Le roman graphique « Un tournage en enfer : au cœur d’Apocalypse Now » nous plonge au centre de la cration du fameux film de Francis Ford Coppola port l’cran en 1979. Comme le signale le ralisateur, « […] nous tions dans la jungle. Nous tions trop nombreux. Nous avions accès trop d’argent et de matriel, et, peu peu, nous sommes tous devenus fous… ».
Cela avait mal commenc. Dès le dbut, le ralisateur ne peut convaincre des acteurs bien connus de s’impliquer dans son film. Tour tour, des comdiens comme Jack Nicholson, Al Pacino, Robert Redford et James Caan refusent de s’associer l’aventure. Coppola poursuit ses recherches et les entrevues.
En tant que lecteurs, nous pntrons sur les lieux de production et recevons les confidences des proches du cinaste. Le tournage commence dans la jungle des Philippines, même si Coppola n’a encore aucune ide du scnario de la fin de son œuvre. Cela le hantera tout au long de la ralisation, lui causant des nuits blanches alors qu’il est dj passablement puis.
Les dpassements de coûts s’enchaînent et la pression des bailleurs de fonds s’accroît toujours davantage sur le metteur en scène. On lui demande de boucler son œuvre cinmatographique au plus tôt, ce qu’il s’avère incapable d’accomplir. Coppola en vient garantir les fonds requis en s’engageant rembourser lui-même la dette si les recettes en salle n’atteignent pas $40 millions de dollars.
De plus, on a tenu pour acquis que le gouvernement amricain fournirait les hlicoptères de combat ncessaires l’action du film. Mais, au lendemain de la guerre du Vietnam, l’intrêt des politiciens amricains pour ce genre de demande diminue. Le ralisateur doit se tourner vers le prsident des Philippines d’alors, Ferdinand Marcos, pour obtenir des hlicos et du personnel, moyennant certaines rtributions et compensations. Mais ces appareils quittent parfois la scène sur ordre de Marcos pour aller chasser les ennemis du rgime. On prend encore du retard…
On a pens qu’Harvey Keitel serait le comdien idal pour donner la rplique Robert Duvall. De nombreuses squences plus tard, l’vidence apparaît : l’homme ne fait pas le poids pour plusieurs raisons. On court la catastrophe et on doit d’urgence contacter Martin Sheen et le supplier de remplacer Keitel. On doit reprendre de multiples scènes avec le nouvel acteur, les retards s’accumulent, et donc les frais associs.
Toutes sortes d’autres embûches attendent le ralisateur et son quipe tout au long du tournage, dont la barrière de langue avec les Philippins et une tempête qui dtruit le dcor. L’usage gnralis de drogues et d’alcool par le personnel et les pilotes d’hlicoptères n’aide en rien la situation.
Les moustiques, la chaleur et les exigences constantes de Coppola puisent des acteurs. Martin Sheen tombe gravement malade et on doit employer son frère pour certaines scènes secondaires. Plutôt que de n’utiliser que des figurants pour simuler des morts, un membre du personnel se rend la morgue et revient avec un cadavre. Cela provoque l’arrive des forces policières et on règle le problème avec de gnreuses sommes d’argent.
Bien d’autres facteurs viennent encore retarder la clôture du tournage et en augmenter les coûts. Il faut citer en exemple les exigences de Marlon Brando. On russit le ramener sur le plateau de tournage pour une journe supplmentaire, condition de dbourser 70 000 $ de plus que prvu.
Le tournage se termine finalement en 1977. L’quipe affrète un avion priv pour transporter 381 kilomètres de pellicule originale vers les Etats-Unis. Le montage du film s’avère cependant un calvaire. On dispose de trop de matriel analyser. En 2001, Coppola prsentera une mouture modifie de sa production originale de 1979. Il livrera enfin en 2019 une dernière version de 182 minutes, Apocalype Now « Final cut » , soit plus de quarante ans après la sortie initiale.
Les recettes rencontreront les esprances du ralisateur et il gagnera finalement son pari. En tout, le film aura gnr $140 millions partir d’un budget total de $30 millions.
Il s’agit d’une nouvelle traduction de l’allemand du livre de Stefan Zweig par la traductrice renomme Françoise Wuilmart. Cette nouvelle traduction tait devenue ncessaire pour plusieurs raisons. D’abord, le traducteur initial du nom de Alzir Hella a fait le travail initial il y a près de soixante ans et il n’avait justement pas de formation de traducteur.
