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Histoires vécues comme spécialiste en information de vol (FSS): Iqaluit FSS

Iqaluit, havre pour la drogue

En 1990, Stacey Campbell, du journal News North, écrit un article qu’elle intitule : « Iqaluit Drug Haven ». Elle y mentionne que l’aéroport d’Iqaluit, au Nunavut, est l’endroit où arrive la drogue desservant toute la région de la Terre de Baffin. Le courrier est également un moyen utilisé par les trafiquants. Marijuana, haschisch et cocaïne sont offerts sans avoir à chercher bien longtemps.

Sur l’étage supérieur du bâtiment de huit étages dans lequel je demeure, les utilisateurs de drogues sont de plus en plus nombreux. Alors qu’il y a un an seulement l’endroit était relativement tranquille, ce n’est plus le cas aujourd’hui. De mon appartement, j’entends plus souvent les cris provenant du couloir ou des chambres avoisinantes et les « Open the door! » lancés par les policiers de la GRC.

Il y a des cas de violence conjugale, des bagarres, des gens que je dois enjamber pour circuler dans le couloir parce qu’ils sont étendus par terre, la tête dans leur flaque de vomissures, totalement intoxiqués. Tout près de l’endroit où j’habite, quelqu’un a été sorti assez rapidement d’un appartement : la porte et quelques moulures sont arrachées et il y a du sang sur les murs du corridor. L’endroit est beaucoup moins paisible que l’an dernier.

Au centre de l'image, un immeuble à étages habité par des célibataires à Iqaluit en 1988
Au centre de l’image, un immeuble à étages habité par des célibataires à Iqaluit en 1988

Dans une chambre tout près se réunissent certains cas problématiques, spécialement le vendredi soir. Il n’est pas rare que la tension monte alors que plusieurs personnes se querellent entre des parties de cartes. L’endroit est devenu malsain pour une personne tentant de se reposer un peu entre les quarts de jour, de soir et de nuit ajoutés à un horaire de travail de sept jours par semaine à la station d’information de vol d’Iqaluit.

Je me souviens d’une occasion où quelqu’un s’est mis à frapper sur ma porte de chambre alors que j’étais en train d’étudier bien tranquille. Je pouvais entendre crier: « I am going to kick your ass! Je n’avais absolument aucune idée de ce qui se passait et comme il semblait que j’étais directement interpellé, j’ai ouvert la porte.

Je reconnais alors un individu à qui j’ai demandé poliment, il y a au moins six mois, d’essayer de faire un peu moins de bruit. Tous ces mois sont passés et soudainement le souvenir de la demande revient à la mémoire de cette personne, ce soir dans un état second. Il a visiblement pris ma demande pour une insulte. Il semble pour l’instant sous l’emprise d’un produit “dérivé” et est en colère.

Il se tient debout dans le couloir. Toute confrontation physique “modérée” semble inutile parce que dans l’état où il se trouve, il apparaît que seules des actions rapides et radicales auront du succès.

Je tente de fermer lentement la porte, mais il l’immobilise avec sa main. La situation se gâte un peu plus. J’attends quelques secondes puis essaie de nouveau, calmement et sans dire un mot. Dans quelques secondes, si cela ne fonctionne pas, il ne restera qu’une solution. J’appuie progressivement sur la porte et lui, à mon plus grand étonnement, commence à céder, à laisser aller, si bien qu’en environ vingt secondes, la porte est refermée.

Tout cela s’est fait dans le plus grand silence. Dans ma chambre, je me tiens à quelques pieds de la porte, anticipant qu’elle sera défoncée sous peu. Mais rien ne se produit. Toujours le silence. Après quelques minutes à être resté là, dans ma pièce, à attendre la suite des évènements, je réalise que tout est terminé. Quelle soirée bizarre! Cela ne se serait pas terminé ainsi dans une grande ville du Sud.

