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Roman graphique et bandes dessinées

Roman graphique : L’expert.

Le roman graphique "L'expert" de Jennifer Daniel.
Le roman graphique « L’expert » de Jennifer Daniel.

L’histoire se passe en 1977 en Allemagne de l’Ouest. Un accident de la route qui coûte la vie une femme et son enfant attire l’attention d’un employ de la morgue, un homme professionnel et bien apprci de ses patrons.

Cet employ, c’est Monsieur Martin, un ancien soldat qui autrefois a combattu lors de la Deuxième Guerre mondiale et pour qui le mot « responsabilit » pèse lourd dans son quotidien d’homme plus âg. Il mène sa propre enquête et drange naturellement des personnages haut placs qui ont dcid de regarder ailleurs pour prserver leurs acquis.

Un tel thème sera toujours d’actualit, car il touche non seulement la socit allemande mais toutes les nations travers la planète où les gens qui ont le plus perdre dans une situation se dtournent de leurs responsabilits, malgr les injustices.

Je n’ai que de bons mots pour le roman graphique « L’expert »,   autant pour la qualit du graphisme, le scnario, le choix des couleurs, la priode et l’endroit où s’inscrit l’histoire. Les Allemands ont certainement dû apprcier sa parution en 2022.

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Titre : L’expert (version originale allemande sous le titre « Das Gutachten »

Autrice : Jennifer Daniel

Editions : Casterman, © 2024 pour la traduction française. Edition originale allemande Carlsen Verlag GmbH, © 2022. ISBN : 978-2-203-28080-9

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Roman graphique et bandes dessinées

Un tournage en enfer – Au coeur d’Apocalypse Now.

Le roman graphique "Un tournage en enfer - Au coeur d'Apocalypse Now".
Le roman graphique « Un tournage en enfer – Au coeur d’Apocalypse Now ».

Le roman graphique « Un tournage en enfer : au cœur d’Apocalypse Now » nous plonge au centre de la cration du fameux film de Francis Ford Coppola port l’cran en 1979. Comme le signale le ralisateur, « […] nous tions dans la jungle. Nous tions trop nombreux. Nous avions accès trop d’argent et de matriel, et, peu peu, nous sommes tous devenus fous… ».

Cela avait mal commenc. Dès le dbut, le ralisateur ne peut convaincre des acteurs bien connus de s’impliquer dans son film. Tour tour, des comdiens comme Jack Nicholson, Al Pacino, Robert Redford et James Caan refusent de s’associer l’aventure. Coppola poursuit ses recherches et les entrevues.

En tant que lecteurs, nous pntrons sur les lieux de production et recevons les confidences des proches du cinaste. Le tournage commence dans la jungle des Philippines, même si Coppola n’a encore aucune ide du scnario de la fin de son œuvre. Cela le hantera tout au long de la ralisation, lui causant des nuits blanches alors qu’il est dj passablement puis.

Une planche du roman graphique de "Tournage en enfer - Apocalypse Now".
Une planche du roman graphique de « Tournage en enfer – Apocalypse Now ».

Les dpassements de coûts s’enchaînent et la pression des bailleurs de fonds s’accroît toujours davantage sur le metteur en scène. On lui demande de boucler son œuvre cinmatographique au plus tôt, ce qu’il s’avère incapable d’accomplir. Coppola en vient garantir les fonds requis en s’engageant rembourser lui-même la dette si les recettes en salle n’atteignent pas $40 millions de dollars.

De plus, on a tenu pour acquis que le gouvernement amricain fournirait les hlicoptères de combat ncessaires l’action du film. Mais, au lendemain de la guerre du Vietnam, l’intrêt des politiciens amricains pour ce genre de demande diminue. Le ralisateur doit se tourner vers le prsident des Philippines d’alors, Ferdinand Marcos, pour obtenir des hlicos et du personnel, moyennant certaines rtributions et compensations. Mais ces appareils quittent parfois la scène sur ordre de Marcos pour aller chasser les ennemis du rgime. On prend encore du retard…

Une page du roman graphique "Un tournage en enfer".
Une page du roman graphique « Un tournage en enfer ».

