Une biographie raconte gnralement l’histoire d’une personne qui a marqu son environnement et la socit. Pourquoi alors prendre le temps de rdiger un bouquin sur l’existence d’un individu parfaitement inconnu, qui passe travers la vie comme un fantôme ?
Paul Reichstein, « l’homme en mouvement », est l’nigmatique grand-oncle de l’auteur, le journaliste Patrick Straumann. Ce dernier tente de mieux connaître ce « mouton noir » de la famille en effectuant des recherches approfondies.
Pourquoi « mouton noir » ? C’est que Paul est n dans une famille talentueuse, dont un des frères, Tadeus (surnomm Tadjik) a même obtenu le prix Nobel en collaboration avec deux Amricains pour avoir russi isoler la cortisone. Ses autres frères ont tous dcroch un diplôme qui les a lancs dans la vie. Sauf Paul, qui s’intresse tout, mais se fatigue rapidement d’un sujet ou d’un endroit.
Paul naît Kiev en 1905 et passe sa jeunesse en Suisse, plus prcisment Zurich. On le retrouve un peu partout, mais de façon phmère. En Russie, il assiste au retour des survivants du brise-glace Tcheliouskine. Il travaille dans une usine de tracteurs durant l’ère stalinienne. Il devient instructeur alpiniste et gravit de très hautes montagnes pour la gloire du rgime. (À ce titre, voir galement le volume « Les alpinistes de Staline » sur mon blogue).
Il s’engage galement dans la marine amricaine comme militaire. Il russit se faire expulser deux fois de la Suisse, fait un passage en prison, sillonne l’ocan Pacifique en trimant pour la marine marchande, vend des terrains et des cabanes Anchorage en Alaska et travaille plusieurs mois dans une mine au Chili, avant de faire un dtour par l’Australie.
Il est hospitalis de nombreux endroits comme Rochester, Oakland, Yokohama suite des accidents. On le suit aussi San Francisco, Baltimore, Palm Springs, sur les bords de la Volga, Pusan, Soul, en Chine et aux Philippines.
Il meurt en 1995 et, ayant survcu tous ses frères, il n’y a plus qu’une dizaine de personnes son enterrement qui ne savent trop quoi dire sur cet insaisissable « homme en mouvement ».
En 140 pages, l’auteur russit brosser un portrait gnreux et sans jugement de ce grand-oncle. Les ennuis et errements de Paul rendent cet homme très attachant.
Cliquez sur le lien pour d’autres biographies sur mon blogue.
Ce roman graphique relate des vnements entourant la monte au pouvoir de Vladimir Poutine et l’tablissement de sa fortune personnelle. Cette dernière se bâtit travers l’exfiltration de sommes colossales appartenant au peuple russe et qui sont rediriges vers des socits-crans et des paradis fiscaux.
Etant donn que le rcit s’tale sur plusieurs dcennies, le lecteur se familiarise avec une multitude de noms de compagnies et de personnages cls dans le domaine politique et conomique.
On y trouve galement, comme pour d’autres grandes puissances, des règlements de compte politique et des magouilles conomiques.
La structure de fonctionnement du pouvoir en Russie diverge du système politique occidental. Les relations tisses avec le prsident y jouent un rôle beaucoup plus important qu’ l’Ouest. Les avantages sont accords en change d’une fidlit indfectible. On mentionne entre autres les liens entre Silvio Berlusconi et Poutine.
L’chelle des sorties d’argent de la Russie des fins discrètes surprend. Pour ne citer qu’un exemple, l’auteur note la cration de l’opration Luch (une fuite de capitaux estime 50 milliards de dollars) en 1990 pour parer aux changements provoqus par Gorbatchev. Il s’agissait de piger dans les fonds secrets du KGB l’tranger pour enrichir une caisse pouvant servir assurer la survie du parti et d’autres intrêts particuliers.
« Depuis que Poutine est arriv au pouvoir, le montant global d’argent sale sorti de Russie et blanchi par les banques de l’Ouest a t au minimum de 1 000 000 000 $ (mille milliards de dollars) ! ».
L’Occident n’a donc pas les mains propres face ce qui se passe en Russie. Quand il y a de l’argent rapide faire et que des actionnaires s’attendent un bilan draisonnable, la vertu s’efface devant le sens pratique. Parmi les complicits europennes : Danske Bank, SEB et Swedbank, Crdit Suisse, Banca Intesa, Deutsche Bank Russia, Appleby-Estera (cabinet de services offshore), Chypre (cabinets de services financiers), Price Waterhouse Coopers.
Le lecteur constate galement l’accumulation des suicides de responsables de tout acabit au cours des annes. Par exemple, l’auteur note les suicides dguiss de Nikolai Kruchina, Georgy Pavlov et Dimitri Lissovolik. Ces hommes l’quilibre prcaire avaient tous la fâcheuse habitude de prendre l’air sur un balcon trop lev pour leur capacit. Le KGB doutait de la fiabilit de ces hommes qui graient les fonds secrets du parti l’Ouest.
L’empoisonnement (par le poison Novitchok) est aussi une mthode privilgie pour aplanir les diffrends politiques. Mais cet tat de fait est dj connu des Occidentaux, car la plupart des oprations manques ou russies font l’objet de nombreux articles dans les mdias. Par exemple, cela a t le cas pour Navalny et Skripal. Pour Iouchtchenko, le gagnant des lections prsidentielles en Ukraine, un autre poison fût utilis, mais la source n’a pu être confirme.
Sous Poutine, les oligarques peuvent conserver les fortunes acquises travers les nombreuses privatisations, mais il n’est plus question pour eux de s’immiscer dans les affaires politiques. Le bouquin s’attarde aussi sur la dtrioration du rapport entre Poutine et des oligarques comme Berezovski (retrouv pendu dans sa salle de bain Londres) et Khodorkovski.
