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Simulation de vol

Tour du monde en simulation de vol (9)

L'Antonov 225 décolle de l'aéroport Antonov (UKKM) en Ukraine, direction Sochi en Russie.
L’Antonov 225 décolle de l’aéroport Antonov (UKKM) en Ukraine, direction Sochi en Russie.

Aujourd’hui, l’Antonov 225 renaît pour une autre étape dans ce tour du monde en simulation de vol. Dans la réalité, cet appareil à été détruit par la Russie au moment de son invasion en Ukraine. Au moment d’écrire ces lignes, la guerre persiste toujours entre ces deux nations. Mais dans le mode virtuel, nous avons plus de latitude pour modifier le cours des événements et simuler la paix.

Nous quittons donc l’aéroport Antonov en Ukraine (UKKM), survolons la Crimée pour ensuite faire escale à Sotchi en Russie (code d’aéroport URSS). La destination sera l’aéroport de Lublin (EPLB), en Pologne.

La météo se présente bien, avec un ciel dégagé pour l’arrivée à Sotchi. Le paysage autour de Sotchi est splendide et il est préférable d’y atterrir lorsqu’il fait beau.

Le décollage s’accomplit sans problème, mais il faut vite s’habituer à la lourdeur de l’Antonov 225. Le poids de l’appareil fait en sorte que chaque fois que le pilote effectue une manœuvre avec les commandes de vol, il ne se passe initialement rien. Puis, l’appareil commence doucement à obéir. On doit donc s’attendre à des délais et anticiper le résultat des manœuvres.  

Navigraph sert pour la navigation. Bien entendu, j’ai prévu de dévier du parcours initial pour survoler la Crimée et poursuivre vers Sotchi.

Le triangle rose indique la position de l'Antonov 225 arrivant au-dessus de la Crimée dans son vol vers la Russie et la Pologne.
Le triangle rose indique la position de l’Antonov 225 arrivant au-dessus de la Crimée dans son vol vers la Russie et la Pologne.

Ci-dessous les champs labourés de l’Ukraine. On considère l’Ukraine comme le grenier du monde.

L'Antonov 225 au-dessus des champs cultivés de l'Ukraine.
L’Antonov 225 au-dessus des champs cultivés de l’Ukraine.

La Crimée est une très belle région vue des airs, mais âprement disputée au sol. Un pilote dirait qu’aujourd’hui, ça secoue plus en bas qu’en haut.

L'Antonov 225 arrive au-dessus de la Crimée lors de son vol vers la Russie suivi d'un retour vers la Pologne.
L’Antonov 225 arrive au-dessus de la Crimée lors de son vol vers la Russie suivi d’un retour vers la Pologne.

Quelques minutes plus tard, le vol au-dessus de la mer d’Azov   commence en direction de Sotchi.

L’approche est spectaculaire avec les montagnes environnantes. Comme pour tous les gros appareils, il faut stabiliser l’Antonov longtemps d’avance pour éviter de surcorriger en finale.

Antonov 225 en longue finale pour la piste 06 à l'aéroport de Sochi (USSR), Russie.
Antonov 225 en longue finale pour la piste 06 à l’aéroport de Sochi (USSR), Russie.

L’avion-cargo s’arrête sur une distance extrêmement courte pour un poids aussi important. Quand la poussée est inversée sur six réacteurs, nul besoin de régler le freinage au maximum, spécialement à Sotchi. Nous faisons une courte escale.

L'Antonov 225 stationné pour une courte escale à l'aéroport de Sochi (USSR), Russie.
L’Antonov 225 stationné pour une courte escale à l’aéroport de Sochi (USSR), Russie.

Juste après notre arrivée, un jet militaire russe Soukhoï 27 effectue une passe à basse altitude près de la tour. L’avion de combat a été créé à l’époque en réponse à la construction du F-15 américain.

Un Sukhoi Su-27 fait une passe à basse altitude à l'aéroport de Sochi (USSR), Russie.
Un Sukhoi Su-27 fait une passe à basse altitude à l’aéroport de Sochi (USSR), Russie.

Le vol reprend en fin d’après-midi. Ci-dessous, l’Antonov 225 se trouve en finale pour la piste 25 de l’aéroport de Lublin en Pologne.

Antonov 225 en finale pour la piste 25 à l'aéroport de Lublin, Pologne.
Antonov 225 en finale pour la piste 25 à l’aéroport de Lublin, Pologne.

Les inverseurs de poussée permettent à l’appareil de sortir dans la voie de circulation en milieu de piste.

L'Antonov 225 utilisant les inverseurs de poussée au moment de l'atterrissage à l'aéroport de Lublin (EPLB) en Pologne.
L’Antonov 225 utilisant les inverseurs de poussée au moment de l’atterrissage à l’aéroport de Lublin (EPLB) en Pologne.

Nous recevons un peu d’aide pour le stationnement.

Aide au stationnement pour l'Antonov 225 à l'aéroport de Lublin, Pologne.
Aide au stationnement pour l’Antonov 225 à l’aéroport de Lublin, Pologne.

La prochaine étape de ce tour du monde en simulation de vol se fera avec un appareil plus petit en direction de l’Allemagne. Un survol de Göttingen est prévu avec un hélicoptère immatriculé D-JORG. Le trajet se terminera à l’aéroport de Paderborn Lippstadt (EDLP).