On a pens qu’Harvey Keitel serait le comdien idal pour donner la rplique Robert Duvall. De nombreuses squences plus tard, l’vidence apparaît : l’homme ne fait pas le poids pour plusieurs raisons. On court la catastrophe et on doit d’urgence contacter Martin Sheen   et le supplier de remplacer Keitel. On doit reprendre de multiples scènes avec le nouvel acteur, les retards s’accumulent, et donc les frais associs.

Toutes sortes d’autres embûches attendent le ralisateur et son quipe tout au long du tournage, dont la barrière de langue avec les Philippins et une tempête qui dtruit le dcor. L’usage gnralis de drogues et d’alcool par le personnel et les pilotes d’hlicoptères n’aide en rien la situation.

Les moustiques, la chaleur et les exigences constantes de Coppola puisent des acteurs. Martin Sheen tombe gravement malade et on doit employer son frère pour certaines scènes secondaires. Plutôt que de n’utiliser que des figurants pour simuler des morts, un membre du personnel se rend la morgue et revient avec un cadavre. Cela provoque l’arrive des forces policières et on règle le problème avec de gnreuses sommes d’argent.

Bien d’autres facteurs viennent encore retarder la clôture du tournage et en augmenter les coûts. Il faut citer en exemple les exigences de Marlon Brando.  On russit le ramener sur le plateau de tournage pour une journe supplmentaire, condition de dbourser 70 000 $ de plus que prvu.

Le tournage se termine finalement en 1977. L’quipe affrète un avion priv pour transporter 381 kilomètres de pellicule originale vers les Etats-Unis. Le montage du film s’avère cependant un calvaire. On dispose de trop de matriel analyser. En 2001, Coppola prsentera une mouture modifie de sa production originale de 1979. Il livrera enfin en 2019 une dernière version de 182 minutes, Apocalype Now « Final cut » , soit plus de quarante ans après la sortie initiale.

Les recettes rencontreront les esprances du ralisateur et il gagnera finalement son pari. En tout, le film aura gnr $140 millions partir d’un budget total de $30 millions.

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Titre : Un tournage en enfer – Au cœur d’Apocalypse Now

Auteur : Florent Silloray

Editions : Casterman

© Casterman 2023

ISBN : 978-2-203-21653-2

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Romans

« Papa » par Régis Jauffret

Le roman "Papa" de Rgis Jauffret.
Le roman « Papa » de Rgis Jauffret.

Autant Sorj Chalandon, dans son roman « Enfant de salaud », que Rgis Jauffret dans « Papa » tentent de saisir la personnalit nigmatique de leur père. Celui de Sorj Chalandon aurait t rsistant et traître la fois, alors que le père de Rgis Jauffret aurait t film en sortant d’une sance d’interrogatoire de la Gestapo, la terreur sur le visage. Où se situe la vrit ? Qui sont vraiment ces pères ?

Dans un texte prcdent, j’ai prsent le livre « Enfant de salaud ». Au tour maintenant du roman « Papa » de Rgis Jauffret.

Comme on peut s’y attendre avec Rgis Jauffret, le style d’criture diffère radicalement. L’auteur est laurat du prix Goncourt de la nouvelle (2018) pour son roman « Microfictions 2018 ». Son sens de la synthèse, de l’humour noir et même du cynisme fait de ce retour dans le pass du père une aventure littraire autant qu’historique. Le lecteur comprend rapidement que l’auteur se fait plaisir en prsentant ses dcouvertes. Il ajoute même un peu de fiction au besoin.

