Le roman « Que notre joie demeure » de Kevin Lambert a suscit de la grogne au moment de sa parution. Alors qu’il rdigeait son bouquin, l’auteur aurait consult des personnes pour s’assurer qu’elles ne se sentiraient pas blesses par les propos du livre. Certains y ont vu un dsir d’être politiquement correct envers les divers groupes d’intrêt reprsents dans l’histoire.
Une fois la crise passe et les critiques adresses, je dois souligner l’excellence de la trame et l’habilet avec laquelle l’crivain nous transporte dans les salons de la grande bourgeoisie. Le roman a d’ailleurs obtenu le prix Mdicis 2023.
À travers les fenêtres ouvertes d’une luxueuse proprit de Montral, nous pntrons en courant d’air dans l’univers des gens aiss et devenons tmoins des attitudes, conversations et intrigues ayant cours tout au long de cette soire mondaine où une architecte de renom tient le rôle principal.
Nous participons la vie et l’histoire de cette femme clèbre qui planifie la construction d’un immense bâtiment dans un secteur moins nanti de Montral. D’où vient-elle et comment a-t-elle acquis ses lettres de noblesse ? Comment une personne du sexe fminin est-elle considre dans le milieu architectural et quelles embûches doit-elle encore affronter pour prserver sa rputation dans un environnement où le genre masculin prdomine largement ?
Le rcit se veut une prsentation habile des contraintes auxquelles doivent faire face les crateurs au Qubec et spcialement Montral lorsqu’il s’agit d’architecture. La nouvelle construction empiètera sur des espaces adopts de longue date par les moins nantis. Quel rôle joue l’information et comment les groupes de pression s’organisent-ils pour tenter de contrecarrer le projet en cours ? Quels sont les excès auxquels on doit s’attendre?
Le personnage principal traverse une tempête mdiatique un moment de sa vie où elle s’approche d’une retraite bien mrite. Comment considère t’elle sa contribution et de quelle façon s’ajuste-t-elle, si elle s’ajuste ?
L’auteur conserve notre intrêt du dbut la fin et adopte un style littraire favorisant l’immersion. Il utilise galement le genre fminin lorsque possible.
Bonne lecture !
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Pour avoir crit ce livre sur l’affaire du Sofitel impliquant Dominique Strauss-Kahn(qui n’est jamais nomm explicitement dans le roman), Rgis Jauffret et la maison d’dition du Seuil ont t poursuivis en diffamation et condamns par un tribunal français. Ils sont alls en appel et ont de nouveau perdu. La Ballade de Rikers Island n’en reste pas moins très bien crit, dans un style qui est assez unique. Ceci dit, il me semble que le livre aurait pu être abrg sans nuire au propos.
Pour ceux qui l’ignoreraient, Rikers Island est une prison aux Etats-Unis où Dominique Strauss-Kahn (DSK) a fait un sjour immdiatement après une histoire d’agression sexuelle qui aurait impliqu le dfendeur et une prpose aux chambres, Nafissatou Diallo, de l’hôtel Sofitel de New York.
Voici quelques citations qui donnent une ide du style littraire de l’auteur, un style où l’humour, parfois assez noir, est souvent prsent. Pour ce qui est des extraits les plus durs en ligne avec le propos immdiat du livre, je me suis gard une petite gêne dans ma slection, mais vous pouvez toujours trouver le livre en format poche dans de multiples librairies. Voici cependant quelques extraits (sauf le dernier) qui ne devraient pas trop froisser les âmes sensibles.
« [Dans la cellule] … un petit lavabo où une main ne pourrait pas prendre un bain » p.79
« [Sur la table] … un peigne minuscule bon coiffer le dernier toupet d’un chauve » p.79
« Elle s’en va. J’ouvre l’ordinateur, j’cris une minuscule histoire de Parisien perdu dans le mtro. Dimitri frappe la porte tandis que le malheureux tombe du quai ». p.168
« Il faisait confiance l’Amrique, une dmocratie où le doute profite toujours l’accus condition de n’avoir pas un profil d’islamiste bon être tortur Guantanamo ». p.183
« Après avoir braill avec les hyènes, nos journalistes vont rentrer dans le rang. Quand ils seront revenus de meilleurs sentiments, nous les inviterons djeuner. On profitera de leur bouche ouverte pour leur enfoncer notre part de vrit grosses bouches ». p.262
« Une cohorte de prisonniers tire au cordeau. Il se trouvait toujours un toxicomane rendu fou par le manque prêt vous gorger pour canaliser son trop-plein d’nergie ». p.313
Au sujet des journalistes : « Un bloc indiffrent aux folliculaires agglutins tout autour, porcelets charmeurs toujours rclamant confidences, impressions, prêts leur servir leurs parents dbits en amuse-gueule pour une bribe d’interview ». p.318
« Un blanc-bec qui son costume noir donnait un air de singe habill a bredouill une muflerie ». p. 324
« Il ne se sentait aucune affinit avec la population de ce siècle qui acceptait le collier, le harnais, les coups de cravache de la socit contre la promesse de pouvoir lcher ses plaies dans le camp de vacances des retraits. La retraite, cette religion, cet opium des besogneux, cet au-del pour les damns de la Terre du monde du travail, incapables de rclamer le bonheur du jour ». p.337
« L’avenir est une œuvre d’art, chaque journe une autre toile blanche. La jubilation de ne rien savoir du lendemain. Les petits bonheurs embusqus dans les replis des annes en attente dans les coulisses ». p.392
« Elle le sème en traversant un groupe de mormons venus du Wyoming serrs les uns contre les autres par peur du malin qui hante les sous-sols des mtropoles fornicatrices ». p.398
« Il s’en irait, pauvre hère trouvant refuge auprès d’une bergère dont il mangerait la soupe, tarauderait les creux, maltraiterait les bosses, attendant la nuit pour courir l’table profaner le troupeau afin de se donner le frisson de l’adultère ». p.90
Pour obtenir davantage d’informations sur le dossier Jauffret/Strauss-Kahn, les documents suivants sont utiles :
ISBN : 978-2-02-109759-7 (pour le grand format). Mais je sais que ce format est difficile obtenir aujourd’hui. Cependant, le format poche est toujours en vente dans les librairies.
