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Roman graphique et bandes dessinées

Un tournage en enfer – Au coeur d’Apocalypse Now.

Le roman graphique "Un tournage en enfer - Au coeur d'Apocalypse Now".
Le roman graphique « Un tournage en enfer – Au coeur d’Apocalypse Now ».

Le roman graphique « Un tournage en enfer : au cœur d’Apocalypse Now » nous plonge au centre de la cration du fameux film de Francis Ford Coppola port l’cran en 1979. Comme le signale le ralisateur, « […] nous tions dans la jungle. Nous tions trop nombreux. Nous avions accès trop d’argent et de matriel, et, peu peu, nous sommes tous devenus fous… ».

Cela avait mal commenc. Dès le dbut, le ralisateur ne peut convaincre des acteurs bien connus de s’impliquer dans son film. Tour tour, des comdiens comme Jack Nicholson, Al Pacino, Robert Redford et James Caan refusent de s’associer l’aventure. Coppola poursuit ses recherches et les entrevues.

En tant que lecteurs, nous pntrons sur les lieux de production et recevons les confidences des proches du cinaste. Le tournage commence dans la jungle des Philippines, même si Coppola n’a encore aucune ide du scnario de la fin de son œuvre. Cela le hantera tout au long de la ralisation, lui causant des nuits blanches alors qu’il est dj passablement puis.

Une planche du roman graphique de "Tournage en enfer - Apocalypse Now".
Une planche du roman graphique de « Tournage en enfer – Apocalypse Now ».

Les dpassements de coûts s’enchaînent et la pression des bailleurs de fonds s’accroît toujours davantage sur le metteur en scène. On lui demande de boucler son œuvre cinmatographique au plus tôt, ce qu’il s’avère incapable d’accomplir. Coppola en vient garantir les fonds requis en s’engageant rembourser lui-même la dette si les recettes en salle n’atteignent pas $40 millions de dollars.

De plus, on a tenu pour acquis que le gouvernement amricain fournirait les hlicoptères de combat ncessaires l’action du film. Mais, au lendemain de la guerre du Vietnam, l’intrêt des politiciens amricains pour ce genre de demande diminue. Le ralisateur doit se tourner vers le prsident des Philippines d’alors, Ferdinand Marcos, pour obtenir des hlicos et du personnel, moyennant certaines rtributions et compensations. Mais ces appareils quittent parfois la scène sur ordre de Marcos pour aller chasser les ennemis du rgime. On prend encore du retard…

Une page du roman graphique "Un tournage en enfer".
Une page du roman graphique « Un tournage en enfer ».

On a pens qu’Harvey Keitel serait le comdien idal pour donner la rplique Robert Duvall. De nombreuses squences plus tard, l’vidence apparaît : l’homme ne fait pas le poids pour plusieurs raisons. On court la catastrophe et on doit d’urgence contacter Martin Sheen   et le supplier de remplacer Keitel. On doit reprendre de multiples scènes avec le nouvel acteur, les retards s’accumulent, et donc les frais associs.

Toutes sortes d’autres embûches attendent le ralisateur et son quipe tout au long du tournage, dont la barrière de langue avec les Philippins et une tempête qui dtruit le dcor. L’usage gnralis de drogues et d’alcool par le personnel et les pilotes d’hlicoptères n’aide en rien la situation.

Les moustiques, la chaleur et les exigences constantes de Coppola puisent des acteurs. Martin Sheen tombe gravement malade et on doit employer son frère pour certaines scènes secondaires. Plutôt que de n’utiliser que des figurants pour simuler des morts, un membre du personnel se rend la morgue et revient avec un cadavre. Cela provoque l’arrive des forces policières et on règle le problème avec de gnreuses sommes d’argent.

Bien d’autres facteurs viennent encore retarder la clôture du tournage et en augmenter les coûts. Il faut citer en exemple les exigences de Marlon Brando.  On russit le ramener sur le plateau de tournage pour une journe supplmentaire, condition de dbourser 70 000 $ de plus que prvu.

Le tournage se termine finalement en 1977. L’quipe affrète un avion priv pour transporter 381 kilomètres de pellicule originale vers les Etats-Unis. Le montage du film s’avère cependant un calvaire. On dispose de trop de matriel analyser. En 2001, Coppola prsentera une mouture modifie de sa production originale de 1979. Il livrera enfin en 2019 une dernière version de 182 minutes, Apocalype Now « Final cut » , soit plus de quarante ans après la sortie initiale.

Les recettes rencontreront les esprances du ralisateur et il gagnera finalement son pari. En tout, le film aura gnr $140 millions partir d’un budget total de $30 millions.