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Roman graphique et bandes dessinées

Roman graphique : « Sept vies à vivre ».

Le roman graphique "Sept vies à vivre".
Le roman graphique « Sept vies à vivre ».

J’ai longtemps hésité à me procurer ce roman graphique qui ne se trouvait que dans une des sept librairies que je côtoie régulièrement. À l’heure où les couvertures sont souvent tapageuses et où les thèmes abordés accrochent l’attention du potentiel client, je me retrouvais face à ce livre tranquille prétendant nous parler des sept vies d’un parfait inconnu. Que faire ?

En fin de compte, je me suis décidé à l’acquérir et je l’ai trouvé tellement intéressant que je l’ai lu d’une traite. Une très belle surprise, quoique j’aurais dû me douter que la qualité serait au rendez-vous en voyant le nom de l’auteur, Charles Masson. J’avais auparavant lu un autre roman graphique très intéressant de cet auteur. Le bouquin s’intitulait « Droit du sol » et portait sur les difficultés vécues par les autochtones qui doivent composer avec le colonialisme.

Une page du roman graphique "Sept vies à vivre".
Une page du roman graphique « Sept vies à vivre ».

« Sept vies à vivre » raconte de façon très intelligente et humaine la vie d’un homme ordinaire nommé René. Oubliez les ordinateurs et les réseaux sociaux. Le lecteur retrouve René et sa famille il y a plusieurs décennies dans le massif des Bauges alors qu’il y passe son enfance et adolescence dans l’absence de confort et de luxe. Les habitants triment dur pour survivre dans ce coin de pays.

René a perdu sept frères et sœurs alors qu’ils étaient en bas âge et il est bien déterminé à vivre pleinement. Il descend dans la vallée pour changer son existence. Les sept vies de René, ce sont les sept grands moments qui viennent modifier le destin de cet homme. Comme beaucoup d’entre nous, les événements le bousculent. Dans son cas, ce sont la Seconde Guerre mondiale, l’entraînement militaire obligatoire de 1946 en France, les rencontres fortuites, et j’en passe. Comment s’adapter et conserver son humanité à travers les surprises que réserve l’existence ?

Le scénario est solide et le graphisme intéressant. Il n’y a pas de temps mort, ce qui est tout de même à souligner pour un récit de 225 pages. Une belle trouvaille à rajouter dans votre bibliothèque.

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Titre : Sept vies à vivre

Auteur : Charles Masson

Éditions : Delcourt/Mirages

© 2024

ISBN : 9 782 413 077 060

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Roman graphique et bandes dessinées

Roman graphique : Wagner

Roman graphique "Wagner", l'histoire secrète des mercenaires de Poutine.
Roman graphique « Wagner », l’histoire secrète des mercenaires de Poutine.

« Wagner » est un roman graphique de qualité, fruit d’une recherche sérieuse basée sur de très nombreuses sources connues ou confidentielles.

Grâce au fait qu’une grande concentration de données pertinentes se retrouve dans un seul volume, le lecteur comprend rapidement et mieux le rôle international de ce groupe de mercenaires que supporte Vladimir Poutine et qui a pu s’implanter progressivement au Mali, en Centrafrique, en Lybie et en Syrie, avant d’attaquer les Ukrainiens.

On y trouve les noms de multiples compagnies, sociétés et fondations (société Concord, IRA [Internet Research Agency], SEWA Security Services, Lobaye Invest, M-Finance, M-Invest, Meroe Gold, Midas Resources, First Industrial Company, International Global Logistic [IGL], Alpha Development, Marko Mining, Prime Security, etc.) et une foule d’intervenants ayant joué un rôle majeur dans le partage du contrôle des ressources naturelles (mines, forêts, etc) en Centrafrique et au Mali.

Le bouquin montre comment le manque de clairvoyance de certains politiciens et des services de renseignements permet à Wagner de s’implanter sans trop de difficultés en Afrique. Il éclaire ainsi le départ précipité des Français au Mali et des Chinois au sud de Bamako.

Les dirigeants africains et la douane ferment les yeux sur les opérations de transfert de l’or et du diamant vers la Russie. Mais je n’ai pas besoin de creuser bien loin dans ma mémoire pour souligner que de nombreuses grandes puissances ont pu bénéficier d’un traitement similaire dans d’autres endroits sur notre belle planète.

Le scénariste et dessinateur Thierry Chavant prend soin de ne pas censurer outre mesure les actions des mercenaires de Wagner qui se prennent parfois pour des soldats. Les dessins explicites éclairent les crimes commis par ces tueurs, dont les viols, la torture et l’élimination systématique de centaines de personnes à la fois.

Malgré ces méthodes radicales, les mercenaires n’ont pas la vie facile face à des opposants bien déterminés. Wagner perdra de nombreux combattants en Afrique en se mesurant aux jihadistes, mais beaucoup moins qu’en Ukraine où ce sera littéralement une débâcle pour le groupe, avec des dizaines de milliers de morts et de blessés.