Je traduis les propos de l’auteur au meilleur de ma connaissance, pour ceux qui ont de la difficult avec la langue anglaise.
Comme l’auteur Herb Boyd l’crit, « c’est le premier livre considrer le Dtroit noir partir d’une perspective historique » (p.14). Si vous recherchez une personne de race noire qui a influenc l’histoire de Dtroit, elle se trouve dans le livre.
L’auteur couvre l’arrive des Noirs Dtroit via le « Chemin de fer clandestin», le type de travail qu’ils pouvaient trouver, la musique qu’ils ont cre, le besoin d’avoir leur propre glise pour viter le racisme, le travail chez Ford, l’influence des unions, les conditions pitoyables d’habitation, etc.
Evidemment, il y a plusieurs paragraphes sur le racisme, la rpression policière et la violence inutile, les problèmes causs par le KKK et comment plusieurs Noirs ont ragi face la menace, le Smith Act, la Guerre Civile Amricaine et le dsir d’en finir avec l’esclavage, la prsence de Rosa Parks dans la ville et la visite de Dtroit par Nelson Mandela en 1990.
Il n’y a pas seulement des informations sur l’histoire et le dveloppement de Detroit, mais aussi des ides sur le futur de la ville et la façon dont elle devra grer le fait que tellement de gens choisissent de vivre dans les banlieues au lieu de Dtroit elle-même.
Etant donn que le combat pour l’galit des droits, le racisme, la rpression policière et les morts inutiles de tellement de Noirs ont continu d’être un problème aux Etats-Unis, j’ai choisi quelques citations du livre sur ces sujets.
J’ai choisi un paragraphe sur la visite de Nelson Mandela Dtroit. Quand Nelson Mandela a quitt les Etats-Unis pour retourner vers l’Afrique du Sud, son avion a dû faire un arrêt Iqaluit, dans l’Arctique canadien. Je travaillais comme spcialiste en information de vol (FSS) Iqaluit en 1990, j’ai donc pu les voir, lui et sa conjointe Winnie, en train d’assister une crmonie au milieu de la nuit dans dans le terminal de l’aroport. Vous pouvez lire les histoires vcues Iqaluit sur mon site web.
Dtroit et le Canada
« En 1795, Dtroit tait sous juridiction britannique et la ville tait de facto partie du Haut-Canada » (p.22)
« Le juge Woodward stipula plus tard dans un arrêt que si des noirs amricains pouvaient obtenir leur libert au Canada, ils ne pourraient être retourns en esclavage aux Etats-Unis. Deux des enfants de Denison […] profitèrent de cet arrêt en se sauvant vers le Canada pour quelques annes pour ensuite retourner Dtroit en tant que citoyens libres. Leur cas fît jurisprudence et fût cit dans de nombreux appels pour l’mancipation des esclaves Afro- Amricains. » (p.25)
Le Smith Act
« Le Smith Act fût crit de telle façon que les organisations de travailleurs et l’agitation pour l’galit des droits soit compris comme sdition et trahison, la même chose que de se battre pour renverser le gouvernement par la force » (p.162)
La rpression policière et la brutalit
« […] Vingt-cinq noirs avaient t tus alors qu’ils taient en garde vue au poste de police en 1925, huit fois le nombre tu sous supervision policière cette anne-l New York, ville dont la population noire tait au moins deux fois plus importante. » (p.112) « Durant la première anne d’opration du STRESS (Stop the Robberies and Enjoy Safe Streets – « Arrêtez les vols et profitez de rues scuritaires ») en tant qu’escadron de la mort / quipe SWAT [vers 1970], les forces policières de la ville avaient le plus haut nombre de civils tus par capita de tous les dpartements de police amricains. Durant ses trois ans et demi d’existence, les policiers du STRESS tirèrent et tuèrent 24 hommes, 22 d’entre eux tant des Afro-Amricains. […] Parmi les officiers du STRESS, aucun cas ne semblait autant problmatique que celui du chef d’quipe Raymond Peterson. Avant qu’il soit assign au STRESS, il avait accumul un nombre record de plaintes. Durant ses deux premières annes au sein de l’escouade, il prit part neuf meurtres et trois fusillades avec blessures par balle. Les balles provenant du rvolver de Peterson tuèrent cinq des victimes. Aucune accusation ne fût porte dans aucun chacun des cas. » (p.226-227)
« [Vers 1999] l’embourgeoisement tait une chose dont il fallait se soucier, mais la brutalit policière tait une menace beaucoup plus immdiate pour les jeunes noirs de Dtroit. Ils taient pleinement conscients qu’il y avait peu de piti attendre de la police, pas plus que des conseillers d’cole ou des agences de placement, et certainement pas des revendeurs de drogues ». (p.292)
« [Vers 2001] Dtroit, selon les reportages de plusieurs journaux locaux, avait le nombre le plus lev de tirs mortels parmi les grandes cits de la nation ». (p.300)
« À travers la nation durant les dcennies prcdentes, de 1999 2009, la violence par arme feu avait enlev la vie des milliers de jeunes femmes et hommes noirs, et des centaines d’entre eux taient des victimes non-armes d’une violence policière injustifie. Peu de ces terribles tragdies furent aussi bouleversantes que le meurtre de Aiyana Jones, une jeune fille de sept ans, par un policier en mai 2010. Il tait autour de minuit et Aiyana tait endormie sur le divan avec sa grand-mère qui regardait la tlvision. Aucune d’entre elles n’eût le temps de ragir au cognement la porte ni la grenade assourdissante lance dans le salon par la police au dbut du raid.
L’officier Joseph Weekley commença immdiatement tirer l’aveugle avec sa mitraillette MP5 travers la fenêtre dans la fume et le chaos. Une des balles entra dans la tête de Aiyana et ressorti par le cou. Elle fût tue instantanment. L’quipe SWAT tait venue pour chercher un suspect de meurtre qui vivait au deuxième tage, mais quitta avec seulement un enfant mort. […] » (p.327-328)
Education
« Ethelene Crockett , après avoir lv trois enfants, obtint un diplôme de mdecine de l’universit Howard en 1942. Elle complta son internat l’hôpital Detroit Receiving, et parce que l’hôpital de Dtroit n’acceptait pas de femme mdecin Afro-Amricaine, elle fit sa rsidence New-York. Finalement en 1952, elle fût accepte l’hôpital de Dtroit, devenant la première femme dans son domaine de obsttrique et gyncologie pratiquer dans l’tat. » (p.163)
Pas de classe moyenne pour les jeunes noirs.
