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Lockheed L-1011 devant la tour de la station d’information de vol d’Iqaluit en 1990

Un Lockheed L-1011 de American Trans Air stationné devant la tour de la station d'information de vol de Iqaluit (Iqaluit FSS) en 1990
Un Lockheed L-1011 de American Trans Air stationné devant la tour de la station d’information de vol de Iqaluit (Iqaluit FSS) en 1990

Cette image provient d’une diapositive qui a par la suite été digitalisée 24 ans plus tard. La qualité en souffre un peu mais l’essentiel s’y trouve: la présence à Iqaluit (CYFB), au Nunavut, d’un Lockheed L-1011 de la compagnie American Trans Air.

Pendant le ravitaillement et le dédouanement, les passagers en profitent pour se dégourdir les jambes sur le tarmac de l’aéroport. En arrière-plan se trouve la tour FSS de la station d’information de vol de Transports Canada à Iqaluit, où nous nous occupions du trafic aérien local autant que des communications internationales HF pour les aéronefs traversant l’océan atlantique, à une époque où la technologie était un peu plus rudimentaire.

Plusieurs gros aéronefs utilisaient Iqaluit de façon régulière comme aéroport d’escale, tels que des DC8 allongés, des Boeing B707, 727, 737. Un Airbus A-380 y est même venu pour effectuer des tests en météo extrême afin d’obtenir sa certification.

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Histoires vécues comme spécialiste en information de vol (FSS): Inukjuak FSS

L’avion tant attendu à Inukjuak

(Histoire précédente: le gestionnaire qui avait perdu l’appétit)

Deux Twin Otters de la compagnie Austin Airways déchargent leur cargo à Inukjuak en 1982.
Deux Twin Otters de la compagnie Austin Airways déchargent leur cargo à Inukjuak en 1982.

Durant les années où la station d’information de vol (FSS) de Transports Canada à Inukjuak (CYPH) était en activité, il y avait une chose sur laquelle un pilote d’Austin Airways pouvait compter : dès l’arrivée de l’avion, il y aurait presqu’à coup sûr des gens sur place pour aider aux opérations de déchargement ou pour offrir les services requis permettant à l’aéronef de redécoller le plus rapidement possible. En effet, les Inuits du village téléphonaient régulièrement à la station FSS pour savoir si des avions étaient prévus, et si tel était le cas, l’heure estimée d’arrivée. Nous étions habitués aux questions telles que : « What time plane? », « Is that food plane? », « Is that mail plane? ».

Dès l’atterrissage nous pouvions voir arriver, en provenance du village, des pick-up, un camion-citerne et plusieurs véhicules trois roues Honda. Le maître de poste venait chercher le courrier, les gens du village se pressaient pour saluer les membres de leur famille, et les quelques commerçants aidaient au déchargement de leur matériel ou s’occupaient du ravitaillement en carburant.

L’intérêt était similaire en ce qui concerne l’arrivée des premiers navires de la saison, tard en été. Outre la présence occasionnelle d’un brise-glace, nous assistions à l’arrivée d’un navire de la compagnie Shell chargé de ravitailler les villages. Des barges chargées de centaines de caisses et de machinerie lourde atteignaient enfin les villages du Nord le long des baie d’Hudson et d’Ungava après plus d’une semaine de navigation, profitant de la marée basse pour livrer leur cargaison. Certains de ces vaisseaux avaient été endommagés par les glaces durant leur voyage et devaient parfois être réparés sur place avant de pouvoir reprendre leur route.

Piano et matelas laissés sur place en l'absence des clients. Inukjuak 1982
Situation inusitée: un piano et des matelas sont laissés sur place en l’absence des clients. Inukjuak 1982

Une bonne journée, un avion de patrouille anti-sous-marine CP140 Aurora venant de terminer son travail au-dessus de la baie d’Hudson nous contacta pour recevoir des informations. Puisque ses opérations semblaient momentanément terminées et qu’il se déplaçait maintenant vers un autre secteur, il lui fût demandé de faire une « passe » à basse altitude au-dessus de la station d’information de vol. Le pilote accepta et dans les minutes qui suivirent, l’avion passa en trombe près de nos installations pour disparaître quelques instants plus tard dans les nuages. Je me souviens encore du déluge d’appels téléphoniques que le passage de l’aéronef occasionna dans le village. Faute de pouvoir apercevoir l’aéronef, les gens surpris demandaient : « Is that food plane? » « Is that mail plane? ».

Un survol à basse altitude est demandé, à l’occasion, pour observer un aéronef de près et pouvoir entendre le son des moteurs au moment du passage. Cela permet également la prise d’une photo. Chaque pilote que j’ai connu au cours des années acceptait avec joie cette occasion de mettre un peu de piquant dans sa routine.

