Ce roman graphique relate des vnements entourant la monte au pouvoir de Vladimir Poutine et l’tablissement de sa fortune personnelle. Cette dernière se bâtit travers l’exfiltration de sommes colossales appartenant au peuple russe et qui sont rediriges vers des socits-crans et des paradis fiscaux.
Etant donn que le rcit s’tale sur plusieurs dcennies, le lecteur se familiarise avec une multitude de noms de compagnies et de personnages cls dans le domaine politique et conomique.
On y trouve galement, comme pour d’autres grandes puissances, des règlements de compte politique et des magouilles conomiques.
La structure de fonctionnement du pouvoir en Russie diverge du système politique occidental. Les relations tisses avec le prsident y jouent un rôle beaucoup plus important qu’ l’Ouest. Les avantages sont accords en change d’une fidlit indfectible. On mentionne entre autres les liens entre Silvio Berlusconi et Poutine.
L’chelle des sorties d’argent de la Russie des fins discrètes surprend. Pour ne citer qu’un exemple, l’auteur note la cration de l’opration Luch (une fuite de capitaux estime 50 milliards de dollars) en 1990 pour parer aux changements provoqus par Gorbatchev. Il s’agissait de piger dans les fonds secrets du KGB l’tranger pour enrichir une caisse pouvant servir assurer la survie du parti et d’autres intrêts particuliers.
« Depuis que Poutine est arriv au pouvoir, le montant global d’argent sale sorti de Russie et blanchi par les banques de l’Ouest a t au minimum de 1 000 000 000 $ (mille milliards de dollars) ! ».
L’Occident n’a donc pas les mains propres face ce qui se passe en Russie. Quand il y a de l’argent rapide faire et que des actionnaires s’attendent un bilan draisonnable, la vertu s’efface devant le sens pratique. Parmi les complicits europennes : Danske Bank, SEB et Swedbank, Crdit Suisse, Banca Intesa, Deutsche Bank Russia, Appleby-Estera (cabinet de services offshore), Chypre (cabinets de services financiers), Price Waterhouse Coopers.
Le lecteur constate galement l’accumulation des suicides de responsables de tout acabit au cours des annes. Par exemple, l’auteur note les suicides dguiss de Nikolai Kruchina, Georgy Pavlov et Dimitri Lissovolik. Ces hommes l’quilibre prcaire avaient tous la fâcheuse habitude de prendre l’air sur un balcon trop lev pour leur capacit. Le KGB doutait de la fiabilit de ces hommes qui graient les fonds secrets du parti l’Ouest.
L’empoisonnement (par le poison Novitchok) est aussi une mthode privilgie pour aplanir les diffrends politiques. Mais cet tat de fait est dj connu des Occidentaux, car la plupart des oprations manques ou russies font l’objet de nombreux articles dans les mdias. Par exemple, cela a t le cas pour Navalny et Skripal. Pour Iouchtchenko, le gagnant des lections prsidentielles en Ukraine, un autre poison fût utilis, mais la source n’a pu être confirme.
Sous Poutine, les oligarques peuvent conserver les fortunes acquises travers les nombreuses privatisations, mais il n’est plus question pour eux de s’immiscer dans les affaires politiques. Le bouquin s’attarde aussi sur la dtrioration du rapport entre Poutine et des oligarques comme Berezovski (retrouv pendu dans sa salle de bain Londres) et Khodorkovski.
Si un dvou collaborateur change de camp, il peut, dans le meilleur des cas, survivre en quittant le pays et en demeurant apolitique. Autrement, son avion peut exploser en vol, comme pour Prigojine.
Le bouquin montre comment Ivan Rybkyn, un opposant politique de Poutine en 2004, s’est dsist suite une promenade improvise en fourgonnette. Il semblerait qu’il ait t saisi et rentr de force dans le vhicule. Cette exprience et les discussions probables qui ont eu lieu durant la balade ont suffi convaincre le candidat qu’il n’avait pas vraiment le feu sacr pour la politique.
Dans les annes 90, le clan mafieux Tambov protège Poutine et Sobchak et participe la gestion du port de Saint-Ptersbourg. Cela n’empêche pas un « accident » de la route impliquant les filles et la conjointe de Vladimir Poutine. Ceux qui sont insatisfaits de leur part du gâteau font monter les enchères et Poutine doit runir les familles pour qu’elles s’arrangent entre elles. Pragmatique, il envoie tout de même ses filles en Allemagne pour leur scurit. Le gardien lgal est Matthias Warnig, un ancien de la STASI.
L’auteur signale que de l’argent russe a servi influer sur le rsultat du Brexit (51,89 %), ceci dans le but de fragiliser l’Europe. Ensuite, comme nous le savons dj, la Russie a influenc le rsultat du vote dans les tats cls des Etats-Unis pour aider l’lection de Donald Trump.
Le roman graphique se termine par un dossier documentaire, avec photos, dessins et rfrences pour ceux qui dsirent obtenir davantage d’informations.
Et la fortune de Poutine dans tout ça ? Selon les recherches effectues par les auteurs, elle s’tablirait entre 150 et 250 milliards d’euros.
Le livre « La face cache de la photo – prendre et diffuser des images en toute lgalit » n’est plus disponible en librairie, mais il vaut la peine de se le procurer en version usage ne serait-ce que pour les organigrammes qui vous permettent de savoir si la photo que vous dsirez prendre est lgale et si vous avez la libert de la diffuser.
Car on peut très bien avoir le droit de photographier sans avoir le droit de diffuser ultrieurement. Il faut en plus connaître les nuances entre diffusion ditoriale et commerciale, de même que comprendre comment obtenir une autorisation crite lorsque cela s’applique.
Il y a galement des nuances entre les lois protgeant la vie prive entre les deux groupes suivants : le premier form par le Qubec et la France et le deuxième constitu du reste du Canada, des Etats-Unis et de la majorit des pays occidentaux.
