Lors d’une journée orageuse d’été, Air Canada appelle le centre d’information de vol (CIV) de Nav Canada à l’aéroport international Jean-Lesage de Québec (CYQB) sur la fréquence dédiée à la région de Montréal. Le pilote est aux commandes d’un Airbus qui est sur le point de décoller de l’aéroport Pierre-Elliott-Trudeau international de Montréal en direction d’Halifax, mais la situation météorologique sur sa route présente de sérieux problèmes qu’il doit éviter.
Normalement, les grandes compagnies aériennes ont leur propre service de breffage météorologique et de planification de vol. Cependant, il arrive que les conditions météo se détériorent si rapidement qu’un ajustement de dernière minute doit être effectué. Dans le cas du vol d’Air Canada, une violente ligne d’orages empêche maintenant le pilote d’effectuer un trajet direct entre Montréal et Halifax.
Il désire connaître la meilleure option : contourner les orages par le nord, en passant au-dessus de Mont-Joli puis continuer légèrement vers l’est pour ensuite se diriger vers Halifax ou bien voler plutôt vers le sud, passer au-dessus du nord des États-Unis et finalement se poser à Halifax.
Les deux solutions sont envisageables, mais l’objectif est de choisir la route qui diminuera les chances du pilote d’avoir à se diriger vers un aéroport de dégagement.
L’imagerie radar devient alors le meilleur outil pour aider à la prise de décision. En connaissant le temps qui s’écoule entre les images, il est possible d’évaluer la vitesse de déplacement du système. En calculant la distance qui reste à parcourir au système météo pour arriver à Halifax, et muni de la vitesse de déplacement des orages, le spécialiste en information de vol (FSS) peut estimer de façon assez précise vers quelle heure les premiers orages devraient arriver sur l’aéroport de destination.
Le pilote ayant fourni une estimation d’arrivée pour les deux routes de contournement, soient celles par le nord et par le sud, et maintenant muni du temps d’arrivée du système météo à Halifax, il comprend que le mieux est d’opter pour la route qui passera par les États-Unis. S’il n’y a pas d’imprévus, il devrait pouvoir se poser à Halifax entre vingt et trente minutes avant l’arrivée des premiers orages.
Il est passablement rare de recevoir une rétroaction officielle de la part d’une grosse compagnie comme Air Canada. Mais le lendemain, à la surprise du spécialiste en information de vol, le pilote a rappelé au centre d’information de vol et s’est présenté comme celui qui avait fait le vol entre Montréal et Halifax. Il tenait à remercier le FSS impliqué, car, disait-il, la voie de contournement par le sud avait été un succès et il avait pu poser son aéronef trente minutes avant l’arrivée du système météo. Un appel de ce genre aide tout employé à bien entreprendre sa journée de travail…!
En 1988, je quitte Rouyn-Noranda (CYUY) pour aller travailler à la station d’information de vol de Transports Canada à Iqaluit (CYFB), une station FSS située sur la Terre de Baffin. Iqaluit est la capitale du Nunavut et un port d’entrée au Canada autorisé pour le transport aérien ou maritime international. Situé à la jonction des routes polaires et de l’Atlantique Nord, Iqaluit peut recevoir tous les types d’aéronefs existants.
Il faudra donc y apprendre de nouvelles fonctions reliées aux responsabilités de l’OACI vis-à-vis du trafic aérien international traversant l’Atlantique, tout en occupant la tâche de spécialiste en information de vol (FSS) en ce qui a trait au service consultatif d’aéroport.
Le décollage se fera à partir de l’aéroport international Pierre-Elliott-Trudeau de Montréal (CYUL). Je décide d’emporter le révolver de type .357 Magnum avec lequel je m’entraîne depuis plusieurs années. Les papiers m’autorisent à le transporter de ma demeure vers l’aéroport de Montréal. Une fois à l’aéroport, je dois me diriger vers un comptoir où un agent me fournit un document qui me permet de transporter le révolver dans le Boeing B737 de Nordair en partance pour Iqaluit.
Il n’y a aucune mention qui fait en sorte que l’arme doive être entreposée dans la cabine de pilotage. Au passage dans la zone de sécurité, le .357 Magnum se trouve dans une mallette, dans mon sac Adidas. Je mets le sac sur une courroie mobile, comme pour n’importe quel bagage à main de passager, pour qu’il soit vérifié par les agents. Le sac n’est pas ouvert par l’agent de sécurité; il scrute l’écran et constate son contenu, sans plus. J’imagine qu’il a dû recevoir des instructions spéciales dont j’ignore tout.
Je suis un peu surpris de la facilité avec laquelle je peux transporter un révolver, mais n’ayant jamais tenté l’expérience auparavant, car je ne suis pas un policier, je me rassure en me disant que toutes les demandes ont été faites et que les papiers sont en règle. Je passe sans problème l’inspection et me retrouve dehors. Une petite marche est nécessaire pour rejoindre le Boeing B737.
