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Pionniers de l'aviation

Tales of a Dakota Pilot

(The way it was 1929 – 1937)

Tales of a Dakota Pilot - The way it was 1929 - 1937
Tales of a Dakota Pilot – The way it was 1929 – 1937

Il s’agit d’un petit livre simple et charmant relatant les péripéties du pilote Fred Max Roberts Jr lorsqu’il volait avec ses différents appareils dans la région de Bismarck, dans le Dakota du Nord, entre les années 1929 et 1937. Le livre a été écrit par son fils, Fred Marke Roberts, de façon à ce que les évènements racontés par son père ne soient pas effacés de la mémoire collective. Étant donné que le livre est publié en anglais seulement, vous trouverez ici un bref aperçu de la façon dont les choses se passaient à l’époque.

Une façon simple et originale de faire le plein

Quand venait le temps de faire le plein, les pilotes atterrissaient régulièrement sur les terres des fermiers. Ils savaient que quelqu’un avait observé l’atterrissage et, très souvent, un véhicule arrivait avec de l’essence sans même qu’un arrangement préalable ait été pris. Il fallait cependant que le pilote ait pris soin de se poser près d’une route. Il arrivait même que, pour faciliter la tâche du préposé, le pilote se pose sur la route elle-même, hors de la ville.

Cette habitude ne semblait pas avoir changé cinquante ans plus tard, lorsque j’ai effectué un vol voyage de 2650 kms avec un Cessna 170B entre St-Jean-sur-Richelieu, Québec, vers Edmonton, Alberta. Durant le voyage, j’ai dû atterrir dans un champ non loin de Lundar au Manitoba, une province canadienne dont la frontière au sud est définie par le Dakota du Nord et le Minnesota.

Quelques minutes après mon arrivée, un pick-up transportant de l’essence est venu à ma rencontre sans que j’aie téléphoné à qui que ce soit. Dans mon cas, il s’agissait d’un atterrissage de précaution, car les jauges à essence du vieil appareil avaient commencé à donner de fausses indications. Étant donné que le carburant était à portée de main, les réservoirs furent remplis avant le prochain décollage.

Atterrissage dans un champ de Lundar au Manitoba, en 1981, avec un Cessna C170B.
Atterrissage dans un champ de Lundar au Manitoba, en 1981, avec un Cessna C170B.

Tuer des coyotes contre des primes

Des coyotes s’attaquaient souvent au bétail des fermiers. Lorsque la situation devenait intenable, les fermiers téléphonaient à Fred Max. Celui-ci décollait avec son Curtiss Junior Pusher, accompagné d’un tireur expérimenté, et ils repéraient et abattaient les coyotes. L’hiver était la saison propice pour la chasse du haut des airs, car la fourrure foncée des coyotes contrastait avec la blancheur de la neige.

Les fermiers, sur leurs chevaux, suivaient les manœuvres de l’appareil pour repérer les endroits où les coyotes étaient abattus. Ils les ramenaient à leur ferme, et l’aéronef atterrissait plus tard près de cette ferme pour prendre possession des coyotes morts afin de récolter les primes offertes par le comté pour chaque coyote abattu.

Chasser les loups du haut des airs est une façon d'assurer leur contrôle dans le nord de l'Ontario, Canada (sur carte postale aviation datant des années ,60)
Chasser les loups du haut des airs est une façon d’assurer leur contrôle dans le nord de l’Ontario, Canada (sur carte postale aviation datant des années ,60)

L’hospitalité des fermiers du Mid-ouest-américain

Lorsqu’un pilote atterrissait dans un champ de fermier lors d’un long vol voyage, il arrivait fréquemment qu’il se fasse offrir un repas avec la famille. Si la noirceur empêchait le pilote de continuer sa route, on lui donnait même la possibilité de passer la nuit. Le lendemain matin, après avoir déjeuné et en guise de remerciement, le pilote offrait un petit vol de courtoisie au fermier.

Une façon efficace d’amortir les coûts associés à un long vol voyage

Une façon de défrayer les coûts associés à un vol voyage était d’offrir de petites randonnées en avion aux curieux venant à la rencontre de l’aéronef à son arrivée à destination. Le pilote atterrissait, attendait un peu, et savait que bientôt, quelques personnes viendraient à sa rencontre pour demander une envolée.