De plus, on doit faire une distinction entre la personne qui est le sujet principal de la photo et celle qui n’est qu’accessoire. Les lois changent aussi selon que la photo est prise partir d’un lieu public ou d’un lieu priv. Enfin, il y a toujours des exceptions chaque catgorie. Comme vous voyez, rien n’est simple dans ce domaine…
L’auteur se sert de la jurisprudence pour mieux toffer ses propos. Il discute galement des limites des pouvoirs des policiers et des agents de scurit et de ce qui est juridiquement permis sur Facebook et autres rseaux sociaux quant la diffusion d’une image.
Il labore aussi sur la diffrence entre les droits patrimoniaux, moraux, droits l’intgrit et droits de paternit. Il dveloppe même sur les changements quant aux droits d’auteur avant et après le 7 novembre 2012. Une section de l’ouvrage vous renseigne sur la manière de dtecter si vos images sont utilises de façon illgale et sur la mthode pour demander des corrections et compensations.
Enfin, Francis Vachon utilise les dernières sections de son bouquin pour nous prsenter les mthodes permettant d’obtenir des photos de façon lgitime, et parfois sans frais. Il vous renseigne galement sur la façon de se protger d’une poursuite.
Bref, un livre rempli d’informations capitales pour le photographe amateur et professionnel, de même que pour tous les usagers des mdias sociaux. Beaucoup de ces utilisateurs sont remplis de bonnes intentions, mais peuvent se retrouver dans le ptrin assez rapidement pour une ngligence involontaire.
« Wagner » est un roman graphique de qualit, fruit d’une recherche srieuse base sur de très nombreuses sources connues ou confidentielles.
Grâce au fait qu’une grande concentration de donnes pertinentes se retrouve dans un seul volume, le lecteur comprend rapidement et mieux le rôle international de ce groupe de mercenaires que supporte Vladimir Poutine et qui a pu s’implanter progressivement au Mali, en Centrafrique, en Lybie et en Syrie, avant d’attaquer les Ukrainiens.
On y trouve les noms de multiples compagnies, socits et fondations (socit Concord, IRA [Internet Research Agency], SEWA Security Services, Lobaye Invest, M-Finance, M-Invest, Meroe Gold, Midas Resources, First Industrial Company, International Global Logistic [IGL], Alpha Development, Marko Mining, Prime Security, etc.) et une foule d’intervenants ayant jou un rôle majeur dans le partage du contrôle des ressources naturelles (mines, forêts, etc) en Centrafrique et au Mali.
Le bouquin montre comment le manque de clairvoyance de certains politiciens et des services de renseignements permet Wagner de s’implanter sans trop de difficults en Afrique. Il claire ainsi le dpart prcipit des Français au Mali et des Chinois au sud de Bamako.
Les dirigeants africains et la douane ferment les yeux sur les oprations de transfert de l’or et du diamant vers la Russie. Mais je n’ai pas besoin de creuser bien loin dans ma mmoire pour souligner que de nombreuses grandes puissances ont pu bnficier d’un traitement similaire dans d’autres endroits sur notre belle planète.
Le scnariste et dessinateur Thierry Chavant prend soin de ne pas censurer outre mesure les actions des mercenaires de Wagner qui se prennent parfois pour des soldats. Les dessins explicites clairent les crimes commis par ces tueurs, dont les viols, la torture et l’limination systmatique de centaines de personnes la fois.
Malgr ces mthodes radicales, les mercenaires n’ont pas la vie facile face des opposants bien dtermins. Wagner perdra de nombreux combattants en Afrique en se mesurant aux jihadistes, mais beaucoup moins qu’en Ukraine où ce sera littralement une dbâcle pour le groupe, avec des dizaines de milliers de morts et de blesss.
Même Evgueni Prigojine et Dmitri Outkine y laisseront leur vie quand le jet priv dans lequel ils se trouvent explosera au-dessus de la Russie. La question que je me pose encore aujourd’hui : comment peut-on être assez innocent pour continuer de survoler la Russie en toute quitude après avoir tent de s’emparer du pouvoir par la force ?
Le livre confirme que la gostratgie internationale a deux visages : un côt acceptable, où les diplomates et hommes d’affaires s’activent pour obtenir des avantages pour eux ou pour leur pays. Mais il y a aussi ce travail dans l’ombre, beaucoup plus violent et où les grands principes s’effacent devant le dsir de gagner de nouveaux territoires avec les richesses qui s’y trouvent. Et l, tous les moyens sont bons pour arriver au but, qu’il s’agisse de financement obscur, de menaces, d’excutions sommaires, de renversement de gouvernement et même d’esclavage moderne.
Frdric Pierucci est un haut dirigeant d’Alstom, une gigantesque socit française lie au domaine nergtique. Grâce une loi extraterritoriale amricaine (FCPA Foreign Corrupt Practices Act) qui permet au gouvernement amricain de poursuivre toute firme trangère vise pour corruption, on l’arrête arbitrairement en 2013 sa descente d’avion New York.
Pierucci n’a pas touch d’argent dans ces oprations, mais il est au courant qu’Alstom est vise pour malversation et que la compagnie utilise des « intermdiaires » pour assurer l’obtention de contrats. On l’incarcère donc pendant des mois et Alstom le laisse finalement tomber, croyant que les Amricains se satisferont de l’emprisonnement de ce haut dirigeant. Pierucci devra tenter de se sortir seul du bourbier dans lequel on l’a plong.
La justice amricaine veut faire pression sur Pierucci, même s’il n’est pas directement impliqu dans les pots-de-vin, pour qu’il livre des dtails qui incrimineraient la direction d’Alstom, dont le P.-D.G. Patrick Kron. Le rude traitement judiciaire dont Pierucci est victime vise aussi intimider les autres cadres haut placs de la compagnie en leur montrant ce qui les attend s’ils ne coopèrent pas pour rectifier les erreurs du pass.
Le but premier semble de corriger des stratagèmes dloyaux qui nuisent aux compagnies amricaines et, par le fait même, obtenir de très fortes compensations montaires. L’opration est un succès : les effets de l’arrestation arbitraire de Pierucci pavent la voie en quelques annes la vente d’une filiale stratgique d’Alstom General Electric, son principal concurrent.
Les manœuvres visent aussi mettre la main sur des informations qui autrement demeureraient confidentielles. Cette loi extraterritoriale amricaine fonctionne bien et permet de s’attaquer de très nombreuses compagnies travers le monde, dont la compagnie internationale allemande Siemens. À chaque fois, le fautif se voit oblig de payer des amendes importantes et doit soumettre au poursuivant des documents de compagnie considrs confidentiels et parfois même secrets.