« Avec la route traditionnelle vers le succès dans la classe moyenne bloque, les jeunes noirs de Dtroit recherchèrent d’autres moyens de survie, spcialement travers l’conomie souterraine ». (p.254)
Nelson Mandela Dtroit
« Durant l’t de 1990, Nelson Mandela visita plusieurs villes des Etats-Unis après avoir pass vingt-sept annes en prison. […] Quand Mandela et sa femme Winnie sortirent de l’avion [ Dtroit], une des premières personnes qu’ils reconnurent fût Rosa Parks. Nelson Mandela dit que Parks avait t son inspiration durant de longues annes alors qu’il tait incarcr Robben Island et que son histoire avait inspir les combattants pour la libert de l’Afrique du Sud. » (p.268)
Le futur de Dtroit
« La plupart des habitants de Dtroit vivent dans des quartiers où le dveloppement est ingal. Il y a des signes d’amlioration, mais dans l’ensemble les communauts sont aux prises avec le chômage, le crime et des coles peu performantes. Dtroit est une ville avec de grandes tendues de terres inhabites où l’on trouve 31,000 maisons vacantes et dilapides. Dans diverses localits de la ville, des organismes communautaires ont travaill sans relâche pour maintenir leurs rgions respectives contre une vague de ngligence et de dsinvestissement. L’administration municipale actuelle a essay d’utiliser un assortiment de mthodes pour arrêter le dclin des quartiers, avec un succès modr. Cette tâche gargantuesque a t aide par l’aide massive de l’administration Obama, mais la ville a encore des obstacles majeurs franchir avec une grande population pauvre, non qualifie et semi-alphabtise.
Ce roman Microfictions 2018 de Rgis Jauffret rassemble des centaines de nouvelles faisant toutes environ une page et demie, pour un total de 1024 pages.
Microfictions 2018 a gagn le Goncourt 2018 de la nouvelle.
J’ai achet le livre sur recommandation de la revue « Le Libraire ». Je ne m’attendais cependant pas trouver des nouvelles de ce genre. J’ai persist dans la lecture pour dcouvrir progressivement un auteur hors-normes. Les tournures de phrases, la capacit de synthèse et le vocabulaire mritent vraiment une lecture attentive. Les propos peuvent cependant être drangeants pour certaines personnes.
Les nouvelles sont souvent percutantes et portent entre autres sur : la dtresse, le suicide, la violence conjugale, la maltraitance, les problèmes sexuels, le harcèlement, le vieillissement, la maladie mentale, les carts de richesse, la folie, l’exclusion sociale, etc.
Rgis Jauffret a choisi d’y inclure une bonne dose d’humour noir, et même très noir parfois, pour quilibrer le propos et parfois passer un message.
J’ai choisi quelques citations, travers les 1000 pages de
texte, pour donner une ide du style de l’auteur :
« La
rceptionniste m’a tendu la cl avec tellement de haine dans le regard qu’il me
semblait la voir suinter au coin des yeux ». P.53
« Je n’en pouvais dj plus de cette soire dont nous
tions en train de grimper les premiers kilomètres ». p.58
« À notre poque flaccide, un cadeau doit rveiller son
bnficiaire comme une racle ». P.75
« Je n’aimais pas assez les enfants pour rater mon
existence cause d’eux ». P.101
« Ma mère n’est pas morte, mais elle a le regard vague
depuis son attaque et chaque fois que je la vois je ne peux m’empêcher de
fixer longuement ses mollets en me demandant lequel de ses pieds a dj disparu
dans la tombe ». P.133
« Il m’est arriv de me demander si je me jetterais un
jour corps perdu dans l’existence ». P.180
« Fonder une famille reviendrait jeter mes gamètes
dans un utrus comme une paire de ds dans un cornet. Je prfère thsauriser
plutôt que de risquer un mauvais placement ». P.180
« […] des militaires traînant des pieds pour mener une
guerre mtaphysique contre l’arme d’anges dchus que Lucifer jette sur les
vierges afin de capturer leurs hymens dont il nourrit ses enfants qui rissolent
de jour comme de nuit sur leur lit chauff blanc dans la maison flambante où
il vit en bourgeois dans la haine du Christ ». P.185
« Nous l’avions envoy en colonie de vacances. Par
prudence nous avions choisi un organisme laïc. Il n’en avait pas moins t
abus par un moniteur et il nous tait revenu libidineux comme une chatte en
chaleur, se dandinant, se frottant aux meubles, s’enroulant autour des jambes
des invits en minaudant ». P.197
« Les filles ont accept d’appeler maman la mère de substitution dont je me suis amourach pour tirer
avec moi la charrette du quotidien ». P.208
« À huit ans il sait dj compter jusqu’ l’infini. Je
dois l’obliger reprendre son souffle sinon il s’touffera en essayant
d’atteindre en apne le dernier des nombres ». P.213
« Non, je ne critique pas nos enfants. Ils sont polis,
polyglottes, ouverts aux nouvelles technologies. Nous les avons si bien levs
qu’ils sont ennuyeux comme des caniches de concours ». P.238
« Il ne me pardonnera jamais de l’avoir surpris emboît
dans un jeune homme ». P.253
« La transplantation sera ralise par un robot assez intelligent
pour se contenter d’un dficient mental en fait de chef de service ». P.283
« Il a su autrefois lire et crire son nom, mais par
paresse il prfère prsent laisser son empreinte ADN en crachant sur les
documents administratifs plutôt que de les signer ». P.345
« J’ai plus honte de toi encore que de mes hmorroïdes.