Une agente de bord accueille tous les passagers. Au moment où je me prépare à entrer dans l’avion, elle me questionne à voix basse pour savoir si le révolver est dans le sac et s’il est chargé. Mes réponses étant satisfaisantes, elle m’invite à me diriger vers mon siège.
Une fois installé à ma place, je glisse le sac Adidas sous le siège de mon voisin d’en face, plutôt que dans les compartiments surélevés le long des allées, histoire de toujours avoir le sac en vue. L’avion décolle et le vol se fait en douceur vers Iqaluit.
Trois années passent et vient le temps du retour pour une mutation vers la station d’information de vol de l’aéroport de Québec (CYQB). Dans l’intervalle, le monde a changé, et au Québec, Marc Lépine a fait des siennes en 1989, avec le massacre, au moyen d’une arme à feu, de quatorze étudiantes de l’École Polytechnique de Montréal.
Je me dirige vers le bureau de la Gendarmerie Royale du Canada (GRC) d’Iqaluit pour remplir les papiers dans le but de rapporter le révolver vers mon nouveau lieu de mutation, révolver qui sera finalement vendu dans les premiers mois de mon arrivée. Le policier signe les papiers et m’annonce tout de suite que l’arme sera conservée dans la cabine de pilotage.
Je lui demande, au cas où cela serait encore permis, si j’ai toujours la liberté de l’installer sous le siège du passager avant, comme cela avait été fait lors de mon arrivée. Il me regarde d’une façon qui signifie clairement qu’il ne croit pas un mot de ce que je viens de dire. Cela n’a pas d’importance. L’arme voyagera donc avec les pilotes et je la réclamerai après l’atterrissage.
Quand je repense à cette histoire presque trente ans plus tard, je réalise combien le monde a changé. Il y eut un temps où je pouvais aller à l’aéroport international de Montréal et m’installer sur une longue passerelle extérieure réservée au public pour assister aux mouvements des aéronefs et véhicules de toutes sortes.
Sur cette même passerelle, des citoyens en profitaient pour fumer un peu tout en laissant négligemment tomber leurs mégots de cigarettes ici et là, tout près des camions citernes en opération. La gestion de l’aéroport interdit éventuellement l’accès à cette passerelle après avoir reçu de multiples plaintes de passagers ayant trouvé des traces de brûlures sur leurs valises …
[Prochaine histoire : Iqaluit et l’ancienne base militaire américaine]
Un nouvel exercice a été affiché dans la section « simulation de vol » sous « vols virtuels standards »: une pratique de circuits sur la piste 28 de l’aéroport international de Montréal Pierre-Elliott-Trudeau, avec l’aide de Fly Tampa Montreal.
Tous les étudiants en pilotage doivent effectuer des posés-décollés pendant plusieurs heures lors du programme d’apprentissage. La scène FlyTampa Montreal pour FSX, utilisée conjointement avec le logiciel MyTraffic 2013 et la météo en temps réel, rend l’exercice très réaliste pour quelqu’un qui connaît la région métropolitaine.
Un petit monomoteur tel que ce Piper PA-38 Tomahawk de Alabeo fait très bien l’affaire. J’ai choisi un circuit par la gauche sur la piste 28 car elle permet une belle vue du terminal au décollage et à l’atterrissage. Fly Tampa Montreal permet au pilote virtuel d’observer des attraits touristiques très connus lors du circuit autour de l’aéroport. On peut voir, au loin, le stade olympique, l’Oratoire St-Joseph, une partie de la place Ville Marie.
Lors du vent arrière, si vous effectuez l’exercice durant l’hiver, vous pouvez constater qu’une partie seulement de l’eau du Lac St-Louis est gelée. En base gauche, les bâtiments très bien détaillés de la compagnie Air Canada et Bombardier sont visibles. Si vous aviez atterri sur la 24L, vous auriez pu apercevoir d’autres noms de compagnies bien connues. Tous les bâtiments de l’aéroport sont conçus avec beaucoup de soin.
Le logiciel My Traffic permet des mouvements d’aéronefs autour de l’aéroport pendant votre exercice, ce qui rend votre vol encore plus intéressant. Le réalisme est également au rendez-vous en ce qui concerne les plaques de neige sur la piste 28 au moment de l’approche. Bref un exercice pas compliqué pour ceux qui débutent dans le pilotage virtuel mais qui désirent tout de même que l’expérience soit la plus réaliste et intéressante que possible.
