Le peintre allemand Otto Mueller cre la toile « Deux filles nues » en 1919. À travers cette œuvre qui survit tous les dangers, nous suivons le destin d’une Allemagne en volution et les diffrents acqureurs du tableau au cours des dcennies.
L’auteur use de beaucoup d’imagination pour nous prsenter la vie du couple Mueller en dbut de bouquin. Le peintre dcède en 1930 et le tableau change une première fois de main trois ans plus tard. À cette poque, l’inflation fait rage en Allemagne et l’insatisfaction de la population mène la nomination d’Adolf Hitler la chancellerie par Hindenburg.
Entre 1933 et 1946, le tableau survit miraculeusement la censure et la destruction des œuvres qualifies de dgnres par les nazis. Des milliers d’œuvres d’art moderne allemand sont incendies par les autorits.
Les pogroms se multiplient travers l’Allemagne. On saisit les tableaux de proprit juive. Lorsque la Gestapo impose la mise aux enchères d’une partie de la collection d’Ismar Littmann, (lien allemand, lien anglais) elle slectionne 64 œuvres dont 53 sont immdiatement brûles.
Durant la même priode, une exposition itinrante intitule « Entartete Kunst » (« Art dgnr ») est commande par Joseph Goebbels et 730 œuvres voyagent entre Munich et d’autres grandes villes de l’Allemagne. Situation ironique, cet art dgnr attire en fin de compte trois fois plus de visiteurs que pour le savoir-faire allemand considr acceptable et dont les œuvres sont prsentes dans les bâtiments voisins.
Jusqu’en 1946, la peinture « Deux filles nues » change maintes reprises de possesseur et continue de survivre aux bombardements, la destruction organise et aux vols d’œuvres d’art oprs par les nazis.
Après la guerre, on modifie le nom du tableau. Il passe de Zwei Mädchenakte (« Deux filles nues ») Zwei weibliche Halbakte (« Deux demi-nus fminins ») et effectue le tour de l’Allemagne et du monde. En 1976, il est expos au muse Ludwig de Cologne. Les anciens propritaires Ruth et Chaim Haller sont finalement runifis avec leur tableau en 1999. Ruth est la fille d’Ismar Littmann dont il est question en dbut d’article.
Le muse restitue officiellement l’œuvre aux propritaires, mais, dans la même anne, fait une offre de rachat qui est accepte par les Haller. On retrouve aujourd’hui le tableau expos dans la section expressionniste du muse Ludwig de Cologne.
À travers sa recherche considrable et la publication de son roman graphique, l’auteur souligne l’importance de demeurer alerte face aux censures politiques et culturelles qui ressurgissent rgulièrement.
À la fin du livre se trouve la chronologie des vnements de même que les biographies des acteurs principaux. L’auteur cherche toutes les manières pour ne pas nous montrer de quoi l’air le tableau « Deux filles nues » jusqu’ ce que l’on soit rendu pratiquement la fin du rcit ! Une façon très habile de conserver notre curiosit.
Ce roman graphique relate des vnements entourant la monte au pouvoir de Vladimir Poutine et l’tablissement de sa fortune personnelle. Cette dernière se bâtit travers l’exfiltration de sommes colossales appartenant au peuple russe et qui sont rediriges vers des socits-crans et des paradis fiscaux.
Etant donn que le rcit s’tale sur plusieurs dcennies, le lecteur se familiarise avec une multitude de noms de compagnies et de personnages cls dans le domaine politique et conomique.
On y trouve galement, comme pour d’autres grandes puissances, des règlements de compte politique et des magouilles conomiques.
La structure de fonctionnement du pouvoir en Russie diverge du système politique occidental. Les relations tisses avec le prsident y jouent un rôle beaucoup plus important qu’ l’Ouest. Les avantages sont accords en change d’une fidlit indfectible. On mentionne entre autres les liens entre Silvio Berlusconi et Poutine.
L’chelle des sorties d’argent de la Russie des fins discrètes surprend. Pour ne citer qu’un exemple, l’auteur note la cration de l’opration Luch (une fuite de capitaux estime 50 milliards de dollars) en 1990 pour parer aux changements provoqus par Gorbatchev. Il s’agissait de piger dans les fonds secrets du KGB l’tranger pour enrichir une caisse pouvant servir assurer la survie du parti et d’autres intrêts particuliers.
« Depuis que Poutine est arriv au pouvoir, le montant global d’argent sale sorti de Russie et blanchi par les banques de l’Ouest a t au minimum de 1 000 000 000 $ (mille milliards de dollars) ! ».
L’Occident n’a donc pas les mains propres face ce qui se passe en Russie. Quand il y a de l’argent rapide faire et que des actionnaires s’attendent un bilan draisonnable, la vertu s’efface devant le sens pratique. Parmi les complicits europennes : Danske Bank, SEB et Swedbank, Crdit Suisse, Banca Intesa, Deutsche Bank Russia, Appleby-Estera (cabinet de services offshore), Chypre (cabinets de services financiers), Price Waterhouse Coopers.
Le lecteur constate galement l’accumulation des suicides de responsables de tout acabit au cours des annes. Par exemple, l’auteur note les suicides dguiss de Nikolai Kruchina, Georgy Pavlov et Dimitri Lissovolik. Ces hommes l’quilibre prcaire avaient tous la fâcheuse habitude de prendre l’air sur un balcon trop lev pour leur capacit. Le KGB doutait de la fiabilit de ces hommes qui graient les fonds secrets du parti l’Ouest.