Le pilote Fred Max Roberts Jr accroché sous l’aile de son monoplan

Une préoccupation majeure pour tout pilote atterrissant dans un champ était de pouvoir approcher son appareil le plus tôt possible près d’une clôture afin de l’attacher pour le protéger contre les vents souvent très puissants soufflant dans les Plaines de l’Ouest.

Mais il arrivait parfois que même les attaches cèdent sous la force du vent. Le pilote raconte que, immobilisé au milieu d’un champ et voyant une tempête arriver, il s’était accroché sous l’aile de son monoplan pour ajouter un peu de poids à la structure. Mais cela n’avait pas suffi. Une forte rafale avait soulevé l’appareil, brisant les deux attaches et emmenant le pilote et l’avion dans les airs, à une hauteur d’environ dix pieds. De peur que l’avion ne continue de monter, le pilote avait lâché prise. L’avion était demeuré en vol en palier, tout en continuant de reculer jusqu’à ce qu’il fasse finalement un tonneau et s’écrase.

Pilote et passagers sont surpris en vol par une tornade

Les manuels de pilotage et de météorologie enseignent à tous les pilotes d’éviter les orages à cause, entre autres, de la force inouïe des courants ascendants et descendants que l’on peut y retrouver. Le pilote Fred Max Roberts Jr a non seulement dû affronter un orage, mais il a survécu à une tornade alors qu’il était en vol. Son histoire a fait la manchette de plusieurs quotidiens de l’époque, des articles qui sont d’ailleurs reproduits dans le livre.

Comme le pilote le signale, les prévisions météorologiques et l’accès immédiat aux observations météorologiques n’étaient pas ce qu’ils sont aujourd’hui. Lors d’un vol avec passagers dans son biplan WACO 90, le ciel est rapidement devenu sombre et la météo s’est détériorée très rapidement. Le pilote rapporte avoir fait son possible pour voler entre les deux masses de nuages principales. Il avait peine à voir ses instruments à cause du manque de lumière, même si le vol était effectué en plein jour. Il luttait pour ne pas être désorienté.

Soudainement, l’avion a commencé à prendre rapidement de l’altitude par lui-même. Le pilote a poussé sur le manche pour mettre l’avion en piqué et a ouvert les gaz. L’avion montait toujours, la queue en premier. Puis l’ascension s’est soudainement arrêtée et la chute a commencé. Il a alors tiré sur le manche pour mettre l’avion en palier, mais la descente effrénée s’est poursuivie. Il a ouvert les gaz de nouveau et tiré progressivement pour faire monter l’avion, mais la descente a continué jusqu’à ce que l’avion se retrouve à cinq cents pieds du sol.

Éventuellement, le Waco est sorti de la tempête et a atterri à White Rock. Le pilote de cet appareil à cockpit ouvert a alors réalisé que ses passagers ne s’étaient pas attachés au moment du décollage et que durant le vol dans la tornade, ils s’agrippaient à une section du cockpit avant.

Telles sont quelques-unes des histoires que l’on retrouve dans « Tales of a Dakota Pilot », un livre sans prétention, mais qui est susceptible de surprendre bien des pilotes plus jeunes, tant l’expérience vécue dans le passé diffère de ce que l’on pourrait même commencer à imaginer lorsque l’on intègre le monde du pilotage aujourd’hui.

Auteur : Fred Marke Roberts
Publié par : fmRoberts Enterprises
© 1991
ISBN : 0-912746-09-2

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Histoires vécues comme spécialiste en information de vol (FSS): Rouyn-Noranda FSS

Des procédures officielles imaginaires à la tour de contrôle de Val-d’Or

HS-125 Avion ambulance C-FSEN Valentine Lupien du Gouvernement du Québec vers 1986
HS-125 Avion ambulance C-FSEN Valentine Lupien du Gouvernement du Québec vers 1986

Durant les années ’80, alors que j’occupe la fonction de spécialiste en information de vol (FSS) à la station d’information de vol de Transports Canada à Rouyn-Noranda (CYUY), je reçois un téléphone de la part d’un contrôleur aérien de l’aéroport de Val-d’Or (CYVO) me signalant un problème avec l’ARCAL type K. Le système ARCAL est un équipement qui permet à un pilote d’ouvrir les lumières de piste à distance.