Il est difficile de savoir qui exactement aura accès ces documents. Est-ce possible que des agents (on ne les appellera pas « espions » par politesse) transmettent des informations relies aux secrets industriels des personnes travaillant en dehors du dpartement de la justice amricaine? De telles actions permettraient aux compagnies amricaines d’amliorer leur comptitivit peu de frais. Ce sont des questions que se posent les cadres des compagnies vises.
Quoi qu’il en soit, tout n’est pas très propre dans cette histoire. L’auteur Matthieu Aron crit : « À l’automne 2018, après la libration dfinitive de Frdric [Pierucci], nous avons termin notre livre. Mais l encore, ce ne fut pas sans difficult. Le lendemain de l’envoi de notre manuscrit notre diteur, mon domicile tait “visit” et mon ordinateur disparaissait. Simples cambrioleurs, barbouzes, ou action d’un service tranger ? Nous ne le saurons sans doute jamais ».
Mon commentaire suite la lecture du roman graphique.
La Chine observe.
L’efficacit de cette loi extraterritoriale amricaine n’a pas chapp la Chine, qui se propose de concevoir une loi semblable qui l’autoriserait faire main basse sur des informations et documents autrement inaccessibles.
Face ces deux colosses que sont les Etats-Unis et la Chine, l’Europe a pris du retard et il faudra bien qu’elle aussi cre sa propre loi lui permettant d’tendre son pouvoir judiciaire en dehors du continent. Car nul n’est dupe : les pots-de-vin pour l’obtention de contrats concernent de multiples pays. Les poursuites au moyen d’une loi extraterritoriale donnent accès non seulement des sommes importantes, mais aussi des documents contenant des informations importantes et possiblement des secrets industriels.
L’exprience d’Alstom aura au moins eu l’effet de mieux prparer la France au moment où, un peu plus tard, le gant Airbus a t vis pour malversation par la même loi amricaine. Airbus ne fabrique pas que des avions, mais aussi de nombreux produits militaires stratgiques protgs par le secret. Cette fois, on a refus le prlèvement gnralis d’informations confidentielles de la compagnie sans qu’un citoyen français soit nomm comme intermdiaire et que les documents remis aux Amricains soient revus pour s’assurer qu’ils ne comportent pas de secrets militaires ou autres renseignements n’tant pas directement relie aux accusations de corruption.
Aujourd’hui, Airbus connaît un grand succès et vend mensuellement davantage d’avions que Boeing, qui connaît des difficults quant la façon dont la compagnie fabrique ses aronefs. Et on a le droit de penser que la haute direction d’Airbus a amlior ses pratiques commerciales.
Le roman graphique « Un tournage en enfer : au cœur d’Apocalypse Now » nous plonge au centre de la cration du fameux film de Francis Ford Coppola port l’cran en 1979. Comme le signale le ralisateur, « […] nous tions dans la jungle. Nous tions trop nombreux. Nous avions accès trop d’argent et de matriel, et, peu peu, nous sommes tous devenus fous… ».
Cela avait mal commenc. Dès le dbut, le ralisateur ne peut convaincre des acteurs bien connus de s’impliquer dans son film. Tour tour, des comdiens comme Jack Nicholson, Al Pacino, Robert Redford et James Caan refusent de s’associer l’aventure. Coppola poursuit ses recherches et les entrevues.
En tant que lecteurs, nous pntrons sur les lieux de production et recevons les confidences des proches du cinaste. Le tournage commence dans la jungle des Philippines, même si Coppola n’a encore aucune ide du scnario de la fin de son œuvre. Cela le hantera tout au long de la ralisation, lui causant des nuits blanches alors qu’il est dj passablement puis.
Les dpassements de coûts s’enchaînent et la pression des bailleurs de fonds s’accroît toujours davantage sur le metteur en scène. On lui demande de boucler son œuvre cinmatographique au plus tôt, ce qu’il s’avère incapable d’accomplir. Coppola en vient garantir les fonds requis en s’engageant rembourser lui-même la dette si les recettes en salle n’atteignent pas $40 millions de dollars.
De plus, on a tenu pour acquis que le gouvernement amricain fournirait les hlicoptères de combat ncessaires l’action du film. Mais, au lendemain de la guerre du Vietnam, l’intrêt des politiciens amricains pour ce genre de demande diminue. Le ralisateur doit se tourner vers le prsident des Philippines d’alors, Ferdinand Marcos, pour obtenir des hlicos et du personnel, moyennant certaines rtributions et compensations. Mais ces appareils quittent parfois la scène sur ordre de Marcos pour aller chasser les ennemis du rgime. On prend encore du retard…
On a pens qu’Harvey Keitel serait le comdien idal pour donner la rplique Robert Duvall. De nombreuses squences plus tard, l’vidence apparaît : l’homme ne fait pas le poids pour plusieurs raisons. On court la catastrophe et on doit d’urgence contacter Martin Sheen et le supplier de remplacer Keitel. On doit reprendre de multiples scènes avec le nouvel acteur, les retards s’accumulent, et donc les frais associs.
Toutes sortes d’autres embûches attendent le ralisateur et son quipe tout au long du tournage, dont la barrière de langue avec les Philippins et une tempête qui dtruit le dcor. L’usage gnralis de drogues et d’alcool par le personnel et les pilotes d’hlicoptères n’aide en rien la situation.
Les moustiques, la chaleur et les exigences constantes de Coppola puisent des acteurs. Martin Sheen tombe gravement malade et on doit employer son frère pour certaines scènes secondaires. Plutôt que de n’utiliser que des figurants pour simuler des morts, un membre du personnel se rend la morgue et revient avec un cadavre. Cela provoque l’arrive des forces policières et on règle le problème avec de gnreuses sommes d’argent.
Bien d’autres facteurs viennent encore retarder la clôture du tournage et en augmenter les coûts. Il faut citer en exemple les exigences de Marlon Brando. On russit le ramener sur le plateau de tournage pour une journe supplmentaire, condition de dbourser 70 000 $ de plus que prvu.