Même Evgueni Prigojine et Dmitri Outkine y laisseront leur vie quand le jet privé dans lequel ils se trouvent explosera au-dessus de la Russie. La question que je me pose encore aujourd’hui : comment peut-on être assez innocent pour continuer de survoler la Russie en toute quiétude après avoir tenté de s’emparer du pouvoir par la force ?

Le livre confirme que la géostratégie internationale a deux visages : un côté acceptable, où les diplomates et hommes d’affaires s’activent pour obtenir des avantages pour eux ou pour leur pays. Mais il y a aussi ce travail dans l’ombre, beaucoup plus violent et où les grands principes s’effacent devant le désir de gagner de nouveaux territoires avec les richesses qui s’y trouvent. Et là, tous les moyens sont bons pour arriver au but, qu’il s’agisse de financement obscur, de menaces, d’exécutions sommaires, de renversement de gouvernement et même d’esclavage moderne.

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Titre : Wagner

Enquête : Matthieu Olivier et Benjamin Roger

Scénario et dessin : Thierry Chavant

Couleur : Mathilda

Auteurs : Thierry Chavant

Éditions : Les arènes BD

© 2024

ISBN : 979-10-375-1111-9

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Roman graphique et bandes dessinées

Le roman graphique Magnum Génération (s).

Le roman graphique Magnum Génération (s)
Le roman graphique Magnum Génération (s)

Au moyen de dessins et de superbes photographies, ce roman graphique relate les évènements qui ont contribué à la création de Magnum, la célèbre agence internationale de photographie.

Avant Magnum, on ne trouve que des photographes qui tentent de se faire connaître et de gagner un mince pécule face aux géants comme Time et autres médias qui dictent leurs volontés. Ces grandes compagnies recadrent les images originales, ne reconnaissent pas le droit d’auteur et engrangent des profits gigantesques sur le dos des photographes comme Robert Capa, David « Chim » Seymour,   Gerda Taro, Henri Cartier-Bresson et George Rodger. C’est en réaction aux abus que ces photographes créeront la nouvelle agence.

Le livre nous conscientise sur les risques énormes pris pour ramener des clichés des différents conflits planétaires. Robert Capa et Gerda Taro y perdront même la vie dans le feu de l’action.

Une page du roman graphique Magnum Generations
Une page du roman graphique Magnum Generations

On assiste à l’évolution de Magnum, son internationalisation et le changement de sa vocation première. D’un travail initialement axé sur la couverture des guerres, les photographes se tournent progressivement vers une diversification de leurs activités, autant pour accommoder les besoins spécifiques des médias que des productions cinématographiques.

L’agence les protège désormais des abus. Les photographes réalisent cependant qu’ils doivent demeurer à l’écoute des donneurs de contrats pour survivre financièrement. Ils se réservent tout de même une marge de manœuvre pour la création pure, selon la personnalité de chacun et chacune et l’humeur du jour.

De garder en vie cette agence constituée de professionnels aux ambitions différentes n’est pas une mince tâche. Elle connaît des crises, des schismes, des réinventions toutes essentielles à l’évolution de cette institution de renommée internationale.

Pour ceux qui ignorent tout de Magnum, ce roman graphique propose une première approche très accessible.

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Titre: Magnum Generation (s)

Scénario: JD Morvan

Dessin: Arnaud Locquet, Scietronc, Rafael Ortiz

Couleur: Hiroyuki Ooshima

Éditions: Caurette, ©2022

ISBN: 978-2-38289-028-8

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Roman graphique et bandes dessinées

Warbirds : B-25 Mitchell : Tonnerre sur Tokyo

Bande dessinée de la série Warbirds: B-25 Mitchell - Tonnerre sur Tokyo
Bande dessinée de la série Warbirds: B-25 Mitchell – Tonnerre sur Tokyo

Cette bande dessinée publiée en 2023 constitue la troisième de la série Warbirds, aux éditions Soleil.

Le 18 avril 1942, quelques mois après le raid sur Pearl Harbor, seize bombardiers B-25B Mitchell décollent du nouveau porte-avions Hornet pour une attaque-surprise sur cinq villes japonaises. Il s’agit en fait d’une mission connue sous le nom de « Raid Doolittle ».

Ces machines qui ne sont pas conçues pour opérer à partir d’un porte-avions ne pourront rejoindre leurs cibles et revenir à bon port en sécurité, faute de carburant suffisant. Tous les pilotes en sont parfaitement conscients et se portent volontaires.

La flotte de seize appareils, commandée par Jimmy Doolittle, atteint avec succès son objectif visant à semer la confusion chez l’adversaire et montrer que le Japon demeure vulnérable pour des attaques-surprises. Les Japonais se demandent comment des bombardiers américains ont pu atteindre et frapper leur pays ? D’où sont-ils décollés ? Ils savent bien que les B-25 Mitchell ne sont pas conçus pour décoller d’un porte-avions et qu’ils demeurent incapables de s’y poser.

Le génie de l’intervention tient à la combinaison de multiples décisions très risquées qui, ensemble, surprennent l’ennemi. Premièrement, faute de pouvoir faire atterrir les avions sur le Hornet, on les installe avec une grue, en sachant bien que jamais ils ne reviendront sur le navire.