Normalement, le pilote a le choix entre trois intensités d’éclairage : faible, moyenne et élevée. Mais pour une période prolongée, l’intensité la plus faible de l’ARCAL ne fonctionnera pas. Le contrôleur me demande d’émettre un NOTAM signalant que personne ne peut utiliser l’ARCAL pour une période indéfinie.

Je ne suis pas d’accord avec cette demande. Un système ARCAL que l’on décide de rendre disponible facilitera la vie d’un pilote en lui permettant de choisir parmi les intensités restantes lors de l’approche ou du décollage. Les pilotes du HS125 du Gouvernement du Québec (photo ci-dessus) chargé des évacuations médicales durant la nuit apprécieront, j’en suis sûr.

Je mentionne donc au contrôleur que je ne connais pas de procédures approuvées pour les pannes concernant l’ARCAL de type K et que je ne vois pas pourquoi je considérerais comme totalement non fonctionnel un système dont seule une intensité sur trois pose problème.

Il me répond que ce sont des procédures écrites qui se trouvent à la tour de contrôle et qu’une demande doit être faite à son gestionnaire si je désire les obtenir. Comment est-il possible que des procédures régissant un système installé sur plusieurs aéroports à travers le Canada, avec ou sans tour de contrôle, puissent se trouver seulement dans des tours de contrôle sélectionnées? Cela est impensable.

Je demande donc, par gestionnaire interposé, de recevoir une copie des fameux écrits. Mais il semble maintenant que les procédures ne se trouvent pas à Val-d’Or, mais au bureau régional de Transports Canada à Montréal. J’essaie donc de les obtenir du bureau de Montréal, mais personne ne peut rien trouver de concret.

Il semble de plus en plus évident que les procédures ne sont que fabulation. Pourtant, tous les intervenants défendent les procédures fictives, pour les raisons les plus diverses.

À l’époque, il existe un programme intitulé « Prime à l’initiative ». Ce programme invite le personnel à faire connaître toute suggestion susceptible d’améliorer l’efficacité de la fonction publique. Si la suggestion est retenue par les plus hauts niveaux de gestion, une prime en argent et un certificat sont remis à l’employé par le sous-ministre des transports. Réalisant que je ne pourrai avoir gain de cause en discutant avec les instances régionales, je me sers donc d’une formule de prime à l’initiative.

Une année plus tard, je reçois un appel d’un inconnu qui dit travailler à Ottawa. Il me questionne concernant ma suggestion sur l’ARCAL de Val-d’Or. Il sous-entend que la proposition ne passera pas.

Je lui parle alors en tant que contribuable canadien. Je lui signale que j’ai payé, comme les autres canadiens, pour faire installer ce système de commande d’éclairage, et que tant qu’il y aura une intensité qui fonctionnera, le système devra être accessible pour les pilotes, que cela lui plaise ou non. S’il s’obstine, qu’il se prépare à rendre des comptes au public canadien et à Benoît Bouchard, alors ministre des Transports.

Deux mois plus tard, je reçois un chèque et une lettre du sous-ministre me remerciant pour la suggestion améliorant l’efficacité de la fonction publique. Il aura fallu quatorze mois pour passer des procédures fictives à un système fonctionnel de gestion des pannes de l’ARCAL. Et les nouvelles procédures concernent maintenant tous les aéroports canadiens équipés d’un tel système de commande à distance de l’éclairage d’une piste.

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Histoires vécues en tant que FSS à Rouyn-Noranda

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Histoires vécues comme spécialiste en information de vol (FSS): Rouyn-Noranda FSS

Le Cessna 172 qui traînait un bloc de ciment de 100 kilos à Rouyn-Noranda.

Spécialiste en information de vol (FSS) au travail à Rouyn-Noranda vers 1986
Spécialiste en information de vol (FSS) au travail à Rouyn-Noranda vers 1986

Durant une belle journée d’été de juillet à l’aéroport de Rouyn-Noranda (CYUY), un pilote d’un aéroclub local contacte la station d’information de vol (FSS) de Transports Canada pour obtenir les informations relatives à un décollage. Il volera avec un Cessna 172. Il obtient les détails et commence à circuler vers la piste. Je note rapidement que l’aéronef semble traîner derrière lui un objet. L’utilisation des jumelles confirme la présence d’un bloc de ciment d’une centaine de kilos attaché par une corde, bloc qui sert normalement à immobiliser l’avion après chaque vol.