Le tournage se termine finalement en 1977. L’quipe affrète un avion priv pour transporter 381 kilomètres de pellicule originale vers les Etats-Unis. Le montage du film s’avère cependant un calvaire. On dispose de trop de matriel analyser. En 2001, Coppola prsentera une mouture modifie de sa production originale de 1979. Il livrera enfin en 2019 une dernière version de 182 minutes, Apocalype Now « Final cut » , soit plus de quarante ans après la sortie initiale.
Les recettes rencontreront les esprances du ralisateur et il gagnera finalement son pari. En tout, le film aura gnr $140 millions partir d’un budget total de $30 millions.
Avec tout ce qui se publie aujourd’hui dans une anne, on doit forcment prendre des risques ici et l. Au Salon du livre de Qubec 2023, j’ai tent ma chance avec deux ou trois bouquins dont je n’avais pas entendu parler. Celui qui m’a surpris le plus tait un petit roman du nom de Von Westmount.
Le design de la couverture attirait l’attention. En voyant la maison cossue et le terme Westmount, je me doutais bien qu’un dtour dans l’ouest de Montral s’imposerait. Pour les personnes n’habitant pas le Qubec, on connaît Westmount en tant qu’un secteur plus ais financièrement et où la majorit des habitants utilisent la langue anglaise comme moyen de communication, dans un Qubec majoritairement francophone.
Pendant l’anne où l’on suit Aline, l’hroïne de Jules Clara, elle abat pniblement des petits boulots et mène sa vie tant bien que mal jusqu’ ce que le hasard lui permette de tenter sa chance avec un nouvel emploi.
Elle se retrouve ventuellement dans le milieu anglophone de l’ouest de Montral et, travers elle, nous tmoignons du mode de vie et des conversations se droulant dans une rsidence prive de la ville de Westmount. Est-ce que l’hroïne une fois installe dans cette rsidence cossue saura s’adapter rapidement ses nouvelles fonctions et faire les choix conformes ses intrêts et ses valeurs? Comment voluera sa vision de Montral au sens propre et figur?
J’ai ador ce petit livre jusqu’ la fin. Il convient de noter que certaines personnes ont eu de la difficult comprendre la conclusion, une conclusion qui me semblait certainement un choix logique inclure dans une histoire de ce genre.
Des gens ont aussi contest l’utilisation de la langue anglaise pour quelques sections du roman. En ce qui me concerne, je crois que cette langue avait tout fait sa place et jouait un rôle important dans le droulement du rcit. Mais il faut bien connaître l’anglais et non en balbutier quelques mots.
Bref, vous passerez un très bon moment avec Von Westmount si vous apprciez un livre bilingue et que vous vous intressez la dynamique spciale entre l’ouest et l’est de Montral.
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Nous avons tous entendu parler du drame vcu par les habitants de Lac-Mgantic en 2013, alors qu’un train ptroliersans conducteur de la compagnie CP tirant des centaines de wagons de ptrole explosif, draille en pleine nuit, explose et tue 47 habitants de la ville.
La bande dessine (ou roman graphique pour certains) « Mgantic – Un train dans la nuit » vient complter ce que l’on pensait connaître de cette histoire vcue, en exposant plusieurs informations capitales passes sous silence ou survoles trop rapidement par les mdias.
L’autrice Anne-Marie Saint-Cerny a travaill durant des annes sur le dossier et, pour bien transmettre le contenu et les motions en images, s’est assur le concours de Christian Quesnel. Le rsultat est extrêmement intressant. La formule fonctionne : les dessins sont d’une grande prcision, la mise en page laisse de l’espace pour la rflexion, les couleurs sont choisies judicieusement.
Dans l’explosion du train Lac-Mgantic, il y a plusieurs facteurs en jeu, dont :
Des dirigeants de la compagnie CP qui font des choix catastrophiques.
Un dsir de satisfaire, comme toujours, les exigences des actionnaires. On coupe le personnel et on s’auto-value quant la scurit.
Un seul chauffeur est autoris pour un train transportant des centaines de citernes d’explosifs.
Les politiciens donnent leur accord avec les nouvelles coupes proposes par la compagnie.
On a affaire de la pense magique: en cas de ppin avec le chauffeur, le train s’arrête tout seul grâce un mcanisme qui, pourtant, est toujours susceptible de faire dfaut ventuellement.
Les rails ne sont pas ce qu’il y a de plus rcent.
Le transportde la marchandise dangereuse est accord une compagnie la rputation douteuse, la MMA.
Les citernesDOT-111 utilises sont dcries comme tant trop fragiles pour les matières dangereuses et cibles dans plus de 25 enquêtes.
Il y a galement une entente pour trafiquer les bons de connaissement du ptrole. Au lieu d’indiquer comme il se doit le code PG1 (le plus dangereux, le plus explosif), on dcide d’inscrire PG111 (pas dangereux).
La locomotive de tête est use au maximum.
Le chauffeur signale un problème avec sa vieille locomotive. On lui dit de forcer la note, de continuer sa route.
À Lac-Mgantic, le train chauffe. On dit au chauffeur d’appliquer les freins, de laisser l’engin fonctionner, qu’il va refroidir. On autorise le chauffeur quitter les lieux et aller se coucher. C’est une des rpercussions d’autoriser un seul conducteur.
Dans la nuit, un feu est signal sur la locomotive de tête, celle qui avait des problèmes. Le moteur est coup par les pompiers. « En teignant le moteur, la pression d’air dans les freins pneumatiques est relâche. Eventuellement, le train commencera se mettre en mouvement seul et descendre la pente vers Lac-Mgantic ».
Avec un seul chauffeur qui est forcment aller dormir huit heures, il y a maintenant 5 000 000 de litres d’explosifs en marche que personne n’arrêtera.
« Les pompiers croient combattre du ptrole peu inflammable. Ils ignorent que le CP et World Fuel ont falsifi les papiers, camouflant leur ptrole class le plus explosif et dangereux ». Il y a 47 morts, dont plusieurs suicids.