Le Twin Otter C-GMDC de la compagnie Air Inuit refait le plein de carburant à Inukjuak en 1982
Le Twin Otter C-GMDC de la compagnie Air Inuit refait le plein de carburant à Inukjuak en 1982

(Prochaine histoire: l’Inuit qui voulait tirer des Blancs avec une carabine de calibre .303)

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Histoires vécues comme spécialiste en information de vol (FSS): Inukjuak FSS

Le gestionnaire qui avait perdu l’appétit en arrivant à Inukjuak.

Décollage d'un Twin Otter d'Austin Airways durant une averse de neige à Inukjuak en 1982. En arrière-plan, le bâtiment d'aérologie d'Environnement Canada.
Décollage d’un Twin Otter d’Austin Airways durant une averse de neige à Inukjuak en 1982. En arrière-plan, le bâtiment d’aérologie d’Environnement Canada.

Un gestionnaire de Transports Canada devait occasionnellement quitter le confort de son bureau de Montréal pour venir inspecter une des stations d’information de vol (FSS)située dans le Nord-du-Québec. En 1982, il effectua donc le trajet vers Inukjuak (CYPH), au Nunavik, en utilisant Nordair, pour la portion entre Montréal et Kuujjuarapik (CYGW).

À partir de cet endroit, un Twin Otter d’Austin Airways fit le trajet jusqu’à Inukjuak. Quelques minutes après le départ, lors du survol au-dessus de la baie d’Hudson, la base des stratus baissa dramatiquement et le pilote nous dira plus tard qu’il dû faire le trajet avec tout au plus 200 pieds de jeu entre l’eau et les nuages.

L’avion arriva à Inukjuak en après-midi. Au souper, le cuisinier offrit un repas chaud au gestionnaire, mais ce dernier avoua qu’il n’avait absolument aucun appétit. Il nous confiera, un plus tard, que de voir la surface de l’eau aussi près de l’avion et de sentir la turbulence mécanique durant tout le voyage lui avait coupé l’appétit. Nous avions alors réalisé que notre gestionnaire n’était pas très à l’aise avec les vols « non standards ».

Un Twin Otter d'Austin Airways au décollage de Inukjuak en 1982
Un Twin Otter d’Austin Airways au décollage de Inukjuak en 1982

Au retour, il était seul passager à bord, le reste de l’espace n’étant que du cargo. Nous connaissions suffisamment bien les pilotes pour leur demander une petite faveur, soit un décollage avec virage serré. Ce qui fut fait très adroitement et créa une surprise certaine chez le voyageur.

Sur le vol de retour vers Montréal, il profita d’une escale à La Grande (CYGL) pour nous envoyer par téléscripteur une remarque qui en disait long sur son appréciation du virage. Il faut dire, en toute honnêteté, que le pilote en avait donné plus que le client en demandait, et que le voyageur eut la chance d’expérimenter ce qu’était un virage de 70 degrés vers la droite. C’était suffisant pour lui enlever le goût de revenir avant longtemps.

(Prochaine histoire : l’avion tant attendu)

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Histoires vécues comme spécialiste en information de vol (FSS): Inukjuak FSS

Une visite à la station d’information de vol de Transports Canada à Inukjuak (1982)

(Histoire précédente : dans le doute, vaut mieux l’action que l’inaction)

Des enfants du village visitent la station d'information de vol de Inukjuak en 1982.
Des enfants du village visitent la station d’information de vol de Inukjuak en 1982.

En 1982, lorsque je travaille à la station d’information de vol d’ Inukjuak comme spécialiste en information de vol  (FSS) pour Transports Canada, nous offrons le service consultatif aux aéronefs pour les arrivées et départs. Nous nous occupons également d’agir comme moyen de communication et de relais pour les bateaux autant que pour les avions, au travers de fréquences VHF et HF (je ne me souviens que d’Air France 004 qui nous appelait régulièrement au milieu de la nuit et de KLM692). Nous avons également des contacts avec des aéronefs militaires.

La connaissance du code morse est obligatoire, bien que réservée pour un usage occasionnel seulement. Les présentations météorologiques aux pilotes sont rares. Les moyens technologiques de l’époque sont rudimentaires. Toutes les données reçues, chaque minute de la journée, sont imprimées automatiquement. Des kilomètres de papier doivent être gérés par le personnel de façon mensuelle.

Travailler sept jours sur sept dans un poste isolé du Nunavik, sur des quarts de douze ou de seize heures, devient rapidement répétitif. Il ne faut pas manquer l’occasion de participer à des activités avec la population locale lorsque cela est possible si l’on veut connaître autre chose que le lieu de travail. Je décide donc de préparer un cours de météo élémentaire et d’offrir une présentation pour les enfants du village.

Je contacte alors le policier Inuit d’Inukjuak responsable d’un groupe de scouts, lui explique mon idée et propose qu’une période soit réservée où nous pourrions tous nous rencontrer. J’offrirais une présentation sur la météo, suivie d’une période de questions et réponses. Des affiches sont préparées et les sujets traitent spécifiquement des points les plus susceptibles d’intéresser les jeunes. Le jour venu, une dizaine d’entre eux se présentent avec le responsable. Assis le long d’un mur sur le plancher du gymnase, nous passons deux heures à échanger autant sur la météo que sur l’aviation.