Avion Cessna C172 C-GUCU à Rouyn-Noranda vers 1986
Avion Cessna C172 C-GUCU à Rouyn-Noranda vers 1986

Il apparaît clair que le pilote n’a pas fait l’inspection de son avion avant de démarrer le moteur, procédure obligatoire pour noter toutes anomalies. Traîner ce bloc de ciment sur l’asphalte doit certainement nécessiter plus de puissance de la part du moteur. Je demande au pilote : « Ne trouvez-vous pas qu’aujourd’hui il vous faut plus de puissance pour circuler? » Il me répond qu’en effet il a noté le besoin d’augmenter les révolutions du moteur et que cela est probablement dû à la grande chaleur et à l’humidité.

Sans plus attendre, je lui réponds : « Avez-vous fait votre inspection avant-vol pour vous assurer que tout était correct? » Là, de toute évidence, il comprend que quelque chose cloche. Il immobilise l’aéronef sur la voie de circulation, sort de l’appareil et constate l’énorme bourde qu’il vient de commettre. Sans rien dire de compromettant sur les ondes puisqu’il sait que les communications radio sont enregistrées, il m’annonce qu’il retourne à l’aéroclub parce qu’il a « oublié quelque chose »…

Le poste de travail de l’ancienne station d’information de vol de Transports Canada à Rouyn-Noranda ne permettait qu’une vue partielle de la piste 08/26, mais une vue complète de la voie de circulation où se trouvait le Cessna 172 alors qu’il traînait son bloc de ciment.

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Histoires vécues en tant que FSS à Rouyn-Noranda

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Histoires vécues comme spécialiste en information de vol (FSS): Inukjuak FSS

Le cockpit d’un Boeing 747 de KLM lors d’un vol de nuit au-dessus de l’Atlantique

(Histoire précédente : une cuisine comme aide à la navigation à l’aviation)

Vue du cockpit et de l'équipage d'un B747 de KLM, sur un vol de Montréal vers Amsterdam (EHAM). La photo a été prise alors que l'aéronef se trouve à mi-chemin au-dessus de l'Atlantique en 1983.
Vue du cockpit et de l’équipage d’un B747 de KLM, sur un vol de Montréal vers Amsterdam (EHAM). La photo a été prise alors que l’aéronef se trouve à mi-chemin au-dessus de l’Atlantique en 1983.

Il fut un temps où visiter le cockpit d’un aéronef durant le vol était fort simple. Une demande était faite à l’hôtesse de l’air, qui allait ensuite voir le commandant de bord pour obtenir son accord. Même durant cette période cependant, plusieurs compagnies interdisaient les visites lorsque l’avion était au-dessus de l’océan.

En 1983, lors d’un voyage au départ de Montréal vers la Hollande, j’ai tout de même posé la question au personnel de bord, espérant pouvoir prendre une photo souvenir.

Le vol s’effectuait sur un Boeing B747 de la compagnie KLM. Au beau milieu de la nuit, alors que l’appareil était en vol de croisière depuis plusieurs heures et que la plupart des passagers étaient assoupis, je demandai discrètement à une hôtesse de l’air l’autorisation de visiter le cockpit. Naturellement, elle refusa. Revenant à la charge, je lui mentionnai mon travail comme spécialiste en information de vol (FSS) pour Transports Canada à Inukjuak (CYPH) et le fait que KLM communiquait régulièrement avec nous pour recevoir les services essentiels. Afin de dissiper un dernier doute toujours possible, je lui donnai les numéros des vols de KLM survolant le nord du Québec, au Nunavik.

Elle accepta de transmettre le message et, vingt minutes plus tard, me dit : « Vous pouvez venir avec moi en faisant attention de ne pas réveiller les passagers de première classe installés près de l’escalier tournant qui mène au cockpit ». À mon entrée dans le poste de pilotage, le commandant de bord se retourna, me salua en croquant dans une pomme et retourna à son travail. Tout était tranquille dans l’habitacle et on pouvait entendre un sifflement léger continuel causé par le frottement de l’air.

Après une courte discussion avec le personnel, je demandai aux deux pilotes et à l’ingénieur de bord de fermer les yeux un court instant, le temps de la prise d’une photo avec flash. Une photo qu’il me serait impossible de prendre aujourd’hui, dans les mêmes circonstances, à cause du niveau de sécurité plus élevé.