De plus, on entraîne les commandants de bord à décoller sur des distances impensables pour eux, au moyen d’une technique poussée à l’extrême. Le déplacement rapide du vaisseau améliore la composante de vent de face si indispensable pour des manœuvres aussi périlleuses.

Les pilotes doivent faire preuve d’une très grande maîtrise pour respecter la trajectoire de départ sur une plateforme qui bouge de gauche à droite en pleine tempête. On doit absolument éviter les bâtiments sur le côté du Hornet et l’écart disponible entre le bout de l’aile et la tour du navire ne dépasse pas deux mètres. Malgré tous les obstacles, l’ensemble des B-25 réussit à décoller. Ce sera une mission sans retour vers le Japon.

Doolittle pilote le premier B-25 qui décollera du porte-avions. Il ne bénéficie que d’une très petite portion du pont pour s’exécuter, car il y a encore quinze autres bombardiers qui attendent leur tour pour s’envoler. Le deuxième pilote à quitter le pont évite de justesse un amerrissage, alors que l’appareil s’enfonce légèrement et qu’une roue du train d’atterrissage touche à l’eau. Mais l’avion gagne juste assez de vitesse pour demeurer en l’air.

Les bombardiers et équipages connaissent des sorts différents, une fois les pilonnages effectués sur les objectifs japonais. Les auteurs concluent ainsi : « Le raid détruisit 112 bâtiments et fit 87 morts, en environ 6 minutes. […] La destruction de 15 des 16 B-25, incapables de rejoindre un terrain chinois pour s’y poser, fut tout de même à déplorer, le 16e B-25 ayant atterri sans encombre en URSS. À déplorer aussi la mort accidentelle de trois aviateurs (avions 3 et 6) et la capture de 8 autres (avions 6 et 16) par les Japonais, dont 4 ne revinrent jamais au pays, 3 ayant été exécutés comme “criminels de guerre” et le 4e étant mort en captivité. Bien pire encore, les Japonais se vengèrent des Chinois, qui avaient aidé tous les aviateurs survivants, en organisant le massacre d’environ 250 000 civils dans les provinces du Zhejiang et du Jiangxi alors sous leur contrôle. Ce qui laissera des traces… ».

Des tests d’atterrissage et de décollage sur un autre porte-avions, le Forrestal, ont aussi été effectués des décennies plus tard avec un C-130 Hercules. J’ai tenté de reprendre l’expérience en simulation de vol. Le vol se trouve dans la section « vols virtuels exigeants » de mon blogue. Le Forrestal n’étant pas disponible sous forme virtuelle, je me suis servi du porte-avions USS Enterprise.

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Titre : Warbirds : B-25 Mitchell : Tonnerre sur Tokyo

Auteurs : Richard D. Nolane et Vladimir Aleksic

Éditions : Soleil/D. Nolane/Aleksic

ISBN : 978-2-302-09745-2

© 2023

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Roman graphique et bandes dessinées

Tsar par accident.

Tsar par accident: mythes et mesonges de Vladimir Poutine.
Tsar par accident: mythes et mesonges de Vladimir Poutine.

L’auteur Andrew S. Weiss a travaillé à la Maison-Blanche, au Pentagone, au département d’État, etc. Il signale : « Si à l’époque on m’avait dit qu’un ancien sous-officier du KGB – qui n’avait jamais vraiment brillé – un certain Vladimir Poutine […] – serait promu des arrière-salles du Kremlin directement à la tête du pays, je vous aurais dit d’aller vous faire soigner ». Il ajoute : « Ce que nous croyons savoir de lui est souvent un savant mélange de psychologie de comptoir et d’interprétations erronées de l’histoire millénaire de la Russie ». Sa mise en scène comme un dur à cuire « lui permet de passer pour plus intelligent – et plus compétent – qu’il ne l’est réellement. […] ».

Le roman graphique « Tsar par accident » raconte les hasards de la vie qui ont fait en sorte que Vladimir Poutine s’est retrouvé au pouvoir au moment où sa carrière plutôt sans éclats le destinait à un poste moins élevé. Mais on pourrait dire la même chose de certains dictateurs, présidents, rois et ministres de par le monde au cours des âges auxquels la chance a souri. Eux aussi ont su profiter des occasions favorables pour gravir des échelons trop importants pour leur talent naturel. La nation en paie alors le prix jusqu’au renversement, exil ou décès du personnage.

Il faut quand même donner à Poutine le fait qu’il s’obstine, qu’il s’accroche, malgré les revers et les refus. Pour accéder au KGB, on lui dit de faire des études ou d’entrer dans l’armée. Il s’exécute et reçoit son diplôme.

Il se retrouve donc au KGB en 1975. Mais ce ne sont pas les grandes missions dont il rêvait qui l’attendent, mais du travail de terrain local. Il n’impressionne pas ses supérieurs avec les résultats obtenus. À la suite d’une bagarre dans le métro, on le mute à Dresde en 1985 pour des missions vides de sens, faute de budget. En 1999, on apprend au président Clinton que Poutine sera le prochain président russe. Que s’est-il passé entre 1985 et 1999 pour que soudainement Poutine sorte à ce point de l’obscurité et soit propulsé comme président de la Russie ?

