles imaginaires à la tour de contrôle de Val-d’Or

HS-125 Avion ambulance C-FSEN Valentine Lupien du Gouvernement du Québec vers 1986
HS-125 Avion ambulance C-FSEN Valentine Lupien du Gouvernement du Québec vers 1986

Durant les années ’80, alors que j’occupe la fonction de spécialiste en information de vol (FSS) à la station d’information de vol de Transports Canada à Rouyn-Noranda (CYUY), je reçois un téléphone de la part d’un contrôleur aérien de l’aéroport de Val-d’Or (CYVO) me signalant un problème avec l’ARCAL type K. Le système ARCAL est un équipement qui permet à un pilote d’ouvrir les lumières de piste à distance.

Normalement, le pilote a le choix entre trois intensités d’éclairage : faible, moyenne et élevée. Mais pour une période prolongée, l’intensité la plus faible de l’ARCAL ne fonctionnera pas. Le contrôleur me demande d’émettre un NOTAM signalant que personne ne peut utiliser l’ARCAL pour une période indéfinie.

Je ne suis pas d’accord avec cette demande. Un système ARCAL que l’on décide de rendre disponible facilitera la vie d’un pilote en lui permettant de choisir parmi les intensités restantes lors de l’approche ou du décollage. Les pilotes du HS125 du Gouvernement du Québec (photo ci-dessus) chargé des évacuations médicales durant la nuit apprécieront, j’en suis sûr.

Je mentionne donc au contrôleur que je ne connais pas de procédures approuvées pour les pannes concernant l’ARCAL de type K et que je ne vois pas pourquoi je considérerais comme totalement non fonctionnel un système dont seule une intensité sur trois pose problème.

Il me répond que ce sont des procédures écrites qui se trouvent à la tour de contrôle et qu’une demande doit être faite à son gestionnaire si je désire les obtenir. Comment est-il possible que des procédures régissant un système installé sur plusieurs aéroports à travers le Canada, avec ou sans tour de contrôle, puissent se trouver seulement dans des tours de contrôle sélectionnées? Cela est impensable.

Je demande donc, par gestionnaire interposé, de recevoir une copie des fameux écrits. Mais il semble maintenant que les procédures ne se trouvent pas à Val-d’Or, mais au bureau régional de Transports Canada à Montréal. J’essaie donc de les obtenir du bureau de Montréal, mais personne ne peut rien trouver de concret.

Il semble de plus en plus évident que les procédures ne sont que fabulation. Pourtant, tous les intervenants défendent les procédures fictives, pour les raisons les plus diverses.

À l’époque, il existe un programme intitulé « Prime à l’initiative ». Ce programme invite le personnel à faire connaître toute suggestion susceptible d’améliorer l’efficacité de la fonction publique. Si la suggestion est retenue par les plus hauts niveaux de gestion, une prime en argent et un certificat sont remis à l’employé par le sous-ministre des transports. Réalisant que je ne pourrai avoir gain de cause en discutant avec les instances régionales, je me sers donc d’une formule de prime à l’initiative.

Une année plus tard, je reçois un appel d’un inconnu qui dit travailler à Ottawa. Il me questionne concernant ma suggestion sur l’ARCAL de Val-d’Or. Il sous-entend que la proposition ne passera pas.

Je lui parle alors en tant que contribuable canadien. Je lui signale que j’ai payé, comme les autres canadiens, pour faire installer ce système de commande d’éclairage, et que tant qu’il y aura une intensité qui fonctionnera, le système devra être accessible pour les pilotes, que cela lui plaise ou non. S’il s’obstine, qu’il se prépare à rendre des comptes au public canadien et à Benoît Bouchard, alors ministre des Transports.

Deux mois plus tard, je reçois un chèque et une lettre du sous-ministre me remerciant pour la suggestion améliorant l’efficacité de la fonction publique. Il aura fallu quatorze mois pour passer des procédures fictives à un système fonctionnel de gestion des pannes de l’ARCAL. Et les nouvelles procédures concernent maintenant tous les aéroports canadiens équipés d’un tel système de commande à distance de l’éclairage d’une piste.