Maintenant qu’il y a eu une catastrophe, les personnes impliques directement ou indirectement se renvoient la balle, comme c’est la coutume lors de tragdies. Le livre mentionne, au niveau politique, les noms de Denis Lebel, Lisa Raitt, John Baird et plus tard Marc Garneau. Au niveau des compagnies, l’autrice mentionne Hunter Harrison, PDG de CP, et Edward Burkhardt, PDG de MMA.
Les changements se produisent, mais pas ceux que l’on pense…
Naomi Klein analyse la « stratgie du choc » conçue par Milton Friedman. Dans l’tape 1, « on profite de ce que la population est encore tourdie : elle ne pourra s’opposer ce que l’on veut lui imposer ». On change le zonage en vitesse pour inclure l’expropriationde maisons qui sont totalement en dehors de la zone touche par la catastrophe. Il y en a qui s’intressent aux terrains…
Dans l’tape 2 de la « stratgie du choc », on « prtexte une dcontamination obligatoire pour faire table rase de l’Ancien Monde. Exclure la population du lieu du drame, pour qu’elle ne puisse s’y accrocher, pour qu’il n’y ait plus de retour possible ».
Enfin l’tape 3 : « Face une population dont le choc a t exacerb par la destruction de ses repères et habitudes, on peut lancer une reconstruction ou « rinvention » qui sera reçue avec une acceptation rsigne ». On a le cas de gens vivant Fatima, un secteur loign et pargn par la catastrophe : le propritaire doit signer en vitesse son expropriation sinon il perd tout. Quand les proprios sont enfin tasss, c’est une pharmacie Jean Coutu qui vient s’installer sur les terrains librs.
Côt lgal, on arrête les petits joueurs et on limite l’enquête au maximum. Des prises de contrôle sont effectues et les rendements aux actionnaires dmultiplis.
Le livre fait talage de certaines manœuvres politiques et entrepreneuriales visant protger les compagnies ferroviaires. Même l’aube de 2022, soit huit ans plus tard, les rails passent toujours au centre-ville de Lac-Mgantic.
« MMA-Canada, essentiellement en faillite, n’a rien pay et n’a pas t poursuivie en justice ».
« Rien n’a chang dans les lois ferroviaires au Canada depuis la tragdie : les compagnies s’auto-rglementent, s’auto-surveillent et, en cas d’accident, s’auto-enquêtent. Ainsi, c’est le CP lui-même qui a enquêt sur la mort de trois de ses employs lors d’un accident survenu en fvrier 2019 en Colombie-Britannique. L’enquêteur du CP, empêch d’enquêter, a dnonc son employeur et rclam une enquête indpendante de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) et du Bureau de la Scurit des transports du Canada (BST), une enquête immdiatement accepte par l’enquêteur en chef responsable du cas au BST. Le jour même, cet enquêteur du BST a t dmis de ses fonctions. L’enquêteur du CP a conclu sur un no-fault du CP ».
Avant de lire ce livre, je n’avais jamais entendu parler de John Muir. Et pourtant! Il a fond le dsormais clèbre Sierra Club et a t le crateur du parc national de Yosemite. C’tait un gnie, inventeur de machines complexes et, en même temps, un explorateur des milieux naturels comme il ne s’en fait plus aujourd’hui.
C’tait un être intressant tous les points de vue, dot d’une nergie incroyable et d’une sant de fer. Il a parcouru pied des milliers de kilomètres dans les forêts encore sauvages des Etats-Unis. Originaire de l’Ecosse, il a quitt ce pays l’âge de dix ans pour venir s’tablir aux Etats-Unis avec sa famille.
Jeune adulte, c’tait un travailleur infatigable qui n’hsitait pas perdre plusieurs heures de prcieux sommeil pour laborer dans le sous-sol familial des pendules et autres machines faites de bois qui l’ont rendu clèbre.
En 1903, sa rputation de marcheur solitaire dans les forêts de Californie fit en sorte que même le prsident amricain Thodore Roosevelt lui demanda la faveur de passer quelques jours en sa compagnie dans la grande « Sauvagerie » sans être drangs. L, ils discutèrent de l’urgente ncessit de protger l’environnement et de crer des parcs nationaux.
L’auteur Alexis Jenni, crivain français qui a reçu le prix Goncourt en 2011 pour « L’Art français de la guerre » y va de plusieurs observations personnelles et il se compare, bien humblement je dois le dire, John Muir, car lui aussi possède cet intrêt profond pour le respect de la nature sans toutefois avoir la rsistance extraordinaire de Muir.
À propos de la dette cologique, il crit : « Le concept de la dette cologique est rcent, un peu flou, mais très utile, car il vise mesurer une variable cache : il est des dveloppements conomiques spectaculaires qui se font par l’exploitation d’une ressource dont le coût n’est pas comptabilis. On prend en compte le prix de l’exploitation, mais pas celui du manque, celui-ci constituant une dette cologique qui se paiera plus tard. Cela concerne l’eau, les forêts, la faune marine, tout ce que l’on prlève sans compter en estimant que c’est inpuisable ». (p.205)
Henry David Thoreau, dont la rputation n’est plus faire, est galement mentionn dans le livre, mais surtout dans le but de diffrencier l’intensit de l’exprience face la nature entre Thoreau et Muir. Alors que Muir vcut pendant des annes seul au cœur des forêts les plus sauvages d’Amrique, Thoreau vivait tout près de la ville et tait considr comme un ermite. Comme le dit l’auteur : « On comprend bien que “vie sauvage”, dans les deux cas, n’a vraiment pas le même sens. Muir est un peu enthousiaste, Thoreau un philosophe rflchi et un peu barbant, l’un gambade dans les bois, parle aux cureuils, grimpe aux arbres les jours d’orage et court sur les glaciers; l’autre mdite d’un air grave, enseigne, et accueille ses amis venus de Boston le dimanche recueillir quelques oracles. » (p.214)
C’est un livre très intressant, facile d’accès, qui parle d’une priode rvolue où un citoyen pouvait sur un coup de tête dcider de marcher droit devant lui sur des centaines de kilomètres travers des forêts sauvages qui n’taient pas encore devenues des proprits prives.
Il faut toutefois noter que le Sierra Club a dû s’excuser en 2020 pour les propos racistes utiliss l’poque par John Muir.