J’ai également eu l’opportunité de recevoir quelques visiteurs à la station d’information de vol, accompagnés de l’enseignante. À d’autres occasions, en faisant des promenades, il était possible d’assister à des joutes improvisées de hockey de rue. Pour la photo ci-dessous, deux passants acceptèrent de prendre la pose avec les joueurs de hockey.

Joueurs de hockey du village de Inukjuak en 1982
Joueurs de hockey du village de Inukjuak en 1982

(Prochaine histoire : pêche illégale sur la rivière Innuksuak)

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Histoires vécues comme spécialiste en information de vol (FSS): Inukjuak FSS

Dans le doute, vaux mieux l’action que l’inaction.

(Histoire précédente: en route vers la première mutation, Inukjuak)

La piste en sable mou d'Inukjuak, en 1982, et un Twin Otter d'Austin Airways équipé de pneus ballons.
La piste en sable mou d’Inukjuak, en 1982, et un Twin Otter d’Austin Airways équipé de pneus ballons.

Durant les premières journées où je travaille comme spécialiste en information de vol (FSS) pour Transports Canada à la station d’information de vol d’Inukjuak (CYPH), en 1982, je reçois un appel radio provenant d’un bimoteur Beech 200. Le pilote de l’aéronef immatriculé aux États-Unis signale qu’il désire atterrir à Inukjuak pour une courte escale. Plusieurs passagers sont à bord. Je lui donne donc les informations nécessaires et suis sa progression vers l’aéroport, à travers les communications radios subséquentes.

On tient pour acquis qu’un pilote voulant atterrir sur un aéroport s’est informé au préalable de la longueur et de l’orientation de la piste, de même que de sa constitution (ciment, asphalte, gravier, gazon, sable). Ce sont des informations absolument essentielles, au même titre que de s’assurer qu’il y a suffisamment de carburant à bord de l’aéronef. Cela fait la différence entre un accident et un atterrissage réussi. Le Beech 200 n’est pourtant pas l’appareil indiqué pour Inukjuak, avec sa piste en sable mou.

J’hésite à lui demander s’il est au courant des caractéristiques de la piste d’Inukjuak, parce que c’est une information qui est tellement élémentaire. Par contre, je n’ai aucune expérience comme spécialiste en information de vol et considère inimaginable que dès les premiers jours d’une nouvelle carrière, j’aie affaire à un pilote qui n’a pas pris le temps de se préparer et va bientôt mettre sa vie et la vie de ses passagers en danger.

Mais si ce pilote est responsable de ce type d’avion, c’est qu’il a tout de même des centaines, sinon des milliers d’heures de vol à son actif. Si je le questionne sur ses connaissances des caractéristiques de la piste d’Inukjuak, j’aurais l’impression de lui dire que sa préparation n’est pas adéquate, ou encore que l’avion est trop gros pour ses capacités.

L’aéronef est maintenant en finale pour la piste, à quelques miles de distance. N’y tenant plus, je pose la question fatidique : « Êtes-vous au courant que vous vous préparez à atterrir sur une piste de 2000 pieds en sable mou? » Je m’attends à recevoir un commentaire assez sec, mais le pilote me répond, tout mollement : « OK, on va faire une approche manquée et on va aller atterrir ailleurs. Est-ce que Kuujjuarapik est adéquat? » Je réponds par l’affirmative et, dans les secondes suivantes, peux entendre l’appareil remettre les gaz et survoler la piste à basse altitude.

À partir de cette journée, et pour les décennies suivantes, je me suis promis de ne jamais rien tenir pour acquis. Dans le doute, vaux mieux l’action que l’inaction…

(Prochaine histoire: une visite à la station d’information de vol d’Inukjuak (1982))

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Histoires vécues comme spécialiste en information de vol (FSS): Inukjuak FSS

En route vers la première mutation: Inukjuak

(Histoire précédente: le spécialiste en information de vol et l’Institut de formation de Transports Canada à Cornwall)

1982 Nord du Québec vu d'un B737 de Nordair
1982 Nord du Québec vu d’un B737 de Nordair

Été 1982. Aujourd’hui, c’est le départ de Montréal à destination d’Inukjuak, au Nunavik, où j’ai été transféré pour agir en tant que spécialiste en information de vol (FSS) pour Transports Canada. Le Boeing B-737 de Nordair décolle et vire immédiatement vers le Nord. Il passera le long de la baie James et continuera son chemin jusqu’à atteindre la baie d’Hudson, pour atterrir à Kuujjuarapik, sa destination finale. De là, un Twin Otter d’Austin Airways prendra la relève pour Inukjuak, un poste isolé encore un peu plus au nord, sur la côte est de la Baie d’Hudson.

Un B-737 atterrissant sur la piste de 5000 pieds en gravier de Kuujjuarapik le fait en utilisant des procédures spéciales. La piste est courte pour un aéronef chargé, et le freinage est moins efficace que sur l’asphalte. Il n’y a pas de marge importante pour une erreur. Les roues doivent toucher le plus près possible du seuil de piste, suivi d’un maximum de freinage.