Le rsultat, bien que correct, ne respectait pas complètement l’criture de Stefan Zweig. La traductrice signale que lorsqu’il arrive Zweig d’utiliser quatre adjectifs dans une phrase, Alzir Hella dcide de n’en garder qu’un seul. Quand l’auteur est imprcis dans son criture, M. Hella ajoute une explication. Comme le dit encore Françoise Wuilmart, en s’adressant Alzir Hella : « […] il vous arrive de confondre l’Egypte et la Perse, ou, plus grave dans un rcit de navigation, l’est et l’ouest. Enfin, Zweig clôture souvent un paragraphe ou un chapitre par une considration philosophique ou par un lan lyrique qui se rpand sur plusieurs lignes. Vous les vacuez purement et simplement, et j’ai l’impression que vous n’y voyez que d’inutiles fariboles qui ralentissent le flux de la narration. » (p.9)
Selon Françoise Wuilmart, le Zweig de Alzir Hella est « un journaliste viril la voix autoritaire ». Elle prfère rendre l’auteur sa grande sensibilit et en profite pour adapter la traduction notre poque.
Le rsultat du travail de Françoise Wuilmart est vraiment superbe. C’est un livre qu’on ne veut pas fermer tant il est intressant. Zweig donne un vritable cours d’histoire et sait comment conserver notre attention chaque page. Le lecteur navigue sur les mers avec l’quipage, vit les privations, les angoisses, les magouilles, les erreurs et les succès et, en permanence, la lutte pour la survie : « Quant aux biscuits qui sont, avec les poissons qu’ils attrapent, leur seule pitance, ils se sont transforms depuis belle lurette en une poudre grise et sale où pullulent les vers, de surcroît empeste par les excrments des rats qui, devenus fous eux-mêmes, se ruent sur les quelques misrables miettes parses […] ». (p.250)
Les considrations philosophiques ajoutes par Zweig ajoutent encore la profondeur du texte et en font plus qu’un rcit de voyage. Je cite en exemple certains des propos de Zweig qui s’appliquent bien d’autres situations qu’au premier tour du monde effectu par le Portugais Magellan :
« La prsence d’esprit et l’nergie d’une figure de second plan dcident souvent du cours de l’histoire. » (p.55)
« L’histoire n’a jamais vu une seule grande victoire rassasier un vainqueur. » (p.66)
« Une vrit suprême peut toujours naître de l’erreur la plus grossière dès lors qu’un gnie ou le hasard s’en mêlent. Dans le domaine scientifique, des centaines et des milliers d’inventions importantes sont le fruit d’hypothèses errones. » (p.99)
« Dans la mmoire des grands exploits, le monde prfère toujours se focaliser sur les instants dramatiques ou pittoresques qui synthtisent les hauts faits du hros : Csar traversant le Rubicon, Napolon au pont d’Arcole. L’effet pervers en sera que les annes prparatoires, la lente gestation spirituelle, la patiente progression de l’organisation d’un fait historique, demeurent dans l’ombre. » (p.125)
« C’est la somme de tous les obstacles surmonts qui donne la mesure vritable, exacte de l’exploit et de l’humain qui l’a accompli. » (p.128)
« On sait d’exprience que le nationalisme est une corde que la main la plus maladroite sait faire vibrer sans trop de peine quand il le faut. » (p.132)
« Il est toujours plus facile d’exciter les masses, et même tout un peuple, que de les apaiser. » (p.133)
« C’est son comportement dans les moments dcisifs que l’on reconnaît le mieux le caractère d’un homme et c’est l’heure du danger que sa force et ses facults caches se manifestent. » (p.173)
« […] Après une victoire totale, les dictateurs ont moins de peine reconnaître leurs droits d’autres humains, et après avoir assur leur pouvoir, il leur est plus facile de leur laisser la parole. » (p.234)
« Le monde ne rcompense jamais que le dernier de la srie, celui qui a la chance d’achever une œuvre, et oublie tous ceux qui l’ont conçue et permise avec leur esprit et leur sang. » (p.331)
« Magellan a prouv tout jamais qu’une ide anime par le gnie et rsolument porte par la passion s’avère plus forte que tous les lments runis, et qu’un seul homme, malgr son passage phmère sur terre, est toujours capable de transformer en ralit et en vrit imprissable ce qui n’tait qu’une utopie pour des centaines de gnrations. » (p.340)