Si un dvou collaborateur change de camp, il peut, dans le meilleur des cas, survivre en quittant le pays et en demeurant apolitique. Autrement, son avion peut exploser en vol, comme pour Prigojine.
Le bouquin montre comment Ivan Rybkyn, un opposant politique de Poutine en 2004, s’est dsist suite une promenade improvise en fourgonnette. Il semblerait qu’il ait t saisi et rentr de force dans le vhicule. Cette exprience et les discussions probables qui ont eu lieu durant la balade ont suffi convaincre le candidat qu’il n’avait pas vraiment le feu sacr pour la politique.
Dans les annes 90, le clan mafieux Tambov protège Poutine et Sobchak et participe la gestion du port de Saint-Ptersbourg. Cela n’empêche pas un « accident » de la route impliquant les filles et la conjointe de Vladimir Poutine. Ceux qui sont insatisfaits de leur part du gâteau font monter les enchères et Poutine doit runir les familles pour qu’elles s’arrangent entre elles. Pragmatique, il envoie tout de même ses filles en Allemagne pour leur scurit. Le gardien lgal est Matthias Warnig, un ancien de la STASI.
L’auteur signale que de l’argent russe a servi influer sur le rsultat du Brexit (51,89 %), ceci dans le but de fragiliser l’Europe. Ensuite, comme nous le savons dj, la Russie a influenc le rsultat du vote dans les tats cls des Etats-Unis pour aider l’lection de Donald Trump.
Le roman graphique se termine par un dossier documentaire, avec photos, dessins et rfrences pour ceux qui dsirent obtenir davantage d’informations.
Et la fortune de Poutine dans tout ça ? Selon les recherches effectues par les auteurs, elle s’tablirait entre 150 et 250 milliards d’euros.
Frdric Pierucci est un haut dirigeant d’Alstom, une gigantesque socit française lie au domaine nergtique. Grâce une loi extraterritoriale amricaine (FCPA Foreign Corrupt Practices Act) qui permet au gouvernement amricain de poursuivre toute firme trangère vise pour corruption, on l’arrête arbitrairement en 2013 sa descente d’avion New York.
Pierucci n’a pas touch d’argent dans ces oprations, mais il est au courant qu’Alstom est vise pour malversation et que la compagnie utilise des « intermdiaires » pour assurer l’obtention de contrats. On l’incarcère donc pendant des mois et Alstom le laisse finalement tomber, croyant que les Amricains se satisferont de l’emprisonnement de ce haut dirigeant. Pierucci devra tenter de se sortir seul du bourbier dans lequel on l’a plong.
La justice amricaine veut faire pression sur Pierucci, même s’il n’est pas directement impliqu dans les pots-de-vin, pour qu’il livre des dtails qui incrimineraient la direction d’Alstom, dont le P.-D.G. Patrick Kron. Le rude traitement judiciaire dont Pierucci est victime vise aussi intimider les autres cadres haut placs de la compagnie en leur montrant ce qui les attend s’ils ne coopèrent pas pour rectifier les erreurs du pass.
Le but premier semble de corriger des stratagèmes dloyaux qui nuisent aux compagnies amricaines et, par le fait même, obtenir de très fortes compensations montaires. L’opration est un succès : les effets de l’arrestation arbitraire de Pierucci pavent la voie en quelques annes la vente d’une filiale stratgique d’Alstom General Electric, son principal concurrent.
Les manœuvres visent aussi mettre la main sur des informations qui autrement demeureraient confidentielles. Cette loi extraterritoriale amricaine fonctionne bien et permet de s’attaquer de très nombreuses compagnies travers le monde, dont la compagnie internationale allemande Siemens. À chaque fois, le fautif se voit oblig de payer des amendes importantes et doit soumettre au poursuivant des documents de compagnie considrs confidentiels et parfois même secrets.
Il est difficile de savoir qui exactement aura accès ces documents. Est-ce possible que des agents (on ne les appellera pas « espions » par politesse) transmettent des informations relies aux secrets industriels des personnes travaillant en dehors du dpartement de la justice amricaine? De telles actions permettraient aux compagnies amricaines d’amliorer leur comptitivit peu de frais. Ce sont des questions que se posent les cadres des compagnies vises.
Quoi qu’il en soit, tout n’est pas très propre dans cette histoire. L’auteur Matthieu Aron crit : « À l’automne 2018, après la libration dfinitive de Frdric [Pierucci], nous avons termin notre livre. Mais l encore, ce ne fut pas sans difficult. Le lendemain de l’envoi de notre manuscrit notre diteur, mon domicile tait “visit” et mon ordinateur disparaissait. Simples cambrioleurs, barbouzes, ou action d’un service tranger ? Nous ne le saurons sans doute jamais ».
Mon commentaire suite la lecture du roman graphique.
La Chine observe.
L’efficacit de cette loi extraterritoriale amricaine n’a pas chapp la Chine, qui se propose de concevoir une loi semblable qui l’autoriserait faire main basse sur des informations et documents autrement inaccessibles.
Face ces deux colosses que sont les Etats-Unis et la Chine, l’Europe a pris du retard et il faudra bien qu’elle aussi cre sa propre loi lui permettant d’tendre son pouvoir judiciaire en dehors du continent. Car nul n’est dupe : les pots-de-vin pour l’obtention de contrats concernent de multiples pays. Les poursuites au moyen d’une loi extraterritoriale donnent accès non seulement des sommes importantes, mais aussi des documents contenant des informations importantes et possiblement des secrets industriels.