L’empoisonnement (par le poison Novitchok) est aussi une mthode privilgie pour aplanir les diffrends politiques. Mais cet tat de fait est dj connu des Occidentaux, car la plupart des oprations manques ou russies font l’objet de nombreux articles dans les mdias. Par exemple, cela a t le cas pour Navalny et Skripal. Pour Iouchtchenko, le gagnant des lections prsidentielles en Ukraine, un autre poison fût utilis, mais la source n’a pu être confirme.
Sous Poutine, les oligarques peuvent conserver les fortunes acquises travers les nombreuses privatisations, mais il n’est plus question pour eux de s’immiscer dans les affaires politiques. Le bouquin s’attarde aussi sur la dtrioration du rapport entre Poutine et des oligarques comme Berezovski (retrouv pendu dans sa salle de bain Londres) et Khodorkovski.
Si un dvou collaborateur change de camp, il peut, dans le meilleur des cas, survivre en quittant le pays et en demeurant apolitique. Autrement, son avion peut exploser en vol, comme pour Prigojine.
Le bouquin montre comment Ivan Rybkyn, un opposant politique de Poutine en 2004, s’est dsist suite une promenade improvise en fourgonnette. Il semblerait qu’il ait t saisi et rentr de force dans le vhicule. Cette exprience et les discussions probables qui ont eu lieu durant la balade ont suffi convaincre le candidat qu’il n’avait pas vraiment le feu sacr pour la politique.
Dans les annes 90, le clan mafieux Tambov protège Poutine et Sobchak et participe la gestion du port de Saint-Ptersbourg. Cela n’empêche pas un « accident » de la route impliquant les filles et la conjointe de Vladimir Poutine. Ceux qui sont insatisfaits de leur part du gâteau font monter les enchères et Poutine doit runir les familles pour qu’elles s’arrangent entre elles. Pragmatique, il envoie tout de même ses filles en Allemagne pour leur scurit. Le gardien lgal est Matthias Warnig, un ancien de la STASI.
L’auteur signale que de l’argent russe a servi influer sur le rsultat du Brexit (51,89 %), ceci dans le but de fragiliser l’Europe. Ensuite, comme nous le savons dj, la Russie a influenc le rsultat du vote dans les tats cls des Etats-Unis pour aider l’lection de Donald Trump.
Le roman graphique se termine par un dossier documentaire, avec photos, dessins et rfrences pour ceux qui dsirent obtenir davantage d’informations.
Et la fortune de Poutine dans tout ça ? Selon les recherches effectues par les auteurs, elle s’tablirait entre 150 et 250 milliards d’euros.
Le roman graphique « Le murmure de la mer » se veut un hommage au travail de l’quipage de l’Ocean Viking, ce navire de sauvetage du groupe SOS Mditerrane. Sa mission consiste secourir les migrants quittant le nord de l’Afrique, particulièrement l’enfer libyen.
Ces derniers se retrouvent en surnombre sur des embarcations de fortune et drivent pendant des jours au milieu d’une mer Mditerrane parfois dchaîne. Souvent, les radeaux frôlent les plateformes ptrolières libyennes. De jour comme de nuit, les garde-côtes poursuivent les migrants et les ramènent en Lybie de brutale façon.
Après que sa première tentative de participer un sauvetage ait t bloque, l’auteur monte bord de l’Ocean Viking en 2020 comme journaliste, dessinateur et membre d’quipage. Il participe directement aux oprations de rcupration et relate son exprience travers de très beaux croquis et de touchantes photos.
Le lecteur constate la très grande discipline et les prparatifs requis pour effectuer des sauvetages de façon ordonne et scuritaire pour tous. La sentimentalit n’a pas sa place quand on procède la rcupration de migrants en crise. Toute procdure non respecte peut engendrer des dcès supplmentaires, incluant ceux des membres d’quipage.
Nous tmoignons des succès et des checs de l’quipage dans ses tentatives de rescaper le plus de gens possible. Les marins de l’Ocean Viking font face des blocages administratifs de l’Italie qui cherche limiter l’arrive considrable de rfugis.
Parmi ces tentatives de nuire aux interventions de secours, on note en premier l’obligation du navire de rester quai pendant de longues priodes pour les raisons les plus diverses.
Vient ensuite l’obligation de transfrer les nouveaux migrants dans des ports loigns de la position du Ocean Viking. Ces ports sont volontairement choisis par le gouvernement italien pour engendrer des frais de carburant et des dlais importants entre chaque opration de secours. Ces tracasseries empêchent le sauvetage de milliers de rfugis.
On doit cependant se questionner sur la participation des autres Etats au moment d’admettre les migrants. Est-ce l’affaire seulement de l’Italie ? L’infortune des habitants de pays dfavoriss cause d’une dictature impitoyable, des changements climatiques ou de la pauvret acclre par le pillage des richesses demeure la responsabilit de tous.
Une fois les rfugis sur le bateau, l’quipage doit encore s’activer les scuriser, les soigner, les prparer pour un transfert vers leur prochaine terre d’accueil. On connaît tous l’histoire de ces navires qui ont rcupr des centaines d’Africains en difficult et qui demeurent immobiliss pendant des semaines en attendant une autorisation pour transfrer les rescaps sur un nouveau territoire. Pourtant, le droit de la mer est clair : tout capitaine de vaisseau qui apprend que des êtres humains sont en pril sur un plan d’eau doit porter assistance.