Du reste avec ton mari et tes gosses vous leur ressemblez comme deux gouttes
d’eau. La diffrence c’est que vous n’êtes pas oprables et qu’on ne peut pas
davantage adopter un trou-du-cul que l’abandonner au bord d’une autoroute comme
un chien dont on ne veut pas s’encombrer pendant les vacances. Je regretterai
toujours de ne pas t’avoir porte dès ta naissance aux enfants trouvs. Tu
aurais fait le malheur d’une autre pendant que j’aurais lev Laurent avec
autant de fiert que Marie a torch Jsus. » p.364
« Elle est rapparue scintillante de haine » p.439
« Le ciel rose pommel de nuages ressemblait une
photo de maladie de peau. » p.451
« Nos filles sont maintenant adultes, intelligentes,
resplendissantes, exasprantes de perfection ». p. 453
« Elle avait des parents catholiques aux yeux noirs et
durs comme les clous de la croix du Christ ». P.455
« Même si vous avez tous les deux plus de quatre-vingts
ans, ce n’est pas une raison pour refuser d’voluer ». p.471
« Un garçon aussi terne que notre Carole avec son intelligence basique sans aucun accessoire ni enjoliveur ni option d’aucune sorte. Ils auraient form un couple insipide qui aurait mis au monde des êtres appartenant comme eux la grosse cavalerie de l’humanit. » P.482
« Celui qui survivra l’autre dcdera en essayant
d’attraper la main tiède de l’infirmière affame qui se drobera pour aller
terminer sa barquette de hachis Parmentier la cantine » p.487
« […] cet endroit où j’ai effectu mon enfance avec autant de joie qu’une peine de prison. » p.515
« Quand vous êtes n dans un sale tat, si vous voulez jouer les Romo vous avez intrêt être un gnie du piano ou un cerveau assez hypertrophi pour dcouvrir chaque matin un nouveau cousin au boson de Higgs ». P.524
« Son corps dcapit tait rest devant le comptoir des
hors-d’œuvre ». p.560
« Elle se ressemblait, même si son visage froiss
aurait mrit un coup de fer. » p.576
« La terre est
un lieu de passage, une rue, un boulevard, une place publique dont on a depuis
longtemps arrach les bancs et lubrifi le bitume afin d’assurer aux humains
une meilleure glisse vers le crmatorium ». P.591
« Je portais un appareil d’orthodontie pos l’œil par
une organisation de dentistes chrtiens qui donnait mon sourire des airs de
clôture lectrifie ». P.609
« La solitude fait un bruit de frigo qui se dclenche rgulièrement toutes les vingt minutes […] » P.655
« N de parents
communistes assez cruels pour aller chaque anne en pèlerinage sur les lieux
des anciens goulags, assez cons pour se suicider en 2007 le jour anniversaire
de la mort de Staline […] » P.671
« Je suis entre dans la police par goût de la rpression » P.683
« Ta voix tait indcrottable. Un larynx aussi encombr qu’un intestin grêle dont aucun phoniatre ne viendrait jamais bout. Nous qui esprions faire de toi un artiste lyrique pour dissimuler ta mdiocrit intellectuelle derrière les contre-ut et les trilles ». P.715
« À dix-sept ans notre aîn a rvolutionn le monde des
mathmatiques en inventant un onzième chiffre […] » p.722
« Je vais
entamer bientôt des pourparlers avec mon dcès. Il a beau faire preuve de la
plus grande discrtion, comme tout le monde il est avide d’exister. » P.832
« Encore sa manie vgtarienne de servir de la laitue
fatigue mêle de tomates molles, d’œufs durs au goût de vomi avec une
guirlande lumineuse qui clignote au fond du plat pour donner un air de fête
ce fatras ». P.840
« J’ai suivi l’enterrement de mon père la fosse
commune avec les gens du village sous l’objectif d’une chaîne de tlvision
locale l’quipe nonchalante qui semblait accompagner le cortège par
dsœuvrement. » P.850
« La gomtrie ne peut pas servir continuellement
d’excuse un enseignant pour humilier un être humain ». p.893
« On peut avoir une opinion diffrente sans organiser une fatwacontre les lèves qui comme moi se rebellent contre sa conception fondamentaliste des maths ». P.893
« Elle a intgr dès la semaine suivante un pensionnat clos de murs dans le Vercors pour mditer sur les vertus de l’abngation dont ont fait preuve son arrière-grand-père et bien d’autres antismites chrtiens au nom de la haine du Boche en s’engageant dans la rsistance au mpris de leurs convictions raciales ». P. 901
« Les habitants d’un endroit pareil ne valent pas plus
cher que son climat. Dans le coin aucune famille sans son meurtrier, son
voleur, son auteur de crime sexuel dont chaque rveillon un pervers oncle
saoul raconte avec envie la carrière » p.959
« Elle allait rater sa licence, un diplôme certes
mdiocre, mais qui lui manquerait le jour où elle serait en panne de papier de
toilette ». P.965
« Quand je suis enfin couch je me dis que j’aurais mieux fait de naître sous forme de foule pour n’être pas seul supporter ma vie navrante ». P976
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Le slogan politique de Donald Trump « Make America great again » (rendre l’Amrique sa grandeur) ne fait aucun sens lorsqu’analys en fonction de ses paroles et actions.
Vous ne pouvez pas rendre l’Amrique sa grandeur si votre plateforme politique ne prsente pas un plan d’action dtaill pour la population. Des formules faciles telles que « Regardez-moi cette foule! », « Nous allons construire un mur! » et « J’aurais bien aim lui casser la gueule! » ne sont pas des promesses pour un futur glorieux.
Vous ne pouvez pas rendre l’Amrique sa grandeur si vos ides conomiques impliquent d’isoler les Etats-Unis de ses partenaires commerciaux de longue date. Les Etats-Unis ont cr 255,000 emplois dans le seul mois de juillet (2016). Pour un pays qui, selon Trump, cède tout l’avantage de ses partenaires commerciaux, cela semble un peu contradictoire. Une plateforme populiste n’aidera pas les Amricains grandir et comprendre comment fonctionnent les affaires.
Vous ne pouvez pas rendre l’Amrique sa grandeur en accroissant les tensions entre groupes ethniques l’intrieur des Etats-Unis.
Vous ne pouvez pas rendre l’Amrique sa grandeur en mentant constamment. Plusieurs dclarations de Trump se sont avres mensongères.