L’exprience d’Alstom aura au moins eu l’effet de mieux prparer la France au moment où, un peu plus tard, le gant Airbus a t vis pour malversation par la même loi amricaine. Airbus ne fabrique pas que des avions, mais aussi de nombreux produits militaires stratgiques protgs par le secret. Cette fois, on a refus le prlèvement gnralis d’informations confidentielles de la compagnie sans qu’un citoyen français soit nomm comme intermdiaire et que les documents remis aux Amricains soient revus pour s’assurer qu’ils ne comportent pas de secrets militaires ou autres renseignements n’tant pas directement relie aux accusations de corruption.
Aujourd’hui, Airbus connaît un grand succès et vend mensuellement davantage d’avions que Boeing, qui connaît des difficults quant la façon dont la compagnie fabrique ses aronefs. Et on a le droit de penser que la haute direction d’Airbus a amlior ses pratiques commerciales.
Avec « Super canon — Le marchand d’armes qui visait les toiles », l’auteur Philippe Girard nous offre un roman graphique de très grande qualit, autant par le scnario que par le dessin et les choix de couleurs. Pour cette œuvre, il a bnfici d’une rsidence d’auteur Liège.
Il a certainement mieux apprci son exprience en Belgique que sa rsidence d’crivain en Pologne où il avait dû se dbrouiller seul, car les hôtes n’avaient pas respect les prsentations et rendez-vous prvus l’horaire. À l’poque, il s’tait servi de sa malchance pour, malgr tout, produire un ouvrage très intressant portant le nom de « Le Starzec — un mois Cracovie ».
« Super canon » se base sur une histoire vcue, celle de l’ingnieur canadien Gerald Vincent Bull. Bien sûr, il est impossible de retracer pas pas la vie de cet homme et l’auteur a donc cr un personnage dsign Docteur Gerry.
À la lecture du bouquin, on ralise le talent incroyable de Gerald Bull, ce scientifique qui a rvolutionn la balistique. On tmoigne de son destin en dents de scie, tourment qu’il tait entre ses rêves de jeunesse et ses ambitions sans limites.
Pour boucler ses budgets de recherche et garder sa compagnie flot, il se transforme progressivement en marchand d’armes. Il se met au service de multiples Etats, dont le Canada, les Etats-Unis, Israël, l’Irak, l’Iran, la Chine. Ce faisant, il devient l’objet d’une surveillance constante de la part de plusieurs agences et accumule les ennemis.
On a de toute vidence affaire un gnie qui a dessein bloqu toute rflexion critique quant ses armes de destruction. Il rêve d’un canon très puissant pour envoyer des satellites dans l’espace, mais les organismes de renseignement d’autres pays ont des projets très diffrents pour ses canons.
Il croit naïvement qu’il pourra servir plusieurs maîtres aux intrêts divergents, sans que cela puisse lui causer le moindre problème. Cela frise le raisonnement enfantin, l’aveuglement volontaire dans le but de s’offrir la grande vie.
Ma seule rserve propos du contenu concerne la première page du rcit. Je trouve qu’il existe une ambiguït propos de l’Irak et les armes de destruction massive (case 5, page 3). C’tait effectivement la crainte initiale souleve par les Etats-Unis, mais des suivis rpts des inspecteurs des Nations Unies avaient montr que Saddam Hussein ne possdait pas de pareilles armes. On ne pouvait justifier l’invasion de l’Irak sur une telle base. Cette invasion a tout de même eu lieu, et on n’a pu trouver aucune de ces supposes armes en Irak. J’aurais souhait que les conclusions de l’ONU soient mentionnes. Cela aurait permis que le scnario du bouquin s’tablisse partir d’une base ne laissant planer aucun doute.
Autrement, chose certaine, vous apprcierez ce roman graphique extrêmement bien conçu.
Le roman graphique « La disparition de Josef Mengele » constitue une très belle surprise pour moi, autant au niveau du scnario que du graphisme. Tous ceux qui s’intressent aux histoires vcues dvoreront ce bouquin tant il reprsente une mine d’or d’informations tonnantes sur la vie, ou plutôt la survie, du criminel nazi en Amrique Latine.
Qui lui fournit l’argent dont il a besoin ? Comment assure-t-il sa protection ? Mène-t-il une vie de pacha ? Comment se comporte-t-il l’tranger ? Sa rflexion sur les races connaît-elle un semblant d’volution ou demeure-t-elle sclrose ? Pourquoi l’Argentine favorise-t-elle la venue de ces assassins en fuite ?
Pour la population en gnral, il y a deux catgories de criminels nationaux-socialistes: la première concerne les noms les plus mdiatiss lors du tribunal de Nuremberg. La deuxième implique les criminels nazis qui se sont enfuis l’tranger, grâce des soutiens politiques ou familiaux. Josef Mengele fait partie des deux groupes. Il se terre en Amrique latine et sait que plusieurs organisations le recherchent srieusement, dont le Mossad isralien.
Comment demeure-t-il en libert sur une si longue priode? On comprend vite que le Mossad ne se concentre pas seulement sur les criminels nazis en fuite. Le bouquin nous prsente quelques autres priorits pour l’agence, dont une très urgente : l’limination d’anciens scientifiques allemands qui travaillent en Egypte crer des armes dchets radioactifs destins dtruire Israël. Les services secrets doivent choisir entre Mengele, une menace passe, ou un danger plus immdiat. Les ressources des agences de renseignement tant limites, ces dernières doivent s’ajuster et parer au plus pressant.
Des nazis se fondent dans le nouveau gouvernement allemand de l’poque.