Fidèle mon habitude quand il s’agit de Rgis Jauffret, je prsenterai son livre travers des citations choisies. En effet, l’intrêt du livre rside autant dans le contenu que dans la façon dont Rgis s’exprime pour clairer son propos. Voici donc quelques citations susceptibles de donner le ton du bouquin :

« Elle me raccompagne ravie, limite hilare, en me donnant de lgères tapes dans le dos ».

« — J’ai communi.

Quelqu’un m’a fait remarquer en sortant que je n’tais pas croyant.

   — Justement, une hostie ou des chips.

      J’ai souri mais après ce blasphème je n’en menais pas large. Quand on a t duqu religieusement on conserve toujours dans un repli de son cerveau la terreur de Dieu ».  

« Il venait d’avoir un AVC qui loin de le handicaper semblait l’avoir ragaillardi ».

« Elle me raconta que l’humidit avait fait sauter le bois de placage [du cercueil]. Ne restait plus qu’une caisse de planches noircies. Je n’tais pas d’humeur assez badine pour appeler la dame des pompes funèbres afin de faire jouer la garantie ternelle dont jouit sans doute ce genre de produits mtaphysiques ».

« Un de ces souvenirs de bonheur qui vous donnent raison de n’être jamais entr chez un armurier pour acheter de quoi vous tirer une balle dans la tête ».

« […] Alfred avait pour consigne de serrer les dents pendant le coït sans mettre un soupir tandis qu’elle demeurerait aussi stoïque que lorsque sans anesthsie le dentiste taquinait une de ses molaires du bout de sa fraise ».

 « Par l’entremise du vaste pavillon en cuivre d’un gramophone perch sur un pidestal dont on avait vol la statue, Edith Piaf gueulait “J’ai dans avec l’amour” tandis que du sous-sol montaient les cris des martyrs ».

« Ecrire sur soi-même est une forme d’incontinence ».

« On est condescendant avec les sourds sans statut ni talent mais on prfère les frquenter parcimonieusement. Quand on ne les a pas aperçus assez tôt pour s’être planqu derrière un engin de chantier ou un homme volumineux, on les salue de loin en filant ».

« Si je n’avais pas vu ces images, tu serais rest dans les gouts de ma mmoire ».

« Si je dure aussi longtemps que Madeleine, je serai un centenaire qui ruminera inopinment son père dans son cerveau dessch comme un raisin de Corinthe tandis qu’un aide-soignant bâti comme un colosse balancera jambes en l’air mon corps dcharn pour changer ma couche ».

« Minable descendante de protozoaires devenus difficultueusement êtres multicellulaires pourvus d’encphale, l’humanit n’a aucun motif de pavoiser ».

« C’est hroïque en temps de guerre d’assumer le rôle de bourreau quitte se tromper parfois puisque dans les situations extrêmes le doute ne profite jamais l’accus ».

« Il discourait du matin au soir. La moindre personne connue de lui rencontre dans la rue se voyait douche de langage comme un imprudent sur une jete un jour de tempête par une dferlante. À son bureau, tout le monde en tait tremp. Si bien qu’on le fuyait mais il parvenait toujours trouver quelqu’un qui par gentillesse se laissait inonder ».

« Je ne l’ai jamais entendu non plus parler de sa journe. Il avait fait beau, il avait neig, il avait plu, un chamois avait travers la piste en queue-de-pie, un homme touch par l’orage s’tait enflamm, une dame tait tombe dans une crevasse en chantant une cantate de Jean-Sbastien Bach ».

« Pendant ce temps, Jean-Jacques et Honor entreprirent les sœurs rouges comme de la viande bleue de se retrouver en prsence de deux garçons dont les pantalons la mode du temps moulaient l’appareil gnital dont elles redoutaient par avance la piqûre ».

Bonne lecture !

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Titre : Papa

Auteur : Rgis Jauffret

Editions : Roman/Seuil, 2020.

ISBN : 978-2-02-145035-4

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Guerre Romans

Enfant de salaud.