Vous ne pouvez pas rendre l’Amrique sa grandeur si les quelques propositions gnrales que vous mettez de l’avant se contredisent entre elles. Donald Trump promet d’abaisser le dficit amricain (23 trillions de dollars) et, du même coup, rpète qu’il dpensera des milliards et des milliards de dollars pour remettre jour la capacit militaire du pays. Ceci est totalement contradictoire et implique que la population amricaine devra payer pour les nouvelles dpenses en même temps qu’elle absorbe les fortes compressions budgtaires. Etant donn que les riches Amricains ne veulent pas payer davantage, et que les Amricains les plus pauvres sont peine capables de survivre, cela implique qu’une classe moyenne en train de disparaître s’occupera de rgler la note. Cela ne rendra pas l’Amrique sa grandeur, mais crera plutôt la crise interne la plus grave qui ait jamais frapp les Etats-Unis.
Vous ne pouvez pas rendre l’Amrique sa grandeur en tant impoli et brusque, en insultant et vous moquant de quiconque ne partage pas vos ides. Cette attitude n’aide pas rendre l’Amrique sa grandeur.
Vous ne pouvez pas rendre l’Amrique sa grandeur en tant condescendant envers les prisonniers de guerre. Pendant que certains Amricains taient faits prisonniers de guerre, Donald Trump profitait d’une vie confortable dans la scurit de sa demeure.
Vous ne pouvez pas rendre l’Amrique sa grandeur en abaissant le dbat politique un niveau jamais atteint auparavant.
Vous ne pouvez pas rendre l’Amrique sa grandeur en considrant que la dictature est synonyme de leadership. Vu sous cet angle, Hitler serait un grand leader et nous connaissons tous les consquences de ses actions. Offrez la prsidence un go gigantesque et hors de contrôle et les Amricains, autant que le reste du monde, en paieront le prix.
Vous ne pouvez pas rendre l’Amrique sa grandeur en ridiculisant le Mexique, un voisin extrêmement important. Ce pays est un partenaire commercial majeur des Etats-Unis et a galement une culture fantastique, pour quiconque est suffisamment curieux pour ouvrir un bouquin et s’instruire sur le sujet. Mais cela prend de la curiosit et le sentiment qu’il y a d’autres personnes importantes sur cette planète autre que soi-même.
Vous ne pouvez pas rendre l’Amrique sa grandeur si les candidats rpublicains la vice-prsidence et la prsidence se contredisent l’un et l’autre sur des sujets très importants la tlvision nationale, et si le candidat la vice-prsidence se retrouve incapable de dfendre les positions du candidat la prsidence.
Vous ne pouvez pas rendre l’Amrique sa grandeur si le candidat rpublicain la prsidence ne comprend pas les consquences qui dcoulent d’une attitude nationaliste populiste. Les Allemands sont passs travers cette exprience dans le pass. J’ai inclus un vido qu’il vaut vraiment la peine d’couter jusqu’au bout :
Esprons que le ressentiment actuel exprim envers l’afflux de plus d’un million de rfugis accepts rcemment en Allemagne ne favorisera pas la monte de l’extrême droite et une rptition des erreurs du pass.
Vous ne pouvez pas rendre l’Amrique sa grandeur en gouvernant par la peur. Cela n’offre pas un futur prometteur. Vous avez alors une population qui a besoin de plusieurs armes feu par personne pour pouvoir se sentir en scurit et bien dormir la nuit.
Vous ne pouvez pas rendre l’Amrique sa grandeur si vous poussez la population s’armer plus que tout autre pays dans le monde. Les tueries entre Amricains placent le pays en première position pour la violence dans le monde. Vous pouvez redonner de la grandeur l’Amrique en rduisant le nombre d’armes en circulation et en augmentant le contrôle quant l’acquisition de ces armes.
Vous ne pouvez pas rendre l’Amrique sa grandeur si vous ne comprenez pas bien, en tant que prsident, ce qui se passe rellement en Syrie en 2016. Rsumer la situation de façon simpliste ne fait qu’augmenter la confusion. En Syrie, il y a des crimes de guerre qui sont perptrs. La population civile et les hôpitaux sont dlibrment bombards pour protger et amliorer les positions stratgiques militaires.
Vous ne pouvez pas rendre l’Amrique sa grandeur en disant qu’Hillary Clinton sera envoye en prison si vous devenez prsident des Etats-Unis. Ceci se fait sous les rgimes autoritaires autour de la planète et ne constitue en rien une promesse qui aidera amliorer la crdibilit des Etats-Unis dans le monde libre.
Vous ne pouvez pas rendre l’Amrique sa grandeur en dstabilisant les allis de l’OTAN ou en disant que vous utiliseriez la bombe nuclaire contre l’Europe si cela tait ncessaire.
Vous ne pouvez pas rendre l’Amrique sa grandeur en promettant que vous mettrez de l’avant des rformes sur les impôts des socits qui feront en sorte que cela nuise vos propres entreprises. Quelqu’un qui s’est battu pour maintenir ses hôtels et casinos en vie ne changera pas soudainement d’ide une fois lu prsident des Etats-Unis. Il ne mettra pas en place des mesures qui mettront en danger ce qu’il a pris tant de temps sauvegarder. Cela ne fait pas de sens. La personne qui est la mieux place pour modifier une loi qui risque de nuire des entreprises est celle qui ne possède pas elle-même ces entreprises.
Vous ne pouvez pas rendre l’Amrique sa grandeur en lisant quelqu’un qui dteste les frquents breffages. Être prsident des Etats-Unis requiert d’être disponible, intress et capable d’couter les multiples breffages quotidiens. Vous devez avoir la personnalit pour accepter cela, même si vous voudriez plutôt être ailleurs.
Vous ne pouvez pas rendre l’Amrique sa grandeur en demeurant silencieux sur la façon de diminuer de façon raliste les diffrences de revenus entre Amricains. Je ne parle pas d’galit de revenus, mais d’une diminution des extrêmes entre riches et pauvres. Cela aiderait certainement remettre de l’avant le « rêve amricain », abaisserait les tensions sociales et le taux de criminalit et donnerait davantage de sens au slogan « Redonner l’Amrique sa grandeur… ». Mais nous n’en sommes pas encore l…
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Les dbats politiques tlviss de 2016 sur CNN entre Hillary Clinton et Donald Trump ont mis de l’avant le racisme aux Etats-Unis. La ville de Chicago y a t mentionne, car elle dtient le record national pour le nombre de morts violentes. Le livre « Histoire de Chicago » permet, entre autres, de mieux comprendre ce qui alimente les ingalits sociales entre Noirs et Blancs depuis la cration de cette ville.