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Titre : Un tournage en enfer – Au cœur d’Apocalypse Now

Auteur : Florent Silloray

Editions : Casterman

© Casterman 2023

ISBN : 978-2-203-21653-2

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Romans

Le Livre Microfictions 2018 de Régis Jauffret.

Microfictions 2018 par Rgis Jauffret.
Microfictions 2018 par Rgis Jauffret.

Ce roman Microfictions 2018 de Rgis Jauffret rassemble des centaines de nouvelles faisant toutes environ une page et demie, pour un total de 1024 pages.

Microfictions 2018 a gagn le Goncourt 2018 de la nouvelle.

J’ai achet le livre sur recommandation de la revue « Le Libraire ». Je ne m’attendais cependant pas trouver des nouvelles de ce genre. J’ai persist dans la lecture pour dcouvrir progressivement un auteur hors-normes. Les tournures de phrases, la capacit de synthèse et le vocabulaire mritent vraiment une lecture attentive. Les propos peuvent cependant être drangeants pour certaines personnes.

Les nouvelles sont souvent percutantes et portent entre autres sur : la dtresse, le suicide, la violence conjugale, la maltraitance, les problèmes sexuels, le harcèlement, le vieillissement, la maladie mentale, les carts de richesse, la folie, l’exclusion sociale, etc.

Rgis Jauffret a choisi d’y inclure une bonne dose d’humour noir, et même très noir parfois, pour quilibrer le propos et parfois passer un message.

J’ai choisi quelques citations, travers les 1000 pages de texte, pour donner une ide du style de l’auteur :

 « La rceptionniste m’a tendu la cl avec tellement de haine dans le regard qu’il me semblait la voir suinter au coin des yeux ». P.53

« Je n’en pouvais dj plus de cette soire dont nous tions en train de grimper les premiers kilomètres ». p.58

« À notre poque flaccide, un cadeau doit rveiller son bnficiaire comme une racle ». P.75

« Je n’aimais pas assez les enfants pour rater mon existence cause d’eux ». P.101

« Ma mère n’est pas morte, mais elle a le regard vague depuis son attaque et chaque fois que je la vois je ne peux m’empêcher de fixer longuement ses mollets en me demandant lequel de ses pieds a dj disparu dans la tombe ». P.133

« Il m’est arriv de me demander si je me jetterais un jour corps perdu dans l’existence ». P.180

« Fonder une famille reviendrait jeter mes gamètes dans un utrus comme une paire de ds dans un cornet. Je prfère thsauriser plutôt que de risquer un mauvais placement ». P.180

« […] des militaires traînant des pieds pour mener une guerre mtaphysique contre l’arme d’anges dchus que Lucifer jette sur les vierges afin de capturer leurs hymens dont il nourrit ses enfants qui rissolent de jour comme de nuit sur leur lit chauff blanc dans la maison flambante où il vit en bourgeois dans la haine du Christ ». P.185

« Nous l’avions envoy en colonie de vacances. Par prudence nous avions choisi un organisme laïc. Il n’en avait pas moins t abus par un moniteur et il nous tait revenu libidineux comme une chatte en chaleur, se dandinant, se frottant aux meubles, s’enroulant autour des jambes des invits en minaudant ». P.197

« Les filles ont accept d’appeler maman la mère de substitution dont je me suis amourach pour tirer avec moi la charrette du quotidien ». P.208

« À huit ans il sait dj compter jusqu’ l’infini. Je dois l’obliger reprendre son souffle sinon il s’touffera en essayant d’atteindre en apne le dernier des nombres ». P.213

« Non, je ne critique pas nos enfants. Ils sont polis, polyglottes, ouverts aux nouvelles technologies. Nous les avons si bien levs qu’ils sont ennuyeux comme des caniches de concours ». P.238

« Il ne me pardonnera jamais de l’avoir surpris emboît dans un jeune homme ». P.253

« La transplantation sera ralise par un robot assez intelligent pour se contenter d’un dficient mental en fait de chef de service ». P.283

« Il a su autrefois lire et crire son nom, mais par paresse il prfère prsent laisser son empreinte ADN en crachant sur les documents administratifs plutôt que de les signer ». P.345

« J’ai plus honte de toi encore que de mes hmorroïdes. Du reste avec ton mari et tes gosses vous leur ressemblez comme deux gouttes d’eau. La diffrence c’est que vous n’êtes pas oprables et qu’on ne peut pas davantage adopter un trou-du-cul que l’abandonner au bord d’une autoroute comme un chien dont on ne veut pas s’encombrer pendant les vacances. Je regretterai toujours de ne pas t’avoir porte dès ta naissance aux enfants trouvs. Tu aurais fait le malheur d’une autre pendant que j’aurais lev Laurent avec autant de fiert que Marie a torch Jsus. » p.364