Il y a cependant une troisième catgorie dont la population n’a que très peu entendu parler et dont on discute galement dans le roman graphique : il s’agit de nazis qui ont rintgr le nouveau gouvernement allemand quelques annes après la fin de la Seconde Guerre mondiale.
En effet, les puissances allies de l’poque que sont les Etats-Unis, la Grande-Bretagne, la France et l’Union sovitique administrent les zones d’occupation du territoire allemand après la Seconde Guerre mondiale. Mais les tensions entre l’Est et l’Ouest s’accroissent rapidement. On s’accuse mutuellement d’expansionnisme imprialiste ou communiste.
Pour offrir une rsistance mieux organise face l’Union sovitique, on doit rapidement redonner l’Allemagne son autonomie. Les anciens nazis possèdent une exprience de gouvernance tout de suite disponible.
Si les Allis adoptent la position tranche d’empêcher les nazis d’atteindre des fonctions essentielles dans l’appareil public de la future Rpublique de Bonn, on doit alors trouver et former des personnes sans ou avec peu d’exprience pour remplir les tâches plus complexes. Le temps manque autant que la volont d’aller au fond des choses.
De très nombreux nazis dnichent donc du travail au sein d’organismes du gouvernement. De fil en aiguille, certains de ces anciens nazis recycls en agents de l’Etat feront partie des cercles rapprochs qui protgeront les criminels de guerre les plus importants enfuis l’tranger. Josef Mengele tire profit de ce support en haut lieu.
Mais plusieurs autres Allemands, galement haut placs, agiront dans le sens contraire, en tentant de dbusquer les plus grands criminels, au risque de leur propre sant et scurit. Une de ces personnes nous est prsente dans le livre : Fritz Bauer. Cet homme contacte le Mossad avec des informations qui mènent ventuellement la capture d’Adolf Eichmann. Ce dernier subit son procès en Israël et connaît sa sentence : la pendaison.
Mengele lit les journaux et se doute bien que sa fin ressemblera celle d’Eichmann. Le roman graphique l’expose comme un animal traqu, qui parle tout seul. Il loigne par ses propos racistes et passistes les gens qui pourraient le plus l’aider dans les dernières annes de sa vie. Il dprit lentement et meurt sur une plage du Brsil en 1979. Mais on ne l’apprend officiellement qu’en 1985.
Le livre couvre une priode de plusieurs dcennies. On y trouve notamment un bref rsum des actions de Mengele comme mdecin Auschwitz. Il n’est pas seul, même s’il demeure le plus connu pour la population. En effet, de très nombreux adjoints scientifiques effectuent des expriences sur les humains, dont un deviendra recteur l’universit de Münster après la fin de la Seconde Guerre mondiale.
Les auteurs mentionnent au passage cette ide d’un quatrième Reich poursuivie par Mengele et ses semblables. Bref, le lecteur ne s’ennuie pas avec ce roman graphique très habilement construit.
L’auteur Andrew S. Weiss a travaill la Maison-Blanche, au Pentagone, au dpartement d’Etat, etc. Il signale : « Si l’poque on m’avait dit qu’un ancien sous-officier du KGB – qui n’avait jamais vraiment brill – un certain Vladimir Poutine […] – serait promu des arrière-salles du Kremlin directement la tête du pays, je vous aurais dit d’aller vous faire soigner ». Il ajoute : « Ce que nous croyons savoir de lui est souvent un savant mlange de psychologie de comptoir et d’interprtations errones de l’histoire millnaire de la Russie ». Sa mise en scène comme un dur cuire « lui permet de passer pour plus intelligent – et plus comptent – qu’il ne l’est rellement. […] ».
Le roman graphique « Tsar par accident » raconte les hasards de la vie qui ont fait en sorte que Vladimir Poutine s’est retrouv au pouvoir au moment où sa carrière plutôt sans clats le destinait un poste moins lev. Mais on pourrait dire la même chose de certains dictateurs, prsidents, rois et ministres de par le monde au cours des âges auxquels la chance a souri. Eux aussi ont su profiter des occasions favorables pour gravir des chelons trop importants pour leur talent naturel. La nation en paie alors le prix jusqu’au renversement, exil ou dcès du personnage.
Il faut quand même donner Poutine le fait qu’il s’obstine, qu’il s’accroche, malgr les revers et les refus. Pour accder au KGB, on lui dit de faire des tudes ou d’entrer dans l’arme. Il s’excute et reçoit son diplôme.
Il se retrouve donc au KGB en 1975. Mais ce ne sont pas les grandes missions dont il rêvait qui l’attendent, mais du travail de terrain local. Il n’impressionne pas ses suprieurs avec les rsultats obtenus. À la suite d’une bagarre dans le mtro, on le mute Dresde en 1985 pour des missions vides de sens, faute de budget. En 1999, on apprend au prsident Clinton que Poutine sera le prochain prsident russe. Que s’est-il pass entre 1985 et 1999 pour que soudainement Poutine sorte ce point de l’obscurit et soit propuls comme prsident de la Russie ?
Il faut crditer son thique de travail, mais avant toute chose sa loyaut envers ses patrons dans cette organisation qui privilgie les liens personnels. Eltsine, le prsident de l’poque, sentait sa fin venir et proposa un march Poutine. L’auteur crit : « Il ferait de lui le prsident s’il acceptait de les protger, lui et sa famille ».
Tout comme Hindenburg croyait pouvoir manipuler Hitler en lui permettant d’accder aux hautes sphères du gouvernement, Eltsine pensait faire de même avec Poutine. Dans les deux cas, ce fut une erreur coûteuse pour l’Europe et le monde.