Le lecteur comprend que ce ne sont pas les dficiences culturelles qui sont la base des problèmes, mais plutôt le racisme institutionnalis et les choix conomiques des diffrentes administrations municipales.
La ville s’est construite avec en toile de fond la couleur de la peau qui dtermine le type d’emploi que quelqu’un peut occuper. Eventuellement, même la planification urbaine a t pense de sorte que les Blancs et les Noirs soient spars : le mur artificiel que constitue la Dan Ryan Expressway ou le Dearborn Park en sont de bons exemples.
En 2016, les sondages montrent, de façon surprenante, un appui très important au candidat rpublicain la prsidence des Etats-Unis, Donald Trump. Trump connaît bien Chicago et il y a fait construire sa « Trump Tower ».
Le candidat du Parti rpublicain reprend dans sa plateforme politique certains des lments qui ont fait la popularit et le succès de la famille Daley qui a rgn sur Chicago durant des dcennies : l’exploitation de la peur entre les groupes ethniques pour bâtir et maintenir un pouvoir politique, l’ide de construire un mur et l’utilisation de la torture comme solutions simplistes des problèmes complexes.
Ce populisme plaît une certaine classe d’lecteurs amricains qui sont très facilement effrays par les diffrences entre les gens et les cultures.
Bref « Histoire de Chicago » est un livre qui est toujours d’actualit et dont les auteurs ne craignent pas de soulever des sujets politiquement dlicats.
Chicago
Chicago devint un territoire des Etats-Unis avec le trait de Paris en 1783. Il s’en suivit une appropriation des terres des Indiens au moyen des manœuvres les plus diverses, dont la signature de contrats alors que les autochtones taient ivres. Vers 1830, après l’loignement dfinitif des Indiens, la fièvre spculative commença.
Le rail
À partir des annes 1860, Chicago fit en sorte de devenir le centre travers lequel s’arrêtaient les grandes compagnies ferroviaires du pays. La ville se dveloppa très rapidement. Les passagers, le btail, les crales et autres marchandises devaient dsormais transiter par Chicago. La ville dpendait du train pour croître et les compagnies de train dpendaient de Chicago pour être profitables.
L’accroissement rapide de la population de Chicago fut essentiellement dû la migration en provenance de l’Europe (Irlandais, Allemands, Polonais, Italiens). La dynamique changeante et souvent violente entre tous les groupes ethniques prsents Chicago est vraiment bien dtaille dans le livre.
Les grands magasins
Un peu avant 1900, on assiste la cration des grands magasins, avec la possibilit de commander par catalogue et payer par crdit. De nouvelles catgories d’employs et de gestionnaires s’ajoutent au monde ouvrier et aident former la classe moyenne.
L’immigration des Noirs vers Chicago
À partir de 1910, l’immigration des Noirs en provenance du sud des Etats-Unis augmente. Chicago tait une ville abolitionniste. Cela ne veut pas dire qu’elle tait en faveur de l’galit raciale, mais plutôt contre l’esclavage. En fait, Chicago est progressivement devenue la ville la plus sgrgue des Etats-Unis.
Les Noirs arrivaient en masse en provenance du sud des Etats-Unis, non pas seulement pour des raisons conomiques, mais galement pour chapper la violence raciale et la sgrgation qui svissaient dans de nombreux Etats. Bien que loin d’être idale, la situation Chicago tait meilleure que dans le sud du pays.
La Première Guerre mondiale rduisit de façon importante le nombre d’immigrants en provenance de l’Europe. Cela constitua un srieux problème pour une ville qui recevait de nombreux contrats militaires et avait besoin d’un très grand nombre d’employs pour ses diffrentes usines. Cela favorisa galement la « grande migration », « c’est–dire l’intensification spectaculaire de la migration des Afro-Amricains vers les grands centres urbains du Nord-Est et du Middle West […] » (p.143)
Les abattoirs de Chicago
Chicago tait reconnue pour le nombre très lev de ses abattoirs, et en particulier les abattoirs de porc. La senteur et la pollution occasionnes par cette activit taient pouvantables. Des laboratoires de chimie permettaient l’utilisation de toutes les parties de l’animal. À ce sujet, l’crivain Georges Duhamel disait dans son livre : À Chicago, « on utilise tout, sauf le cri des porcs » (p.63).
Les travailleurs noirs n’avaient pas le droit de travailler dans l’industrie sidrurgique de Chicago et devaient se contenter des abattoirs où ils taient engags comme travailleurs manuels. Mais l encore, ils n’avaient pas accès des emplois qualifis.
La Seconde Guerre mondiale
Durant la Seconde Guerre mondiale, Chicago tait en concurrence avec d’autres grandes villes amricaines pour obtenir de juteux contrats militaires. Elle ne mnagea pas ses efforts pour montrer son support au gouvernement amricain et elle finit par profiter de milliards de dollars pour la construction de tanks, tracteurs, torpilles, obus et avions (dont le bombardier B -29).
Pour compenser le manque de main-d’œuvre, tant donn que beaucoup d’hommes s’taient enrôls en tant que volontaires et taient partis la guerre, les femmes entrèrent massivement sur le march du travail. Les employeurs y virent l’occasion d’augmenter les profits en rduisant le salaire des femmes, qui n’tait plus que 65 % de celui des hommes pour un travail comparable. Cela reprsente la façon dont les femmes ont t remercies pour leurs efforts et leur collaboration.
Transformation de l’conomie de Chicago
Chicago a vcu une profonde transformation durant les annes 70. L’ordre industriel s’est termin avec la fermeture des abattoirs en 1971, en même temps que les aciries approchaient aussi de leur fin. S’en est suivie une ouverture sur l’international et le dveloppement d’une nouvelle conomie base sur les services spcialiss tels que la finance, l’immobilier, l’assurance, le marketing, la publicit et les services juridiques.
Le maire de Chicago, Richard M. Daley, a favoris la venue d’une classe socioprofessionnelle de crateurs dans la ville (design, arts, musique, etc.) en traitant cette classe comme un autre « groupe ethnique » qui avait besoin d’un espace privilgi pour s’exprimer.