Roman "Enfand de salaud" de Sorj Chalandon
Roman « Enfand de salaud » de Sorj Chalandon

Sorj Chalandon est journaliste et a travaill des dcennies durant aux journaux français Libration et Canard enchaîn. Au cours de sa carrière, il a reçu de nombreux prix : Albert Londres (1988), Mdicis (2006), Grand Prix de l’Acadmie française (2011), Goncourt des Lycens (2013) et son plus rcent prix, le Goncourt 2021 des lecteurs de 20 Minutes.  

« Enfant de salaud » est l’histoire vcue de l’auteur qui tente de faire la lumière sur le pass extrêmement nbuleux de son père durant la Seconde Guerre mondiale, au moment où les Allemands occupent la France.

Ayant eu accès aux archives officielles, il dcouvre progressivement que son père a travers la guerre en s’engageant dans cinq armes qu’il a toutes dsertes. Il a servi l’ennemi de toutes les façons, mais s’est toujours mnag des portes de sortie en s’assurant que les quelques gestes qu’il posait pour la France soient rpertoris quelque part, en cas d’enquête lorsque la guerre serait termine.

Le chef de la Sûret nationale de Lille qui a interrog le père au lendemain de la guerre dit de lui : « Cet individu est un menteur, dou d’une imagination tonnante. Il doit être considr comme très dangereux et trait comme tel. »

Entre les rflexions et les dcouvertes du fils sur le pass et la psychologie du père, le lecteur assiste en parallèle au procès de Klaus Barbie, ce psychopathe et grand criminel de guerre nazi qui est mort en prison en France en 1991. Des passages du livre glacent le sang, même si on sait un peu quoi s’attendre quand il est question de nazis, de SS et des membres de la Gestapo.

Lorsque le survivant d’un camp de concentration, Isaac Lathermann,  s’avance la barre lors du procès de Barbie, il annonce que « [dans les camps],  hauteur d’homme, il n’y avait plus d’corce aux arbres, tout avait t mang. Plus d’herbe non plus. Mange, elle aussi ».

Heureusement, le lecteur ne navigue pas en territoire aussi sombre tout au long du roman. Il dcouvre la rsistante incroyable qu’est Lise Lesèvre qui, même torture pendant des jours par Klaus Barbie, ne lâche pas une seule information. Un exemple phnomnal de courage, de dtermination et de patriotisme.

« Enfant de salaud » est le voyage intrieur de l’auteur sur plusieurs dcennies. Le fait que le livre porte sur une histoire vcue rend la lecture encore plus captivante.

Bonne lecture.

Titre : Enfant de salaud

Auteur : Sorj Chalandon

Editions : Grasset et Fasquelle, 2021.

ISBN : 978-2-246-82815-0

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Romans

Le sympathisant

Le livre "Le sympathisant" de Viet Thanh Nguyen.
Le livre « Le sympathisant » de Viet Thanh Nguyen.

L’agent double du roman « Le sympathisant » est un homme seul que rien ne va dtourner de son idal politique, un peu comme pour le soldat japonais Hiro Onada que l’on retrouve dans un autre excellent livre intitul « Au nom du Japon ».

« Le sympathisant » est un voyage entre le Saïgon de 1975 et la côte ouest-amricaine des annes » 80. Le roman dcrit la vie d’un agent double dans la rgion où il est n, l’Indochine coloniale, puis plus tard dans la nouvelle existence qu’il s’est recre aux Etats-Unis. Cet homme de l’ombre, en qui son gnral de l’arme du Sud Vietnam a parfaitement confiance, transmet par messages cods des informations aux communistes du Nord Vietnam.