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Histoires vécues en tant que FSS à Rouyn-Noranda

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Histoires vécues en tant que pilote et FSS: apprentissage du pilotage

La licence de pilote professionnel / crevaison à l’atterrissage

(texte précédent: atterrissage de nuit sur une patinoire)

La licence de pilote professionnel

Quelques mois plus tard, les examens théoriques et pratiques étant réussis, j’obtenais ma licence de pilote professionnel. Au cours de l’examen en vol, l’inspecteur de Transports Canada avait demandé la mise en vrille de l’avion tout en interdisant au dernier moment, c’est-à-dire à la sortie de vrille, une remise des gaz puisqu’il voulait poursuivre avec une panne de moteur simulée. La licence étant obtenue, il fallait maintenant, comme pour tous les pilotes, accumuler les heures de vol de façon à gagner de l’expérience comme commandant de bord.

J’accumulai donc des heures de vol en effectuant de courts voyages et en donnant des baptêmes de l’air à de nombreuses personnes de tous âges. Les soirées étaient particulièrement prisées, car il y avait peu de convection et la plupart des passagers appréciaient un vol sans turbulence lors de leur premier essai dans un petit aéronef.

Crevaison à l’atterrissage.

Cependant, malgré mes bonnes intentions, il y a quand même eu une occasion où nous avons dû vivre un atterrissage sortant de l’ordinaire. C’était durant une période fort occupée pour le contrôleur aérien. Il y avait beaucoup d’avions dans le circuit de l’aéroport et le contrôleur m’a demandé si je pouvais effectuer un atterrissage court. Il s’attendait à ce que la distance utilisée pour l’atterrissage soit minimale de façon à ce que l’aéronef libère la piste au plus tôt.

Tous les pilotes savent comment effectuer un atterrissage court. Cela fait partie du cours de base. C’était cependant sans compter que nous devions parfois voler avec des aéronefs dont les pneus étaient particulièrement usés. Je me souviens (et je ne dois pas être le seul) d’avoir eu à utiliser des avions dont on pouvait voir le cordage sous ce qui restait de la semelle de caoutchouc. Les appareils loués étaient généralement sécuritaires. Vous ne vouliez cependant pas être celui qui louait un avion la journée précédant le changement des pneus…

J’entamai donc l’approche piste 29 par une belle journée chaude d’été. Le toucher des roues se fit en douceur, au seuil de piste. J’appliquai les freins sans barrer les roues, tout en tirant sur le manche, en même temps que les volets revenaient à leur position initiale. Il ne faut pas barrer les roues puisque la friction diminue et la course à l’atterrissage augmente en même temps que s’accroît le risque de perte de contrôle de l’appareil. Avec ces manœuvres, l’aéronef devait s’immobiliser sous peu. Cependant, quelques secondes après l’atterrissage, l’avion se mit à vibrer et chercha à se diriger vers la droite. Je n’avais plus d’autre choix que d’appliquer à fond sur le frein gauche tout en appuyant sur le palonnier, mais l’avion se dirigea malgré tout lentement vers la droite tout en ralentissant. La course au sol se termina avec l’aéronef à moitié dans le gazon le long de la piste.

Pendant les dernières secondes, il était devenu évident que le pneu avait tout simplement éclaté. Les passagers n’étaient pas trop dérangés par l’incident, car ils ne commencèrent à réaliser ce qui se passait que lorsque nous étions pratiquement arrêtés sur le gazon. Le pneu était complètement tordu et presque démonté de la jante. Cela représentait malgré tous les risques du métier de pilote et les heures de vol continuèrent de s’accumuler durant les semaines suivantes.

(prochaine histoire: des cellules orageuses imprévues)

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Atterrissage de nuit sur une patinoire

(article précédent: Vol de nuit accidentel)

L’annotation de nuit fût complétée dans les semaines qui suivirent. Durant la période où j’accumulais des heures de vol de nuit, je profitai d’une froide soirée d’hiver sans nuages ni vent pour effectuer un vol voyage d’une heure dans les environs de St-Jean-sur-Richelieu. J’emmenais trois passagers dans un Grumman Cheetah vers la région des Cantons-de-l’Est pour un vol d’agrément. La tour de contrôle de St-Jean-sur-Richelieu était fermée, étant donné l’heure tardive du décollage.

Dans cette ville, l’entretien des pistes suivait un horaire irrégulier car les fonctionnaires de la municipalité s’occupaient de l’aéroport et de toutes les artères de la ville. Lors de mauvaise météo, il fallait attendre que des employés se présentent à l’aéroport pour dégager les pistes et les voies de circulation. Dans certains cas où tombait de la pluie verglaçante, suivie en quelques heures par un refroidissement important, l’indice de freinage se dégradait rapidement. Il fallait attendre au lendemain matin avant qu’une équipe tente de ramener les conditions de freinage sur les pistes à un niveau acceptable.