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Titre : J’aurais pu devenir millionnaire, j’ai choisi d’être vagabond .
Il s’agit d’une nouvelle traduction de l’allemand du livre de Stefan Zweig par la traductrice renomme Françoise Wuilmart. Cette nouvelle traduction tait devenue ncessaire pour plusieurs raisons. D’abord, le traducteur initial du nom de Alzir Hella a fait le travail initial il y a près de soixante ans et il n’avait justement pas de formation de traducteur.
Le rsultat, bien que correct, ne respectait pas complètement l’criture de Stefan Zweig. La traductrice signale que lorsqu’il arrive Zweig d’utiliser quatre adjectifs dans une phrase, Alzir Hella dcide de n’en garder qu’un seul. Quand l’auteur est imprcis dans son criture, M. Hella ajoute une explication. Comme le dit encore Françoise Wuilmart, en s’adressant Alzir Hella : « […] il vous arrive de confondre l’Egypte et la Perse, ou, plus grave dans un rcit de navigation, l’est et l’ouest. Enfin, Zweig clôture souvent un paragraphe ou un chapitre par une considration philosophique ou par un lan lyrique qui se rpand sur plusieurs lignes. Vous les vacuez purement et simplement, et j’ai l’impression que vous n’y voyez que d’inutiles fariboles qui ralentissent le flux de la narration. » (p.9)
Selon Françoise Wuilmart, le Zweig de Alzir Hella est « un journaliste viril la voix autoritaire ». Elle prfère rendre l’auteur sa grande sensibilit et en profite pour adapter la traduction notre poque.
Le rsultat du travail de Françoise Wuilmart est vraiment superbe. C’est un livre qu’on ne veut pas fermer tant il est intressant. Zweig donne un vritable cours d’histoire et sait comment conserver notre attention chaque page. Le lecteur navigue sur les mers avec l’quipage, vit les privations, les angoisses, les magouilles, les erreurs et les succès et, en permanence, la lutte pour la survie : « Quant aux biscuits qui sont, avec les poissons qu’ils attrapent, leur seule pitance, ils se sont transforms depuis belle lurette en une poudre grise et sale où pullulent les vers, de surcroît empeste par les excrments des rats qui, devenus fous eux-mêmes, se ruent sur les quelques misrables miettes parses […] ». (p.250)
Les considrations philosophiques ajoutes par Zweig ajoutent encore la profondeur du texte et en font plus qu’un rcit de voyage. Je cite en exemple certains des propos de Zweig qui s’appliquent bien d’autres situations qu’au premier tour du monde effectu par le Portugais Magellan :
« La prsence d’esprit et l’nergie d’une figure de second plan dcident souvent du cours de l’histoire. » (p.55)
« L’histoire n’a jamais vu une seule grande victoire rassasier un vainqueur. » (p.66)
« Une vrit suprême peut toujours naître de l’erreur la plus grossière dès lors qu’un gnie ou le hasard s’en mêlent. Dans le domaine scientifique, des centaines et des milliers d’inventions importantes sont le fruit d’hypothèses errones. » (p.99)
« Dans la mmoire des grands exploits, le monde prfère toujours se focaliser sur les instants dramatiques ou pittoresques qui synthtisent les hauts faits du hros : Csar traversant le Rubicon, Napolon au pont d’Arcole. L’effet pervers en sera que les annes prparatoires, la lente gestation spirituelle, la patiente progression de l’organisation d’un fait historique, demeurent dans l’ombre. » (p.125)
« C’est la somme de tous les obstacles surmonts qui donne la mesure vritable, exacte de l’exploit et de l’humain qui l’a accompli. » (p.128)
« On sait d’exprience que le nationalisme est une corde que la main la plus maladroite sait faire vibrer sans trop de peine quand il le faut. » (p.132)
« Il est toujours plus facile d’exciter les masses, et même tout un peuple, que de les apaiser. » (p.133)
« C’est son comportement dans les moments dcisifs que l’on reconnaît le mieux le caractère d’un homme et c’est l’heure du danger que sa force et ses facults caches se manifestent. » (p.173)
« […] Après une victoire totale, les dictateurs ont moins de peine reconnaître leurs droits d’autres humains, et après avoir assur leur pouvoir, il leur est plus facile de leur laisser la parole. » (p.234)
« Le monde ne rcompense jamais que le dernier de la srie, celui qui a la chance d’achever une œuvre, et oublie tous ceux qui l’ont conçue et permise avec leur esprit et leur sang. » (p.331)
« Magellan a prouv tout jamais qu’une ide anime par le gnie et rsolument porte par la passion s’avère plus forte que tous les lments runis, et qu’un seul homme, malgr son passage phmère sur terre, est toujours capable de transformer en ralit et en vrit imprissable ce qui n’tait qu’une utopie pour des centaines de gnrations. » (p.340)
Les dbats politiques tlviss de 2016 sur CNN entre Hillary Clinton et Donald Trump ont mis de l’avant le racisme aux Etats-Unis. La ville de Chicago y a t mentionne, car elle dtient le record national pour le nombre de morts violentes. Le livre « Histoire de Chicago » permet, entre autres, de mieux comprendre ce qui alimente les ingalits sociales entre Noirs et Blancs depuis la cration de cette ville.
Le lecteur comprend que ce ne sont pas les dficiences culturelles qui sont la base des problèmes, mais plutôt le racisme institutionnalis et les choix conomiques des diffrentes administrations municipales.
La ville s’est construite avec en toile de fond la couleur de la peau qui dtermine le type d’emploi que quelqu’un peut occuper. Eventuellement, même la planification urbaine a t pense de sorte que les Blancs et les Noirs soient spars : le mur artificiel que constitue la Dan Ryan Expressway ou le Dearborn Park en sont de bons exemples.
En 2016, les sondages montrent, de façon surprenante, un appui très important au candidat rpublicain la prsidence des Etats-Unis, Donald Trump. Trump connaît bien Chicago et il y a fait construire sa « Trump Tower ».
Le candidat du Parti rpublicain reprend dans sa plateforme politique certains des lments qui ont fait la popularit et le succès de la famille Daley qui a rgn sur Chicago durant des dcennies : l’exploitation de la peur entre les groupes ethniques pour bâtir et maintenir un pouvoir politique, l’ide de construire un mur et l’utilisation de la torture comme solutions simplistes des problèmes complexes.