Je suis en mesure de dire qu’en effet, Iqaluit en 1990 était un havre pour la drogue. De plus, l’étage où se trouvait ma chambre ne faisait pas exception. Heureusement, j’ai éventuellement pu changer d’étage et me retrouver avec des gens qui avaient un mode de vie un peu plus balancé et le besoin de dormir à l’occasion…

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Le sultan de Brunei s’arrête à Iqaluit, dans l’Arctique Canadien

L’aéroport d’Iqaluit constitue une escale populaire pour le ravitaillement de plusieurs types d’appareils à court ou moyen rayon d’action lorsque ceux-ci doivent survoler le Nunavut, dans l’Arctique Canadien. Sa piste de 8,600 pieds permet à n’importe quel type d’appareil d’atterrir. Des avions de la compagnie Airbus, dont le A380, le A350-XWB et le A330-200F y ont d’ailleurs été mis à l’épreuve durant plusieurs jours lors de tests en condition de froid extrême.

Airbus A330-200F arrivant à Iqaluit pour des tests lors de froid extrême. (PHOTO par CHRIS WINDEYER)
Airbus A330-200F arrivant à Iqaluit pour des tests lors de froid extrême. (PHOTO par CHRIS WINDEYER)

Des acteurs bien connus, des princes et princesses (dont des membres de la monarchie Britannique) et plusieurs personnalités politiques s’y sont arrêtés au cours des années. Même Nelson Mandela y est passé lors d’une escale en provenance des États-Unis.

Elder Alacie Joamie and Prince Albert II of Monaco in Iqaluit in 2012
Elder Alacie Joamie and Prince Albert II of Monaco in Iqaluit in 2012

Vers 1989-1990, le sultan de Brunei et sa suite se sont eux aussi arrêtés à Iqaluit. Le personnel FSS de la station d’information de vol de Transports Canada à Iqaluit a été surpris de constater qu’un Boeing 727 n’était pas suffisant pour accommoder le souverain. En effet, deux autres jets privés de type Gulfstream précédaient l’arrivée du B-727.

Une fois les trois aéronefs stationnés sur le tarmac, la porte avant du Boeing B727 s’est ouverte, un grand tapis rouge a été déroulé sur le sol, à partir de l’escalier de l’avion. Deux femmes sont sorties du Boeing et ont balayé le tapis sur toute sa longueur puis, quelques minutes plus tard, le monarque est sorti prendre l’air frais du Grand Nord.

En moins d’une heure, le ravitaillement étant complété, tout ce beau monde est reparti sans plus attendre. C’était la première fois que j’étais témoin d’un tel déploiement de ressources pour transporter un souverain.

Mais je n’avais encore rien vu. Quelques années plus tard, j’étais transféré à la station d’information de vol de Québec, qui deviendrait plus tard le Centre d’information de vol de Québec, sous Nav Canada. Là, j’ai pu témoigner, en compagnie d’autres employés des services de la circulation aérienne, de la frénésie entourant l’arrivée du Président des États-Unis, Georges W. Bush, pour le Sommet des Amériques de 2001. Sans commune mesure…

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Canada : Iqaluit FSS et la tempête solaire de 1989

L’année 1989 avait été problématique pour les spécialistes en information de vol (FSS) de Transports Canada à Iqaluit tentant de communiquer au moyen de fréquences HF avec les aéronefs traversant l’Atlantique Nord.

Nous tentions comme d’habitude d’obtenir les rapports de position à 60, 70 et 80 degrés Ouest, de façon à nous assurer que les différents centres de contrôle assurant les services de la circulation aérienne (Montréal, Gander, Winnipeg et Edmonton) puissent maintenir un temps de dix minutes ou un espacement de 80 miles nautiques entre chaque aéronef. Il fallait noter les routes, la position actuelle et prévue, les temps, la vitesse et l’altitude, tout en relayant les autorisations ATC.