C’est ce que j’avais constaté alors que je circulais en direction du seuil de la piste 29. Le phare éclairait ce qui semblait être une belle glace plutôt qu’une surface asphaltée. L’indice de freinage datant de plusieurs heures, il valait mieux ne pas se fier à ces dernières données. Je pouvais toujours annuler le vol, car il n’y avait pas d’urgence. Il était également possible d’accélérer doucement et d’utiliser le palonnier sans à-coups. L’avion décollerait en quelques secondes.

Je choisis la deuxième option, les vents étant calmes. Le décollage se fit naturellement pour un avion qui ne demandait qu’à s’envoler dans cet air froid. Nous étions maintenant en mesure d’admirer les lumières des villes environnantes. Il n’y avait pas la moindre secousse pour indisposer les passagers durant ce vol de nuit.

Lorsque vint l’heure du retour et de l’atterrissage, il fallait de nouveau appliquer une méthode aussi douce que pour le décollage pour éviter un dérapage. Conscient que j’atterrissais sur une patinoire, mais qu’il n’y avait aucun déportement d’un côté ou de l’autre de la piste, je choisis d’arriver le plus lentement possible et de n’utiliser que le palonnier pour diriger l’aéronef, comme pour un atterrissage normal. Cependant, il ne serait pas question d’utiliser les freins, mais de laisser l’avion perdre graduellement de sa vitesse en roulant sur toute la longueur de la piste.

Les passagers se souviennent aujourd’hui de ce vol de nuit pour la beauté des lumières de la ville et pour un vol sans la moindre turbulence. Quant à moi, il s’agissait d’une expérience intéressante où j’eus davantage l’impression de manœuvrer une embarcation plutôt que d’atterrir un aéronef.

(Prochain article: La licence de pilote professionnel: un pneu crève à l’atterrissage)

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Vol de nuit accidentel à St-Jean-sur-Richelieu

(Histoire prédédente: la licence de pilote privé)

Note: pour cette histoire vécue, étant donné que je n’avais pas de caméra à bord de l’aéronef lors du vol de 1980, j’ai reproduit l’expérience sur un simulateur, en utilisant un Piper Cherokee, faute de pouvoir mettre la main sur un Grumman Cheetah.

Peu après l’obtention de ma licence de pilote privé, en 1980, on m’avait demandé d’aller chercher un appareil stationné à Earlton (CYXR) en Ontario, soit trois cents milles marins au nord-ouest de St-Jean-sur-Richelieu, et de le ramener à St-Jean. Pour y aller, j’étais en compagnie d’un pilote d’expérience et nous avions donc quitté ensemble à bord d’un monomoteur de type Grumman Cheetah (AA-5A). Pour le retour, chacun pilotait un avion, et nous nous suivions. Mon compagnon ouvrait la voie avec son appareil car il avait avec lui toutes les cartes de navigation VFR nécessaires et s’occupait de la route à suivre jusqu’à St-Jean. Tout ce qu’il me demandait était de le suivre.

Un beau début de soirée au-dessus du parc de la Vérendrye.
Un beau début de soirée au-dessus du parc de la Vérendrye.

En chemin, nous avions dû contourner un front froid et cela avait retardé notre arrivée pour St-Jean. Dès le début du voyage, on m’avait assuré que nous arriverions avant la noirceur. Il me semblait maintenant que ce serait un peu juste.

Mon compagnon avait accéléré légèrement, de façon à battre la nuit de vitesse. Les minutes passaient et deux constats s’imposaient : premièrement, le coucher de soleil était magnifique. Deuxièmement, je n’avais pas mon annotation de vol de nuit. Ce coucher de soleil signifiait qu’il restait environ trente minutes avant la noirceur totale.

Je lui avais demandé, via la radio, s’il croyait toujours que nous atteindrions St-Jean dans les délais prévus. Il estimait désormais que nous serions à la limite.

Je m’étais informé de l’existence possible d’un bouton qui permettrait d’éclairer les instruments la nuit. Le bouton ayant été trouvé, les instruments avaient soudainement pris une couleur rosâtre. Il fallait maintenant connaître les instruments essentiels pour un vol de nuit. Il en avait nommé quelques-uns.

La nuit tombe sur la Réserve du parc de La Vérendrye.
La nuit tombe sur la Réserve du parc de La Vérendrye.