« Elle est rapparue scintillante de haine » p.439

« Le ciel rose pommel de nuages ressemblait une photo de maladie de peau. » p.451

« Nos filles sont maintenant adultes, intelligentes, resplendissantes, exasprantes de perfection ». p. 453

« Elle avait des parents catholiques aux yeux noirs et durs comme les clous de la croix du Christ ». P.455

« Même si vous avez tous les deux plus de quatre-vingts ans, ce n’est pas une raison pour refuser d’voluer ». p.471

« Un garçon aussi terne que notre Carole avec son intelligence basique sans aucun accessoire ni enjoliveur ni option d’aucune sorte. Ils auraient form un couple insipide qui aurait mis au monde des êtres appartenant comme eux la grosse cavalerie de l’humanit. » P.482

« Celui qui survivra l’autre dcdera en essayant d’attraper la main tiède de l’infirmière affame qui se drobera pour aller terminer sa barquette de hachis Parmentier la cantine » p.487

« […] cet endroit où j’ai effectu mon enfance avec autant de joie qu’une peine de prison. » p.515

« Quand vous êtes n dans un sale tat, si vous voulez jouer les Romo vous avez intrêt être un gnie du piano ou un cerveau assez hypertrophi pour dcouvrir chaque matin un nouveau cousin au boson de Higgs ». P.524

« Son corps dcapit tait rest devant le comptoir des hors-d’œuvre ». p.560

« Elle se ressemblait, même si son visage froiss aurait mrit un coup de fer. » p.576

 « La terre est un lieu de passage, une rue, un boulevard, une place publique dont on a depuis longtemps arrach les bancs et lubrifi le bitume afin d’assurer aux humains une meilleure glisse vers le crmatorium ». P.591

« Je portais un appareil d’orthodontie pos l’œil par une organisation de dentistes chrtiens qui donnait mon sourire des airs de clôture lectrifie ». P.609

« La solitude fait un bruit de frigo qui se dclenche rgulièrement toutes les vingt minutes […] » P.655

 « N de parents communistes assez cruels pour aller chaque anne en pèlerinage sur les lieux des anciens goulags, assez cons pour se suicider en 2007 le jour anniversaire de la mort de Staline […] » P.671

« Je suis entre dans la police par goût de la rpression » P.683

« Ta voix tait indcrottable. Un larynx aussi encombr qu’un intestin grêle dont aucun phoniatre ne viendrait jamais bout. Nous qui esprions faire de toi un artiste lyrique pour dissimuler ta mdiocrit intellectuelle derrière les contre-ut et les trilles ». P.715

« À dix-sept ans notre aîn a rvolutionn le monde des mathmatiques en inventant un onzième chiffre […] » p.722

 « Je vais entamer bientôt des pourparlers avec mon dcès. Il a beau faire preuve de la plus grande discrtion, comme tout le monde il est avide d’exister. » P.832

« Encore sa manie vgtarienne de servir de la laitue fatigue mêle de tomates molles, d’œufs durs au goût de vomi avec une guirlande lumineuse qui clignote au fond du plat pour donner un air de fête ce fatras ». P.840

« J’ai suivi l’enterrement de mon père la fosse commune avec les gens du village sous l’objectif d’une chaîne de tlvision locale l’quipe nonchalante qui semblait accompagner le cortège par dsœuvrement. » P.850

« La gomtrie ne peut pas servir continuellement d’excuse un enseignant pour humilier un être humain ». p.893

« On peut avoir une opinion diffrente sans organiser une fatwa contre les lèves qui comme moi se rebellent contre sa conception fondamentaliste des maths ». P.893

« Elle a intgr dès la semaine suivante un pensionnat clos de murs dans le Vercors pour mditer sur les vertus de l’abngation dont ont fait preuve son arrière-grand-père et bien d’autres antismites chrtiens au nom de la haine du Boche en s’engageant dans la rsistance au mpris de leurs convictions raciales ». P. 901

« Les habitants d’un endroit pareil ne valent pas plus cher que son climat. Dans le coin aucune famille sans son meurtrier, son voleur, son auteur de crime sexuel dont chaque rveillon un pervers oncle saoul raconte avec envie la carrière » p.959

« Elle allait rater sa licence, un diplôme certes mdiocre, mais qui lui manquerait le jour où elle serait en panne de papier de toilette ». P.965

« Quand je suis enfin couch je me dis que j’aurais mieux fait de naître sous forme de foule pour n’être pas seul supporter ma vie navrante ». P976

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Voil! Bonne lecture!

https://www.lepoint.fr/livres/regis-jauffret-l-acte-sexuel-est-devenu-une-performance-14-01-2018-2186484_37.php

https://www.ledevoir.com/lire/522252/regis-jauffret-et-ses-500-fragments-de-vie-et-d-insanite

http://www.gallimard.fr/Media/Gallimard/Entretien-ecrit/Entretien.-Regis-Jauffret.-Microfictions-2018

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Sujets controversés

L’extase totale — Le Troisième Reich, les Allemands et la drogue

L’auteur est un journaliste et documentariste allemand qui a travaill pour Stern et Der Spiegel. Il est galement l’auteur de quatre autres livres. Le titre original de son livre crit en allemand est : « Der totale Rausch. Drogen im Dritten Reich ».