Il faut créditer son éthique de travail, mais avant toute chose sa loyauté envers ses patrons dans cette organisation qui privilégie les liens personnels. Eltsine, le président de l’époque, sentait sa fin venir et proposa un marché à Poutine. L’auteur écrit : « Il ferait de lui le président s’il acceptait de les protéger, lui et sa famille ».

Tout comme Hindenburg croyait pouvoir manipuler Hitler en lui permettant d’accéder aux hautes sphères du gouvernement, Eltsine pensait faire de même avec Poutine. Dans les deux cas, ce fut une erreur coûteuse pour l’Europe et le monde.

Le bouquin passe en revue la montée des oligarques russes, le rapprochement du pouvoir pour les amis de Poutine. Andrew Weiss souligne : « L’un des points que les étrangers ne saisissent pas toujours c’est que la Russie est une société qui fonctionne sur la base des liens personnels, plutôt que dans le cadre d’institutions ou d’un état de droit. »

Dans les années suivant la chute du Mur de Berlin, on constate la mainmise de secteurs importants de l’économie russe par des fonctionnaires et agents du KGB corrompus, de même que par la mafia. Comme l’écrit l’auteur : « Vladimir Koumarine, patron tout-puissant du gang notoire Tambov, faisait la loi dans le pays ».

Le support de Vladimir Poutine envers les États-Unis après les attentats du 11 septembre 2001 le rapproche de George W. Bush et de son père George H. W. Bush avec lesquels il va même à la pêche à Kennebunkport. Il espérait ainsi relancer l’économie moribonde russe et gagner en liberté pour contrôler les médias russes.

Le plus étonnant pour moi demeure le fait que Poutine approuva durant cette période l’implantation hautement controversée de bases américaines et de l’OTAN à travers l’ex-Union soviétique (Ouzbékistan, Tadjikistan, Kirghizistan). Par ce geste, il recherchait une stabilisation avec l’Ouest. Les causes des attentats du 11 septembre 2001 étant encore discutées aujourd’hui à travers le monde, spécialement dans les cercles les plus informés, Poutine a dû réfléchir plus tard à la pertinence et aux conséquences de sa décision d’autoriser de nouvelles bases américaines et de l’OTAN près de la Russie.

Le président russe s’aperçoit rapidement qu’il ne pèse pas lourd dans la balance diplomatique face à un superpouvoir comme les États-Unis. On ne le reconnaît pas en tant que joueur sur lequel il faut compter. Dans l’optique d’une meilleure compréhension entre l’Occident et la Russie, l’auteur souligne l’importance de mieux appréhender les griefs des deux camps. Il signale que cela manque cruellement.

D’autant plus que le Kremlin a la certitude que « les revendications de changement politique sont toujours le fait de conspirations soutenues par les Occidentaux ». À force de se surveiller les unes les autres et tenter d’influer sur la gestion intérieure d’autres pays, toutes les grandes nations projettent leurs intentions et ne croient plus qu’une manifestation peut provenir de la base à partir d’un désir sérieux d’amélioration de certaines politiques détestables.

L’auteur effectue un retour sur les problèmes entourant la sécurité territoriale de la Russie à travers les époques, envahie tour à tour par les Mongols, Napoléon et Hitler : « [La Russie] se repose traditionnellement sur les territoires annexés pour faire tampon entre la mère patrie et toute menace extérieure ». Il traite également du conflit tchétchène, de la lutte contre le terrorisme, de l’ingérence politique dans les États voisins et de l’implication russe dans les élections américaines de 2016.

Andrew S. Weiss couvre large et d’autres thèmes trouvent leur place dans le bouquin : l’histoire de la Guerre froide, Trump, Snowden, Wikileaks, les JO de Sotchi et le travail de Maria Butina, une agente russe qui réussit à pénétrer les cercles supérieurs du parti républicain américain.

C’est sa croyance dans le déclin irréversible de l’Occident qui a permis à Vladimir Poutine d’envahir l’Ukraine. L’auteur conclut avec une remarque sur l’invasion de ce pays et le bombardement sans discernement des cibles civiles : « Le monde est en train de comprendre que Poutine n’a jamais été le stratégiste qu’il a prétendu être. C’est un improvisateur pris dans son propre piège ».

Je me permets une remarque concernant l’invasion de l’Ukraine. Ce pays doit recevoir des avions de combat des États alliés pour protéger son territoire, ce qui offusque profondément la Russie. J’aimerais tout de même rappeler le fait que lors de la Seconde Guerre mondiale, l’Union soviétique a accepté énormément d’aide provenant de l’extérieur pour sa défense sur le Front de l’Est. Pour ne citer qu’un seul appareil et pays, l’Union soviétique a obtenu 877 bombardiers B-25 Mitchell des États-Unis.

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Titre : Tsar par accident : mythes et mensonges de Vladimir Poutine

Auteur : Andrew S. Weiss et Brian « Box » Brown

Éditions : Rue de Sèvres

© 2022

ISBN : 978-2-81020-450-2

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Géopolitique

L’Allemagne et le réarmement

Vladimir Poutine affirme qu’il se sent coincé par l’OTAN. Pour améliorer sa position stratégique, il envahit l’Ukraine et rase toutes ses installations d’importance, qu’elles soient civiles ou militaires, en tuant et affamant au passage des milliers de personnes.

