(Histoire prcdente : l’avion tant attendu)
Note : Il ne s’agit ici que d’une histoire vcue qui sort de l’ordinaire. Les relations normales entre Blancs et Inuits sont tout fait pacifiques. D’ailleurs, nous connaissons tous des situations dans les villes du sud où des Blancs ont tir sur d’autres personnes. L’histoire qui suit traite donc d’une situation isole.
À Inukjuak en 1982-1983, la disposition des bâtiments est simple. En haut de la côte se situe tout le village, habit en très grande majorit par des Inuits. En bas de la côte, près de la piste d’atterrissage et de la baie d’Hudson se trouvent les quelques bâtiments où œuvrent les employs d’Environnement Canada et de Transports Canada. Il n’y a que des Blancs qui vivent et travaillent sur cette parcelle de territoire.
Un soir d’hiver ` 82 — ` 83, quelqu’un frappe la porte et entre immdiatement sans attendre qu’on lui rponde. Il s’agit d’un policier auxiliaire, c’est–dire un jeune homme non arm qui prête main-forte l’occasion l’unique policier du village. Le jeune homme nous annonce que le policier est absent du village et qu’il doit donc se dbrouiller seul. Il nous dit : « Barrez vos portes et teignez les lumières; ne sortez que si cela est essentiel, car il y a un Inuit arm d’une carabine de calibre .303 qui veut tirer des Blancs ».
Dans la maison, c’est videmment la surprise la plus complète. Il est facile de dduire que le tireur qui cherche des Blancs ira vers la solution la plus facile et s’approchera de nos bâtiments pour prendre quelqu’un pour cible, au hasard. Je vais donc dans le rduit conserves qui me sert de chambre et prend une valise verrouille qui dort depuis des mois sur une tablette. J’en sors une Remington 700 BDL Bolt Action et remplis le chargeur. Nous tablissons un plan, avec les deux autres personnes prsentes dans la maison, pour aller chercher une spcialiste en information de vol (FSS) qui est seule dans un autre bâtiment où se trouve la station d’information de vol. Elle n’est possiblement pas avise des derniers dveloppements, pas plus qu’elle n’est arme. Un de nous la ramènera la maison et je complèterai le quart de nuit sa place.
Nous laissons temporairement une personne dans la maison, avec une carabine pour se protger en cas de besoin. Cet employ est nouvellement arriv Inukjuak. Je me souviens encore de sa raction au moment où nous nous apprêtions sortir. Je l’entends encore dire : « Mais quelle place de fous est-ce ici? »
Nous fermons les projecteurs extrieurs et sortons avec nos armes pour nous rendre la station. Circulant dans la noirceur, accroupis comme en temps de guerre, jusqu’au bâtiment de Transports Canada, nous trouvons l’employe occupe ses tâches normales, ignorant complètement la prsence possible d’un tireur proximit. Je prends la place de l’employe pour terminer le quart de nuit pendant que celle-ci retourne la maison accompagne d’un employ arm.
Une fois seul dans la salle d’opration, je ferme les lumières tout en gardant une petite lampe pour clairer la console des frquences radio. Je dpose la carabine plat sur un comptoir, le verrou de scurit enlev pour plus de rapidit d’usage en cas de besoin. La console radio est situe face une grande baie vitre : cela nous laisse carrment exposs pour quelqu’un qui dciderait de tirer travers la vitre. Il faut donc essayer de se tenir l’cart des fenêtres sauf au moment de rpondre des appels radio, et ce jusqu’ ce que nous recevions des nouvelles fraîches quant au tireur.
Le quart de nuit improvis se termine sans anicroche dans la station d’information de vol, mais j’apprends que plusieurs coups de feu ont t tirs sur un vhicule qui circulait non loin de nos installations. Les projectiles ont transperc les portes, mais, par chance, elles n’ont pas touch les occupants du vhicule. Dans les heures suivant cet vnement, une quipe d’intervention tactique de la Sûret du Qubec se rend Inukjuak et maîtrise le tireur.
Même si cette histoire s’est droule il y a maintenant des dcennies, je me souviens encore très bien de l’atmosphère qui rgnait cette soire-l. Quand des civils non entraîns doivent charger des armes feu dans le but potentiel de s’en servir contre un autre humain, cela ne s’oublie pas.
(Prochaine histoire : un nettoyage urgent)
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