La recherche effectue pour ce livre dmontre que durant les annes prcdant la Seconde Guerre mondiale, la population allemande utilisait rgulièrement des drogues pour supporter plus facilement la dfaite de la Première Guerre mondiale. La consommation de narcotiques tait banalise. Il fallait changer les habitudes de la population.

Couverture du livre "L'extase totale" par Normand Ohler
Couverture du livre « L’extase totale » par Normand Ohler

Hitler est alors prsent comme « un modèle de vie pure tous gards […], l’ascète, l’ennemi des drogues qui fait fi de ses propres besoins » (p.25). Mais s’il y a quelqu’un en Allemagne qui en vient utiliser rgulièrement des drogues et a même accès son fournisseur personnel, en l’occurrence le fameux docteur Morell, c’est bien Hitler.

Dans les documents prsents par l’auteur, Hitler est aussi dcrit comme le Patient A. « Hitler s’habitue aux piqûres rptition ainsi qu’ ces mystrieuses substances qui coulent dans ses veines pour soi-disant le revigorer ». (P.37.)

En 1937, les usines Temmler crent la première mthylamphtamine allemande, appele aussi pervitine. L’utilisation gnralise se rpand dans la population allemande de même que dans l’arme. La pervitine, c’est le coup de fouet artificiel qui dure plus de douze heures. C’est le remède artificiel qui « règle les problèmes » et qui tient aussi en veil le soldat allemand pendant plusieurs jours d’affile. « En consommer devient aussitôt aussi naturel que de prendre une tasse de caf » (p.44)

L’arme allemande, qui ne dort que tous les deux ou trois jours, fonce travers l’Europe. C’est le fameux Blitzkrieg. Les blinds ne s’arrêtent plus. Alors que les soldats allis doivent sommeiller tour de rôle, le soldat allemand fonce sans prendre de repos, nergis la mthamphtamine.

La Pologne est la première surprise. « […] pourvue de drogue foison, mais prive d’indications posologiques, la Wehrmacht fond sur le voisin polonais qui, lui, n’est pas dop et n’a pas ide de ce qui l’attend. » (p.63)

Trente-cinq millions de doses sont commandes pour l’arme et la Luftwaffe. « La Wehrmacht devient ainsi la première arme au monde tabler sur la drogue chimique […]. Une nouvelle forme de guerre va faire son apparition. » (p.76)

Peter Steinkamp, un historien de la mdecine, affirme que « le Blitzkrieg a t men grâce la mthamphtamine, pour ne pas dire qu’il tait fond sur l’usage de la mthamphtamine » (p.85)

Les officiers allemands n’obissent plus aux ordres, griss par les victoires rapides. « Guderian […] continue son offensive alors qu’il a formellement reçu l’ordre de faire halte » (p.86). C’est la même chose pour Rommel, qui n’obit plus aux ordres du gnral Hoth : « Il a perdu tout sens du danger [ce qui est] un symptôme typique d’une consommation excessive de mthamphtamine. Il poursuit son offensive de jour comme de nuit ». (P.88.) Hitler ne contrôle plus les gnraux des divisions blindes qui agissent maintenant de façon autonome.

Dcid reprendre le contrôle sur ses officiers, Hitler prendra alors une dcision qui vacue momentanment toute stratgie militaire. Il ordonne ses troupes de s’arrêter pendant dix jours, alors que celles-ci ont pratiquement termin d’encercler les Allis. Les officiers allemands insistent auprès d’Hitler pour achever la campagne militaire, mais « Hitler veut montrer l’arme de terre que c’est lui et personne d’autre qui mène cette guerre » (p.95). À Dunkerque, « plus de 340,000 soldats français, belges et britanniques s’chappent ainsi par la mer » (p.95).

Endos du livre: L'extase totale par Normand Ohler
Endos du livre: L’extase totale par Normand Ohler

L’auteur cite de nombreux documents de recherche faisant tat des tmoignages de soldats et officiers consommant massivement des produits dopants. Cette consommation excessive est pratique jusqu’aux plus hauts niveaux de la hirarchie militaire. La population civile en consomme galement : « Il ne faut pas bien longtemps pour que le nombre de comprims qui ont atterri dans les estomacs et le sang des Allemands passe la barre des cent millions de doses » (p.114).