Les minutes passant, la pénombre s’était installée. Il nous serait désormais impossible de battre la nuit de vitesse, car nous n’avions pas encore traversé la zone de contrôle de l’aéroport international  Pierre-Elliott Trudeau de Montréal.

En approchant de Montréal, je tentais de communiquer avec mon compagnon, mais il ne répondait plus.Le seul repère de navigation disponible dans cette nuit naissante était le petit phare rotatif rouge situé sur la queue de son appareil. Étrangement, son intensité s’affaiblissait graduellement. Mon compagnon s’éloignait, son appareil étant plus rapide que le mien.

Montréal du haut des airs, la nuit, en monomoteur.
Montréal en vue. C’est la première fois que je vois Montréal du haut des airs la nuit. Je ne pensais pas que ce serait en pilotant un avion sans avoir une annotation de nuit.

J’avais augmenté la puissance et appauvri le mélange pour gagner quelques nœuds, tout en me concentrant sur le petit point rouge qui pourrait me diriger vers St-Jean-sur-Richelieu. Je n’étais pas trop content de ma performance. J’aurais dû insisté dès le début pour avoir une copie des documents de navigation. Mais le vol paraissait si simple. Leçon apprise.

Nous passions maintenant à travers la zone de contrôle de l’aéroport international de Montréal. Dans la nuit, les lumières stroboscopiques des gros appareils étaient visibles, sur les approches à l’atterrissage ou lors des décollages. En abusant un peu du moteur, j’avais peu à peu diminué la distance me séparant de mon compagnon. Je ne faisais que le suivre dans le plus grand silence, faute de documents qui fourniraient les fréquences VHF locales à utiliser.

Le feu clignotant rouge qui me précédait au loin s’était soudainement mis à perdre de l’altitude dans la nuit. Nous devions approcher de St-Jean puisque la descente venait de commencer. Mon compagnon communiquait certainement avec la tour de contrôle pour annoncer ses intentions. Pourquoi ne pas en profiter pour lui demander des conseils sur la façon d’atterrir de nuit? La réponse avait été courte et hésitante, car il savait que les communications radio étaient enregistrées. Tout ce qu’il avait pu trouver à répondre était: « Je ne sais pas trop quelles informations te donner, prends ton temps. » Le contrôleur aérien avait entendu cela et s’était empressé de m’offrir la présence des services d’urgence, une offre que j’avais poliment décliner.

Un pilote d’hydravion en vol dans le secteur avait entendu la communication et dit au contrôleur : « Dites-lui d’allumer son phare d’atterrissage ». Je lui avais répondu que ce dernier était brûlé. Cela avait été constaté dès le décollage de St-Jean, mais ça ne devait pas poser de problème puisque nous devions voler de jour seulement.

La première étape en vue d’un atterrissage exige de se situer par rapport à l’aéroport et aux trois pistes. Quand on n’a jamais volé de nuit, le spectacle est différent et demande un ajustement. Une fois la piste en service (piste 11) reconnue, tout ce qu’il me restait donc à faire était d’imaginer que l’instructeur qui m’avait formé était assis à côté de moi. Il exigerait les bonnes positions dans le circuit, les bonnes hauteurs en fonction des différentes étapes, les bonnes vitesses et les degrés de volets appropriés pour finalement terminer avec un angle d’approche adéquat.

Tout ce que je savais du vol de nuit, à l’époque, se résumait à un seul aspect éminemment pratique : il y avait un boisé au début de la piste 11 et je ne voulais pas arriver trop bas et accrocher le sommet d’arbres invisibles dans la nuit. Toutefois, arriver trop haut au-dessus du seuil de piste signifierait que les roues toucheraient trop loin après le seuil et que la longueur de piste restante serait insuffisante pour immobiliser l’avion de la façon idéale, c’est-à-dire en un seul morceau.

En finale, bien que mon attention était entièrement réservée aux procédures, je sentais tout de même que le rythme de mes battements de cœur était plus rapide. En courte finale, tout s’était passé rapidement. L’avion avait survolé le boisé, la piste s’était rapprochée rapidement et les deux roues du train principal avaient touché la piste délicatement. Le freinage s’était fait immédiatement et tout était désormais terminé.

L’essentiel était réglé. J’avais par la suite demandé au contrôleur aérien de me guider sur les voies de circulation jusqu’à l’aéroclub. Il en avait finalement profité pour demander, un sourire dans la voix : « Est-ce que tu vas le suivre ton cours de vol de nuit?»!.

(Prochaine histoire: Atterrissage de nuit sur une patinoire).

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