Bref, une lecture passionnante et informative qui augmente notre connaissance des dfis que doivent relever les quipages qui dcident de porter secours aux personnes en danger sur la mer Mditerrane.
L’auteur Andrew S. Weiss a travaill la Maison-Blanche, au Pentagone, au dpartement d’Etat, etc. Il signale : « Si l’poque on m’avait dit qu’un ancien sous-officier du KGB – qui n’avait jamais vraiment brill – un certain Vladimir Poutine […] – serait promu des arrière-salles du Kremlin directement la tête du pays, je vous aurais dit d’aller vous faire soigner ». Il ajoute : « Ce que nous croyons savoir de lui est souvent un savant mlange de psychologie de comptoir et d’interprtations errones de l’histoire millnaire de la Russie ». Sa mise en scène comme un dur cuire « lui permet de passer pour plus intelligent – et plus comptent – qu’il ne l’est rellement. […] ».
Le roman graphique « Tsar par accident » raconte les hasards de la vie qui ont fait en sorte que Vladimir Poutine s’est retrouv au pouvoir au moment où sa carrière plutôt sans clats le destinait un poste moins lev. Mais on pourrait dire la même chose de certains dictateurs, prsidents, rois et ministres de par le monde au cours des âges auxquels la chance a souri. Eux aussi ont su profiter des occasions favorables pour gravir des chelons trop importants pour leur talent naturel. La nation en paie alors le prix jusqu’au renversement, exil ou dcès du personnage.
Il faut quand même donner Poutine le fait qu’il s’obstine, qu’il s’accroche, malgr les revers et les refus. Pour accder au KGB, on lui dit de faire des tudes ou d’entrer dans l’arme. Il s’excute et reçoit son diplôme.
Il se retrouve donc au KGB en 1975. Mais ce ne sont pas les grandes missions dont il rêvait qui l’attendent, mais du travail de terrain local. Il n’impressionne pas ses suprieurs avec les rsultats obtenus. À la suite d’une bagarre dans le mtro, on le mute Dresde en 1985 pour des missions vides de sens, faute de budget. En 1999, on apprend au prsident Clinton que Poutine sera le prochain prsident russe. Que s’est-il pass entre 1985 et 1999 pour que soudainement Poutine sorte ce point de l’obscurit et soit propuls comme prsident de la Russie ?
Il faut crditer son thique de travail, mais avant toute chose sa loyaut envers ses patrons dans cette organisation qui privilgie les liens personnels. Eltsine, le prsident de l’poque, sentait sa fin venir et proposa un march Poutine. L’auteur crit : « Il ferait de lui le prsident s’il acceptait de les protger, lui et sa famille ».
Tout comme Hindenburg croyait pouvoir manipuler Hitler en lui permettant d’accder aux hautes sphères du gouvernement, Eltsine pensait faire de même avec Poutine. Dans les deux cas, ce fut une erreur coûteuse pour l’Europe et le monde.
Le bouquin passe en revue la monte des oligarques russes, le rapprochement du pouvoir pour les amis de Poutine. Andrew Weiss souligne : « L’un des points que les trangers ne saisissent pas toujours c’est que la Russie est une socit qui fonctionne sur la base des liens personnels, plutôt que dans le cadre d’institutions ou d’un tat de droit. »
Dans les annes suivant la chute du Mur de Berlin, on constate la mainmise de secteurs importants de l’conomie russe par des fonctionnaires et agents du KGB corrompus, de même que par la mafia. Comme l’crit l’auteur : « Vladimir Koumarine, patron tout-puissant du gang notoire Tambov, faisait la loi dans le pays ».
Le support de Vladimir Poutine envers les Etats-Unis après les attentats du 11 septembre 2001 le rapproche de George W. Bush et de son père George H. W. Bush avec lesquels il va même la pêche Kennebunkport. Il esprait ainsi relancer l’conomie moribonde russe et gagner en libert pour contrôler les mdias russes.
Le plus tonnant pour moi demeure le fait que Poutine approuva durant cette priode l’implantation hautement controverse de bases amricaines et de l’OTAN travers l’ex-Union sovitique (Ouzbkistan, Tadjikistan, Kirghizistan). Par ce geste, il recherchait une stabilisation avec l’Ouest. Les causes des attentats du 11 septembre 2001 tant encore discutes aujourd’hui travers le monde, spcialement dans les cercles les plus informs, Poutine a dû rflchir plus tard la pertinence et aux consquences de sa dcision d’autoriser de nouvelles bases amricaines et de l’OTAN près de la Russie.
Le prsident russe s’aperçoit rapidement qu’il ne pèse pas lourd dans la balance diplomatique face un superpouvoir comme les Etats-Unis. On ne le reconnaît pas en tant que joueur sur lequel il faut compter. Dans l’optique d’une meilleure comprhension entre l’Occident et la Russie, l’auteur souligne l’importance de mieux apprhender les griefs des deux camps. Il signale que cela manque cruellement.
D’autant plus que le Kremlin a la certitude que « les revendications de changement politique sont toujours le fait de conspirations soutenues par les Occidentaux ». À force de se surveiller les unes les autres et tenter d’influer sur la gestion intrieure d’autres pays, toutes les grandes nations projettent leurs intentions et ne croient plus qu’une manifestation peut provenir de la base partir d’un dsir srieux d’amlioration de certaines politiques dtestables.