L’intrêt du roman tient la façon dont l’auteur prsente les propos et penses du personnage principal. Cet agent double anonyme est un parfait analyste du monde dans lequel il vit et n’hsite pas une seconde commenter ses observations avec une grande acuit et aussi, parfois, avec un minimum de diplomatie. Les thèmes graves autant que l’humour et le cynisme ont souvent leur place, au grand plaisir du lecteur. En voici quelques passages :

« […] les mêmes hommes qui ricanent l’ide que les licornes puissent exister croiront dur comme fer, les larmes aux yeux, dans l’existence d’une espèce encore plus rare, plus mythique, qu’on ne trouve que dans les ports les plus reculs ou dans les recoins sombres et cachs des tavernes les plus sordides : je veux parler de la fameuse prostitue au cœur d’or. Je puis vous assurer que si les prostitues ont quelque chose en or, ce n’est pas leur cœur. Que certains puissent ne pas le croire est un hommage aux grandes comdiennes. » (p.56-57)

« Je note simplement que l’apparition de prostitues indigènes au service de soldats trangers est une consquence invitable de toute guerre d’occupation, un de ces vilains petits effets collatraux de la dfense de la libert, que les femmes, sœurs, fiances, mères, pasteurs et politiciens du fin fond de l’Amrique font tous mine d’ignorer, derrière leurs murs de sourires lustrs, en accueillant leurs soldats de retour au pays, prêts soigner n’importe quelle maladie honteuse avec la pnicilline de la bont amricaine. » (p.57-58)

« Il avait clou un beau tapis oriental au mur, dfaut, je suppose, d’un Oriental tout court. » (p.88)

« Une fois capturs, ces subversifs avaient une seule destination, mais nombreux taient les chemins dsagrables pour y parvenir. » (p.111)

« C’tait l qu’tait n le criminel de guerre Richard Nixon, et l que rsidait John Wayne, un coin si frocement patriote que je pensais que l’agent orange avait t fabriqu ici, ou en tout cas baptis en son honneur. » (p.126)

« Il parlait la bouche pleine et ouverte, envoyait de temps en temps un bout de riz sur ma joue, sur mes cils, ou dans mon propre bol, et mangeait avec un tel bonheur que je ne pus m’empêcher d’prouver tendresse et piti devant tant d’innocence. » (p.129)

« J’avais cru, naïvement, pouvoir dtourner l’organisme hollywoodien de son objectif, la lobotomisation et le dtroussement simultans des spectateurs du monde entier. » (p.177)

« […] des pages centrales voquaient les rcents meurtres non lucids de dissidents politiques et leurs corps cribls de balles jets en pleine rue. Dans une situation troublante de ce genre, tous les corps cribls mènent un cribleur en chef, le dictateur. » (p.197)

« La mission d’un espion n’est pas de se cacher l où personne ne peut le voir, puisque lui-même ne pourra rien voir non plus. La mission d’un espion est de se cacher l où tout le monde peut le voir et où il peut tout voir. » (p.227)

« […] et un Blanc, grand et mince, portant un costume bleu pastel, une cravate motifs cachemires aussi paisse qu’Elvis Presley et une chemise couleur de l’urine après un repas d’asperges. » (p.258)

« Dans les ngociations, comme dans les interrogatoires, le mensonge tait non seulement acceptable, mais attendu. » (p.262)

« Elle m’insulta si copieusement, et avec une telle inventivit verbale, que je dus consulter autant ma montre que mon dictionnaire. » (p.292)

« Les journalistes sont toujours gênants quand ils sont indpendants. » (p.296)

« Je vais vous dire quel est mon rêve amricain, dit-il en tenant le micro avec une dlicatesse qu’on rserverait un bâton de dynamite ». (p.302)

« Dehors s’tendrait un immense green de golf consommant plus d’eau qu’une mtropole du tiers-monde, et des quatuors de banquiers virils y pratiqueraient ce sport dont la maîtrise exigeait la fois la force brutale, et guerrière, requise pour viscrer les syndicats et toute la finesse ncessaire une bonne vasion fiscale. » (p.319)

« J’avais devant moi plusieurs spcimens reprsentatifs de la crature la plus dangereuse de tous les temps : le Blanc en costume-cravate ». (p.320)

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Bonne lecture!