Des spécialistes en information de vol au travail à la station FSS d'Iqaluit en 1989
Des spécialistes en information de vol au travail à la station FSS d’Iqaluit en 1989

Mais durant plusieurs semaines en février et mars, la qualité des échanges radio avait été grandement diminuée par une tempête solaire suffisamment puissante qu’elle avait perturbé le réseau hydro-électrique du Québec et plongé la province dans la noirceur pendant neuf heures le 13 mars.

Lors d’une tempête solaire majeure, le spectre complet des fréquences HF peut devenir inutilisable durant de fréquentes périodes variant de dix minutes à une heure.

Je me souviens de plusieurs cas problématiques, dont un épisode où un contrôleur d’un centre de contrôle régional nous demanda de contacter un avion pour savoir si le pilote était capable de monter à 37,000 pieds une fois rendu à 70 degrés ouest. La question fut transmise au pilote et il répondit immédiatement : « Roger, we are climbing 370 ». Il n’avait reçu aucune autorisation de changer son altitude, mais il était maintenant en train de commencer l’ascension à une altitude où il n’y avait pas de séparation suffisante entre lui et les autres aéronefs.

Nous lui avions alors répété à maintes reprises : « Negative, this is a question, this is not a clearance, do not climb to flight level 370 », mais le pilote ne répondit jamais à cause de la pauvre qualité des communications HF. Le centre de contrôle fût rappelé en vitesse et avisé de la situation.

Pour le reste de la durée de la tempête solaire, les spécialistes en information de vol furent interrogés quant à la qualité actuelle des communications HF avant que des demandes ponctuelles soient transmises par radio, de façon à éviter de mauvaises surprises.

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Des pilotes surpris par le froid extrême d’Iqaluit.

Les spécialistes en information de vol (FSS) de Transports Canada à Iqaluit ont parfois été étonnés par le type de vêtements portés par les pilotes chargés de convoyer des aéronefs de l’Europe vers l’Amérique.

Le plan de vol, pour les aéronefs de petite et moyenne taille, comportait fréquemment un arrêt par Iqaluit, au Nunavut, car un ravitaillement était nécessaire. Il aurait été raisonnable de croire que les pilotes se prépareraient pour les situations imprévues et prendraient de l’information sur les conditions météorologiques parfois extrêmes qu’ils devraient rencontrer au moment des différentes escales vers l’Amérique.

Pourtant, le personnel FSS a pu observer à de nombreuses reprises de petits avions à réaction connaître des problèmes majeurs lors du ravitaillement sous des températures très froides. Pendant que les réservoirs se remplissaient, les pneus s’aplatissaient progressivement sous le froid extrême et l’augmentation de la charge.

D-AHLO B737-4K5 de Hapag Lloyd lors de son vol de livraison en 1989, de Boeing Field (KBFI) à Iqaluit, et par la suite vers l'Allemagne. Il est ravitaillé lors de conditions météorologiques difficiles. Ce type d’appareil ne connaissait pas de problèmes, mais ce n’était pas le cas des avions à réaction plus petits.
D-AHLO B737-4K5 de Hapag Lloyd lors de son vol de livraison en 1989, de Boeing Field (KBFI) à Iqaluit, et par la suite vers l’Allemagne. Il est ravitaillé lors de conditions météorologiques difficiles. Ce type d’appareil ne connaissait pas de problèmes, mais ce n’était pas le cas des avions à réaction plus petits.

Un petit délai dans les opérations et les moteurs ne démarraient plus. Les pilotes sortaient alors de l’appareil, vêtus d’une petite veste de cuir et de souliers d’été. Essayant de se protéger le mieux possible du froid mordant, ils gesticulaient en discutant avec un préposé au carburant qui lui, était bien emmitouflé dans d’épais vêtements conçus pour le froid de l’Arctique et le protégeant de la tête aux pieds.

Une mince veste de cuir et des souliers d’été étaient certainement satisfaisants pour le sud de l’Europe, mais loin d’être appropriés sur le tarmac d’un aéroport où le coefficient de refroidissement oscillait fréquemment entre -50 C et -65 C. L’avion devait parfois être remorqué vers un hangar pour être réchauffé pendant des heures, sinon durant toute la nuit, et les frais de transit augmentaient de façon exponentielle.