Pour d’autres articles dans la catégorie “Simulation de vol”, cliquez sur le lien suivant : Simulation de vol
(Histoire précédente: la licence de pilote professionnel / un pneu éclate à l’atterrissage)
Lors d’une chaude journée d’été de 1981, un instructeur de vol me demanda d’aller le chercher, avec un Cessna 150, à l’aéroport international Pierre-Elliott-Trudeau de Montréal. Les vents provenant du nord-ouest, la piste en usage était la 28. Alors que j’étais en étape finale, le contrôleur me dit : « Augmentez votre vitesse, vous avez un Boeing 727 derrière vous. ». Il réalisait que l’espacement entre mon monomoteur et le Boeing était trop serré. Il est très simple d’augmenter la vitesse d’un avion tout en conservant son altitude. On appuie sur la manette des gaz et la vitesse augmente. Cependant, quand l’avion est au-dessus du seuil de la piste, il a besoin de sa vitesse spécifique pour toucher le sol sinon il continue de voler jusqu’à ce que cette vitesse soit finalement atteinte. Il me sembla que le Cessna avait flotté durant une éternité avant de toucher la piste. Mais cela fonctionna tout de même, évitant au Boeing d’avoir à effectuer une approche manquée.
Je stationnai l’appareil près des bureaux de Transports Canada et attendis l’instructeur environ trente minutes. Le ciel se couvrait rapidement de nuages en cette fin d’après-midi, avec toute l’humidité présente. L’instructeur arriva finalement et comme nous commencions à nous diriger vers la piste, le contrôleur nous dit : « Vous devez accepter des vecteurs radars pour votre route de départ, à cause de la météo ». Quelle météo? Un front froid était à l’œuvre, mais rien de bien dramatique n’était visible de notre position. Si près du terminal de l’aéroport, les seuls nuages visibles étaient des cumulus bourgeonnants, sans plus. Son offre fut acceptée, à défaut de rester immobilisés sur l’aéroport.
Au décollage de la piste 28, au moment où j’effectuais un virage à gauche en direction de St-Jean-sur-Richelieu et que l’altitude était suffisante pour dépasser la hauteur du bâtiment du terminal, il devint évident que des vecteurs étaient nécessaires. Un orage s’était développé entre Montréal et St-Jean. D’un seul coup d’œil, nous pouvions observer ce qui ressemblait à cinq cylindres créés par des averses de pluie forte et où des éclairs jaillissaient à l’occasion. Il fallut donc voler entre les cylindres pour éviter les endroits les plus problématiques. Les ceintures de sécurité furent resserrées au moment où se produisaient les premières turbulences faisant considérablement varier notre altitude. L’atterrissage à St-Jean-sur-Richelieu se fit en douceur, hors de la zone météo problématique. Aujourd’hui, je ne referais plus ce genre de vol sans la présence à bord d’un radar météo digne de ce nom.
Quelques semaines plus tard, on me demanda si j’accepterais d’être commandant de bord pour un long vol voyage à travers le Canada. Cette offre inattendue représentait une belle occasion, surtout du fait que cela me permettrait d’inscrire plus de quarante heures de vol supplémentaires dans le carnet du pilote.
(Prochaine histoire: un vol à vue (VFR) de St-Jean-sur-Richelieu, Québec vers Edmonton, Alberta).
Note: pour cette histoire vécue, étant donné que je n’avais pas de caméra à bord de l’aéronef lors du vol de 1980, j’ai reproduit l’expérience sur un simulateur, en utilisant un Piper Cherokee, faute de pouvoir mettre la main sur un Grumman Cheetah.
Peu après l’obtention de ma licence de pilote privé, en 1980, on m’avait demandé d’aller chercher un appareil stationné à Earlton (CYXR) en Ontario, soit trois cents milles marins au nord-ouest de St-Jean-sur-Richelieu, et de le ramener à St-Jean. Pour y aller, j’étais en compagnie d’un pilote d’expérience et nous avions donc quitté ensemble à bord d’un monomoteur de type Grumman Cheetah (AA-5A). Pour le retour, chacun pilotait un avion, et nous nous suivions. Mon compagnon ouvrait la voie avec son appareil car il avait avec lui toutes les cartes de navigation VFR nécessaires et s’occupait de la route à suivre jusqu’à St-Jean. Tout ce qu’il me demandait était de le suivre.
En chemin, nous avions dû contourner un front froid et cela avait retardé notre arrivée pour St-Jean. Dès le début du voyage, on m’avait assuré que nous arriverions avant la noirceur. Il me semblait maintenant que ce serait un peu juste.
Mon compagnon avait accéléré légèrement, de façon à battre la nuit de vitesse. Les minutes passaient et deux constats s’imposaient : premièrement, le coucher de soleil était magnifique. Deuxièmement, je n’avais pas mon annotation de vol de nuit. Ce coucher de soleil signifiait qu’il restait environ trente minutes avant la noirceur totale.