L’auteur effectue un retour sur les problèmes entourant la scurit territoriale de la Russie travers les poques, envahie tour tour par les Mongols, Napolon et Hitler : « [La Russie] se repose traditionnellement sur les territoires annexs pour faire tampon entre la mère patrie et toute menace extrieure ». Il traite galement du conflit tchtchène, de la lutte contre le terrorisme, de l’ingrence politique dans les Etats voisins et de l’implication russe dans les lections amricaines de 2016.
Andrew S. Weiss couvre large et d’autres thèmes trouvent leur place dans le bouquin : l’histoire de la Guerre froide, Trump, Snowden, Wikileaks, les JO de Sotchi et le travail de Maria Butina, une agente russe qui russit pntrer les cercles suprieurs du parti rpublicain amricain.
C’est sa croyance dans le dclin irrversible de l’Occident qui a permis Vladimir Poutine d’envahir l’Ukraine. L’auteur conclut avec une remarque sur l’invasion de ce pays et le bombardement sans discernement des cibles civiles : « Le monde est en train de comprendre que Poutine n’a jamais t le stratgiste qu’il a prtendu être. C’est un improvisateur pris dans son propre piège ».
Je me permets une remarque concernant l’invasion de l’Ukraine. Ce pays doit recevoir des avions de combat des Etats allis pour protger son territoire, ce qui offusque profondment la Russie. J’aimerais tout de même rappeler le fait que lors de la Seconde Guerre mondiale, l’Union sovitique a accept normment d’aide provenant de l’extrieur pour sa dfense sur le Front de l’Est. Pour ne citer qu’un seul appareil et pays, l’Union sovitique a obtenu 877 bombardiers B-25 Mitchell des Etats-Unis.
Il est toujours fascinant de se plonger dans la lecture d’un livre qui emprunte une nouvelle route, qui s’attaque un sujet n’ayant pas t dvelopp auparavant. Si en plus il s’agit d’un sujet portant sur un fait vcu et de surcroît sur un territoire très peu connu de la majorit des gens, l’intrêt est maximis.
Le livre « Les alpinistes de Staline » nous prsente la vie de deux alpinistes russes exceptionnels, Vitali et Evgueni Abalakov, qui eurent affronter la fois les blizzards et autres conditions mtorologiques extrêmes des plus hautes montagnes de l’ex-URSS en même temps que la politique radicale stalinienne. C’est une tude du comportement humain dans un contexte extrêmement difficile.
Même si les frères Abalakov, hros nationaux, risquèrent leur vie dans cet environnement arctique pour porter les bustes de Lnine et Staline vers les plus hauts sommets des montagnes sovitiques, cela ne leur pargna pas les horreurs d’un rgime stalinien qui luttait contre l’instabilit politique en dsignant des coupables de conspiration et d’espionnage au hasard. Vitali Abalakov copa ainsi de multiples annes d’emprisonnement et de camp de travail et s’en sortit de justesse lorsque Staline passa finalement l’arme gauche.
Voici de courts extraits du livre pour vous donner une ide du ton du livre : « La montagne (comme tout le reste) n’a jamais t aussi politise et l’on pourrait en rire, ne seraient quelques dramatiques anecdotes. Leste d’un buste de Staline, une corde fait face dans ces annes-l une tempête tenace sur les pentes de l’Elbrouz. Voil un grand dilemme : s’allger du poids de la statuette ou bien s’en encombrer au pril de sa vie? Les alpinistes dcident d’un commun accord d’abandonner provisoirement le fardeau (pardon, le grand « Staline »). Ils se promettent nanmoins de le rcuprer la prochaine accalmie et d’achever comme il se doit la mission. Le buste est solidement arrim et l’endroit minutieusement balis. La corde redescend se mettre l’abri. Elle cope de dix ans de camp. » (p.238).
« Autre fait divers, sur ce même Elbrouz, lors d’une [escalade] hivernale glaciale. Parvenu au sommet, un valeureux commissaire politique ôte ses gants afin de mieux extraire un buste de Lnine de son sac dos. Les tempratures sont proprement arctiques et, le temps qu’il fixe le moulage ftiche au plus près du ciel, les doigts de l’encart au Parti se vident de leur sang. Dans les heures qui suivent, les engelures colonisent les chairs. Il en est quitte pour des amputations une fois revenu dans la valle ». (p.238-239)
Si vous en avez temporairement assez d’entendre parler de Trump et du Covid-19, filez le temps de quelques heures vers les montagnes de l’ex-URSS tout en en apprenant sur la vie des Russes durant l’ère stalinienne. À la lecture du livre, vous comprendrez mieux ce qu’il y a d’tonnant ce qu’une partie de la population russe actuelle idolâtre de nouveau le communisme sous le gouvernement autoritaire de Staline. L’histoire est condamne se rpter quand on nglige les actes criminels associs un rgime en idalisant le pass. Et cela ne s’applique pas seulement la Russie, mais tous les pays.
Je traduis les propos de l’auteur au meilleur de ma connaissance, pour ceux qui ont de la difficult avec la langue anglaise.
Comme l’auteur Herb Boyd l’crit, « c’est le premier livre considrer le Dtroit noir partir d’une perspective historique » (p.14). Si vous recherchez une personne de race noire qui a influenc l’histoire de Dtroit, elle se trouve dans le livre.