J’imagine que tout pilote qui a vécu une expérience semblable s’en souvient aujourd’hui aussi clairement que le personnel FSS, mais pas pour les mêmes raisons. Et il y a fort à parier que lors d’un second voyage, la préparation était cette fois impeccable.

Le paysage autour d'Iqaluit, par une belle journée, lorsqu’il y a encore de la glace dans la Baie. Les tons de bleu sont absolument magnifiques.
Le paysage autour d’Iqaluit, par une belle journée, lorsqu’il y a encore de la glace dans la Baie. Les tons de bleu sont absolument magnifiques.

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Le démolisseur improvisé à Iqaluit

Lumière du ciel la nuit durant l'été à Iqaluit, 1988
Lumière du ciel la nuit durant l’été à Iqaluit, 1988

Vers 1989-1990, il y a à Iqaluit, au Nunavut, résidant dans le même bâtiment de huit étages que moi, un Inuit très réservé. Il passe son temps libre à lire en marchant, perdu dans ses pensées, un peu comme un prêtre. Nous nous saluons au hasard des rencontres, sans plus.

Un soir où je m’apprête à quitter mon appartement pour aller travailler sur le quart de nuit à la station d’information de vol de Transports Canada à Iqaluit, j’aperçois dans le couloir un individu en proie à une violente crise de colère et qui crie et use de toute sa détermination pour défoncer le mur du couloir à coups de marteau. Il y met de l’énergie et les travaux avancent…

Je reconnais cet individu que je salue quotidiennement et je fais donc face à un problème : pour aller travailler à la station FSS, je dois passer près de lui, car il n’y a pas d’autre issue pour quitter le bâtiment. Est-il trop en crise pour même me reconnaître?

Je me rapproche et prends la chance de passer juste derrière lui. Il arrête soudainement de frapper, se retourne le marteau à la main en me dévisageant un instant. Puis il me dit, calmement, comme le gentleman qu’il est habituellement : « Good evening! ». Je le salue, marche environ dix mètres en continuant mon chemin vers la sortie et je l’entends alors se remettre à crier et attaquer le mur avec son marteau.

Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il y avait parfois des soirées où il était possible d’assister aux scènes les plus invraisemblables. Et, quand cela précédait le début d’un quart de nuit, dans un poste nordique, nous avions l’impression d’être soudainement plongés dans un monde surréel.

J’ignore la façon dont cet épisode s’est terminé. Le lendemain matin, à mon retour, tout était redevenu calme. La seule trace laissée par l’individu était un mur endommagé. Dès le début de la semaine, les réparations seraient effectuées et les débordements de la fin de semaine deviendraient rapidement choses du passé.

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Iqaluit FSS et le Noël du pilote de la compagnie Saab-Scania

(Histoire précédente : Iqaluit FSS et la guerre du golfe Persique)

Livre et message envoyé par un pilote de Saab-Scania aux spécialistes en information de vol d'Iqaluit
Livre et message envoyé par un pilote de Saab-Scania aux spécialistes en information de vol d’Iqaluit

Je conserve de bons souvenirs d’un pilote qui est monté voir le personnel FSS à la station d’information de vol de Transports Canada à Iqaluit,  en 1990, lors d’un soir de Noël glacial. Ce pilote de la compagnie Saab-Scania était arrivé des États-Unis et il devait traverser l’Atlantique vers l’Europe, mais le froid extrême présent lors de son passage à Iqaluit avait compliqué les opérations au sol.

L’horaire serré du pilote de même que les services réduits pour les congés des Fêtes lui avaient occasionné les problèmes les plus divers. Cependant, il avait conservé en tout temps une attitude professionnelle et cela nous avait amené à faire l’impossible pour le sortir du pétrin.