Et, étant donné que je venais de commencer des vacances annuelles dans un cockpit d’avion, je pensai qu’il serait intéressant, une fois rendu en Hollande, de visiter le fameux monde miniature de Madurodam, histoire de ne pas s’éloigner trop longtemps du monde de l’aviation…

Le monde miniature de Madurodam en Hollande, 1983
Le monde miniature de Madurodam en Hollande, 1983
Madurodam, Hollande 1983
Madurodam, Hollande 1983

(Prochaine histoire : des raisins et des bleuets à Inukjuak)

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Histoires vécues comme spécialiste en information de vol (FSS): Inukjuak FSS

Inukjuak FSS: dernier espoir pour un Twin Otter en manque de carburant.

(Histoire précédente : un nettoyage urgent)

Le Twin Otter de Bell Canada, au second plan, lors d’une belle journée d’hiver à Inukjuak. Au premier plan, un modèle de ski-doo de l’époque.
Le Twin Otter de Bell Canada, au second plan, lors d’une belle journée d’hiver à Inukjuak. Au premier plan, un modèle de ski-doo de l’époque.

Un soir d’hiver, vers 1983, Inukjuak FSS reçu un appel radio d’un aéronef de type Twin Otter opérant pour Bell Canada qui était en difficulté. Le brouillard avait envahi la côte de la Baie d’Hudson à plusieurs endroits, et les atterrissages aux aéroports de dégagement prévus par le pilote étaient maintenant impossibles. Les conditions météo étant encore acceptables à Inukjuak, notre aéroport devint la dernière option pour le pilote. Malheureusement, nos lumières de pistes étaient défectueuses et une solution devait donc être trouvée rapidement.

Des appels téléphoniques furent faits. Plusieurs Inuits arrivèrent en ski-doo et installèrent leur machine de chaque côté de la piste, à intervalles plus ou moins réguliers, de façon à éclairer les limites extérieures de la surface d’atterrissage. Le pilote fit une approche normale et l’aéronef se posa sans problème. Ce genre de service rendu par les Inuits n’était pas une première. Les pilotes étaient toujours heureux de compter sur cet éclairage auxiliaire d’urgence fourni par les habitants des villages nordiques lorsqu’un pépin se présentait.

(Prochaine histoire : acquisition d’une sculpture inuite à Inukjuak en 1982)

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Photographie

Lockheed L-1011 devant la tour de la station d’information de vol d’Iqaluit en 1990

Un Lockheed L-1011 de American Trans Air stationné devant la tour de la station d'information de vol de Iqaluit (Iqaluit FSS) en 1990
Un Lockheed L-1011 de American Trans Air stationné devant la tour de la station d’information de vol de Iqaluit (Iqaluit FSS) en 1990

Cette image provient d’une diapositive qui a par la suite été digitalisée 24 ans plus tard. La qualité en souffre un peu mais l’essentiel s’y trouve: la présence à Iqaluit (CYFB), au Nunavut, d’un Lockheed L-1011 de la compagnie American Trans Air.

Pendant le ravitaillement et le dédouanement, les passagers en profitent pour se dégourdir les jambes sur le tarmac de l’aéroport. En arrière-plan se trouve la tour FSS de la station d’information de vol de Transports Canada à Iqaluit, où nous nous occupions du trafic aérien local autant que des communications internationales HF pour les aéronefs traversant l’océan atlantique, à une époque où la technologie était un peu plus rudimentaire.

Plusieurs gros aéronefs utilisaient Iqaluit de façon régulière comme aéroport d’escale, tels que des DC8 allongés, des Boeing B707, 727, 737. Un Airbus A-380 y est même venu pour effectuer des tests en météo extrême afin d’obtenir sa certification.

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Histoires vécues comme spécialiste en information de vol (FSS): Inukjuak FSS

L’avion tant attendu à Inukjuak

(Histoire précédente: le gestionnaire qui avait perdu l’appétit)

Deux Twin Otters de la compagnie Austin Airways déchargent leur cargo à Inukjuak en 1982.
Deux Twin Otters de la compagnie Austin Airways déchargent leur cargo à Inukjuak en 1982.