Titre : Le sympathisant

Auteur : Viet Thanh Nguyen

Editions : Belfond, 2017

ISBN : 978-2-7144-7565-7

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Comportement humain

Livre: Au nom du Japon

Livres: Au nom du Japon
Livres: Au nom du Japon

Même si la Seconde Guerre mondiale est termine et que l’armistice est sign en 1945, quatre Japonais continuent de se cacher sur l’île de Lubang, dans les Philippines, attendant l’ordre officiel de leur suprieur de rendre les armes. Ils ont t oublis l, dans la jungle, et continuent de survivre du mieux qu’ils le peuvent en vitant les patrouilles parties leur recherche pour leur dire que la guerre est termine. Ils continuent d’accumuler des informations sur l’île pour les services de renseignements en esprant être utiles au moment où aura lieu un ventuel dbarquement japonais qui chassera les Amricains de l’île. Les annes passent et il ne restera plus qu’un seul soldat japonais, Hiro Onada, qui rendra finalement les armes en 1974, trente ans plus tard!

Le livre est une leçon de survie en milieu hostile. La discipline et la dbrouillardise qui sont requises pour subsister et assurer leur scurit sont extrêmement impressionnantes. Onada, même s’il s’est enfonc progressivement dans une ralit alternative, fait preuve d’une tnacit absolument remarquable.

Voici un passage qui montre la ralit de la jungle : « […] Il y a galement beaucoup d’abeilles sur l’île. D’immenses essaims volent dans les zones broussailleuses au pied des montagnes. J’en ai vu qui faisaient trente mètres de large et cent de long, volant ici et l avec des changements de direction imprvisibles. Si nous rencontrions l’un de ces essaims, la seule chose faire tait de retourner dans les bois ou bien, si nous n’en avions pas le temps, de nous couvrir la tête avec la toile de notre tente ou nos vêtements et de nous allonger par terre. Si nous faisions le moindre mouvement, elles passeraient l’attaque. Nous devions respirer le plus doucement possible, jusqu’ ce que l’essaim soit pass. » (p.216)

En 1957, des bombardements dans le voisinage les rassurent que la guerre continue. Mais ce sont des exercices militaires de l’arme de l’air philippine, et non une attaque amricaine.

Onada et QAnon

Au fur et mesure que les annes passent, d’innombrables occasions seront offertes aux soldats pour raliser que la guerre est termine. Ils auront même ventuellement accès une radio. Peu importe : tout ce qui sera lu, entendu ou dcouvert par hasard ne sera, selon eux, que le fruit d’une dsinformation provenant de l’ennemi.

À la lecture de cette histoire vcue, il est possible de faire un rapprochement entre le tmoignage d’Onada, le guerrier japonais isol dans sa jungle, et un adepte de QAnon : les deux ne peuvent accepter une dfaite et croient en une mission presque divine. Comme le dit si bien Onada lui-même : « À cette poque, Kozuka et moi avions dvelopp tellement d’ides fixes que nous tions incapables de comprendre tout ce qui en diffrait. Si quelque chose ne correspondait pas notre vision des choses, nous l’interprtions de façon lui donner la signification que nous voulions » (p.192).

Lorsqu’une personne est progressivement amene croire une ralit alternative et qu’elle dcide de s’y accrocher pour sa sant mentale ou physique, ou les deux, une même conclusion demeure : peu importe les preuves, les discours, les nouvelles ralits qui seront prsentes, cette personne continuera persister dans sa ligne de pense. Il faudra qu’un vnement dramatique se produise dans sa vie pour qu’elle dcide peut-être de changer de voie et de revenir la ralit objective.

Bonne lecture!

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Titre : Au nom du Japon

Auteur : Hiro Onada (traduit par Sbastien Raizer)

Editions : La manufacture de livres

© Hiro Onada, 1974. Rdit en 2020 pour la version française.