Les grandes puissances, et spécialement les dictatures, éprouvent une infinie difficulté à réfléchir de façon originale et intelligente quand elles savent qu’elles ont accès à une solution militaire. Les soldats et les bombes régleront rapidement ce différend qui perdure et on pourra passer à autre chose.

En adoptant un schème de pensée datant du Moyen, Vladimir Poutine a créé un effet rebond. De très nombreux pays voisins vivent maintenant dans la crainte d’une attaque injustifiée. Plutôt que de diminuer la capacité militaire des pays voisins comme il le souhaite, Poutine n’a réussi qu’à renforcer leur volonté de s’unir et se réarmer.

Par exemple, l’Allemagne devait développer, en partenariat avec d’autres pays, le prochain jet de combat à voler dans le ciel européen. Cela prendrait bien sûr des années à concevoir, mais on ne s’en souciait guère. Le pays avait clairement pris la voie du pacifisme depuis des décennies. L’invasion de l’Ukraine a tout changé. Les Allemands accélèrent tellement la cadence qu’ils commandent maintenant des appareils existants déjà sur le marché. Au diable la recherche, les délais et surtout le fait que l’avion proviendra des États-Unis.

Car le gouvernement allemand a retenu le F-35 américain. Ce jet militaire possède la caractéristique non négligeable de pouvoir transporter l’arme nucléaire de façon furtive.

La Russie devra désormais redoubler d’efforts pour surveiller dans le ciel d’Europe cet appareil performant, difficile à détecter et capable d’infliger de lourdes pertes en cas de conflit.

On a également constaté que la majorité des dommages en Ukraine provenaient d’attaques aériennes. Le système de défense antimissile Patriot n’étant efficace que sur une courte distance, les Allemands ont récemment visité Israël pour en connaître davantage sur le Arrow 3. Ce système d’interception défensif permet de détruire des missiles se trouvant à moyenne et longue portée, même ceux volant hors de l’atmosphère terrestre.

Un avion de combat furtif américain capable de transporter l’arme nucléaire et équipant les forces de l’air allemandes ? Un système de défense antimissile de longue portée sur le territoire allemand? Le pays était bien loin de toutes ces discussions au début de 2022. Les actions de Vladimir Poutine en Ukraine ont relancé la course aux armements pour de nombreux pays.

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Romans

« Papa » par Régis Jauffret

Le roman "Papa" de Régis Jauffret.
Le roman « Papa » de Régis Jauffret.

Autant Sorj Chalandon, dans son roman « Enfant de salaud », que Régis Jauffret dans « Papa » tentent de saisir la personnalité énigmatique de leur père. Celui de Sorj Chalandon aurait été résistant et traître à la fois, alors que le père de Régis Jauffret aurait été filmé en sortant d’une séance d’interrogatoire de la Gestapo, la terreur sur le visage. Où se situe la vérité ? Qui sont vraiment ces pères ?

Dans un texte précédent, j’ai présenté le livre « Enfant de salaud ». Au tour maintenant du roman « Papa » de Régis Jauffret.

Comme on peut s’y attendre avec Régis Jauffret, le style d’écriture diffère radicalement. L’auteur est lauréat du prix Goncourt de la nouvelle (2018) pour son roman « Microfictions 2018 ». Son sens de la synthèse, de l’humour noir et même du cynisme fait de ce retour dans le passé du père une aventure littéraire autant qu’historique. Le lecteur comprend rapidement que l’auteur se fait plaisir en présentant ses découvertes. Il ajoute même un peu de fiction au besoin.

Fidèle à mon habitude quand il s’agit de Régis Jauffret, je présenterai son livre à travers des citations choisies. En effet, l’intérêt du livre réside autant dans le contenu que dans la façon dont Régis s’exprime pour éclairer son propos. Voici donc quelques citations susceptibles de donner le ton du bouquin :

« Elle me raccompagne ravie, limite hilare, en me donnant de légères tapes dans le dos ».

« — J’ai communié.

Quelqu’un m’a fait remarquer en sortant que je n’étais pas croyant.

   — Justement, une hostie ou des chips.

      J’ai souri mais après ce blasphème je n’en menais pas large. Quand on a été éduqué religieusement on conserve toujours dans un repli de son cerveau la terreur de Dieu ».  

« Il venait d’avoir un AVC qui loin de le handicaper semblait l’avoir ragaillardi ».

« Elle me raconta que l’humidité avait fait sauter le bois de placage [du cercueil]. Ne restait plus qu’une caisse de planches noircies. Je n’étais pas d’humeur assez badine pour appeler la dame des pompes funèbres afin de faire jouer la garantie éternelle dont jouit sans doute ce genre de produits métaphysiques ».

« Un de ces souvenirs de bonheur qui vous donnent raison de n’être jamais entré chez un armurier pour acheter de quoi vous tirer une balle dans la tête ».

« […] Alfred avait pour consigne de serrer les dents pendant le coït sans émettre un soupir tandis qu’elle demeurerait aussi stoïque que lorsque sans anesthésie le dentiste taquinait une de ses molaires du bout de sa fraise ».