Un Hitler quotidiennement dop et au jugement altr commet une autre grave erreur stratgique quant aux combats qui font rage en Russie. Il interdit tout mouvement de repli des troupes allemandes sans son autorisation. La Wehrmacht subit ainsi de lourdes pertes face aux divisions d’lite russes « fraîchement arrives de Sibrie » (p.135).

Une autre erreur stratgique survient en dcembre 1941 alors que l’Allemagne dcide de dclarer la guerre aux Etats-Unis : « [L’Allemagne] est dj puise par les combats qu’elle mène sur les diffrents fronts tandis que le colosse industriel d’outre-Atlantique est, lui, prêt mener bataille » (p.139).

L’entêtement d’Hitler « ne pas vouloir cder un pouce des territoires conquis trouve ici une raison plus profonde : que les chemines fonctionnent le plus longtemps possible l’est, dans les champs d’extermination d’Auschwitz, Treblinka, Sobibor, Chelmno, Majdanek et Belzec. Tenir toutes les positions, jusqu’ ce que tous les Juifs aient t tus. S’loignant toujours un peu plus des lois humaines [Hitler] continue sa guerre contre les faibles » (p.140).

L’auteur poursuit son rcit quant aux autres erreurs de stratgie militaire d’Hitler. Il donne galement des prcisions quant la liaison troite qui lie le Dr Morell et Hitler, de même que des dtails pointus quant aux cocktails de mdicaments consomms quotidiennement par Hitler, dont l’Eucodal, la cocaïne et la morphine. Profitant de son lien troit avec le patient A, le Dr Morell en profite galement pour accroître son influence et sa fortune personnelle.

Le lecteur constate le dclin progressif du Führer et les consquences des dcisions dsespres de ce dernier. Il est tout de même tonnant que dans les biographies d’Hitler cette consommation aussi intensive de drogues et ses consquences soient peine soulignes.

Vers la fin du livre se trouvent des passages importants, particulièrement difficiles, sur certaines expriences effectues sur les prisonniers des camps de concentration.

Le livre « L’extase totale » permet de comprendre de façon diffrente la Seconde Guerre mondiale et la psychologie du peuple allemand cette poque. Il est extrêmement surprenant de constater quel point les drogues chimiques ont jou un rôle primordial avant et pendant ce conflit mondial. Même la comprhension du Blitzkrieg s’en trouve altre.

La technologie de pointe et la stratgie militaire allemande combine l’usage intensif de drogues chimiques par les troupes ont, dans un premier temps, donn un avantage important aux Allemands. Cependant, avec le temps, un manque de contrôle adquat sur ces drogues et une absence volontaire de sensibilisation quant aux effets secondaires de la pervitine et autres mixtures chimiques ont eu des consquences ngatives irrversibles sur un grand nombre de soldats et d’officiers et occasionn de graves erreurs de stratgie militaire. La drape idologique a galement occasionn la perte de millions de vies humaines.

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Titre : L’extase totale – Le Troisième Reich, les Allemands et la drogue
Auteur : Normand Ohler
Editions : La dcouverte
© 2016
ISBN : 978-2-7071-9072-7

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Comportement humain

Comportement humain: le livre « The Psychopath Test »

« The Psychopath Test » est un livre très intressant pour ceux qui veulent dmystifier ce qui se cache derrière le terme « psychopathe » ou « sociopathe ». L’auteur s’intresse galement aux approximations et drives lorsqu’il s’agit de diagnostiquer une maladie mentale chez un individu. Et, malgr le sujet très srieux, le tout est crit avec une pointe d’humour et de drision, l’auteur revenant souvent sur ses inscurits et nvroses.

Le thème de la psychopathie est celui qui porte le livre, mais les sujets traits couvrent un spectre assez large et sont tous intressants, sinon surprenants. De nombreux cas ayant t passablement mdiatiss sont rappels la mmoire, mais avec de nouveaux dtails permettant de mieux saisir le fond de chaque histoire.

Couverture du livre "The Psychopath Test" de Jon Ronson
Couverture du livre « The Psychopath Test » de Jon Ronson

Les erreurs de diagnostic

Le lecteur apprend avec tonnement combien il est facile de faire des erreurs dans le diagnostic d’une maladie mentale. De même, il y a plusieurs maladies mentales qui peuvent être attribues des individus aussitôt que leur comportement n’est pas considr comme tout fait standard. Comme ce qui est standard et acceptable varie au courant des annes et travers les diffrentes socits, il est alors vident que beaucoup de mauvais diagnostics sont poss.