L’auteur couvre l’arrive des Noirs Dtroit via le « Chemin de fer clandestin», le type de travail qu’ils pouvaient trouver, la musique qu’ils ont cre, le besoin d’avoir leur propre glise pour viter le racisme, le travail chez Ford, l’influence des unions, les conditions pitoyables d’habitation, etc.
Evidemment, il y a plusieurs paragraphes sur le racisme, la rpression policière et la violence inutile, les problèmes causs par le KKK et comment plusieurs Noirs ont ragi face la menace, le Smith Act, la Guerre Civile Amricaine et le dsir d’en finir avec l’esclavage, la prsence de Rosa Parks dans la ville et la visite de Dtroit par Nelson Mandela en 1990.
Il n’y a pas seulement des informations sur l’histoire et le dveloppement de Detroit, mais aussi des ides sur le futur de la ville et la façon dont elle devra grer le fait que tellement de gens choisissent de vivre dans les banlieues au lieu de Dtroit elle-même.
Etant donn que le combat pour l’galit des droits, le racisme, la rpression policière et les morts inutiles de tellement de Noirs ont continu d’être un problème aux Etats-Unis, j’ai choisi quelques citations du livre sur ces sujets.
J’ai choisi un paragraphe sur la visite de Nelson Mandela Dtroit. Quand Nelson Mandela a quitt les Etats-Unis pour retourner vers l’Afrique du Sud, son avion a dû faire un arrêt Iqaluit, dans l’Arctique canadien. Je travaillais comme spcialiste en information de vol (FSS) Iqaluit en 1990, j’ai donc pu les voir, lui et sa conjointe Winnie, en train d’assister une crmonie au milieu de la nuit dans dans le terminal de l’aroport. Vous pouvez lire les histoires vcues Iqaluit sur mon site web.
Dtroit et le Canada
« En 1795, Dtroit tait sous juridiction britannique et la ville tait de facto partie du Haut-Canada » (p.22)
« Le juge Woodward stipula plus tard dans un arrêt que si des noirs amricains pouvaient obtenir leur libert au Canada, ils ne pourraient être retourns en esclavage aux Etats-Unis. Deux des enfants de Denison […] profitèrent de cet arrêt en se sauvant vers le Canada pour quelques annes pour ensuite retourner Dtroit en tant que citoyens libres. Leur cas fît jurisprudence et fût cit dans de nombreux appels pour l’mancipation des esclaves Afro- Amricains. » (p.25)
Le Smith Act
« Le Smith Act fût crit de telle façon que les organisations de travailleurs et l’agitation pour l’galit des droits soit compris comme sdition et trahison, la même chose que de se battre pour renverser le gouvernement par la force » (p.162)
La rpression policière et la brutalit
« […] Vingt-cinq noirs avaient t tus alors qu’ils taient en garde vue au poste de police en 1925, huit fois le nombre tu sous supervision policière cette anne-l New York, ville dont la population noire tait au moins deux fois plus importante. » (p.112) « Durant la première anne d’opration du STRESS (Stop the Robberies and Enjoy Safe Streets – « Arrêtez les vols et profitez de rues scuritaires ») en tant qu’escadron de la mort / quipe SWAT [vers 1970], les forces policières de la ville avaient le plus haut nombre de civils tus par capita de tous les dpartements de police amricains. Durant ses trois ans et demi d’existence, les policiers du STRESS tirèrent et tuèrent 24 hommes, 22 d’entre eux tant des Afro-Amricains. […] Parmi les officiers du STRESS, aucun cas ne semblait autant problmatique que celui du chef d’quipe Raymond Peterson. Avant qu’il soit assign au STRESS, il avait accumul un nombre record de plaintes. Durant ses deux premières annes au sein de l’escouade, il prit part neuf meurtres et trois fusillades avec blessures par balle. Les balles provenant du rvolver de Peterson tuèrent cinq des victimes. Aucune accusation ne fût porte dans aucun chacun des cas. » (p.226-227)
« [Vers 1999] l’embourgeoisement tait une chose dont il fallait se soucier, mais la brutalit policière tait une menace beaucoup plus immdiate pour les jeunes noirs de Dtroit. Ils taient pleinement conscients qu’il y avait peu de piti attendre de la police, pas plus que des conseillers d’cole ou des agences de placement, et certainement pas des revendeurs de drogues ». (p.292)
« [Vers 2001] Dtroit, selon les reportages de plusieurs journaux locaux, avait le nombre le plus lev de tirs mortels parmi les grandes cits de la nation ». (p.300)
« À travers la nation durant les dcennies prcdentes, de 1999 2009, la violence par arme feu avait enlev la vie des milliers de jeunes femmes et hommes noirs, et des centaines d’entre eux taient des victimes non-armes d’une violence policière injustifie. Peu de ces terribles tragdies furent aussi bouleversantes que le meurtre de Aiyana Jones, une jeune fille de sept ans, par un policier en mai 2010. Il tait autour de minuit et Aiyana tait endormie sur le divan avec sa grand-mère qui regardait la tlvision. Aucune d’entre elles n’eût le temps de ragir au cognement la porte ni la grenade assourdissante lance dans le salon par la police au dbut du raid.