Durant les années où la station d’information de vol (FSS) de Transports Canada à Inukjuak (CYPH) était en activité, il y avait une chose sur laquelle un pilote d’Austin Airways pouvait compter : dès l’arrivée de l’avion, il y aurait presqu’à coup sûr des gens sur place pour aider aux opérations de déchargement ou pour offrir les services requis permettant à l’aéronef de redécoller le plus rapidement possible. En effet, les Inuits du village téléphonaient régulièrement à la station FSS pour savoir si des avions étaient prévus, et si tel était le cas, l’heure estimée d’arrivée. Nous étions habitués aux questions telles que : « What time plane? », « Is that food plane? », « Is that mail plane? ».

Dès l’atterrissage nous pouvions voir arriver, en provenance du village, des pick-up, un camion-citerne et plusieurs véhicules trois roues Honda. Le maître de poste venait chercher le courrier, les gens du village se pressaient pour saluer les membres de leur famille, et les quelques commerçants aidaient au déchargement de leur matériel ou s’occupaient du ravitaillement en carburant.

L’intérêt était similaire en ce qui concerne l’arrivée des premiers navires de la saison, tard en été. Outre la présence occasionnelle d’un brise-glace, nous assistions à l’arrivée d’un navire de la compagnie Shell chargé de ravitailler les villages. Des barges chargées de centaines de caisses et de machinerie lourde atteignaient enfin les villages du Nord le long des baie d’Hudson et d’Ungava après plus d’une semaine de navigation, profitant de la marée basse pour livrer leur cargaison. Certains de ces vaisseaux avaient été endommagés par les glaces durant leur voyage et devaient parfois être réparés sur place avant de pouvoir reprendre leur route.

Piano et matelas laissés sur place en l'absence des clients. Inukjuak 1982
Situation inusitée: un piano et des matelas sont laissés sur place en l’absence des clients. Inukjuak 1982

Une bonne journée, un avion de patrouille anti-sous-marine CP140 Aurora venant de terminer son travail au-dessus de la baie d’Hudson nous contacta pour recevoir des informations. Puisque ses opérations semblaient momentanément terminées et qu’il se déplaçait maintenant vers un autre secteur, il lui fût demandé de faire une « passe » à basse altitude au-dessus de la station d’information de vol. Le pilote accepta et dans les minutes qui suivirent, l’avion passa en trombe près de nos installations pour disparaître quelques instants plus tard dans les nuages. Je me souviens encore du déluge d’appels téléphoniques que le passage de l’aéronef occasionna dans le village. Faute de pouvoir apercevoir l’aéronef, les gens surpris demandaient : « Is that food plane? » « Is that mail plane? ».

Un survol à basse altitude est demandé, à l’occasion, pour observer un aéronef de près et pouvoir entendre le son des moteurs au moment du passage. Cela permet également la prise d’une photo. Chaque pilote que j’ai connu au cours des années acceptait avec joie cette occasion de mettre un peu de piquant dans sa routine.

Le Twin Otter C-GMDC de la compagnie Air Inuit refait le plein de carburant à Inukjuak en 1982
Le Twin Otter C-GMDC de la compagnie Air Inuit refait le plein de carburant à Inukjuak en 1982

(Prochaine histoire: l’Inuit qui voulait tirer des Blancs avec une carabine de calibre .303)

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Histoires vécues comme spécialiste en information de vol (FSS): Inukjuak FSS

Le gestionnaire qui avait perdu l’appétit en arrivant à Inukjuak.

Décollage d'un Twin Otter d'Austin Airways durant une averse de neige à Inukjuak en 1982. En arrière-plan, le bâtiment d'aérologie d'Environnement Canada.
Décollage d’un Twin Otter d’Austin Airways durant une averse de neige à Inukjuak en 1982. En arrière-plan, le bâtiment d’aérologie d’Environnement Canada.

Un gestionnaire de Transports Canada devait occasionnellement quitter le confort de son bureau de Montréal pour venir inspecter une des stations d’information de vol (FSS)située dans le Nord-du-Québec. En 1982, il effectua donc le trajet vers Inukjuak (CYPH), au Nunavik, en utilisant Nordair, pour la portion entre Montréal et Kuujjuarapik (CYGW).

À partir de cet endroit, un Twin Otter d’Austin Airways fit le trajet jusqu’à Inukjuak. Quelques minutes après le départ, lors du survol au-dessus de la baie d’Hudson, la base des stratus baissa dramatiquement et le pilote nous dira plus tard qu’il dû faire le trajet avec tout au plus 200 pieds de jeu entre l’eau et les nuages.