Les passagers sentent très bien la décélération. Le même calcul vaut pour le décollage : le pilote positionne l’aéronef le plus près du seuil de piste, applique les freins, exige la puissance maximale des moteurs, et une fois que les paramètres requis sont atteints, relâche les freins. Comme d’habitude, les calculs de poids et centrage, la densité de l’air, l’altitude de l’aéroport de même que la direction et la force des vents doivent avoir été calculés de façon très précise sinon l’avion ne pourra décoller sur la longueur de piste disponible.

1982 Kuujjuarapik. Un Boeing B737 de Nordair au premier plan et un Twin Otter d'Austin Airways à l'arrière-plan.
1982 Kuujjuarapik. Un Boeing B737 de Nordair au premier plan et un Twin Otter d’Austin Airways à l’arrière-plan.
1982 Un FSS (spécialiste en information de vol) travaille à la station de Kuujjuarapik au Québec
1982 Un FSS (spécialiste en information de vol) travaille à la station de Kuujjuarapik au Québec

Après une courte escale, le Twin Otter est maintenant prêt pour le voyage vers Inukjuak. Le décollage de Kuujjuarapik s’effectue sans problème. Je suis assis en première classe, derrière du cargo retenu par un filet. Pour le champagne, il faudra attendre que les boîtes soient enlevées du couloir.

1982 Cargaison et passagers dans un Twin Otter de Austin Airways
1982 Cargaison et passagers dans un Twin Otter de Austin Airways
1982. Une vue de Sanikiluaq à partir d'un Twin Otter d'Austin Airways
1982. Une vue de Sanikiluaq à partir d’un Twin Otter d’Austin Airways

Puis nous commençons une lente descente vers Inukjuak.

De mon hublot, j’aperçois un petit groupe de narvals. J’ai l’impression de rêver mais des documents de recherche consultés subséquemment indiquent que des narvals se tiennent surtout dans le nord de la baie d’Hudson, et généralement par groupe d’environ six individus.L’aéronef approche Inukjuak. Les volets sont sortis et il est possible de voir la piste, avant que nous tournions en finale. Elle a une longueur de 2000 pieds et est constituée de sable suffisamment épais pour rendre sa surface instable.

1982 Twin Otter d'Austin Airways en base pour la piste d'atterrissage d'Inukjuak
1982 Twin Otter d’Austin Airways en base pour la piste d’atterrissage d’Inukjuak

À l’arrivée, quelqu’un vient à ma rencontre en moto. Il m’offre de me reconduire au bâtiment principal, mais nous ne sommes qu’à environ quinze ou vingt secondes de marche. Je décline l’offre poliment, mais le personnage insiste. Pour ne pas faire mauvaise impression dès l’arrivée, j’accepte finalement et tente de me trouver une petite place sur le siège arrière de cette moto minuscule. À peine commençons-nous à avancer dans le sable mou que le conducteur perd la maîtrise de l’engin. Nous chutons (quelle surprise…!), mais il n’y a aucune conséquence sérieuse. Bienvenue à Inukjuak!

1982 Citoyen d'Inukjuak et des canots servant pour les activités traditionnelles
1982 Citoyen d’Inukjuak et des canots servant pour les activités traditionnelles
C170B C-GGPI à Inukjuak, au Québec, en 1982
C170B C-GGPI à Inukjuak, au Québec, en 1982

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Histoires vécues: information de vol et Institut de formation de Transports Canada

Le spécialiste en information de vol et l’Institut de formation de Transports Canada à Cornwall

(Histoire précédente : la licence d’instructeur de vol)

Vue d'une petite partie de l'Institut de formation de Transports Canada à Cornwall, en 1982.
Vue d’une petite partie de l’Institut de formation de Transports Canada à Cornwall, en 1982.

Au début des années 80, la crise pétrolière oblige les compagnies aériennes à limiter fortement l’embauche. Cela n’est pas apparent au moment où nous suivons notre formation de pilote, mais devient une réalité incontournable au moment de faire une demande d’emploi un an plus tard.

Cependant, du côté gouvernemental, la situation est bien différente. Transports Canada est à la recherche de nouveaux employés pour remplacer le personnel approchant l’âge de la retraite. La seule option qui m’est immédiatement accessible est un poste de spécialiste en information de vol (FSS). Je sais vaguement ce que cela représente, sans plus. Mais les conditions salariales et d’emploi sont autrement meilleures que celles offertes à un instructeur de vol à ses débuts. Il faut plonger.

Pour le Québec, deux examens écrits, sans aucun lien avec l’aviation, se tiennent au Pavillon Judith-Jasmin de l’Université du Québec à Montréal. En deux jours, 1500 postulants se succèdent pour tenter de réussir ces tests. Dans les semaines et mois suivants, ceux qui se sont qualifiés sont soumis à une entrevue de même qu’à des tests linguistiques, médicaux et de sécurité.