Le dveloppement des grands ensembles durant les annes 1960 -1970
Durant les annes 1960-1970, Chicago connaît une transformation importante de son paysage. On assiste de grands dveloppements (Magnificent Mile, Sandburgh Village, Marina City, Lake Point Tower, Dearborn Park) qui se concentrent dans les quartiers où vivent les Blancs, dans le nord de la ville. Le Chicago Tribune dit de Dearborn Park qu’il est « une forteresse rserve aux Blancs et destine protger le quartier financier contre les Noirs ».
L’administration Daley doit lutter contre l’exode vers les banlieues et favorise alors la construction de gratte-ciels pour conserver les Blancs dans le centre-ville et percevoir davantage de taxes foncières. Deux Bourses d’change sont cres, le Chicago Board of Trade (CBOT) et le Chicago Mercantile Exchange (CME). La cration de ces deux nouvelles Bourses et des grands ensembles ne changent en rien la dynamique entre Blancs et Noirs.
La sgrgation raciale
Bien que Martin Luther King ait t une figure dominante dans la lutte pour les droits civiques des Noirs aux Etats-Unis, les auteurs mentionnent que les Noirs de Chicago n’ont pas attendu un grand leader pour promouvoir leurs droits et qu’ils avaient dj commenc se mobiliser des annes plus tôt.
Les ides de Martin Luther King quant l’intgration des Noirs ne plaisaient pas tous les Noirs, spcialement les politiciens noirs de Chicago qui bnficiaient d’un traitement favorable de la machine Daley en favorisant le statu quo.
Le Chicago du maire Richard M. Daley connaissait beaucoup de succès. Pour se maintenir au pouvoir, la machine Daley « tablait sur le maintien de communauts spares et concurrentes » (p.322-323). La sparation entre Blancs et Noirs tait entretenue et planifie. Il y avait et il y a toujours deux Chicago.
Une autoroute, la Dan Ryan Expressway a même t positionne de façon crer un mur artificiel entre le quartier de Daley, Bridgeport et celui de la Black Belt : « C’tait l’obstacle le plus massif que la ville pouvait construire, dfaut de construire un mur, pour sparer le South Side blanc de la Black Belt » (p.259).
Le fonctionnement de la machine Daley
On ne peut pas parler de Chicago sans souligner l’importance de la machine politique de la famille Daley : « Par leur contrôle autoritaire de la “machine”, Richard J. Daley et son fils Richard M. Daley, chacun dans son propre style, ont domin la scène politique de Chicago pendant quarante-trois ans, entre 1955 et 2011.
Pendant cette priode qui vit le dveloppement puis le dclin du mouvement moderne des droits civiques, la ghettoïsation d’normes pans du West Side et du South Side, une vague massive d’immigration en provenance d’Amrique latine et la mtamorphose de la ville de gant de l’industrie en centre de l’conomie mondiale de services, c’est tout juste si Chicago a connu une seule lection municipale lgitime ou un seul vrai dbat au conseil municipal » (p.16)
Il y avait une corruption rampante et des budgets clandestins au sein de l’administration Daley. La Mairie attribuait en toute opacit des quartiers favoriss des sommes d’argent rserves aux quartiers dfavoriss.
« […] Tandis que les gros hommes d’affaires, les hommes de la pègre et tous ceux ayant des liens avec la famille Daley s’enrichissaient, les Noirs et les Latinos dmunis taient abattus aux coins des rues ou torturs dans des arrière-salles de commissariat » (p.394)
Les cabinets d’avocats et les entrepreneurs versaient d’normes sommes d’argent en change de contrats importants. La machine Daley ne manquait jamais d’argent.
Les tensions raciales et les politiques muscles de rpression du maire Daley
« Dès les annes 1930, Chicago tait devenu, selon l’historien Frank Donner “la capitale nationale de la rpression policière” » (p.321)
La migration noire dans les annes 1940 et 1950 effraie la population de Chicago qui se sent assige, ce qui augmente des tensions raciales dj prsentes et entretenues. Il devient plus facile d’accepter davantage de policiers que de logements sociaux.
Les tactiques muscles du maire Daley sont le plus videntes lors de la Convention dmocrate de 1968, alors que les policiers et 7000 soldats de la Garde nationale tombèrent « bras raccourcis sur la foule [de 10,000 jeunes manifestants] dans une explosion de violence aveugle ». (p.315).
L’exploitation des peurs raciales connaissait beaucoup de succès Chicago. Daley dfendait ses politiques en disant que « la plupart des gens s’inquitaient bien plus d’une meute des Noirs que d’un maire qui ordonne l’usage de la force ltale pour y mettre un terme et qu’ils se reconnaissaient bien moins dans des manifestants pacifistes que dans les policiers qui les frappaient coups de matraque ». (p.319)
La propagande des mdias et la police de la machine Daley taient efficaces pour convaincre les Noirs de ne pas changer l’ordre tabli. La torture tait pratique courante au commissariat de la zone 2 dans le South Side, entre 1972 et 1991.
L’arrive prochaine du Noir Harold Washington la mairie, durant les annes » 80, attisa encore davantage les craintes que tout change dans la façon de faire Chicago. Tout tait organis pour miner la candidature de Washington, mais il finit malgr tout par l’emporter, grâce au vote noir.
Il y avait beaucoup de mouvements politiques de gauche qui avaient chacun leurs objectifs et qui n’ont pas su s’unir sous une même bannière progressiste. Cela a laiss la marge de manœuvre ncessaire la machine Daley. Cette dernière travaillait en coopration avec les autorits fdrales pour organiser la rpression d’Etat.
Problèmes sociaux dans les quartiers dfavoriss
La canicule de 1995 fit 739 victimes Chicago. La prcarit sociale favorisa une augmentation du nombre de dcès, mais il fut plus simple de dterminer que les victimes de la chaleur taient responsables de leur sort.
Les Noirs et les Latinos croyaient et croient toujours que leurs problèmes d’coles et de quartiers proviennent de dficiences culturelles. En tentant de saisir la nature relle de leurs problèmes, ils ngligent les aspects du racisme soutenu et les choix conomiques des diffrentes administrations depuis la cration de la ville.
« Le recensement de 1980 indiqua que dix des seize quartiers les plus pauvres des Etats-Unis se trouvaient Chicago, dans la Black Belt, bien entendu » (p.334)
En 2002, Chicago tait la capitale amricaine des meurtres avec 647 victimes. En 2008-2009, la ville dtenait le record de meurtres d’lèves d’coles publiques lis des gangs.