L’avion arriva à Inukjuak en après-midi. Au souper, le cuisinier offrit un repas chaud au gestionnaire, mais ce dernier avoua qu’il n’avait absolument aucun appétit. Il nous confiera, un plus tard, que de voir la surface de l’eau aussi près de l’avion et de sentir la turbulence mécanique durant tout le voyage lui avait coupé l’appétit. Nous avions alors réalisé que notre gestionnaire n’était pas très à l’aise avec les vols « non standards ».

Un Twin Otter d'Austin Airways au décollage de Inukjuak en 1982
Un Twin Otter d’Austin Airways au décollage de Inukjuak en 1982

Au retour, il était seul passager à bord, le reste de l’espace n’étant que du cargo. Nous connaissions suffisamment bien les pilotes pour leur demander une petite faveur, soit un décollage avec virage serré. Ce qui fut fait très adroitement et créa une surprise certaine chez le voyageur.

Sur le vol de retour vers Montréal, il profita d’une escale à La Grande (CYGL) pour nous envoyer par téléscripteur une remarque qui en disait long sur son appréciation du virage. Il faut dire, en toute honnêteté, que le pilote en avait donné plus que le client en demandait, et que le voyageur eut la chance d’expérimenter ce qu’était un virage de 70 degrés vers la droite. C’était suffisant pour lui enlever le goût de revenir avant longtemps.

(Prochaine histoire : l’avion tant attendu)

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Histoires vécues comme spécialiste en information de vol (FSS): Inukjuak FSS

Dans le doute, vaux mieux l’action que l’inaction.

(Histoire précédente: en route vers la première mutation, Inukjuak)

La piste en sable mou d'Inukjuak, en 1982, et un Twin Otter d'Austin Airways équipé de pneus ballons.
La piste en sable mou d’Inukjuak, en 1982, et un Twin Otter d’Austin Airways équipé de pneus ballons.

Durant les premières journées où je travaille comme spécialiste en information de vol (FSS) pour Transports Canada à la station d’information de vol d’Inukjuak (CYPH), en 1982, je reçois un appel radio provenant d’un bimoteur Beech 200. Le pilote de l’aéronef immatriculé aux États-Unis signale qu’il désire atterrir à Inukjuak pour une courte escale. Plusieurs passagers sont à bord. Je lui donne donc les informations nécessaires et suis sa progression vers l’aéroport, à travers les communications radios subséquentes.

On tient pour acquis qu’un pilote voulant atterrir sur un aéroport s’est informé au préalable de la longueur et de l’orientation de la piste, de même que de sa constitution (ciment, asphalte, gravier, gazon, sable). Ce sont des informations absolument essentielles, au même titre que de s’assurer qu’il y a suffisamment de carburant à bord de l’aéronef. Cela fait la différence entre un accident et un atterrissage réussi. Le Beech 200 n’est pourtant pas l’appareil indiqué pour Inukjuak, avec sa piste en sable mou.

J’hésite à lui demander s’il est au courant des caractéristiques de la piste d’Inukjuak, parce que c’est une information qui est tellement élémentaire. Par contre, je n’ai aucune expérience comme spécialiste en information de vol et considère inimaginable que dès les premiers jours d’une nouvelle carrière, j’aie affaire à un pilote qui n’a pas pris le temps de se préparer et va bientôt mettre sa vie et la vie de ses passagers en danger.

Mais si ce pilote est responsable de ce type d’avion, c’est qu’il a tout de même des centaines, sinon des milliers d’heures de vol à son actif. Si je le questionne sur ses connaissances des caractéristiques de la piste d’Inukjuak, j’aurais l’impression de lui dire que sa préparation n’est pas adéquate, ou encore que l’avion est trop gros pour ses capacités.

L’aéronef est maintenant en finale pour la piste, à quelques miles de distance. N’y tenant plus, je pose la question fatidique : « Êtes-vous au courant que vous vous préparez à atterrir sur une piste de 2000 pieds en sable mou? » Je m’attends à recevoir un commentaire assez sec, mais le pilote me répond, tout mollement : « OK, on va faire une approche manquée et on va aller atterrir ailleurs. Est-ce que Kuujjuarapik est adéquat? » Je réponds par l’affirmative et, dans les secondes suivantes, peux entendre l’appareil remettre les gaz et survoler la piste à basse altitude.