Juste avant de quitter la station, il nous avait demandé notre nom et adresse à Iqaluit. Finalement, une fois tous ses problèmes réglés, le pilote s’était envolé du Canada pour la prochaine étape de son vol. Les semaines passèrent et un beau jour, ma consœur et moi-même reçûmes chacun un paquet en provenance de la Suède. Il s’agissait d’un livre sur l’histoire de la compagnie Saab-Scania et, à l’intérieur, il avait pris le temps d’inscrire: « With thanks for the help at Christmas »!

(Prochaine histoire : Iqaluit : un démolisseur improvisé en action)

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Demande d’asile politique de deux Polonais à Iqaluit

(Histoire précédente : la dame qui se fait voler son sac à main sous mes yeux)

Un DC-8-71 de la Trans Ocean Airways et un Boeing B-727 de la compagnie Sterling à Iqaluit (1989). Vue à partir de la station d'information de vol d'Iqaluit
Un DC-8-71 de la Trans Ocean Airways et un Boeing B-727 de la compagnie Sterling à Iqaluit (1989). Vue à partir de la station d’information de vol d’Iqaluit

Une nuit d’automne 1989, à Iqaluit, dans le Nunavut, un Boeing 727 de la compagnie aérienne Sterling est stationné sur le tarmac pour une courte escale, histoire de refaire le plein. De la tour de la station d’information de vol (FSS) de Transports Canada, nous pouvons apercevoir les véhicules des douanes du Canada et de la GRC stationnés près de l’aéronef, ce qui est inhabituel. Il y a une certaine agitation près de la porte arrière du 727, car plusieurs personnes circulent d’un véhicule à l’autre et semblent faire face à un imprévu. L’escale se prolonge.

Dans les jours qui suivent, soit le 2 octobre 1989, le Journal de Montréal publie l’article suivant : « Deux Polonais, qui avaient prévu de faire défection à Terre-Neuve lors d’une escale technique de leur avion assurant la liaison Gdansk-Vancouver, ont eu la surprise samedi d’apprendre par les autorités canadiennes que l’appareil avait atterri dans le Grand Nord canadien ».

« Les deux hommes, dont l’identité n’a pas été révélée, ont quand même demandé l’asile politique, a affirmé un responsable de la Gendarmerie Royale du Canada (GRC) à la station d’Iqaluit, sur l’île de Baffin, dans l’Arctique. Les Polonais, qui devaient se rendre à Vancouver, sur la côte du Pacifique, pour relayer des marins d’une flottille de pêche, se croyaient à St John’ s, la capitale de Terre-Neuve, a indiqué le responsable, le caporal Gary Asels ».

« L’officier de douane leur a montré sur une carte l’emplacement d’Iqaluit (à 2100 kilomètres au nord de Montréal). Ils s’en fichaient éperdument, l’important, pour eux, c’était d’être au Canada. Ils étaient très heureux d’être ici, a commenté le caporal Asels ».

On m’a rapporté que de façon à réussir leur sortie de l’avion, les deux Polonais avaient choisi un siège situé près de la passerelle arrière du Boeing 727. Ils ont fait semblant de dormir et quand l’escalier a été abaissé et que la surveillance a été diminuée pour un court instant, ils en ont profité pour emprunter rapidement la passerelle et se sont retrouvés sur le sol canadien.

Je ne peux malheureusement pas confirmer aujourd’hui s’ils ont finalement été reçus citoyens canadiens ou s’ils ont dû retourner dans leur pays d’origine.

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Iqaluit: la dame qui se fait voler son sac à main sous mes yeux

(Histoire précédente : les deux commandants de bord forcés de retarder leur décollage à Iqaluit)

Iqaluit NWT 1989
Iqaluit NWT 1989

Iqaluit, Nunavut 1990. Un jour où je sors à l’extérieur pour faire une promenade, une jeune femme Inuite me crie de rattraper un individu, également Inuit, qui vient de lui voler son sac à main. Une telle demande venant d’une citoyenne d’une grande ville ne m’aurait pas surpris, mais il était très improbable pour moi de ne jamais entendre cela dans une petite ville de l’Arctique comme Iqaluit. Je crois donc immédiatement à une farce avec caméra cachée, mais lorsque je me retourne, je vois le type courir au loin avec quelque chose dans les mains.