Nous sommes maintenant trois candidats du Québec à nous diriger vers l’école de Transports Canada à Cornwall pour y recevoir un entraînement théorique et pratique qui durera plusieurs mois. Il y aura trente-cinq heures de cours théorique et pratique par semaine. La pression sera continue et désirée, de façon à éliminer les candidats susceptibles de présenter des problèmes quant au stress.

Nous serons payés pour étudier. Un candidat aura droit à un emploi assuré à condition de réussir des dizaines d’examens écrits et d’évaluations pratiques, sans avoir plus de deux notes sous 80 %. Étant donné que le cours FSS 82-01 ne s’adresse pas qu’aux Québécois seulement, il ne sera pas offert en français. Le tout se fera donc dans la langue de Shakespeare et le groupe d’étudiants sera composé de Canadiens provenant de presque toutes les provinces.

L’école de Transports Canada à Cornwall n’est rien de moins qu’exceptionnelle pour celui qui est décidé à étudier et réussir.

Pour aider l’étudiant à endurer trente-cinq heures de cours par semaine et de fréquents examens, l’école dispose d’installations très intéressantes. Chaque étudiant a sa chambre privée avec service de nettoyage quotidien. Une cafétéria offre trois choix de mets pour chaque repas. Les calories peuvent être brûlées à la piscine, au gymnase, à la salle d’haltérophilie, sur les terrains de tennis ou de baseball. Un casse-croûte demeure ouvert pour les fringales de fin de soirée. Un comptoir bancaire est mis à la disposition des étudiants, de même qu’un salon de coiffure, un bar, une salle de jeux vidéo, des tables de billard, etc.

La piscine de l'Institut de formation de Transports Canada à Cornwall, en 1982.
La piscine de l’Institut de formation de Transports Canada à Cornwall, en 1982.
Salle de poids et haltères de l'IFTC à Cornwall, Ontario en 1982
Salle de poids et haltères de l’IFTC à Cornwall, Ontario en 1982
1982 Cornwall IFTC salle de combat
1982 Cornwall IFTC salle de combat
1982 TCTI, Cornwall. Des étudiants du groupe FSS 82-01 expérimentent une nouvelle façon d'améliorer le pointage au basketball.
1982 TCTI, Cornwall. Des étudiants du groupe FSS 82-01 expérimentent une nouvelle façon d’améliorer le pointage au basketball.
1982 Cornwall TCTI jeux de fer
1982 Cornwall TCTI jeux de fer

De façon à ce que l’on comprenne ce qui nous attend, on nous annonce qu’il y a traditionnellement dans chaque classe plusieurs étudiants qui ne pourront suivre le rythme et qui devront être renvoyés chez eux, malgré leurs efforts. Pour un francophone dont la vie quotidienne ne comportait pratiquement aucun usage d’une autre langue , il est évident que d’intégrer de la nouvelle théorie présentée en anglais durant sept heures et demie par jour et cinq jours par semaine devient exigeant. Je dois compenser les moments où ma concentration diminue par des études en soirée.

Il y a une bibliothèque de même que de nombreuses salles équipées de différents simulateurs conçus pour toutes les carrières envisagées par les étudiants.

1982 IFTC Cornwall Salle de simulation de vol
1982 IFTC Cornwall Salle de simulation de vol
1982 IFTC Cornwall. Le bâtiment d'aérologie d'Environnement Canada.
1982 IFTC Cornwall. Le bâtiment d’aérologie d’Environnement Canada.
1982 IFTC Cornwall Écrans Stevenson
1982 IFTC Cornwall Écrans Stevenson

Dans la cour intérieure, les étudiants peuvent apercevoir un paon et d’autres petits animaux se promener, de même qu’entendre une source d’eau couler dans des aménagements paysagers très bien planifiés. Les avantages offerts sont tout simplement renversants. Le message est clair : « Transports Canada ne vous demande que d’étudier et réussir. Pour ce qui est du reste, on s’en occupe.».

1982 Cornwall IFTC cour intérieure
1982 Cornwall IFTC cour intérieure
1982 Cornwall IFTC corridors vers les salles de cours
1982 Cornwall IFTC corridors vers les salles de cours

Finalement, le grand jour arrive. Les étudiants ayant réussi à se rendre jusqu’au bout célèbrent leur remise de diplôme.

Les affectations sont distribuées. Ceux qui travailleront dans les postes nordiques savent très bien que l’horaire de travail ne comprend pas de congés et donc qu’ils seront en devoir tous les jours. Le nouvel employé sera naturellement rémunéré pour les heures supplémentaires et le coût de la vie plus élevé, de même qu’il bénéficiera d’un loyer subventionné.

Mon départ est prévu sous peu pour Inukjuak (CYPH), un poste situé le long de la côte est de la baie d’Hudson, au Nunavik. La vie prendra bientôt un virage radical.