L’officier Joseph Weekley commença immdiatement tirer l’aveugle avec sa mitraillette MP5 travers la fenêtre dans la fume et le chaos. Une des balles entra dans la tête de Aiyana et ressorti par le cou. Elle fût tue instantanment. L’quipe SWAT tait venue pour chercher un suspect de meurtre qui vivait au deuxième tage, mais quitta avec seulement un enfant mort. […] » (p.327-328)
Education
« Ethelene Crockett , après avoir lv trois enfants, obtint un diplôme de mdecine de l’universit Howard en 1942. Elle complta son internat l’hôpital Detroit Receiving, et parce que l’hôpital de Dtroit n’acceptait pas de femme mdecin Afro-Amricaine, elle fit sa rsidence New-York. Finalement en 1952, elle fût accepte l’hôpital de Dtroit, devenant la première femme dans son domaine de obsttrique et gyncologie pratiquer dans l’tat. » (p.163)
Pas de classe moyenne pour les jeunes noirs.
« Avec la route traditionnelle vers le succès dans la classe moyenne bloque, les jeunes noirs de Dtroit recherchèrent d’autres moyens de survie, spcialement travers l’conomie souterraine ». (p.254)
Nelson Mandela Dtroit
« Durant l’t de 1990, Nelson Mandela visita plusieurs villes des Etats-Unis après avoir pass vingt-sept annes en prison. […] Quand Mandela et sa femme Winnie sortirent de l’avion [ Dtroit], une des premières personnes qu’ils reconnurent fût Rosa Parks. Nelson Mandela dit que Parks avait t son inspiration durant de longues annes alors qu’il tait incarcr Robben Island et que son histoire avait inspir les combattants pour la libert de l’Afrique du Sud. » (p.268)
Le futur de Dtroit
« La plupart des habitants de Dtroit vivent dans des quartiers où le dveloppement est ingal. Il y a des signes d’amlioration, mais dans l’ensemble les communauts sont aux prises avec le chômage, le crime et des coles peu performantes. Dtroit est une ville avec de grandes tendues de terres inhabites où l’on trouve 31,000 maisons vacantes et dilapides. Dans diverses localits de la ville, des organismes communautaires ont travaill sans relâche pour maintenir leurs rgions respectives contre une vague de ngligence et de dsinvestissement. L’administration municipale actuelle a essay d’utiliser un assortiment de mthodes pour arrêter le dclin des quartiers, avec un succès modr. Cette tâche gargantuesque a t aide par l’aide massive de l’administration Obama, mais la ville a encore des obstacles majeurs franchir avec une grande population pauvre, non qualifie et semi-alphabtise.
Les dbats politiques tlviss de 2016 sur CNN entre Hillary Clinton et Donald Trump ont mis de l’avant le racisme aux Etats-Unis. La ville de Chicago y a t mentionne, car elle dtient le record national pour le nombre de morts violentes. Le livre « Histoire de Chicago » permet, entre autres, de mieux comprendre ce qui alimente les ingalits sociales entre Noirs et Blancs depuis la cration de cette ville.
Le lecteur comprend que ce ne sont pas les dficiences culturelles qui sont la base des problèmes, mais plutôt le racisme institutionnalis et les choix conomiques des diffrentes administrations municipales.
La ville s’est construite avec en toile de fond la couleur de la peau qui dtermine le type d’emploi que quelqu’un peut occuper. Eventuellement, même la planification urbaine a t pense de sorte que les Blancs et les Noirs soient spars : le mur artificiel que constitue la Dan Ryan Expressway ou le Dearborn Park en sont de bons exemples.
En 2016, les sondages montrent, de façon surprenante, un appui très important au candidat rpublicain la prsidence des Etats-Unis, Donald Trump. Trump connaît bien Chicago et il y a fait construire sa « Trump Tower ».
Le candidat du Parti rpublicain reprend dans sa plateforme politique certains des lments qui ont fait la popularit et le succès de la famille Daley qui a rgn sur Chicago durant des dcennies : l’exploitation de la peur entre les groupes ethniques pour bâtir et maintenir un pouvoir politique, l’ide de construire un mur et l’utilisation de la torture comme solutions simplistes des problèmes complexes.
Ce populisme plaît une certaine classe d’lecteurs amricains qui sont très facilement effrays par les diffrences entre les gens et les cultures.
Bref « Histoire de Chicago » est un livre qui est toujours d’actualit et dont les auteurs ne craignent pas de soulever des sujets politiquement dlicats.
Chicago
Chicago devint un territoire des Etats-Unis avec le trait de Paris en 1783. Il s’en suivit une appropriation des terres des Indiens au moyen des manœuvres les plus diverses, dont la signature de contrats alors que les autochtones taient ivres. Vers 1830, après l’loignement dfinitif des Indiens, la fièvre spculative commença.
Le rail
À partir des annes 1860, Chicago fit en sorte de devenir le centre travers lequel s’arrêtaient les grandes compagnies ferroviaires du pays. La ville se dveloppa très rapidement. Les passagers, le btail, les crales et autres marchandises devaient dsormais transiter par Chicago. La ville dpendait du train pour croître et les compagnies de train dpendaient de Chicago pour être profitables.
L’accroissement rapide de la population de Chicago fut essentiellement dû la migration en provenance de l’Europe (Irlandais, Allemands, Polonais, Italiens). La dynamique changeante et souvent violente entre tous les groupes ethniques prsents Chicago est vraiment bien dtaille dans le livre.