Je tente alors de rattraper l’individu et comme je me rapproche progressivement, le fugitif sait qu’il a un choix à faire : soit il ralentit et je le rattrape, soit il maintient sa vitesse en descendant une pente escarpée formée de gros blocs de roches aux arêtes pointues. Il choisit la seconde option et entame sa descente en sautant d’une roche à l’autre, perd pied, et se heurte la tête contre les roches lors de sa chute.

Toujours étendu à travers les roches et le visage ensanglanté, il me voit arriver à sa hauteur. Je lui demande alors le sac, mais il refuse d’obtempérer. Il s’attend probablement à ce que je le frappe, mais je ne suis pas là pour jouer les matamores ou faire justice moi-même. J’attends donc un peu qu’il se calme et lui demande de nouveau de me donner le sac. Il accepte finalement.

L’homme se relève sans trop noter le sang qu’il a sur le visage. Sans dire un mot, il me suit à une distance d’environ deux mètres alors que je remonte lentement la pente pour rejoindre la dame qui nous attend tout en haut. En jetant un rapide coup d’œil, je m’assure qu’il n’a pas dissimulé un couteau ou une autre arme dans ses mains.

Arrivé en haut, je remets le sac à main à la dame. Lorsque le voleur arrive à notre hauteur, la jeune femme commence à l’engueuler, profitant de ma présence au cas où celui-ci voudrait la frapper. J’aurais pu me passer de cette étape, maintenant que le calme est revenu.

Quand la « discussion » est terminée entre elle et l’individu, ce dernier tente de s’approcher de moi. Je m’assure de le tenir à l’écart d’au moins une longueur de bras pour éviter un coup vicieux. Il est assez incompréhensible qu’après un incident de ce genre, un voleur décide d’accompagner la victime et le poursuivant, comme si rien ne s’était passé. Il me dit simplement : « You run fast, like Ben Johnson! ».

Finalement, après une courte marche, nous arrivons tous les trois à notre point de départ et le tout se termine aussi subitement que cela avait commencé. La jeune femme décide qu’elle ne portera pas plainte auprès à la police. Elle me remercie et s’en va de son côté, le voleur s’en retourne au bar d’où il était venu, et je reprends ma marche dans le calme légendaire d’Iqaluit, histoire de prendre l’air avant le prochain quart de travail à la station d’information de vol de Transports Canada à Iqaluit.

(Prochaine histoire : demande d’asile politique de deux Polonais à Iqaluit)

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Deux commandants de bord forcés de retarder leur décollage à Iqaluit

(Histoire précédente : l’exercice militaire « Amalgam Chief » : des bombardiers B-52 dans les nord du Canada)

Aer Lingus Boeing B-737 en finale pour Iqaluit (1989)
Aer Lingus Boeing B-737 en finale pour Iqaluit (1989)

L’histoire se situe à Iqaluit, au Nunavut, durant une journée d’hiver de 1990 où la météo est vraiment mauvaise, mais où il est encore possible d’effectuer un décollage. Deux compagnies respectivement propriétaires d’un Boeing 727 et 737 viennent de terminer l’embarquement des passagers en prévision d’un décollage qui doit avoir lieu dans les prochaines minutes. Mais dans l’intervalle, les conditions météo empirent et l’aéroport se retrouve finalement dans une situation où les aéronefs doivent attendre que la visibilité s’améliore.

Les avions sont donc prêts, les moteurs chauffent et pourtant les pilotes ne peuvent décoller. La pression monte et finalement les pilotes décident qu’ils tentent leur chance pour un décollage dans cette météo pourrie. Notre devoir, en tant que spécialistes en information de vol (FSS), est d’aviser les deux commandants de bord que s’ils tentent un décollage dans les conditions actuelles, qui sont sous les minimums légaux, des rapports d’infraction seront déposés contre eux.