(Prochaine histoire : en route vers la première mutation : Inukjuak)

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Histoires vécues en tant que pilote et FSS: apprentissage du pilotage

La licence d’instructeur de vol

(histoire précédente: le vol de St-Jean-sur-Richelieu vers Edmonton)

De façon à continuer à accumuler des heures de vol, j’entamai les cours nécessaires pour devenir instructeur de vol. Suite au passage avec succès d’examens théorique et pratique, la licence fut obtenue. Ayant déjà suffisamment d’heures de vol comme commandant de bord, je pouvais recevoir immédiatement une licence de classe 3. Techniquement, cela signifiait que je n’avais pas à recevoir d’autorisation du chef instructeur avant de laisser un élève voler en solo pour une première fois.

De façon à étudier avec le plus d’exactitude possible les manœuvres que j’aurais à enseigner lors des cours de pilotage, je travaillais des exercices parfois inhabituels. Ceux-ci visaient à vérifier quel serait le comportement de l’avion si un étudiant effectuait une mauvaise manœuvre avant que j’aie le temps d’intervenir. Avec suffisamment d’altitude, il était possible de se permettre passablement d’improvisation.

Je décidai donc, lors d’un de ces exercices un peu particuliers, de simuler le fait qu’un étudiant avait confondu les manœuvres à effectuer pour amener l’avion en décrochage et par la suite en vrille. L’avion se retourna complètement à l’envers et j’entendis des bruits de tôle indiquant que le stress imposé à l’avion était possiblement important. Inutile de préciser que je décidai de laisser de côté certaines expérimentations, réalisant qu’il était fort possible que certains aéronefs loués avaient auparavant été sollicités plus qu’ils n’auraient dû l’être. On veut tous terminer un vol avec un aéronef ayant tous ses morceaux…

Un groupe d'instructeurs de vol travaillant à St-Jean-sur-Richelieu en 1981
Un groupe d’instructeurs de vol travaillant à St-Jean-sur-Richelieu en 1981

À St-Jean-sur-Richelieu, nous étions désormais onze instructeurs certifiés à l’aéroclub. Cependant, le nombre de nouveaux étudiants stagnait dans ce climat d’incertitude économique de la fin des années 70 au début 80. Une récession mondiale sévissait et le chômage grimpait en flèche. Certaines compagnies aériennes avaient cessé leurs opérations, d’autres gelaient l’embauche de nouveaux pilotes. Onze instructeurs dans un même aéroclub, c’était beaucoup pour des clients de plus en plus rares. La paie était maigre.

Parmi les étudiants que j’ai formés durant la période où j’étais instructeur de vol, le premier qui réussit à s’envoler en solo était un Égyptien. Il était arrivé au Québec avec un groupe d’une dizaine de compatriotes. Leur ambition était de recevoir toute leur formation au Québec et de retourner en Égypte comme pilote pour la compagnie nationale Égyptair.

Deux étudiants Égyptiens à une école de pilotage de St-Jean-sur-Richelieu en 1981
Deux étudiants Égyptiens à une école de pilotage de St-Jean-sur-Richelieu en 1981

Mon étudiant avait du talent, il apprenait rapidement. Mais il y avait dans ce groupe un étudiant que plusieurs instructeurs essayèrent à tour de rôle de former, sans succès. Chacun de nous pensait que nous n’avions peut-être pas la bonne méthode; nous l’encouragions donc à voler avec d’autres instructeurs. Il devint évident que l’aviation ne serait jamais le champ d’activité où il pourrait s’épanouir et faire carrière. Aucun instructeur n’accepta de le laisser voler en solo, et ce après que l’élève eut passé des mois à tenter de comprendre les notions élémentaires de pilotage : quand venait le temps d’exécuter les notions apprises, même après de multiples démonstrations, il n’y arrivait pas. Il n’était pas sécuritaire. Je crois bien que ses plans pour devenir pilote ont été modifiés à jamais après son passage à St-Jean.

(prochaine histoire: le spécialiste en information de vol)

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Histoires vécues en tant que pilote et FSS: apprentissage du pilotage

Le vol de St-Jean-sur-Richelieu, Québec, vers Edmonton, Alberta, en 1981

(Histoire précédente: des cellules orageuses imprévues)

Je me retrouvai donc aux commandes d’un Cessna 170B (roue de queue) sur un vol à travers le Canada, de St-Jean-sur-Richelieu, Québec vers Edmonton, Alberta. Je pilotais l’appareil en compagnie du propriétaire qui, lui, n’avait pas encore terminé son cours de pilote privé. L’avion volait bien, mais datait de 1952 et ne possédait absolument aucun instrument de navigation aérienne, pas même un VOR ou un ADF. Et l’ère du GPS portatif n’était pas encore arrivée.

Quatorze cartes VFR 1:500, 000 couvrant le vol prévu furent pliées, collées et numérotées. Je traçai les trajectoires prévues sur chaque carte, avec des points de repère séparés de 10 miles entre eux. Cela faciliterait le suivi de notre progression, faute d’équipement de navigation. La préparation effectuée, le décollage se fit par une belle journée d’été de 1981.