Le bouquin passe en revue la monte des oligarques russes, le rapprochement du pouvoir pour les amis de Poutine. Andrew Weiss souligne : « L’un des points que les trangers ne saisissent pas toujours c’est que la Russie est une socit qui fonctionne sur la base des liens personnels, plutôt que dans le cadre d’institutions ou d’un tat de droit. »
Dans les annes suivant la chute du Mur de Berlin, on constate la mainmise de secteurs importants de l’conomie russe par des fonctionnaires et agents du KGB corrompus, de même que par la mafia. Comme l’crit l’auteur : « Vladimir Koumarine, patron tout-puissant du gang notoire Tambov, faisait la loi dans le pays ».
Le support de Vladimir Poutine envers les Etats-Unis après les attentats du 11 septembre 2001 le rapproche de George W. Bush et de son père George H. W. Bush avec lesquels il va même la pêche Kennebunkport. Il esprait ainsi relancer l’conomie moribonde russe et gagner en libert pour contrôler les mdias russes.
Le plus tonnant pour moi demeure le fait que Poutine approuva durant cette priode l’implantation hautement controverse de bases amricaines et de l’OTAN travers l’ex-Union sovitique (Ouzbkistan, Tadjikistan, Kirghizistan). Par ce geste, il recherchait une stabilisation avec l’Ouest. Les causes des attentats du 11 septembre 2001 tant encore discutes aujourd’hui travers le monde, spcialement dans les cercles les plus informs, Poutine a dû rflchir plus tard la pertinence et aux consquences de sa dcision d’autoriser de nouvelles bases amricaines et de l’OTAN près de la Russie.
Le prsident russe s’aperçoit rapidement qu’il ne pèse pas lourd dans la balance diplomatique face un superpouvoir comme les Etats-Unis. On ne le reconnaît pas en tant que joueur sur lequel il faut compter. Dans l’optique d’une meilleure comprhension entre l’Occident et la Russie, l’auteur souligne l’importance de mieux apprhender les griefs des deux camps. Il signale que cela manque cruellement.
D’autant plus que le Kremlin a la certitude que « les revendications de changement politique sont toujours le fait de conspirations soutenues par les Occidentaux ». À force de se surveiller les unes les autres et tenter d’influer sur la gestion intrieure d’autres pays, toutes les grandes nations projettent leurs intentions et ne croient plus qu’une manifestation peut provenir de la base partir d’un dsir srieux d’amlioration de certaines politiques dtestables.
L’auteur effectue un retour sur les problèmes entourant la scurit territoriale de la Russie travers les poques, envahie tour tour par les Mongols, Napolon et Hitler : « [La Russie] se repose traditionnellement sur les territoires annexs pour faire tampon entre la mère patrie et toute menace extrieure ». Il traite galement du conflit tchtchène, de la lutte contre le terrorisme, de l’ingrence politique dans les Etats voisins et de l’implication russe dans les lections amricaines de 2016.
Andrew S. Weiss couvre large et d’autres thèmes trouvent leur place dans le bouquin : l’histoire de la Guerre froide, Trump, Snowden, Wikileaks, les JO de Sotchi et le travail de Maria Butina, une agente russe qui russit pntrer les cercles suprieurs du parti rpublicain amricain.
C’est sa croyance dans le dclin irrversible de l’Occident qui a permis Vladimir Poutine d’envahir l’Ukraine. L’auteur conclut avec une remarque sur l’invasion de ce pays et le bombardement sans discernement des cibles civiles : « Le monde est en train de comprendre que Poutine n’a jamais t le stratgiste qu’il a prtendu être. C’est un improvisateur pris dans son propre piège ».
Je me permets une remarque concernant l’invasion de l’Ukraine. Ce pays doit recevoir des avions de combat des Etats allis pour protger son territoire, ce qui offusque profondment la Russie. J’aimerais tout de même rappeler le fait que lors de la Seconde Guerre mondiale, l’Union sovitique a accept normment d’aide provenant de l’extrieur pour sa dfense sur le Front de l’Est. Pour ne citer qu’un seul appareil et pays, l’Union sovitique a obtenu 877 bombardiers B-25 Mitchell des Etats-Unis.
Ce livre plaira coup sûr aux amateurs d’histoires vcues. « À la poursuite du Thunder – l’histoire de la plus longue traque navale de tous les temps » nous accroche rapidement surtout du fait qu’il s’agit d’une première dans l’histoire maritime. Les auteurs de ce rcit d’investigation, deux journalistes expriments du nom de Eskil Engdal et Kjetil Saeter, prennent de nombreux risques pour obtenir des informations cruciales permettant de mieux saisir l’ampleur du vol des ressources halieutiques en Antarctique.
Cette pêche illgale est une affaire de gros sous où la mafia, surtout espagnole, n’hsite pas ordonner que l’on coupe les filets de pêche ou que l’on coule tout simplement un chalutier pour empêcher l’obtention de preuves. Cliquez sur le lien pour un vido de cet accident maritime.
La poursuite a lieu dans des eaux inhospitalières et s’tale sur plusieurs mois et sur plus de 15,000 kilomètres alors que l’on suit en parallèle l’histoire de plusieurs membres de l’quipe de poursuite autant que celle des pêcheurs illgaux.
On y discute de dilapidation des ressources, de la lgislation laxiste concernant la pêche illgale en eaux internationales, des mthodes que les criminels utilisent pour faire disparaître l’immatriculation des bateaux dans les registres, du manque de courage politique au niveau international, de l’omerta qui règne dans les villages d’où partent les pêcheurs illgaux, du blanchiment d’argent et d’esclavage moderne.