Vue à partir de la tour d'information de vol d'Iqaluit FSS: un Boeing B-727 de First Air de même qu'un Boeing B-737 de Canadian Airlines
Vue à partir de la tour d’information de vol d’Iqaluit FSS: un Boeing B-727 de First Air de même qu’un Boeing B-737 de Canadian Airlines
Vue à partir de la tour de la station d'information de vol d'Iqaluit: on peut apercevoir un Boeing B-727 de la compagnie Evergreen International (1989)
Vue à partir de la tour de la station d’information de vol d’Iqaluit: on peut apercevoir un Boeing B-727 de la compagnie Evergreen International (1989)

Nous recevons naturellement une réponse à la mesure de leur impatience, et devant ces mauvaises conditions météo qui persistent et la menace d’une infraction potentielle, les deux commandants de bord doivent se résoudre à reporter le décollage.

Dans leur impatience à vouloir compléter le vol, ces commandants négligeaient qu’il existe toujours la possibilité d’une panne de moteur ou autre urgence majeure au décollage. En cas de panne d’un moteur juste après le décollage et dans l’impossibilité de revenir à Iqaluit à cause de la mauvaise météo, l’avion aurait été forcé de franchir une très grande distance avec un moteur en moins pour se rendre à un aéroport de dégagement, augmentant les risques pour la sécurité des passagers.

La menace d’une infraction potentielle, qui a toujours été la prérogative des services de la circulation aérienne, a pour effet d’obliger les pilotes à attendre pour des conditions météo appropriées.

Un Boeing B-737 de NWT Air sur la voie de circulation et un Twin Otter de Bradley Air Services en courte finale pour la piste 36 à Iqaluit (1989)
Un Boeing B-737 de NWT Air sur la voie de circulation et un Twin Otter de Bradley Air Services en courte finale pour la piste 36 à Iqaluit (1989)
La tour de la station d'information de vol d'Iqaluit, avec en avant-plan un Boeing B-727 de First Air à l'atterrissage piste 36 (1990)
La tour de la station d’information de vol d’Iqaluit, avec en avant-plan un Boeing B-727 de First Air à l’atterrissage piste 36 (1990)
Un Boeing B-737 d'Air UK G-UKLB arrive à Iqaluit (vers 1989)
Un Boeing B-737 d’Air UK G-UKLB arrive à Iqaluit (vers 1989)
Un Boeing B-737 tout neuf de la compagnie Hapag-LLoyd (D-AHLL) vient d'arriver de Boeing Field à Seattle. Il se dirige ensuite vers l'Allemagne
Un Boeing B-737 tout neuf de la compagnie Hapag-LLoyd (D-AHLL) vient d’arriver de Boeing Field à Seattle. Il se dirige ensuite vers l’Allemagne.

(Prochaine histoire : la dame qui se fait voler son sac à main sous mes yeux)

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L’exercice militaire « Amalgam Chief » : des bombardiers B -52 dans le nord du Canada.

(Histoire précédente : Iqaluit et l’ancienne base militaire américaine)

Deux CF-18s des forces aériennes du Canada à l'écart de la piste d'Iqaluit en 1989, prêts pour le décollage
Deux CF-18s des forces aériennes du Canada à l’écart de la piste d’Iqaluit en 1989, prêts pour le décollage

En octobre 1989, Stacey Campbell écrit un article dans le News North qu’elle intitule : « Military Jets Fill the Arctic Skies ». Elle explique que NORAD (North American Air Defence) doit régulièrement tenir des exercices visant à vérifier la capacité du nouveau système de défense radar du Canada à déceler des ennemis potentiels en provenance du Nord.

L’officier militaire interviewé par Stacey l’informe que l’exercice comprend, entre autres, des avions de combat CF-18, des avions ravitailleurs et des bombardiers B -52. Les CF-18 sont temporairement basés à Iqaluit, au Nunavut, et Inuvik, le temps de l’exercice. D’autres types d’appareils sont également impliqués dans cet exercice annuel, comme le F-15 Eagle, le bon vieux T-33 et possiblement l’AWAC, mais ce dernier n’est pas atterri à Iqaluit.