Il est particulièrement dsolant de constater que des maladies mentales sont attribues de jeunes enfants alors que vritablement les symptômes de ces maladies sont connus pour ne devenir apparents qu’ l’adolescence ou l’âge adulte.

Feindre la folie pour viter une peine de prison n’est pas ncessairement avis…

L’auteur montre qu’une interprtation personnelle assez large, par les diffrents « spcialistes », des critères de vrification portant sur beaucoup de maladies mentales est susceptible d’envoyer un individu dans un institut psychiatrique où il sera lourdement mdicament pour une longue priode.

Une histoire particulièrement intressante est celle d’un homme qui a feint la folie après un crime violent pour viter d’être envoy en prison, pensant qu’il serait plac dans une institution psychiatrique où la vie est relativement agrable. On l’a plutôt laiss plus d’une dcennie l’hôpital psychiatrique de Broadmoor en Angleterre, un endroit où sont emprisonns les tueurs en srie et les pdophiles. La liste de Robert Hare, servant dterminer si une personne est psychopathe, lui a jou un bien mauvais tour puisque les « spcialistes » ont considr qu’il rencontrait la plupart des critères. Il a ensuite fallu qu’il se dbatte pendant des annes pour prouver qu’il tait victime d’erreurs d’interprtation…

Des sances de psychothrapies passablement bizarres

L’auteur survole galement quelques-uns des essais les plus bizarres pour tenter de gurir des patients, des expriences qui taient voues l’chec avant même de commencer. Par exemple, le lecteur prend connaissance de sances de psychothrapies où tous les patients taient nus et sous l’influence du LSD. Il y a galement eu des essais pour que ce soient les criminels qui tentent de se soigner entre eux : un voleur d’auto fut ainsi attach un meurtrier en srie qui avait tu trois enfants Toronto…

L’effet ngatif des psychopathes hautement placs dans la socit

L’auteur tente de vrifier, en se servant de la liste de Robert Hare, s’il est vrai que ce sont les psychopathes qui dirigent le monde. Il avoue son insuccès partiel catgoriser tous les dirigeants de la même façon. Cela semble bien raisonnable puisqu’il y aurait environ 1 % des gens qui sont psychopathes dans la socit et que cette proportion augmenterait 3 % chez les dirigeants de compagnie ou les politiciens. De 3 % 100 %, la barre tait place bien haut dès le dbut du livre.

L’auteur cite une de ses sources, Essi Viding, qui tudie les psychopathes : [ma traduction] « Les psychopathes ne changent pas. Ils n’apprennent pas suite une punition. Le mieux que vous pouvez esprer est qu’ils deviennent un jour trop âgs ou trop paresseux pour faire l’effort de commettre un acte criminel. Et ils peuvent être impressionnants, charismatiques. Les gens sont merveills. Donc, oui, les vrais problèmes commencent lorsqu’un de ces psychopathes russit monter dans l’chelle sociale. » (p.60)

Les psychopathes actifs sur les marchs boursiers peuvent être aussi dangereux que les psychopathes tueurs en srie. Comme le dit Robert Hare : « Les tueurs en srie dtruisent les familles. Les psychopathes corporatifs, politiques ou religieux dtruisent les conomies. Ils dtruisent les socits » (p.112)

Quatrième de couverture du livre de Jon Ronson "The Psychopath Test"
Quatrième de couverture du livre de Jon Ronson « The Psychopath Test »

Les vingt critères de la liste PCL-R de Robert Hare servant tablir si une personne est psychopathe

Voici donc, très sommairement, une numration des points de la liste de Robert Hare. Si une personne obtient environ 30 points sur 40, elle est considre comme psychopathe :

1. Charme superficiel
2. Sentiment dmesur de sa propre importance
3. Besoin de stimulation/s’ennuie facilement
4. Menteur pathologique
5. Manipulateur
6. Ne se sent pas coupable/n’a pas de remords
7. Incapacit de vivre une gamme d’motions
8. Impitoyable/insensible/manque d’empathie
9. Mode de vie parasitaire
10. Peu de contrôle sur son comportement
11. Comportement sexuel banalis
12. Problèmes de comportement dès le jeune âge
13. Manque de ralisme quant ses projets long terme
14. Impulsivit
15. Irresponsable
16. N’accepte pas de prendre la responsabilit pour ses propres actions
17. Plusieurs relations de couple de courte dure
18. Dlinquance juvnile
19. Rvocation d’une libration conditionnelle
20. Eventail assez large des crimes commis

Les vingt critères de la liste PCL-R appliqus au candidat du Parti rpublicain Donald Trump lors des lections prsidentielles amricaines de 2016

Au moment où je lis le livre « The Psychopath Test », la tlvision amricaine nous rapporte quotidiennement les faits et gestes de certains grands noms de la politique amricaine, tous en comptition pour prendre la tête du Parti rpublicain pour les lections prsidentielles amricaines de 2016. J’entends tous les jours les journalistes se plaindre du comportement (point 10) et des paroles irresponsables (point 15) d’un des candidats en vue, Donald Trump.