ISBN : 978-2-35887-268-3

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Sujets controversés

L’extase totale — Le Troisième Reich, les Allemands et la drogue

L’auteur est un journaliste et documentariste allemand qui a travaill pour Stern et Der Spiegel. Il est galement l’auteur de quatre autres livres. Le titre original de son livre crit en allemand est : « Der totale Rausch. Drogen im Dritten Reich ».

La recherche effectue pour ce livre dmontre que durant les annes prcdant la Seconde Guerre mondiale, la population allemande utilisait rgulièrement des drogues pour supporter plus facilement la dfaite de la Première Guerre mondiale. La consommation de narcotiques tait banalise. Il fallait changer les habitudes de la population.

Couverture du livre "L'extase totale" par Normand Ohler
Couverture du livre « L’extase totale » par Normand Ohler

Hitler est alors prsent comme « un modèle de vie pure tous gards […], l’ascète, l’ennemi des drogues qui fait fi de ses propres besoins » (p.25). Mais s’il y a quelqu’un en Allemagne qui en vient utiliser rgulièrement des drogues et a même accès son fournisseur personnel, en l’occurrence le fameux docteur Morell, c’est bien Hitler.

Dans les documents prsents par l’auteur, Hitler est aussi dcrit comme le Patient A. « Hitler s’habitue aux piqûres rptition ainsi qu’ ces mystrieuses substances qui coulent dans ses veines pour soi-disant le revigorer ». (P.37.)

En 1937, les usines Temmler crent la première mthylamphtamine allemande, appele aussi pervitine. L’utilisation gnralise se rpand dans la population allemande de même que dans l’arme. La pervitine, c’est le coup de fouet artificiel qui dure plus de douze heures. C’est le remède artificiel qui « règle les problèmes » et qui tient aussi en veil le soldat allemand pendant plusieurs jours d’affile. « En consommer devient aussitôt aussi naturel que de prendre une tasse de caf » (p.44)

L’arme allemande, qui ne dort que tous les deux ou trois jours, fonce travers l’Europe. C’est le fameux Blitzkrieg. Les blinds ne s’arrêtent plus. Alors que les soldats allis doivent sommeiller tour de rôle, le soldat allemand fonce sans prendre de repos, nergis la mthamphtamine.

La Pologne est la première surprise. « […] pourvue de drogue foison, mais prive d’indications posologiques, la Wehrmacht fond sur le voisin polonais qui, lui, n’est pas dop et n’a pas ide de ce qui l’attend. » (p.63)

Trente-cinq millions de doses sont commandes pour l’arme et la Luftwaffe. « La Wehrmacht devient ainsi la première arme au monde tabler sur la drogue chimique […]. Une nouvelle forme de guerre va faire son apparition. » (p.76)

Peter Steinkamp, un historien de la mdecine, affirme que « le Blitzkrieg a t men grâce la mthamphtamine, pour ne pas dire qu’il tait fond sur l’usage de la mthamphtamine » (p.85)

Les officiers allemands n’obissent plus aux ordres, griss par les victoires rapides. « Guderian […] continue son offensive alors qu’il a formellement reçu l’ordre de faire halte » (p.86). C’est la même chose pour Rommel, qui n’obit plus aux ordres du gnral Hoth : « Il a perdu tout sens du danger [ce qui est] un symptôme typique d’une consommation excessive de mthamphtamine. Il poursuit son offensive de jour comme de nuit ». (P.88.) Hitler ne contrôle plus les gnraux des divisions blindes qui agissent maintenant de façon autonome.

Dcid reprendre le contrôle sur ses officiers, Hitler prendra alors une dcision qui vacue momentanment toute stratgie militaire. Il ordonne ses troupes de s’arrêter pendant dix jours, alors que celles-ci ont pratiquement termin d’encercler les Allis. Les officiers allemands insistent auprès d’Hitler pour achever la campagne militaire, mais « Hitler veut montrer l’arme de terre que c’est lui et personne d’autre qui mène cette guerre » (p.95). À Dunkerque, « plus de 340,000 soldats français, belges et britanniques s’chappent ainsi par la mer » (p.95).