Un F-15 Eagle américain atterrissant à Iqaluit en 1990
Un F-15 Eagle américain atterrissant à Iqaluit en 1990

Les spécialistes en information de vol (FSS) de Transports Canada à Iqaluit doivent composer avec la cédule serrée fournie par l’officier militaire, tout en intégrant dans la planification les départs et arrivées des aéronefs privés et commerciaux.

À l’époque, la voie de circulation la plus utile, celle qui se situe près de la fin de la piste 35, ne peut être utilisée du fait que le terrain est trop mou. Tous les avions qui atterrissent sur la piste 35 doivent ensuite circuler à rebours sur cette piste avant que celle-ci ne soit complètement dégagée pour les prochains atterrissages et décollages. Les délais requis lors de cette procédure donnent parfois des maux de tête à l’officier militaire assis près de nous.

Un F-15 Eagle américain décolle de l'aéroport d'Iqaluit
Un F-15 Eagle américain décolle de l’aéroport d’Iqaluit
Trois T-33 du Canada à Iqaluit en 1990
Trois T-33 du Canada à Iqaluit en 1990
Un avion-cargo Starlifter américain en attente pour le décollage d'Iqaluit (1989)
Un avion-cargo Starlifter américain en attente pour le décollage d’Iqaluit (1989)
Deux CF-18s des forces militaires aériennes du Canada à Iqaluit en 1989
Deux CF-18s des forces militaires aériennes du Canada à Iqaluit en 1989

Je me souviens que l’officier militaire responsable de la mission nous avait dit : « Si les avions ne peuvent décoller d’ici une minute, la mission est annulée. » Le hasard avait fait que durant la fenêtre très réduite où les CF-18 devaient décoller cette journée-là, il y avait beaucoup d’autres aéronefs de type commercial ou exécutif en opération à Iqaluit. Nous devions composer avec les Avro 748, Twin Otter, Boeing 727 et 737, de même qu’avec des jets exécutifs en provenance de l’Atlantique. Il y avait toujours un moyen d’arriver à un résultat satisfaisant pour tous et les exercices se terminaient de la façon souhaitée.

Deux F-15 Eagle américains circulant pour un départ de l'aéroport d'Iqaluit (1990)
Deux F-15 Eagle américains circulant pour un départ de l’aéroport d’Iqaluit (1990)

Ce fut une période que tout le personnel appréciait, car pour une semaine durant l’année, les opérations changeaient radicalement : il fallait respecter les besoins impératifs reliés à l’exercice militaire tout en fournissant les services réguliers à la circulation aérienne.

Sur cette photo, six CF-18 du Canada, un Lockheed Electra L-188 pour la patrouille des glaces, un Dash-7 et un T-33, stationnés à Iqaluit.
Sur cette photo, six CF-18 du Canada, un Lockheed Electra L-188 pour la patrouille des glaces, un Dash-7 et un T-33, stationnés à Iqaluit.

Nous savons, pour avoir discuté avec des membres d’équipage ayant pris part à l’exercice, que les forces militaires ont été assez aimables pour remettre au personnel, via notre gestionnaire, des affiches couleur autographiées par les pilotes des différents escadrons impliqués dans « Amalgam Chief ». Même si le gestionnaire de Transports Canada n’a jamais cru bon de nous montrer ne serait-ce qu’une seule de ces affiches, j’ai apprécié cette attention de la part des pilotes.

Un Boeing B-707 des Forces Armées du Canada stationné devant la tour de la station d'information de vol d'Iqaluit
Un Boeing B-707 des Forces Armées du Canada stationné devant la tour de la station d’information de vol d’Iqaluit

(Prochaine histoire : deux commandants de bord forcés de retarder leur décollage à Iqaluit)

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