 « Par l’entremise du vaste pavillon en cuivre d’un gramophone perché sur un piédestal dont on avait volé la statue, Édith Piaf gueulait “J’ai dansé avec l’amour” tandis que du sous-sol montaient les cris des martyrs ».

« Écrire sur soi-même est une forme d’incontinence ».

« On est condescendant avec les sourds sans statut ni talent mais on préfère les fréquenter parcimonieusement. Quand on ne les a pas aperçus assez tôt pour s’être planqué derrière un engin de chantier ou un homme volumineux, on les salue de loin en filant ».

« Si je n’avais pas vu ces images, tu serais resté dans les égouts de ma mémoire ».

« Si je dure aussi longtemps que Madeleine, je serai un centenaire qui ruminera inopinément son père dans son cerveau desséché comme un raisin de Corinthe tandis qu’un aide-soignant bâti comme un colosse balancera jambes en l’air mon corps décharné pour changer ma couche ».

« Minable descendante de protozoaires devenus difficultueusement êtres multicellulaires pourvus d’encéphale, l’humanité n’a aucun motif de pavoiser ».

« C’est héroïque en temps de guerre d’assumer le rôle de bourreau quitte à se tromper parfois puisque dans les situations extrêmes le doute ne profite jamais à l’accusé ».

« Il discourait du matin au soir. La moindre personne connue de lui rencontrée dans la rue se voyait douchée de langage comme un imprudent sur une jetée un jour de tempête par une déferlante. À son bureau, tout le monde en était trempé. Si bien qu’on le fuyait mais il parvenait toujours à trouver quelqu’un qui par gentillesse se laissait inonder ».

« Je ne l’ai jamais entendu non plus parler de sa journée. Il avait fait beau, il avait neigé, il avait plu, un chamois avait traversé la piste en queue-de-pie, un homme touché par l’orage s’était enflammé, une dame était tombée dans une crevasse en chantant une cantate de Jean-Sébastien Bach ».

« Pendant ce temps, Jean-Jacques et Honoré entreprirent les sœurs rouges comme de la viande bleue de se retrouver en présence de deux garçons dont les pantalons à la mode du temps moulaient l’appareil génital dont elles redoutaient par avance la piqûre ».

Bonne lecture !

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Titre : Papa

Auteur : Régis Jauffret

Éditions : Roman/Seuil, 2020.

ISBN : 978-2-02-145035-4

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Guerre Romans

Enfant de salaud.

Roman "Enfand de salaud" de Sorj Chalandon
Roman « Enfand de salaud » de Sorj Chalandon

Sorj Chalandon est journaliste et a travaillé des décennies durant aux journaux français Libération et Canard enchaîné. Au cours de sa carrière, il a reçu de nombreux prix : Albert Londres (1988), Médicis (2006), Grand Prix de l’Académie française (2011), Goncourt des Lycéens (2013) et son plus récent prix, le Goncourt 2021 des lecteurs de 20 Minutes.  

« Enfant de salaud » est l’histoire vécue de l’auteur qui tente de faire la lumière sur le passé extrêmement nébuleux de son père durant la Seconde Guerre mondiale, au moment où les Allemands occupent la France.

Ayant eu accès aux archives officielles, il découvre progressivement que son père a traversé la guerre en s’engageant dans cinq armées qu’il a toutes désertées. Il a servi l’ennemi de toutes les façons, mais s’est toujours ménagé des portes de sortie en s’assurant que les quelques gestes qu’il posait pour la France soient répertoriés quelque part, en cas d’enquête lorsque la guerre serait terminée.

Le chef de la Sûreté nationale de Lille qui a interrogé le père au lendemain de la guerre dit de lui : « Cet individu est un menteur, doué d’une imagination étonnante. Il doit être considéré comme très dangereux et traité comme tel. »

Entre les réflexions et les découvertes du fils sur le passé et la psychologie du père, le lecteur assiste en parallèle au procès de Klaus Barbie, ce psychopathe et grand criminel de guerre nazi qui est mort en prison en France en 1991. Des passages du livre glacent le sang, même si on sait un peu à quoi s’attendre quand il est question de nazis, de SS et des membres de la Gestapo.

Lorsque le survivant d’un camp de concentration, Isaac Lathermann,  s’avance à la barre lors du procès de Barbie, il annonce que « [dans les camps], à hauteur d’homme, il n’y avait plus d’écorce aux arbres, tout avait été mangé. Plus d’herbe non plus. Mangée, elle aussi ».

Heureusement, le lecteur ne navigue pas en territoire aussi sombre tout au long du roman. Il découvre la résistante incroyable qu’est Lise Lesèvre qui, même torturée pendant des jours par Klaus Barbie, ne lâche pas une seule information. Un exemple phénoménal de courage, de détermination et de patriotisme.

« Enfant de salaud » est le voyage intérieur de l’auteur sur plusieurs décennies. Le fait que le livre porte sur une histoire vécue rend la lecture encore plus captivante.

Bonne lecture.

Titre : Enfant de salaud

Auteur : Sorj Chalandon

Éditions : Grasset et Fasquelle, 2021.

ISBN : 978-2-246-82815-0

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Romans

Le sympathisant

Le livre "Le sympathisant" de Viet Thanh Nguyen.
Le livre « Le sympathisant » de Viet Thanh Nguyen.