Le capitaine du Thunder fait tout en son pouvoir pour chapper aux poursuivants. Cette fuite le mène emprunter des passages très risqus travers les glaces dans l’espoir que le navire de poursuite n’osera pas s’y aventurer. Il dirige aussi l’occasion son bateau vers des zones où la force des vagues risque de dtruire le navire de poursuite. Le capitaine Peter Hammerstedt du navire de poursuite Bob Barker ne recule devant aucun des obstacles poss sur son chemin au cours des mois où dure la poursuite. Il fait preuve d’une dtermination qui exaspère au plus haut point l’quipage du Thunder.
Le polar cologique Chasing the Thunder a t projet en 2019 lors de la confrence mondiale sur la biodiversit.
En mars 2023, plus de cent pays ont sign un trait sur la diversit en haute mer, après quinze ans d’efforts. Greenpeace a salu le trait, mais exige que cela se traduise en action…
La lecture de ce seul livre permet au lecteur de s’veiller de nombreux aspects jusqu’alors très peu mdiatiss de la pêche illgale en haute mer, le tout dans un contexte d’une traque unique dans l’histoire de la navigation maritime.
Même si la Seconde Guerre mondiale est termine et que l’armistice est sign en 1945, quatre Japonais continuent de se cacher sur l’île de Lubang, dans les Philippines, attendant l’ordre officiel de leur suprieur de rendre les armes. Ils ont t oublis l, dans la jungle, et continuent de survivre du mieux qu’ils le peuvent en vitant les patrouilles parties leur recherche pour leur dire que la guerre est termine. Ils continuent d’accumuler des informations sur l’île pour les services de renseignements en esprant être utiles au moment où aura lieu un ventuel dbarquement japonais qui chassera les Amricains de l’île. Les annes passent et il ne restera plus qu’un seul soldat japonais, Hiro Onada, qui rendra finalement les armes en 1974, trente ans plus tard!
Le livre est une leçon de survie en milieu hostile. La discipline et la dbrouillardise qui sont requises pour subsister et assurer leur scurit sont extrêmement impressionnantes. Onada, même s’il s’est enfonc progressivement dans une ralit alternative, fait preuve d’une tnacit absolument remarquable.
Voici un passage qui montre la ralit de la jungle : « […] Il y a galement beaucoup d’abeilles sur l’île. D’immenses essaims volent dans les zones broussailleuses au pied des montagnes. J’en ai vu qui faisaient trente mètres de large et cent de long, volant ici et l avec des changements de direction imprvisibles. Si nous rencontrions l’un de ces essaims, la seule chose faire tait de retourner dans les bois ou bien, si nous n’en avions pas le temps, de nous couvrir la tête avec la toile de notre tente ou nos vêtements et de nous allonger par terre. Si nous faisions le moindre mouvement, elles passeraient l’attaque. Nous devions respirer le plus doucement possible, jusqu’ ce que l’essaim soit pass. » (p.216)
En 1957, des bombardements dans le voisinage les rassurent que la guerre continue. Mais ce sont des exercices militaires de l’arme de l’air philippine, et non une attaque amricaine.
Onada et QAnon
Au fur et mesure que les annes passent, d’innombrables occasions seront offertes aux soldats pour raliser que la guerre est termine. Ils auront même ventuellement accès une radio. Peu importe : tout ce qui sera lu, entendu ou dcouvert par hasard ne sera, selon eux, que le fruit d’une dsinformation provenant de l’ennemi.
À la lecture de cette histoire vcue, il est possible de faire un rapprochement entre le tmoignage d’Onada, le guerrier japonais isol dans sa jungle, et un adepte de QAnon : les deux ne peuvent accepter une dfaite et croient en une mission presque divine. Comme le dit si bien Onada lui-même : « À cette poque, Kozuka et moi avions dvelopp tellement d’ides fixes que nous tions incapables de comprendre tout ce qui en diffrait. Si quelque chose ne correspondait pas notre vision des choses, nous l’interprtions de façon lui donner la signification que nous voulions » (p.192).
Lorsqu’une personne est progressivement amene croire une ralit alternative et qu’elle dcide de s’y accrocher pour sa sant mentale ou physique, ou les deux, une même conclusion demeure : peu importe les preuves, les discours, les nouvelles ralits qui seront prsentes, cette personne continuera persister dans sa ligne de pense. Il faudra qu’un vnement dramatique se produise dans sa vie pour qu’elle dcide peut-être de changer de voie et de revenir la ralit objective.
Il s’agit du livre qui a inspir la nouvelle srie de Tom Hanks et Steven Spielberg. « Les maîtres de l’air » est un livre de près de 700 pages dont le contenu est absolument fascinant. Très bien document, il raconte l’histoire des jeunes bombardiers amricains qui ont fait partie de la 8e Air Force amricaine ayant combattu l’Allemagne nazie. L’impact de l’arrive de tous ces quipages et avions sur le sol britannique est dcrit en dtail…
Le lecteur constate combien d’quipages de bombardiers sont morts inutilement du fait que le commandement arien croyait qu’une flotte de bombardiers B-17 pouvait effectuer des bombardements sans avoir besoin d’escorte pour assurer sa dfense. On comprend mieux l’importance de l’arrive des avions de chasse Mustang sur la scurit des oprations.
Les stratgies d’attaque, de dfense et les ides prconçues quant aux meilleurs types de bombardements y sont discutes en dtail, très souvent en citant les acteurs de l’poque. Les choix des cibles, de même que les manquements importants dans le renseignement sont analyss.