Ce populisme plaît une certaine classe d’lecteurs amricains qui sont très facilement effrays par les diffrences entre les gens et les cultures.
Bref « Histoire de Chicago » est un livre qui est toujours d’actualit et dont les auteurs ne craignent pas de soulever des sujets politiquement dlicats.
Chicago
Chicago devint un territoire des Etats-Unis avec le trait de Paris en 1783. Il s’en suivit une appropriation des terres des Indiens au moyen des manœuvres les plus diverses, dont la signature de contrats alors que les autochtones taient ivres. Vers 1830, après l’loignement dfinitif des Indiens, la fièvre spculative commença.
Le rail
À partir des annes 1860, Chicago fit en sorte de devenir le centre travers lequel s’arrêtaient les grandes compagnies ferroviaires du pays. La ville se dveloppa très rapidement. Les passagers, le btail, les crales et autres marchandises devaient dsormais transiter par Chicago. La ville dpendait du train pour croître et les compagnies de train dpendaient de Chicago pour être profitables.
L’accroissement rapide de la population de Chicago fut essentiellement dû la migration en provenance de l’Europe (Irlandais, Allemands, Polonais, Italiens). La dynamique changeante et souvent violente entre tous les groupes ethniques prsents Chicago est vraiment bien dtaille dans le livre.
Les grands magasins
Un peu avant 1900, on assiste la cration des grands magasins, avec la possibilit de commander par catalogue et payer par crdit. De nouvelles catgories d’employs et de gestionnaires s’ajoutent au monde ouvrier et aident former la classe moyenne.
L’immigration des Noirs vers Chicago
À partir de 1910, l’immigration des Noirs en provenance du sud des Etats-Unis augmente. Chicago tait une ville abolitionniste. Cela ne veut pas dire qu’elle tait en faveur de l’galit raciale, mais plutôt contre l’esclavage. En fait, Chicago est progressivement devenue la ville la plus sgrgue des Etats-Unis.
Les Noirs arrivaient en masse en provenance du sud des Etats-Unis, non pas seulement pour des raisons conomiques, mais galement pour chapper la violence raciale et la sgrgation qui svissaient dans de nombreux Etats. Bien que loin d’être idale, la situation Chicago tait meilleure que dans le sud du pays.
La Première Guerre mondiale rduisit de façon importante le nombre d’immigrants en provenance de l’Europe. Cela constitua un srieux problème pour une ville qui recevait de nombreux contrats militaires et avait besoin d’un très grand nombre d’employs pour ses diffrentes usines. Cela favorisa galement la « grande migration », « c’est–dire l’intensification spectaculaire de la migration des Afro-Amricains vers les grands centres urbains du Nord-Est et du Middle West […] » (p.143)
Les abattoirs de Chicago
Chicago tait reconnue pour le nombre très lev de ses abattoirs, et en particulier les abattoirs de porc. La senteur et la pollution occasionnes par cette activit taient pouvantables. Des laboratoires de chimie permettaient l’utilisation de toutes les parties de l’animal. À ce sujet, l’crivain Georges Duhamel disait dans son livre : À Chicago, « on utilise tout, sauf le cri des porcs » (p.63).
Les travailleurs noirs n’avaient pas le droit de travailler dans l’industrie sidrurgique de Chicago et devaient se contenter des abattoirs où ils taient engags comme travailleurs manuels. Mais l encore, ils n’avaient pas accès des emplois qualifis.
La Seconde Guerre mondiale
Durant la Seconde Guerre mondiale, Chicago tait en concurrence avec d’autres grandes villes amricaines pour obtenir de juteux contrats militaires. Elle ne mnagea pas ses efforts pour montrer son support au gouvernement amricain et elle finit par profiter de milliards de dollars pour la construction de tanks, tracteurs, torpilles, obus et avions (dont le bombardier B -29).
Pour compenser le manque de main-d’œuvre, tant donn que beaucoup d’hommes s’taient enrôls en tant que volontaires et taient partis la guerre, les femmes entrèrent massivement sur le march du travail. Les employeurs y virent l’occasion d’augmenter les profits en rduisant le salaire des femmes, qui n’tait plus que 65 % de celui des hommes pour un travail comparable. Cela reprsente la façon dont les femmes ont t remercies pour leurs efforts et leur collaboration.
Transformation de l’conomie de Chicago
Chicago a vcu une profonde transformation durant les annes 70. L’ordre industriel s’est termin avec la fermeture des abattoirs en 1971, en même temps que les aciries approchaient aussi de leur fin. S’en est suivie une ouverture sur l’international et le dveloppement d’une nouvelle conomie base sur les services spcialiss tels que la finance, l’immobilier, l’assurance, le marketing, la publicit et les services juridiques.
Le maire de Chicago, Richard M. Daley, a favoris la venue d’une classe socioprofessionnelle de crateurs dans la ville (design, arts, musique, etc.) en traitant cette classe comme un autre « groupe ethnique » qui avait besoin d’un espace privilgi pour s’exprimer.
Le dveloppement des grands ensembles durant les annes 1960 -1970
Durant les annes 1960-1970, Chicago connaît une transformation importante de son paysage. On assiste de grands dveloppements (Magnificent Mile, Sandburgh Village, Marina City, Lake Point Tower, Dearborn Park) qui se concentrent dans les quartiers où vivent les Blancs, dans le nord de la ville. Le Chicago Tribune dit de Dearborn Park qu’il est « une forteresse rserve aux Blancs et destine protger le quartier financier contre les Noirs ».
L’administration Daley doit lutter contre l’exode vers les banlieues et favorise alors la construction de gratte-ciels pour conserver les Blancs dans le centre-ville et percevoir davantage de taxes foncières. Deux Bourses d’change sont cres, le Chicago Board of Trade (CBOT) et le Chicago Mercantile Exchange (CME). La cration de ces deux nouvelles Bourses et des grands ensembles ne changent en rien la dynamique entre Blancs et Noirs.