Je lui avais demandé, via la radio, s’il croyait toujours que nous atteindrions St-Jean dans les délais prévus. Il estimait désormais que nous serions à la limite.
Je m’étais informé de l’existence possible d’un bouton qui permettrait d’éclairer les instruments la nuit. Le bouton ayant été trouvé, les instruments avaient soudainement pris une couleur rosâtre. Il fallait maintenant connaître les instruments essentiels pour un vol de nuit. Il en avait nommé quelques-uns.
Les minutes passant, la pénombre s’était installée. Il nous serait désormais impossible de battre la nuit de vitesse, car nous n’avions pas encore traversé la zone de contrôle de l’aéroport international Pierre-Elliott Trudeau de Montréal.
En approchant de Montréal, je tentais de communiquer avec mon compagnon, mais il ne répondait plus.Le seul repère de navigation disponible dans cette nuit naissante était le petit phare rotatif rouge situé sur la queue de son appareil. Étrangement, son intensité s’affaiblissait graduellement. Mon compagnon s’éloignait, son appareil étant plus rapide que le mien.
J’avais augmenté la puissance et appauvri le mélange pour gagner quelques nœuds, tout en me concentrant sur le petit point rouge qui pourrait me diriger vers St-Jean-sur-Richelieu. Je n’étais pas trop content de ma performance. J’aurais dû insisté dès le début pour avoir une copie des documents de navigation. Mais le vol paraissait si simple. Leçon apprise.
Nous passions maintenant à travers la zone de contrôle de l’aéroport international de Montréal. Dans la nuit, les lumières stroboscopiques des gros appareils étaient visibles, sur les approches à l’atterrissage ou lors des décollages. En abusant un peu du moteur, j’avais peu à peu diminué la distance me séparant de mon compagnon. Je ne faisais que le suivre dans le plus grand silence, faute de documents qui fourniraient les fréquences VHF locales à utiliser.
Le feu clignotant rouge qui me précédait au loin s’était soudainement mis à perdre de l’altitude dans la nuit. Nous devions approcher de St-Jean puisque la descente venait de commencer. Mon compagnon communiquait certainement avec la tour de contrôle pour annoncer ses intentions. Pourquoi ne pas en profiter pour lui demander des conseils sur la façon d’atterrir de nuit? La réponse avait été courte et hésitante, car il savait que les communications radio étaient enregistrées. Tout ce qu’il avait pu trouver à répondre était: « Je ne sais pas trop quelles informations te donner, prends ton temps. » Le contrôleur aérien avait entendu cela et s’était empressé de m’offrir la présence des services d’urgence, une offre que j’avais poliment décliner.
Un pilote d’hydravion en vol dans le secteur avait entendu la communication et dit au contrôleur : « Dites-lui d’allumer son phare d’atterrissage ». Je lui avais répondu que ce dernier était brûlé. Cela avait été constaté dès le décollage de St-Jean, mais ça ne devait pas poser de problème puisque nous devions voler de jour seulement.
La première étape en vue d’un atterrissage exige de se situer par rapport à l’aéroport et aux trois pistes. Quand on n’a jamais volé de nuit, le spectacle est différent et demande un ajustement. Une fois la piste en service (piste 11) reconnue, tout ce qu’il me restait donc à faire était d’imaginer que l’instructeur qui m’avait formé était assis à côté de moi. Il exigerait les bonnes positions dans le circuit, les bonnes hauteurs en fonction des différentes étapes, les bonnes vitesses et les degrés de volets appropriés pour finalement terminer avec un angle d’approche adéquat.
Tout ce que je savais du vol de nuit, à l’époque, se résumait à un seul aspect éminemment pratique : il y avait un boisé au début de la piste 11 et je ne voulais pas arriver trop bas et accrocher le sommet d’arbres invisibles dans la nuit. Toutefois, arriver trop haut au-dessus du seuil de piste signifierait que les roues toucheraient trop loin après le seuil et que la longueur de piste restante serait insuffisante pour immobiliser l’avion de la façon idéale, c’est-à-dire en un seul morceau.
En finale, bien que mon attention était entièrement réservée aux procédures, je sentais tout de même que le rythme de mes battements de cœur était plus rapide. En courte finale, tout s’était passé rapidement. L’avion avait survolé le boisé, la piste s’était rapprochée rapidement et les deux roues du train principal avaient touché la piste délicatement. Le freinage s’était fait immédiatement et tout était désormais terminé.
L’essentiel était réglé. J’avais par la suite demandé au contrôleur aérien de me guider sur les voies de circulation jusqu’à l’aéroclub. Il en avait finalement profité pour demander, un sourire dans la voix : « Est-ce que tu vas le suivre ton cours de vol de nuit?»!.
(Prochaine histoire: Atterrissage de nuit sur une patinoire).