Plusieurs dclarations du prtendant s’avèrent mensongères lorsque vrifies (point 4). Je constate rgulièrement son impulsivit devant les imprvus ou les contradictions (point 14). Son populisme, qui propose des rponses simples des questions complexes, aide dans la manipulation du vote des lecteurs amricains. (point 5).

De même, il refuse d’accepter la responsabilit pour ses actions et propos (point 16), ne semble pas avoir de remords, d’où sa très grande difficult s’excuser clairement (point 6). Selon l’avis des analystes politiques les plus connus et respects, il y a un manque de ralisme dans la plupart des projets qu’il mettrait de l’avant s’il tait lu comme Prsident amricain (point 13).

De plus, son manque d’empathie l’endroit de millions de citoyens des Etats-Unis fait rgulièrement les manchettes (point 8). Il parle parfois de lui-même la troisième personne, en mettant continuellement de l’avant sa propre importance (point 2). Je laisse au lecteur le soin de faire une recherche sur les autres points manquants.

CNN a cependant pris le temps en septembre 2016 de mentionner des dtails sur la vie personnelle de M. Trump et si l’on se fie leur reportage,  il conviendrait d’ajouter les points 11 et 17.  Mais n’ayant aucune comptence en psychanalyse, je ne me suis servi de la liste de Robert Hare que comme divertissement et aucune conclusion avise ne saurait être tire ici.

Le psychopathe Emmanuel (Toto) Constant et Haïti

Parlant de politique amricaine, le lecteur prend connaissance des effets qu’a eus Emmanuel (Toto) Constant sur Haïti. Il s’agit d’un meurtrier de masse, psychopathe, qui travaillait pour la CIA Haïti. Il fut immdiatement relâch de prison lorsqu’il menaça de divulguer des secrets sur la politique extrieure amricaine Haïti. Emmanuel Constant « modifia profondment la socit haïtienne pendant trois ans, la faisant basculer dans la mauvaise direction, dtruisant au passage des milliers de vies et affectant des centaines de milliers d’autres ». (p.129)

Tl-ralit et maladies mentales tries sur le volet

L’auteur discute galement des programmes de tl-ralit où les invits s’affrontent de façon agressive, verbalement et même physiquement. Une personne interroge et responsable de monter chaque mission lui confie que les invits sont choisis en fonction des drogues qu’ils consomment pour stabiliser leur maladie mentale. Cela ne se fait pas sans erreurs et il mentionne le cas d’un membre d’une famille qui s’est suicid tellement elle se sentait coupable de la façon dont elle s’tait comporte en prparation pour le programme de tlvision.

Êtes-vous psychopathe?

Êtes-vous psychopathe? « Si vous commencez craindre que vous puissiez être psychopathe, si vous reconnaissez certains des traits en vous et que vous ressentez une certaine anxit ce sujet, cela signifie que vous n’en êtes pas un. » (p.114). Le psychopathe n’a pas d’motions face sa situation : cela ne le rend pas triste, il ne se pose pas de questions quant sa condition pas plus qu’il n’est heureux d’être classifi en tant que psychopathe.

Les intrêts financiers des grandes compagnies pharmaceutiques

Evidemment, de gros intrêts financiers sont en jeu lorsqu’il s’agit de prescrire des mdicaments pour les millions de patients susceptibles de se retrouver un jour avec un diagnostic de maladie mentale : le rôle des compagnies pharmaceutiques et la pression qu’elles exercent sont donc soulevs avec justesse dans le livre. « Il y a videmment beaucoup de personnes vraiment malades dans ce monde. Mais il y aussi des individus dans l’entre-deux qui sont faussement surdiagnostiqus avec des maladies relies la folie par des gens qui bnficient de ce faux diagnostic. » (p.267)

Mes rserves

À quelques reprises, l’auteur m’a surpris avec un raisonnement assez sommaire. Par exemple, il s’tonne du fait que les blogueurs crivent alors qu’ils ne sont pas pays. Il faudrait donc que tout acte de cration dans la socit soit essentiellement rmunr, sinon il ne ferait aucun sens? À un autre endroit où la discussion porte sur les vènements du 11 septembre 2001, l’auteur crit [je garde le texte en anglais pour plus de fidlit] : « 9/11 obviously wasn’t an inside job ». Le terme « obviously » remplace ici un travail de recherche consquent et ne tient pas compte du fait que la moiti du peuple amricain a des questions restes sans rponses sur ce sujet.