Il existe aujourd’hui deux Chicago
Chicago profite aujourd’hui de l’existence de quartiers ethniques bien dfinis qui attirent les touristes en quête d’exotisme. Cependant, les politiques de sgrgation raciale en place ont fait en sorte d’isoler les quartiers Noirs et en 2016 Chicago a toujours la triste rputation d’être la capitale des homicides aux Etats-Unis.
« La situation de Chicago ressemble de plus en plus un scnario de science-fiction. Alors qu’une partie de la ville possède une capacit conomique qui la classe parmi les cinq premières du monde, l’autre partie est fige dans une situation d’austrit qui pourrait bien devenir irrversible » (p.443)
« Il tait une ville » est le tout dernier roman de Thomas B. Reverdy. Le prcdent roman de l’auteur, « Les vapors », publi en 2013 chez Flammarion, lui a valu le Grand prix de la SGDL et le prix Joseph Kessel.
« Il tait une ville » est l’occasion pour le lecteur d’approcher d’une façon diffrente et fort intressante la chute brutale de la ville amricaine de Dtroit. Les consquences de la crise financière de 2008 sur les gens de tous âges et de toutes conditions sont très bien dmontres.
À travers plusieurs histoires se droulant en parallèle, le lecteur peut vivre le quotidien de gens de diverses classes sociales qui sont demeurs Dtroit durant cette priode critique, que ce soit par choix ou par obligation.
L’criture de Thomas B. Reverdy est de très grande qualit et possède un style particulier qui la rend rafraîchissante et pleine de surprises. Le lecteur est vritablement plong dans un Dtroit qui, au lieu d’être le centre-ville dynamique autour duquel les banlieues s’agglomèrent, est plutôt devenu un trou noir dont se sont chapps les habitants qui en avaient les moyens.
Sans être un roman historique, il s’agit malgr tout d’une œuvre qui prtend faire autre chose que de divertir le lecteur. J’ai complt la lecture de ce roman avec de nouvelles connaissances sur les aspects de la vie des citoyens de mgapoles soudainement laisses l’abandon.
Un livre rare et surprenant de maturit pour un auteur aussi jeune.
En voyant le titre, on s’imagine face un livre cynique ou bien humoristique. Anticipant cette raction du lecteur, l’auteur annonce rapidement ses couleurs : « Ces pages sont en fait le rsultat d’un effort constructif visant dtecter, connaître et peut-être neutraliser l’une des plus puissantes forces obscures qui entravent le bien-être et le bonheur de l’humanit ».
Ecrit par Carlo M. Cipolla et originalement publi en anglais en 1976, ce petit livre est devenu un best-seller international en 1988 lorsque publi en italien, sa langue d’origine, et intgr au volume Allegro ma non troppo.
Le livre contient cinq lois fondamentales de la stupidit humaine. Chacune d’elles est nonce et explique. De façon pousser l’analyse un peu plus loin, l’auteur prsente le graphique dont il se sert pour qualifier les actions d’une personne. Il est vident que tous ne pourront être d’accord avec un auteur dont les propos soulèvent un questionnement quant l’galit entre tous les hommes. La même chose se produit lorsque l’on parle de religion ou de politique. Ce sont des sujets dlicats.
Rpartition de la stupidit
Je ne citerai que la première loi, pour donner le ton du livre : « Chacun sous-estime toujours invitablement le nombre d’individus stupides existant dans le monde ».
Tous les hommes ne sont pas gaux : certains sont stupides et d’autres non. La culture, la race, la classe sociale, l’ducation, la richesse où l’endroit où l’on vit n’a rien voir avec l’affaire. C’est le hasard, la nature qui dcide. La stupidit est galement partage entre hommes et femmes et uniformment rpartie, selon une proportion constante.
Les quatre grandes catgories
L’auteur divise l’humanit en quatre grandes catgories : les crtins, les gens intelligents, les bandits et les êtres stupides. Suite ses observations sur le terrain, il considère que la catgorie la plus dangereuse est celle des stupides. Ces derniers font preuve d’une grande cohrence occasionner des pertes aux autres tout en tirant eux-mêmes aucun gain de leurs actions. En fait, la plupart du temps, ils subissent des pertes.
Impact sur la socit
Le degr de dangerosit de la personne stupide est fonction de la combinaison gntique (la dose de stupidit reçue la naissance!) et du pouvoir qu’il occupe dans la socit : « Les gens stupides causent des pertes aux autres, sans gain personnel en contrepartie. La socit dans son ensemble en est donc appauvrie ». Plus cette personne occupe un rang lev dans la socit et plus le dommage caus est important.
Dans un dsir de protger le lecteur contre l’ide de s’associer une personne stupide, l’auteur crit : « On espère toujours manipuler l’être stupide, et d’ailleurs on y parvient, jusqu’ un certain point. Mais en raison du côt erratique de leur comportement, on ne peut prvoir toutes les actions et ractions des gens stupides et on se retrouve très vite pulvris par les dcisions imprvisibles de l’associ stupide ».
Composition de la population d’un pays sur la pente descendante
La microanalyse finale tente de prsenter la composition des individus d’un pays qui est sur une pente descendante. L’auteur estime que la proportion d’êtres stupides y est toujours gale la proportion que l’on retrouve dans les pays qui sont sur une pente ascendante. La diffrence se trouverait plutôt dans l’accroissement du nombre de personnes se retrouvant dans 1) la catgorie des bandits tendance stupide (ceux qui obtiennent un gain mineur tout en infligeant des pertes majeures aux autres) et 2) un accroissement similaire au niveau du nombre de crtins composant ce pays (ceux qui s’occasionnent constamment des pertes en gnrant des gains pour les autres).
Un avantage de bien lire et comprendre le livre
Ce livre est susceptible de vous rconcilier avec le pass en vous permettant d’apposer un qualificatif final aux agissements d’un ou de plusieurs individus qui pourraient vous avoir caus des tords sans, selon vous, en tirer aucun gain et même, la limite, en se causant eux-mêmes des problèmes importants.
Bonus
Quatre grilles vierges sont fournies la fin du livre pour permettre au lecteur de tenter de qualifier les actions de personnes de son choix.