Les grands magasins
Un peu avant 1900, on assiste la cration des grands magasins, avec la possibilit de commander par catalogue et payer par crdit. De nouvelles catgories d’employs et de gestionnaires s’ajoutent au monde ouvrier et aident former la classe moyenne.
L’immigration des Noirs vers Chicago
À partir de 1910, l’immigration des Noirs en provenance du sud des Etats-Unis augmente. Chicago tait une ville abolitionniste. Cela ne veut pas dire qu’elle tait en faveur de l’galit raciale, mais plutôt contre l’esclavage. En fait, Chicago est progressivement devenue la ville la plus sgrgue des Etats-Unis.
Les Noirs arrivaient en masse en provenance du sud des Etats-Unis, non pas seulement pour des raisons conomiques, mais galement pour chapper la violence raciale et la sgrgation qui svissaient dans de nombreux Etats. Bien que loin d’être idale, la situation Chicago tait meilleure que dans le sud du pays.
La Première Guerre mondiale rduisit de façon importante le nombre d’immigrants en provenance de l’Europe. Cela constitua un srieux problème pour une ville qui recevait de nombreux contrats militaires et avait besoin d’un très grand nombre d’employs pour ses diffrentes usines. Cela favorisa galement la « grande migration », « c’est–dire l’intensification spectaculaire de la migration des Afro-Amricains vers les grands centres urbains du Nord-Est et du Middle West […] » (p.143)
Les abattoirs de Chicago
Chicago tait reconnue pour le nombre très lev de ses abattoirs, et en particulier les abattoirs de porc. La senteur et la pollution occasionnes par cette activit taient pouvantables. Des laboratoires de chimie permettaient l’utilisation de toutes les parties de l’animal. À ce sujet, l’crivain Georges Duhamel disait dans son livre : À Chicago, « on utilise tout, sauf le cri des porcs » (p.63).
Les travailleurs noirs n’avaient pas le droit de travailler dans l’industrie sidrurgique de Chicago et devaient se contenter des abattoirs où ils taient engags comme travailleurs manuels. Mais l encore, ils n’avaient pas accès des emplois qualifis.
La Seconde Guerre mondiale
Durant la Seconde Guerre mondiale, Chicago tait en concurrence avec d’autres grandes villes amricaines pour obtenir de juteux contrats militaires. Elle ne mnagea pas ses efforts pour montrer son support au gouvernement amricain et elle finit par profiter de milliards de dollars pour la construction de tanks, tracteurs, torpilles, obus et avions (dont le bombardier B -29).
Pour compenser le manque de main-d’œuvre, tant donn que beaucoup d’hommes s’taient enrôls en tant que volontaires et taient partis la guerre, les femmes entrèrent massivement sur le march du travail. Les employeurs y virent l’occasion d’augmenter les profits en rduisant le salaire des femmes, qui n’tait plus que 65 % de celui des hommes pour un travail comparable. Cela reprsente la façon dont les femmes ont t remercies pour leurs efforts et leur collaboration.
Transformation de l’conomie de Chicago
Chicago a vcu une profonde transformation durant les annes 70. L’ordre industriel s’est termin avec la fermeture des abattoirs en 1971, en même temps que les aciries approchaient aussi de leur fin. S’en est suivie une ouverture sur l’international et le dveloppement d’une nouvelle conomie base sur les services spcialiss tels que la finance, l’immobilier, l’assurance, le marketing, la publicit et les services juridiques.
Le maire de Chicago, Richard M. Daley, a favoris la venue d’une classe socioprofessionnelle de crateurs dans la ville (design, arts, musique, etc.) en traitant cette classe comme un autre « groupe ethnique » qui avait besoin d’un espace privilgi pour s’exprimer.
Le dveloppement des grands ensembles durant les annes 1960 -1970
Durant les annes 1960-1970, Chicago connaît une transformation importante de son paysage. On assiste de grands dveloppements (Magnificent Mile, Sandburgh Village, Marina City, Lake Point Tower, Dearborn Park) qui se concentrent dans les quartiers où vivent les Blancs, dans le nord de la ville. Le Chicago Tribune dit de Dearborn Park qu’il est « une forteresse rserve aux Blancs et destine protger le quartier financier contre les Noirs ».
L’administration Daley doit lutter contre l’exode vers les banlieues et favorise alors la construction de gratte-ciels pour conserver les Blancs dans le centre-ville et percevoir davantage de taxes foncières. Deux Bourses d’change sont cres, le Chicago Board of Trade (CBOT) et le Chicago Mercantile Exchange (CME). La cration de ces deux nouvelles Bourses et des grands ensembles ne changent en rien la dynamique entre Blancs et Noirs.
La sgrgation raciale
Bien que Martin Luther King ait t une figure dominante dans la lutte pour les droits civiques des Noirs aux Etats-Unis, les auteurs mentionnent que les Noirs de Chicago n’ont pas attendu un grand leader pour promouvoir leurs droits et qu’ils avaient dj commenc se mobiliser des annes plus tôt.
Les ides de Martin Luther King quant l’intgration des Noirs ne plaisaient pas tous les Noirs, spcialement les politiciens noirs de Chicago qui bnficiaient d’un traitement favorable de la machine Daley en favorisant le statu quo.
Le Chicago du maire Richard M. Daley connaissait beaucoup de succès. Pour se maintenir au pouvoir, la machine Daley « tablait sur le maintien de communauts spares et concurrentes » (p.322-323). La sparation entre Blancs et Noirs tait entretenue et planifie. Il y avait et il y a toujours deux Chicago.