La sgrgation raciale
Bien que Martin Luther King ait t une figure dominante dans la lutte pour les droits civiques des Noirs aux Etats-Unis, les auteurs mentionnent que les Noirs de Chicago n’ont pas attendu un grand leader pour promouvoir leurs droits et qu’ils avaient dj commenc se mobiliser des annes plus tôt.
Les ides de Martin Luther King quant l’intgration des Noirs ne plaisaient pas tous les Noirs, spcialement les politiciens noirs de Chicago qui bnficiaient d’un traitement favorable de la machine Daley en favorisant le statu quo.
Le Chicago du maire Richard M. Daley connaissait beaucoup de succès. Pour se maintenir au pouvoir, la machine Daley « tablait sur le maintien de communauts spares et concurrentes » (p.322-323). La sparation entre Blancs et Noirs tait entretenue et planifie. Il y avait et il y a toujours deux Chicago.
Une autoroute, la Dan Ryan Expressway a même t positionne de façon crer un mur artificiel entre le quartier de Daley, Bridgeport et celui de la Black Belt : « C’tait l’obstacle le plus massif que la ville pouvait construire, dfaut de construire un mur, pour sparer le South Side blanc de la Black Belt » (p.259).
Le fonctionnement de la machine Daley
On ne peut pas parler de Chicago sans souligner l’importance de la machine politique de la famille Daley : « Par leur contrôle autoritaire de la “machine”, Richard J. Daley et son fils Richard M. Daley, chacun dans son propre style, ont domin la scène politique de Chicago pendant quarante-trois ans, entre 1955 et 2011.
Pendant cette priode qui vit le dveloppement puis le dclin du mouvement moderne des droits civiques, la ghettoïsation d’normes pans du West Side et du South Side, une vague massive d’immigration en provenance d’Amrique latine et la mtamorphose de la ville de gant de l’industrie en centre de l’conomie mondiale de services, c’est tout juste si Chicago a connu une seule lection municipale lgitime ou un seul vrai dbat au conseil municipal » (p.16)
Il y avait une corruption rampante et des budgets clandestins au sein de l’administration Daley. La Mairie attribuait en toute opacit des quartiers favoriss des sommes d’argent rserves aux quartiers dfavoriss.
« […] Tandis que les gros hommes d’affaires, les hommes de la pègre et tous ceux ayant des liens avec la famille Daley s’enrichissaient, les Noirs et les Latinos dmunis taient abattus aux coins des rues ou torturs dans des arrière-salles de commissariat » (p.394)
Les cabinets d’avocats et les entrepreneurs versaient d’normes sommes d’argent en change de contrats importants. La machine Daley ne manquait jamais d’argent.
Les tensions raciales et les politiques muscles de rpression du maire Daley
« Dès les annes 1930, Chicago tait devenu, selon l’historien Frank Donner “la capitale nationale de la rpression policière” » (p.321)
La migration noire dans les annes 1940 et 1950 effraie la population de Chicago qui se sent assige, ce qui augmente des tensions raciales dj prsentes et entretenues. Il devient plus facile d’accepter davantage de policiers que de logements sociaux.
Les tactiques muscles du maire Daley sont le plus videntes lors de la Convention dmocrate de 1968, alors que les policiers et 7000 soldats de la Garde nationale tombèrent « bras raccourcis sur la foule [de 10,000 jeunes manifestants] dans une explosion de violence aveugle ». (p.315).
L’exploitation des peurs raciales connaissait beaucoup de succès Chicago. Daley dfendait ses politiques en disant que « la plupart des gens s’inquitaient bien plus d’une meute des Noirs que d’un maire qui ordonne l’usage de la force ltale pour y mettre un terme et qu’ils se reconnaissaient bien moins dans des manifestants pacifistes que dans les policiers qui les frappaient coups de matraque ». (p.319)
La propagande des mdias et la police de la machine Daley taient efficaces pour convaincre les Noirs de ne pas changer l’ordre tabli. La torture tait pratique courante au commissariat de la zone 2 dans le South Side, entre 1972 et 1991.
L’arrive prochaine du Noir Harold Washington la mairie, durant les annes » 80, attisa encore davantage les craintes que tout change dans la façon de faire Chicago. Tout tait organis pour miner la candidature de Washington, mais il finit malgr tout par l’emporter, grâce au vote noir.
Il y avait beaucoup de mouvements politiques de gauche qui avaient chacun leurs objectifs et qui n’ont pas su s’unir sous une même bannière progressiste. Cela a laiss la marge de manœuvre ncessaire la machine Daley. Cette dernière travaillait en coopration avec les autorits fdrales pour organiser la rpression d’Etat.
Problèmes sociaux dans les quartiers dfavoriss
La canicule de 1995 fit 739 victimes Chicago. La prcarit sociale favorisa une augmentation du nombre de dcès, mais il fut plus simple de dterminer que les victimes de la chaleur taient responsables de leur sort.
Les Noirs et les Latinos croyaient et croient toujours que leurs problèmes d’coles et de quartiers proviennent de dficiences culturelles. En tentant de saisir la nature relle de leurs problèmes, ils ngligent les aspects du racisme soutenu et les choix conomiques des diffrentes administrations depuis la cration de la ville.
« Le recensement de 1980 indiqua que dix des seize quartiers les plus pauvres des Etats-Unis se trouvaient Chicago, dans la Black Belt, bien entendu » (p.334)
En 2002, Chicago tait la capitale amricaine des meurtres avec 647 victimes. En 2008-2009, la ville dtenait le record de meurtres d’lèves d’coles publiques lis des gangs.
Il existe aujourd’hui deux Chicago
Chicago profite aujourd’hui de l’existence de quartiers ethniques bien dfinis qui attirent les touristes en quête d’exotisme. Cependant, les politiques de sgrgation raciale en place ont fait en sorte d’isoler les quartiers Noirs et en 2016 Chicago a toujours la triste rputation d’être la capitale des homicides aux Etats-Unis.
« La situation de Chicago ressemble de plus en plus un scnario de science-fiction. Alors qu’une partie de la ville possède une capacit conomique qui la classe parmi les cinq premières du monde, l’autre partie est fige dans une situation d’austrit qui pourrait bien devenir irrversible » (p.443)