Cartes VFR 1:500,000 ayant servies à la préparation et au suivi du vol vers Edmonton, Canada, en 1981
Cartes VFR 1:500,000 ayant servies à la préparation et au suivi du vol vers Edmonton, Canada, en 1981

Il y eut des escales à Gatineau, North Bay, Sudbury et Wawa.

Courte pause à Sudbury lors du vol VFR vers Edmonton en 1981
Courte pause à Sudbury lors du vol VFR vers Edmonton en 1981

Par la suite, le tour du lac Supérieur fut effectué et les prochains points d’étape se succédèrent, via Thunder Bay et Fort Frances. Au-dessus des grandes étendues boisées, sans aucun repère important, il fallait corriger la précession gyroscopique fréquemment de façon à ne pas trop s’éloigner de la trajectoire prévue. Parfois, lorsque cela facilitait la navigation, nous suivions une voie ferrée, et à d’autres moments des routes principales. Par endroit, les vents soufflaient tellement fort de l’ouest que notre déplacement par rapport au sol était plus lent que celui des voitures.

De Fort Frances vers Kenora en 1981, en Cessna C170B
De Fort Frances vers Kenora en 1981, en Cessna C170B

La trajectoire suivie nous tenait volontairement à l’écart des zones de trafic aérien important. Nous avions choisi de voler au nord de la région de contrôle terminale de Winnipeg, évitant ainsi d’avoir à trop échanger avec le contrôle aérien dans un anglais incertain au moyen d’une radio encore moins performante.

Cette option nous amena à devoir traverser le lac Winnipeg, dans sa portion sud. Nous avions l’altitude requise pour être à distance de vol plané du littoral, en cas de panne moteur. Cependant, la masse d’air froid au-dessus du lac nous faisait perdre graduellement plusieurs milliers de pieds, et ce, même si nous utilisions la puissance maximale. La descente non désirée se termina finalement, mais il fallait maintenant que le moteur tienne bon, sinon nous ne pourrions plus éviter un amerrissage…

Traversée du lac Winnipeg avec un Cessna C170B en 1981
Traversée du lac Winnipeg avec un Cessna C170B en 1981

Près de Lundar au Manitoba, les vieux cadrans de l’appareil indiquèrent une perte importante de carburant. Le plein avait pourtant été effectué récemment. Par mesure de sécurité, il fallait poser l’avion sur la piste la plus proche, mais les vents de côté excédaient fortement les capacités de l’appareil. Une tentative fut tout de même effectuée avec pour résultat que seule la roue gauche accepta le contact avec le bitume. Dès que la roue droite entrait également en contact avec la piste, l’avion se remettait à voler.

Un champ tout près fut donc choisi pour effectuer un atterrissage de précaution, histoire de vérifier l’état du carburant. Un survol à basse altitude fut effectué au-dessus des vaches et fils électriques, et l’avion se posa sans problème à une vitesse sol n’excédant pas 15 nœuds. Dans son pick-up rouge, un fermier vint nous rejoindre afin d’offrir son aide. Après avoir vérifié que les réservoirs étaient pratiquement pleins et n’avaient besoin que de quelques litres d’essence, il était temps de continuer le voyage. Les aiguilles des jauges à essence ne seraient plus désormais d’aucune utilité…

Atterrissage dans un champ de Lundar au Manitoba, en 1981, avec un Cessna C170B.
Atterrissage dans un champ de Lundar au Manitoba, en 1981, avec un Cessna C170B.

Dauphin fut survolé et peu de temps après nous disions au revoir au Manitoba. Bienvenue en Saskatchewan! Si nous devions connaître une panne de moteur au-dessus de terrains aussi uniformes, les risques de problèmes à l’atterrissage seraient pratiquement inexistants.

Près de Yorkton, Saskatchewan, en vol avec un Cessna C170B en 1981
Près de Yorkton, Saskatchewan, en vol avec un Cessna C170B en 1981

La météo se dégrada lentement. Nous devions désormais nous poser à Watson, en Saskatchewan, sur la piste la plus proche.

La surface d’atterrissage était constituée de terre boueuse et de gazon, le tout délimité par des petits panneaux de bois peint en rouge. Dès le touché des roues, la boue sur les pneus éclaboussa l’appareil et vint se coller sous les ailes.