Endos du livre: L'extase totale par Normand Ohler
Endos du livre: L’extase totale par Normand Ohler

L’auteur cite de nombreux documents de recherche faisant tat des tmoignages de soldats et officiers consommant massivement des produits dopants. Cette consommation excessive est pratique jusqu’aux plus hauts niveaux de la hirarchie militaire. La population civile en consomme galement : « Il ne faut pas bien longtemps pour que le nombre de comprims qui ont atterri dans les estomacs et le sang des Allemands passe la barre des cent millions de doses » (p.114).

Un Hitler quotidiennement dop et au jugement altr commet une autre grave erreur stratgique quant aux combats qui font rage en Russie. Il interdit tout mouvement de repli des troupes allemandes sans son autorisation. La Wehrmacht subit ainsi de lourdes pertes face aux divisions d’lite russes « fraîchement arrives de Sibrie » (p.135).

Une autre erreur stratgique survient en dcembre 1941 alors que l’Allemagne dcide de dclarer la guerre aux Etats-Unis : « [L’Allemagne] est dj puise par les combats qu’elle mène sur les diffrents fronts tandis que le colosse industriel d’outre-Atlantique est, lui, prêt mener bataille » (p.139).

L’entêtement d’Hitler « ne pas vouloir cder un pouce des territoires conquis trouve ici une raison plus profonde : que les chemines fonctionnent le plus longtemps possible l’est, dans les champs d’extermination d’Auschwitz, Treblinka, Sobibor, Chelmno, Majdanek et Belzec. Tenir toutes les positions, jusqu’ ce que tous les Juifs aient t tus. S’loignant toujours un peu plus des lois humaines [Hitler] continue sa guerre contre les faibles » (p.140).

L’auteur poursuit son rcit quant aux autres erreurs de stratgie militaire d’Hitler. Il donne galement des prcisions quant la liaison troite qui lie le Dr Morell et Hitler, de même que des dtails pointus quant aux cocktails de mdicaments consomms quotidiennement par Hitler, dont l’Eucodal, la cocaïne et la morphine. Profitant de son lien troit avec le patient A, le Dr Morell en profite galement pour accroître son influence et sa fortune personnelle.

Le lecteur constate le dclin progressif du Führer et les consquences des dcisions dsespres de ce dernier. Il est tout de même tonnant que dans les biographies d’Hitler cette consommation aussi intensive de drogues et ses consquences soient peine soulignes.

Vers la fin du livre se trouvent des passages importants, particulièrement difficiles, sur certaines expriences effectues sur les prisonniers des camps de concentration.

Le livre « L’extase totale » permet de comprendre de façon diffrente la Seconde Guerre mondiale et la psychologie du peuple allemand cette poque. Il est extrêmement surprenant de constater quel point les drogues chimiques ont jou un rôle primordial avant et pendant ce conflit mondial. Même la comprhension du Blitzkrieg s’en trouve altre.

La technologie de pointe et la stratgie militaire allemande combine l’usage intensif de drogues chimiques par les troupes ont, dans un premier temps, donn un avantage important aux Allemands. Cependant, avec le temps, un manque de contrôle adquat sur ces drogues et une absence volontaire de sensibilisation quant aux effets secondaires de la pervitine et autres mixtures chimiques ont eu des consquences ngatives irrversibles sur un grand nombre de soldats et d’officiers et occasionn de graves erreurs de stratgie militaire. La drape idologique a galement occasionn la perte de millions de vies humaines.

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Titre : L’extase totale – Le Troisième Reich, les Allemands et la drogue
Auteur : Normand Ohler
Editions : La dcouverte
© 2016
ISBN : 978-2-7071-9072-7