L’agent double du roman « Le sympathisant » est un homme seul que rien ne va détourner de son idéal politique, un peu comme pour le soldat japonais Hiro Onada que l’on retrouve dans un autre excellent livre intitulé « Au nom du Japon ».

« Le sympathisant » est un voyage entre le Saïgon de 1975 et la côte ouest-américaine des années » 80. Le roman décrit la vie d’un agent double dans la région où il est né, l’Indochine coloniale, puis plus tard dans la nouvelle existence qu’il s’est recréée aux États-Unis. Cet homme de l’ombre, en qui son général de l’armée du Sud Vietnam a parfaitement confiance, transmet par messages codés des informations aux communistes du Nord Vietnam.

L’intérêt du roman tient à la façon dont l’auteur présente les propos et pensées du personnage principal. Cet agent double anonyme est un parfait analyste du monde dans lequel il vit et n’hésite pas une seconde à commenter ses observations avec une grande acuité et aussi, parfois, avec un minimum de diplomatie. Les thèmes graves autant que l’humour et le cynisme ont souvent leur place, au grand plaisir du lecteur. En voici quelques passages :

« […] les mêmes hommes qui ricanent à l’idée que les licornes puissent exister croiront dur comme fer, les larmes aux yeux, dans l’existence d’une espèce encore plus rare, plus mythique, qu’on ne trouve que dans les ports les plus reculés ou dans les recoins sombres et cachés des tavernes les plus sordides : je veux parler de la fameuse prostituée au cœur d’or. Je puis vous assurer que si les prostituées ont quelque chose en or, ce n’est pas leur cœur. Que certains puissent ne pas le croire est un hommage aux grandes comédiennes. » (p.56-57)

« Je note simplement que l’apparition de prostituées indigènes au service de soldats étrangers est une conséquence inévitable de toute guerre d’occupation, un de ces vilains petits effets collatéraux de la défense de la liberté, que les femmes, sœurs, fiancées, mères, pasteurs et politiciens du fin fond de l’Amérique font tous mine d’ignorer, derrière leurs murs de sourires lustrés, en accueillant leurs soldats de retour au pays, prêts à soigner n’importe quelle maladie honteuse avec la pénicilline de la bonté américaine. » (p.57-58)

« Il avait cloué un beau tapis oriental au mur, à défaut, je suppose, d’un Oriental tout court. » (p.88)

« Une fois capturés, ces subversifs avaient une seule destination, mais nombreux étaient les chemins désagréables pour y parvenir. » (p.111)

« C’était là qu’était né le criminel de guerre Richard Nixon, et là que résidait John Wayne, un coin si férocement patriote que je pensais que l’agent orange avait été fabriqué ici, ou en tout cas baptisé en son honneur. » (p.126)

« Il parlait la bouche pleine et ouverte, envoyait de temps en temps un bout de riz sur ma joue, sur mes cils, ou dans mon propre bol, et mangeait avec un tel bonheur que je ne pus m’empêcher d’éprouver tendresse et pitié devant tant d’innocence. » (p.129)

« J’avais cru, naïvement, pouvoir détourner l’organisme hollywoodien de son objectif, la lobotomisation et le détroussement simultanés des spectateurs du monde entier. » (p.177)

« […] des pages centrales évoquaient les récents meurtres non élucidés de dissidents politiques et leurs corps criblés de balles jetés en pleine rue. Dans une situation troublante de ce genre, tous les corps criblés mènent à un cribleur en chef, le dictateur. » (p.197)

« La mission d’un espion n’est pas de se cacher là où personne ne peut le voir, puisque lui-même ne pourra rien voir non plus. La mission d’un espion est de se cacher là où tout le monde peut le voir et où il peut tout voir. » (p.227)

« […] et un Blanc, grand et mince, portant un costume bleu pastel, une cravate à motifs cachemires aussi épaisse qu’Elvis Presley et une chemise couleur de l’urine après un repas d’asperges. » (p.258)

« Dans les négociations, comme dans les interrogatoires, le mensonge était non seulement acceptable, mais attendu. » (p.262)

« Elle m’insulta si copieusement, et avec une telle inventivité verbale, que je dus consulter autant ma montre que mon dictionnaire. » (p.292)

« Les journalistes sont toujours gênants quand ils sont indépendants. » (p.296)

« Je vais vous dire quel est mon rêve américain, dit-il en tenant le micro avec une délicatesse qu’on réserverait à un bâton de dynamite ». (p.302)

« Dehors s’étendrait un immense green de golf consommant plus d’eau qu’une métropole du tiers-monde, et des quatuors de banquiers virils y pratiqueraient ce sport dont la maîtrise exigeait à la fois la force brutale, et guerrière, requise pour éviscérer les syndicats et toute la finesse nécessaire à une bonne évasion fiscale. » (p.319)

« J’avais devant moi plusieurs spécimens représentatifs de la créature la plus dangereuse de tous les temps : le Blanc en costume-cravate ». (p.320)

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Bonne lecture!

Titre : Le sympathisant

Auteur : Viet Thanh Nguyen

Éditions : Belfond, 2017

ISBN : 978-2-7144-7565-7