À partir de cette journée, et pour les décennies suivantes, je me suis promis de ne jamais rien tenir pour acquis. Dans le doute, vaux mieux l’action que l’inaction…

(Prochaine histoire: une visite à la station d’information de vol d’Inukjuak (1982))

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Histoires vécues en tant que pilote et FSS: apprentissage du pilotage

La licence d’instructeur de vol

(histoire précédente: le vol de St-Jean-sur-Richelieu vers Edmonton)

De façon à continuer à accumuler des heures de vol, j’entamai les cours nécessaires pour devenir instructeur de vol. Suite au passage avec succès d’examens théorique et pratique, la licence fut obtenue. Ayant déjà suffisamment d’heures de vol comme commandant de bord, je pouvais recevoir immédiatement une licence de classe 3. Techniquement, cela signifiait que je n’avais pas à recevoir d’autorisation du chef instructeur avant de laisser un élève voler en solo pour une première fois.

De façon à étudier avec le plus d’exactitude possible les manœuvres que j’aurais à enseigner lors des cours de pilotage, je travaillais des exercices parfois inhabituels. Ceux-ci visaient à vérifier quel serait le comportement de l’avion si un étudiant effectuait une mauvaise manœuvre avant que j’aie le temps d’intervenir. Avec suffisamment d’altitude, il était possible de se permettre passablement d’improvisation.

Je décidai donc, lors d’un de ces exercices un peu particuliers, de simuler le fait qu’un étudiant avait confondu les manœuvres à effectuer pour amener l’avion en décrochage et par la suite en vrille. L’avion se retourna complètement à l’envers et j’entendis des bruits de tôle indiquant que le stress imposé à l’avion était possiblement important. Inutile de préciser que je décidai de laisser de côté certaines expérimentations, réalisant qu’il était fort possible que certains aéronefs loués avaient auparavant été sollicités plus qu’ils n’auraient dû l’être. On veut tous terminer un vol avec un aéronef ayant tous ses morceaux…

Un groupe d'instructeurs de vol travaillant à St-Jean-sur-Richelieu en 1981
Un groupe d’instructeurs de vol travaillant à St-Jean-sur-Richelieu en 1981

À St-Jean-sur-Richelieu, nous étions désormais onze instructeurs certifiés à l’aéroclub. Cependant, le nombre de nouveaux étudiants stagnait dans ce climat d’incertitude économique de la fin des années 70 au début 80. Une récession mondiale sévissait et le chômage grimpait en flèche. Certaines compagnies aériennes avaient cessé leurs opérations, d’autres gelaient l’embauche de nouveaux pilotes. Onze instructeurs dans un même aéroclub, c’était beaucoup pour des clients de plus en plus rares. La paie était maigre.

Parmi les étudiants que j’ai formés durant la période où j’étais instructeur de vol, le premier qui réussit à s’envoler en solo était un Égyptien. Il était arrivé au Québec avec un groupe d’une dizaine de compatriotes. Leur ambition était de recevoir toute leur formation au Québec et de retourner en Égypte comme pilote pour la compagnie nationale Égyptair.

Deux étudiants Égyptiens à une école de pilotage de St-Jean-sur-Richelieu en 1981
Deux étudiants Égyptiens à une école de pilotage de St-Jean-sur-Richelieu en 1981

Mon étudiant avait du talent, il apprenait rapidement. Mais il y avait dans ce groupe un étudiant que plusieurs instructeurs essayèrent à tour de rôle de former, sans succès. Chacun de nous pensait que nous n’avions peut-être pas la bonne méthode; nous l’encouragions donc à voler avec d’autres instructeurs. Il devint évident que l’aviation ne serait jamais le champ d’activité où il pourrait s’épanouir et faire carrière. Aucun instructeur n’accepta de le laisser voler en solo, et ce après que l’élève eut passé des mois à tenter de comprendre les notions élémentaires de pilotage : quand venait le temps d’exécuter les notions apprises, même après de multiples démonstrations, il n’y arrivait pas. Il n’était pas sécuritaire. Je crois bien que ses plans pour devenir pilote ont été modifiés à jamais après son passage à St-Jean.

(prochaine histoire: le spécialiste en information de vol)

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