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Histoires vécues en tant que pilote et FSS: apprentissage du pilotage

La licence d’instructeur de vol

(histoire précédente: le vol de St-Jean-sur-Richelieu vers Edmonton)

De façon à continuer à accumuler des heures de vol, j’entamai les cours nécessaires pour devenir instructeur de vol. Suite au passage avec succès d’examens théorique et pratique, la licence fut obtenue. Ayant déjà suffisamment d’heures de vol comme commandant de bord, je pouvais recevoir immédiatement une licence de classe 3. Techniquement, cela signifiait que je n’avais pas à recevoir d’autorisation du chef instructeur avant de laisser un élève voler en solo pour une première fois.

De façon à étudier avec le plus d’exactitude possible les manœuvres que j’aurais à enseigner lors des cours de pilotage, je travaillais des exercices parfois inhabituels. Ceux-ci visaient à vérifier quel serait le comportement de l’avion si un étudiant effectuait une mauvaise manœuvre avant que j’aie le temps d’intervenir. Avec suffisamment d’altitude, il était possible de se permettre passablement d’improvisation.

Je décidai donc, lors d’un de ces exercices un peu particuliers, de simuler le fait qu’un étudiant avait confondu les manœuvres à effectuer pour amener l’avion en décrochage et par la suite en vrille. L’avion se retourna complètement à l’envers et j’entendis des bruits de tôle indiquant que le stress imposé à l’avion était possiblement important. Inutile de préciser que je décidai de laisser de côté certaines expérimentations, réalisant qu’il était fort possible que certains aéronefs loués avaient auparavant été sollicités plus qu’ils n’auraient dû l’être. On veut tous terminer un vol avec un aéronef ayant tous ses morceaux…

Un groupe d'instructeurs de vol travaillant à St-Jean-sur-Richelieu en 1981
Un groupe d’instructeurs de vol travaillant à St-Jean-sur-Richelieu en 1981

À St-Jean-sur-Richelieu, nous étions désormais onze instructeurs certifiés à l’aéroclub. Cependant, le nombre de nouveaux étudiants stagnait dans ce climat d’incertitude économique de la fin des années 70 au début 80. Une récession mondiale sévissait et le chômage grimpait en flèche. Certaines compagnies aériennes avaient cessé leurs opérations, d’autres gelaient l’embauche de nouveaux pilotes. Onze instructeurs dans un même aéroclub, c’était beaucoup pour des clients de plus en plus rares. La paie était maigre.

Parmi les étudiants que j’ai formés durant la période où j’étais instructeur de vol, le premier qui réussit à s’envoler en solo était un Égyptien. Il était arrivé au Québec avec un groupe d’une dizaine de compatriotes. Leur ambition était de recevoir toute leur formation au Québec et de retourner en Égypte comme pilote pour la compagnie nationale Égyptair.

Deux étudiants Égyptiens à une école de pilotage de St-Jean-sur-Richelieu en 1981
Deux étudiants Égyptiens à une école de pilotage de St-Jean-sur-Richelieu en 1981

Mon étudiant avait du talent, il apprenait rapidement. Mais il y avait dans ce groupe un étudiant que plusieurs instructeurs essayèrent à tour de rôle de former, sans succès. Chacun de nous pensait que nous n’avions peut-être pas la bonne méthode; nous l’encouragions donc à voler avec d’autres instructeurs. Il devint évident que l’aviation ne serait jamais le champ d’activité où il pourrait s’épanouir et faire carrière. Aucun instructeur n’accepta de le laisser voler en solo, et ce après que l’élève eut passé des mois à tenter de comprendre les notions élémentaires de pilotage : quand venait le temps d’exécuter les notions apprises, même après de multiples démonstrations, il n’y arrivait pas. Il n’était pas sécuritaire. Je crois bien que ses plans pour devenir pilote ont été modifiés à jamais après son passage à St-Jean.

(prochaine histoire: le spécialiste en information de vol)

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