La piste de Watson, Saskatchewan, en 1981
La piste de Watson, Saskatchewan, en 1981
Le motel King George à Watson, Saskatchewan en 1981
Le motel King George à Watson, Saskatchewan en 1981

Finalement, le temps s’améliora et il fut possible de redécoller en direction de North Battleford, la dernière escale avant Edmonton. Le terrain en pente nous contraignit à voler de plus en plus bas près d’Edmonton, sous un couvert de stratocumulus, limitant notre vision pour apercevoir à l’avance le bon aéroport parmi les trois disponibles (international, civil, militaire). Tout se passa bien quant au choix du bon aéroport et de l’approche, mais on ne peut en dire autant des communications radio. Le son qui sortait du vieux haut-parleur était pourri et l’anglais parlé par le contrôleur beaucoup trop rapide pour notre niveau de compréhension. La combinaison de ces deux facteurs obligea le contrôleur à répéter plus d’une fois ses instructions jusqu’à ce qu’il se décide finalement à ralentir le rythme et que nous puissions lui dire officiellement : « Roger! »

Après un court séjour à Edmonton vint le moment du vol de retour vers St-Jean. Celui-ci se fit beaucoup plus facilement et rapidement, car les vents de l’ouest poussaient l’appareil. La vitesse-sol était parfois le double de ce que nous avions réussi à obtenir lors de notre voyage vers Edmonton. Le trajet nous aura finalement pris vingt-cinq heures à l’aller et dix-huit au retour.

Cessna C170B en vol au-dessus du Canada, été 1981.
Cessna C170B en vol au-dessus du Canada, été 1981.
En montée vers 9,500 pieds lors du retour vers St-Jean-sur-Richelieu, en 1981.
En montée vers 9,500 pieds lors du retour vers St-Jean-sur-Richelieu, en 1981.
VFR "on top" avec un Cessna C170B en 1981 au-dessus du Canada
VFR «on top» avec un Cessna C170B en 1981 au-dessus du Canada

Au-dessus de North Bay, le temps est idéal. Mais nous devrons atterrir à Ottawa en attendant que des cellules orageuses s’éloignent de Montréal et de St-Jean-sur-Richelieu. Après un grand total de quarante-trois heures de vol, le vieux Cessna 170B était de nouveau posé à St-Jean-sur-Richelieu.

(Prochaine histoire: la licence d’instructeur de vol)

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Des cellules orageuses imprévues.

(Histoire précédente: la licence de pilote professionnel / un pneu éclate à l’atterrissage)

Lors d’une chaude journée d’été de 1981, un instructeur de vol me demanda d’aller le chercher, avec un Cessna 150, à l’aéroport international Pierre-Elliott-Trudeau de Montréal. Les vents provenant du nord-ouest, la piste en usage était la 28. Alors que j’étais en étape finale, le contrôleur me dit : « Augmentez votre vitesse, vous avez un Boeing 727 derrière vous. ». Il réalisait que l’espacement entre mon monomoteur et le Boeing était trop serré. Il est très simple d’augmenter la vitesse d’un avion tout en conservant son altitude. On appuie sur la manette des gaz et la vitesse augmente. Cependant, quand l’avion est au-dessus du seuil de la piste, il a besoin de sa vitesse spécifique pour toucher le sol sinon il continue de voler jusqu’à ce que cette vitesse soit finalement atteinte. Il me sembla que le Cessna avait flotté durant une éternité avant de toucher la piste. Mais cela fonctionna tout de même, évitant au Boeing d’avoir à effectuer une approche manquée.

Je stationnai l’appareil près des bureaux de Transports Canada et attendis l’instructeur environ trente minutes. Le ciel se couvrait rapidement de nuages en cette fin d’après-midi, avec toute l’humidité présente. L’instructeur arriva finalement et comme nous commencions à nous diriger vers la piste, le contrôleur nous dit : « Vous devez accepter des vecteurs radars pour votre route de départ, à cause de la météo ». Quelle météo? Un front froid était à l’œuvre, mais rien de bien dramatique n’était visible de notre position. Si près du terminal de l’aéroport, les seuls nuages visibles étaient des cumulus bourgeonnants, sans plus. Son offre fut acceptée, à défaut de rester immobilisés sur l’aéroport.

Au décollage de la piste 28, au moment où j’effectuais un virage à gauche en direction de St-Jean-sur-Richelieu et que l’altitude était suffisante pour dépasser la hauteur du bâtiment du terminal, il devint évident que des vecteurs étaient nécessaires. Un orage s’était développé entre Montréal et St-Jean. D’un seul coup d’œil, nous pouvions observer ce qui ressemblait à cinq cylindres créés par des averses de pluie forte et où des éclairs jaillissaient à l’occasion. Il fallut donc voler entre les cylindres pour éviter les endroits les plus problématiques. Les ceintures de sécurité furent resserrées au moment où se produisaient les premières turbulences faisant considérablement varier notre altitude. L’atterrissage à St-Jean-sur-Richelieu se fit en douceur, hors de la zone météo problématique. Aujourd’hui, je ne referais plus ce genre de vol sans la présence à bord d’un radar météo digne de ce nom.

Quelques semaines plus tard, on me demanda si j’accepterais d’être commandant de bord pour un long vol voyage à travers le Canada. Cette offre inattendue représentait une belle occasion, surtout du fait que cela me permettrait d’inscrire plus de quarante heures de vol supplémentaires dans le carnet du pilote.

(Prochaine histoire: un vol à vue (VFR) de St-Jean-sur-Richelieu, Québec vers Edmonton, Alberta).

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