Une autoroute, la Dan Ryan Expressway a même t positionne de façon crer un mur artificiel entre le quartier de Daley, Bridgeport et celui de la Black Belt : « C’tait l’obstacle le plus massif que la ville pouvait construire, dfaut de construire un mur, pour sparer le South Side blanc de la Black Belt » (p.259).
Le fonctionnement de la machine Daley
On ne peut pas parler de Chicago sans souligner l’importance de la machine politique de la famille Daley : « Par leur contrôle autoritaire de la “machine”, Richard J. Daley et son fils Richard M. Daley, chacun dans son propre style, ont domin la scène politique de Chicago pendant quarante-trois ans, entre 1955 et 2011.
Pendant cette priode qui vit le dveloppement puis le dclin du mouvement moderne des droits civiques, la ghettoïsation d’normes pans du West Side et du South Side, une vague massive d’immigration en provenance d’Amrique latine et la mtamorphose de la ville de gant de l’industrie en centre de l’conomie mondiale de services, c’est tout juste si Chicago a connu une seule lection municipale lgitime ou un seul vrai dbat au conseil municipal » (p.16)
Il y avait une corruption rampante et des budgets clandestins au sein de l’administration Daley. La Mairie attribuait en toute opacit des quartiers favoriss des sommes d’argent rserves aux quartiers dfavoriss.
« […] Tandis que les gros hommes d’affaires, les hommes de la pègre et tous ceux ayant des liens avec la famille Daley s’enrichissaient, les Noirs et les Latinos dmunis taient abattus aux coins des rues ou torturs dans des arrière-salles de commissariat » (p.394)
Les cabinets d’avocats et les entrepreneurs versaient d’normes sommes d’argent en change de contrats importants. La machine Daley ne manquait jamais d’argent.
Les tensions raciales et les politiques muscles de rpression du maire Daley
« Dès les annes 1930, Chicago tait devenu, selon l’historien Frank Donner “la capitale nationale de la rpression policière” » (p.321)
La migration noire dans les annes 1940 et 1950 effraie la population de Chicago qui se sent assige, ce qui augmente des tensions raciales dj prsentes et entretenues. Il devient plus facile d’accepter davantage de policiers que de logements sociaux.
Les tactiques muscles du maire Daley sont le plus videntes lors de la Convention dmocrate de 1968, alors que les policiers et 7000 soldats de la Garde nationale tombèrent « bras raccourcis sur la foule [de 10,000 jeunes manifestants] dans une explosion de violence aveugle ». (p.315).
L’exploitation des peurs raciales connaissait beaucoup de succès Chicago. Daley dfendait ses politiques en disant que « la plupart des gens s’inquitaient bien plus d’une meute des Noirs que d’un maire qui ordonne l’usage de la force ltale pour y mettre un terme et qu’ils se reconnaissaient bien moins dans des manifestants pacifistes que dans les policiers qui les frappaient coups de matraque ». (p.319)
La propagande des mdias et la police de la machine Daley taient efficaces pour convaincre les Noirs de ne pas changer l’ordre tabli. La torture tait pratique courante au commissariat de la zone 2 dans le South Side, entre 1972 et 1991.
L’arrive prochaine du Noir Harold Washington la mairie, durant les annes » 80, attisa encore davantage les craintes que tout change dans la façon de faire Chicago. Tout tait organis pour miner la candidature de Washington, mais il finit malgr tout par l’emporter, grâce au vote noir.
Il y avait beaucoup de mouvements politiques de gauche qui avaient chacun leurs objectifs et qui n’ont pas su s’unir sous une même bannière progressiste. Cela a laiss la marge de manœuvre ncessaire la machine Daley. Cette dernière travaillait en coopration avec les autorits fdrales pour organiser la rpression d’Etat.
Problèmes sociaux dans les quartiers dfavoriss
La canicule de 1995 fit 739 victimes Chicago. La prcarit sociale favorisa une augmentation du nombre de dcès, mais il fut plus simple de dterminer que les victimes de la chaleur taient responsables de leur sort.
Les Noirs et les Latinos croyaient et croient toujours que leurs problèmes d’coles et de quartiers proviennent de dficiences culturelles. En tentant de saisir la nature relle de leurs problèmes, ils ngligent les aspects du racisme soutenu et les choix conomiques des diffrentes administrations depuis la cration de la ville.
« Le recensement de 1980 indiqua que dix des seize quartiers les plus pauvres des Etats-Unis se trouvaient Chicago, dans la Black Belt, bien entendu » (p.334)
En 2002, Chicago tait la capitale amricaine des meurtres avec 647 victimes. En 2008-2009, la ville dtenait le record de meurtres d’lèves d’coles publiques lis des gangs.
Il existe aujourd’hui deux Chicago
Chicago profite aujourd’hui de l’existence de quartiers ethniques bien dfinis qui attirent les touristes en quête d’exotisme. Cependant, les politiques de sgrgation raciale en place ont fait en sorte d’isoler les quartiers Noirs et en 2016 Chicago a toujours la triste rputation d’être la capitale des homicides aux Etats-Unis.
« La situation de Chicago ressemble de plus en plus un scnario de science-fiction. Alors qu’une partie de la ville possède une capacit conomique qui la classe parmi les cinq premières du monde, l’autre partie est fige dans une situation d’austrit qui pourrait bien devenir irrversible » (p.443)