J’ai cit quelques passages, au fur et mesure de la lecture, pour vous donner une ide de l’intensit des propos :
« Les mitrailleurs de tourelle centrale, forcs d’y rester pendant des heures au-dessus du territoire ennemi, urinaient dans leurs vêtements; leur dos, leurs fesses et leurs cuisses gelaient « si violemment que les muscles se dtachaient et mettaient les os nu » » p.131
« Un agent du renseignement britannique a estim que pour chaque aviateur abattu qu’on parvenait vacuer [du territoire ennemi], un membre [des rseaux clandestins], français, belge ou nerlandais, tait tu ou mourait sous la torture » p.141
« Alors que Rooney et
quelques autres journalistes attendaient devant une tour de contrôle le retour
d’une escadrille de bombardiers, la rumeur se rpandit qu’un mitrailleur de
tourelle ventrale tait coinc dans sa bulle de plastique, sous l’appareil.
« Le mcanisme, qui faisait tourner la bulle pour mettre le mitrailleur en
position de tir ou le ramener la position qui lui permettait de sortir et de
remonter dans l’appareil, avait t touch et s’tait bloqu. Le mitrailleur de
tourelle ventrale tait enferm dans une cage en plastique. »
Juste avant l’atterrissage, le système hydraulique de la Forteresse [B-17], cribl de balles, a mal fonctionn, empêchant le pilote de sortir le train d’atterrissage. La commande manuelle du train d’atterrissage avait t dtruite. Il allait devoir atterrir sur le ventre. « Il y eut huit minutes de discussions dchirantes entre la tour de contrôle, le pilote et l’homme pig dans la tourelle ventrale. Il savait ce qui touche le sol en premier lorsqu’il n’y a pas de roues. Nous avons tous regard avec horreur ce qui arrivait. Nous avons vu cet homme mourir, cras entre le bton de la piste et le ventre du bombardier. » p.169
« Seuls trente-trois des 178 Liberator [B-24] qui avaient t envoys Ploesti revinrent et furent en tat de voler le lendemain. » p.257
« Certains bombardiers
atterrissaient avec deux ou trois cents trous dans leur carlingue, et des hommes
en plus mauvais tat que leur avion : des bras et genoux arrachs, des
yeux sortis de leur orbite, des poitrines ouvertes si larges que les mdecins
ariens pouvaient voir les poumons des morts » p.418
« La première semaine de juillet, 434 000 juifs hongrois avaient t envoys Auschwitz et près de 90% d’entre eux avaient t assassins. » p.424
« Le 1er janvier, tandis que les Amricains se battaient toujours dans des conditions arctiques dans les Ardennes, la BBC annonça que l’Arme rouge, installe sur les rives de la Vistule, se prparait avancer. Près de quatre millions d’hommes et dix mille tanks formaient un front qui s’tendait de la mer Baltique jusqu’aux Balkans. » p.532
« L’ordre insens de Hitler de combattre jusqu’au bout allait faire s’abattre sur l’Allemagne un vritable dluge de destruction dans les derniers mois de la guerre. La dcision du gouvernement japonais de continuer se battre après la chute des Philippines dbut 1945 allait rendre la fin de la guerre encore plus terrible pour la population de ses villes de papier et de bois, très vulnrables aux incendies. » p.535
« Même si le [Messerschmitt Me 262] avait malgr tout russi faire durer la guerre jusqu’ la fin de l’t 1945, c’est l’Allemagne, et non le Japon, qui aurait probablement t la cible des premières bombes atomiques, armes dveloppes au dpart par des quipes scientifiques, où les juifs taient majoritaires, pour frapper les nazis. « Si les Allemands n’avaient pas capitul, j’aurais apport la bombe par ici, dclara après la guerre l’ancien pilote de la 8e Air Force Paul Tibbets, le commandant d’Enola Gay. […] Mes instructions taient de crer une force de bombardement d’lite, […] et il tait entendu que, une fois entraîne, elle serait divise en deux groupes : un envoy en Europe, et l’autre dans le Pacifique. Le Japon n’tait pas la cible prioritaire. Tous nos plans initiaux prvoyaient que nous larguerions les bombes presque simultanment sur l’Allemagne et le Japon ». » p.588
« Aucun dbarquement n’aurait t possible en 1944 sans les souffrances et les sacrifices de l’Arme rouge et de la population russe sur le front de l’Est de l’Allemagne, où moururent plus de citoyens et de soldats que sur tous les autres fronts de la guerre runis. » p.606
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L’auteur est un journaliste et documentariste allemand qui a travaill pour Stern et Der Spiegel. Il est galement l’auteur de quatre autres livres. Le titre original de son livre crit en allemand est : « Der totale Rausch. Drogen im Dritten Reich ».
La recherche effectue pour ce livre dmontre que durant les annes prcdant la Seconde Guerre mondiale, la population allemande utilisait rgulièrement des drogues pour supporter plus facilement la dfaite de la Première Guerre mondiale. La consommation de narcotiques tait banalise. Il fallait changer les habitudes de la population.
Hitler est alors prsent comme « un modèle de vie pure tous gards […], l’ascète, l’ennemi des drogues qui fait fi de ses propres besoins » (p.25). Mais s’il y a quelqu’un en Allemagne qui en vient utiliser rgulièrement des drogues et a même accès son fournisseur personnel, en l’occurrence le fameux docteur Morell, c’est bien Hitler.
Dans les documents prsents par l’auteur, Hitler est aussi dcrit comme le Patient A. « Hitler s’habitue aux piqûres rptition ainsi qu’ ces mystrieuses substances qui coulent dans ses veines pour soi-disant le revigorer ». (P.37.)