Conclusion

En guise de conclusion, voici un passage du livre qui, je crois, rsume le mieux la pense de l’auteur : « Il n’y a pas d’vidence que nous avons t placs sur cette terre dans le but d’être spcialement heureux ou spcialement normaux. Et, en fait, notre mcontentement ou notre tranget, nos anxits et compulsions, tous ces aspects remarquables de notre personnalit, sont souvent ce qui nous amène accomplir des choses particulièrement intressantes » (p.271)

Titre : The Psychopath Test
Auteur : Jon Ronson
Editions : First Riverhead
©2012
ISBN : 978-1-59448-575-6

Catégories
Histoires vécues comme spécialiste en information de vol (FSS): Inukjuak FSS

Acquisition d’une sculpture Inuite à Inukjuak en 1982

(Histoire prcdente : Inukjuak : dernier espoir pour un Twin Otter bas en carburant)

Occasionnellement, un sculpteur Inuit visitait la station d’information de vol (FSS) de Transports Canada Inukjuak (CYPH), de même que les bâtiments environnants pour tenter de vendre sa dernière cration. Le problème principal est que ces visites taient interdites par la cooprative des travailleurs dont font partie les sculpteurs. S’il se faisait prendre vendre sans passer par un intermdiaire, il perdait son droit de vendre sa production la cooprative du village. Mais les tentations de passer outre aux règlements en place taient importantes, et ce, pour plusieurs raisons.

Premièrement, certains sculpteurs considraient qu’ils ne recevaient pas suffisamment d’argent de la cooprative pour leur travail, surtout que la plupart connaissaient le prix de vente rel de leur œuvre une fois celle-ci rendue sur les talages des magasins du Sud. Deuxièmement, il y avait des sculpteurs qui avaient un srieux problème d’alcoolisme. Ils ne pouvaient se procurer leur boisson Inukjuak, mais savaient que les Blancs avaient gnralement de l’alcool en leur possession. Ils prenaient alors la chance de vendre leur cration en se dplaçant vers les bâtiments où se trouvaient les Blancs, une fois l’obscurit venue.

Certains Blancs profitaient de cette dpendance l’alcool pour acqurir de très belles pièces en change d’une bouteille. Il y avait et il y a toujours plusieurs problèmes associs avec une telle attitude : premièrement, le Blanc perptue les difficults vcues par les communauts autochtones par rapport l’alcool. Nous connaissons tous les ravages causs par l’alcool et les drogues dans certains villages du nord du Canada et c’est pour cette raison que plusieurs emplacements ont mis en place une interdiction stricte de consommation d’alcool. Aucun magasin n’en vend.

Mais un habitant d’un village nordique sait que le Blanc possède de l’alcool dans sa maison. Des employs sont parfois revenus du travail pour s’apercevoir que leur maison avait t visite par un intrus. Rien n’avait t vol sauf l’alcool, bien que des objets de valeur aient t immdiatement la disposition du voleur. Le problème est que des gestes violents sont commis surtout lorsqu’il y a intoxication. Il importe d’viter d’être un acteur indirect d’un drame potentiel.

Le sculpteur tant l’auteur de sa cration, il a parfaitement le droit de prendre un risque pour tenter d’obtenir un meilleur prix pour son travail en vitant la cooprative. Cependant, cela est un coup de ds : ses tentatives vont lui rapporter plus d’argent jusqu’ ce qu’il se fasse prendre.

Une rare occasion d’acheter une pièce directement d’un sculpteur s’est prsente un soir d’hiver alors que je travaillais la station d’information de vol. Un sculpteur s’est prsent avec une sculpture qu’il a dpose sur le comptoir. Elle semblait être de grande taille, du moins d’après le format de l’emballage. Elle tait protge par une simple couverture et devait bien avoir dix-huit pouces de haut par douze ou quinze pouces de large.

Il m’annonça immdiatement qu’il dsirait des spiritueux et rien d’autre. Je lui rpondis que je ne buvais pas de spiritueux. Il me demanda alors de la bière. J’avais de la bière chez moi, mais refusai de lui dire. Je lui offris alors de l’argent qu’il refusa net : il voulait de l’alcool en ce dbut de week-end. Je refusai de modifier ma ligne de conduite et, quelques secondes plus tard, voyais le sculpteur disparaître avec sa cration, confiant qu’il trouverait rapidement le client recherch.

(Prochaine histoire : allgations concernant le massacre de chiens de traîneaux durant les annes » 50 et « 60)

Pour lire les autres histoires vcues en tant que FSS Inukjuak, cliquez sur le lien suivant: Spcialiste en information de vol (FSS) Inukjuak