En 1937, les usines Temmler crent la première mthylamphtamine allemande, appele aussi pervitine. L’utilisation gnralise se rpand dans la population allemande de même que dans l’arme. La pervitine, c’est le coup de fouet artificiel qui dure plus de douze heures. C’est le remède artificiel qui « règle les problèmes » et qui tient aussi en veil le soldat allemand pendant plusieurs jours d’affile. « En consommer devient aussitôt aussi naturel que de prendre une tasse de caf » (p.44)
L’arme allemande, qui ne dort que tous les deux ou trois jours, fonce travers l’Europe. C’est le fameux Blitzkrieg. Les blinds ne s’arrêtent plus. Alors que les soldats allis doivent sommeiller tour de rôle, le soldat allemand fonce sans prendre de repos, nergis la mthamphtamine.
La Pologne est la première surprise. « […] pourvue de drogue foison, mais prive d’indications posologiques, la Wehrmacht fond sur le voisin polonais qui, lui, n’est pas dop et n’a pas ide de ce qui l’attend. » (p.63)
Trente-cinq millions de doses sont commandes pour l’arme et la Luftwaffe. « La Wehrmacht devient ainsi la première arme au monde tabler sur la drogue chimique […]. Une nouvelle forme de guerre va faire son apparition. » (p.76)
Peter Steinkamp, un historien de la mdecine, affirme que « le Blitzkrieg a t men grâce la mthamphtamine, pour ne pas dire qu’il tait fond sur l’usage de la mthamphtamine » (p.85)
Les officiers allemands n’obissent plus aux ordres, griss par les victoires rapides. « Guderian […] continue son offensive alors qu’il a formellement reçu l’ordre de faire halte » (p.86). C’est la même chose pour Rommel, qui n’obit plus aux ordres du gnral Hoth : « Il a perdu tout sens du danger [ce qui est] un symptôme typique d’une consommation excessive de mthamphtamine. Il poursuit son offensive de jour comme de nuit ». (P.88.) Hitler ne contrôle plus les gnraux des divisions blindes qui agissent maintenant de façon autonome.
Dcid reprendre le contrôle sur ses officiers, Hitler prendra alors une dcision qui vacue momentanment toute stratgie militaire. Il ordonne ses troupes de s’arrêter pendant dix jours, alors que celles-ci ont pratiquement termin d’encercler les Allis. Les officiers allemands insistent auprès d’Hitler pour achever la campagne militaire, mais « Hitler veut montrer l’arme de terre que c’est lui et personne d’autre qui mène cette guerre » (p.95). À Dunkerque, « plus de 340,000 soldats français, belges et britanniques s’chappent ainsi par la mer » (p.95).
L’auteur cite de nombreux documents de recherche faisant tat des tmoignages de soldats et officiers consommant massivement des produits dopants. Cette consommation excessive est pratique jusqu’aux plus hauts niveaux de la hirarchie militaire. La population civile en consomme galement : « Il ne faut pas bien longtemps pour que le nombre de comprims qui ont atterri dans les estomacs et le sang des Allemands passe la barre des cent millions de doses » (p.114).
Un Hitler quotidiennement dop et au jugement altr commet une autre grave erreur stratgique quant aux combats qui font rage en Russie. Il interdit tout mouvement de repli des troupes allemandes sans son autorisation. La Wehrmacht subit ainsi de lourdes pertes face aux divisions d’lite russes « fraîchement arrives de Sibrie » (p.135).
Une autre erreur stratgique survient en dcembre 1941 alors que l’Allemagne dcide de dclarer la guerre aux Etats-Unis : « [L’Allemagne] est dj puise par les combats qu’elle mène sur les diffrents fronts tandis que le colosse industriel d’outre-Atlantique est, lui, prêt mener bataille » (p.139).
L’entêtement d’Hitler « ne pas vouloir cder un pouce des territoires conquis trouve ici une raison plus profonde : que les chemines fonctionnent le plus longtemps possible l’est, dans les champs d’extermination d’Auschwitz, Treblinka, Sobibor, Chelmno, Majdanek et Belzec. Tenir toutes les positions, jusqu’ ce que tous les Juifs aient t tus. S’loignant toujours un peu plus des lois humaines [Hitler] continue sa guerre contre les faibles » (p.140).
L’auteur poursuit son rcit quant aux autres erreurs de stratgie militaire d’Hitler. Il donne galement des prcisions quant la liaison troite qui lie le Dr Morell et Hitler, de même que des dtails pointus quant aux cocktails de mdicaments consomms quotidiennement par Hitler, dont l’Eucodal, la cocaïne et la morphine. Profitant de son lien troit avec le patient A, le Dr Morell en profite galement pour accroître son influence et sa fortune personnelle.
Le lecteur constate le dclin progressif du Führer et les consquences des dcisions dsespres de ce dernier. Il est tout de même tonnant que dans les biographies d’Hitler cette consommation aussi intensive de drogues et ses consquences soient peine soulignes.
Vers la fin du livre se trouvent des passages importants, particulièrement difficiles, sur certaines expriences effectues sur les prisonniers des camps de concentration.
Le livre « L’extase totale » permet de comprendre de façon diffrente la Seconde Guerre mondiale et la psychologie du peuple allemand cette poque. Il est extrêmement surprenant de constater quel point les drogues chimiques ont jou un rôle primordial avant et pendant ce conflit mondial. Même la comprhension du Blitzkrieg s’en trouve altre.
La technologie de pointe et la stratgie militaire allemande combine l’usage intensif de drogues chimiques par les troupes ont, dans un premier temps, donn un avantage important aux Allemands. Cependant, avec le temps, un manque de contrôle adquat sur ces drogues et une absence volontaire de sensibilisation quant aux effets secondaires de la pervitine et autres mixtures chimiques ont eu des consquences ngatives irrversibles sur un grand nombre de soldats et d’officiers et occasionn de graves erreurs de stratgie militaire. La drape idologique a galement occasionn la perte de millions de vies humaines.