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Roman graphique et bandes dessinées

Roman graphique : Wagner

Roman graphique "Wagner", l'histoire secrète des mercenaires de Poutine.
Roman graphique « Wagner », l’histoire secrète des mercenaires de Poutine.

« Wagner » est un roman graphique de qualité, fruit d’une recherche sérieuse basée sur de très nombreuses sources connues ou confidentielles.

Grâce au fait qu’une grande concentration de données pertinentes se retrouve dans un seul volume, le lecteur comprend rapidement et mieux le rôle international de ce groupe de mercenaires que supporte Vladimir Poutine et qui a pu s’implanter progressivement au Mali, en Centrafrique, en Lybie et en Syrie, avant d’attaquer les Ukrainiens.

On y trouve les noms de multiples compagnies, sociétés et fondations (société Concord, IRA [Internet Research Agency], SEWA Security Services, Lobaye Invest, M-Finance, M-Invest, Meroe Gold, Midas Resources, First Industrial Company, International Global Logistic [IGL], Alpha Development, Marko Mining, Prime Security, etc.) et une foule d’intervenants ayant joué un rôle majeur dans le partage du contrôle des ressources naturelles (mines, forêts, etc) en Centrafrique et au Mali.

Le bouquin montre comment le manque de clairvoyance de certains politiciens et des services de renseignements permet à Wagner de s’implanter sans trop de difficultés en Afrique. Il éclaire ainsi le départ précipité des Français au Mali et des Chinois au sud de Bamako.

Les dirigeants africains et la douane ferment les yeux sur les opérations de transfert de l’or et du diamant vers la Russie. Mais je n’ai pas besoin de creuser bien loin dans ma mémoire pour souligner que de nombreuses grandes puissances ont pu bénéficier d’un traitement similaire dans d’autres endroits sur notre belle planète.

Le scénariste et dessinateur Thierry Chavant prend soin de ne pas censurer outre mesure les actions des mercenaires de Wagner qui se prennent parfois pour des soldats. Les dessins explicites éclairent les crimes commis par ces tueurs, dont les viols, la torture et l’élimination systématique de centaines de personnes à la fois.

Malgré ces méthodes radicales, les mercenaires n’ont pas la vie facile face à des opposants bien déterminés. Wagner perdra de nombreux combattants en Afrique en se mesurant aux jihadistes, mais beaucoup moins qu’en Ukraine où ce sera littéralement une débâcle pour le groupe, avec des dizaines de milliers de morts et de blessés.

Même Evgueni Prigojine et Dmitri Outkine y laisseront leur vie quand le jet privé dans lequel ils se trouvent explosera au-dessus de la Russie. La question que je me pose encore aujourd’hui : comment peut-on être assez innocent pour continuer de survoler la Russie en toute quiétude après avoir tenté de s’emparer du pouvoir par la force ?

Le livre confirme que la géostratégie internationale a deux visages : un côté acceptable, où les diplomates et hommes d’affaires s’activent pour obtenir des avantages pour eux ou pour leur pays. Mais il y a aussi ce travail dans l’ombre, beaucoup plus violent et où les grands principes s’effacent devant le désir de gagner de nouveaux territoires avec les richesses qui s’y trouvent. Et là, tous les moyens sont bons pour arriver au but, qu’il s’agisse de financement obscur, de menaces, d’exécutions sommaires, de renversement de gouvernement et même d’esclavage moderne.

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Titre : Wagner

Enquête : Matthieu Olivier et Benjamin Roger

Scénario et dessin : Thierry Chavant

Couleur : Mathilda

Auteurs : Thierry Chavant

Éditions : Les arènes BD

© 2024

ISBN : 979-10-375-1111-9

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Géopolitique

Vingt raisons pour lesquelles Donald Trump ne peut rendre à l’Amérique sa « grandeur »

Le slogan politique de Donald Trump « Make America great again » (rendre à l’Amérique sa grandeur) ne fait aucun sens lorsqu’analysé en fonction de ses paroles et actions.

Vous ne pouvez pas rendre à l’Amérique sa grandeur si votre plateforme politique ne présente pas un plan d’action détaillé pour la population. Des formules faciles telles que « Regardez-moi cette foule! », « Nous allons construire un mur! » et « J’aurais bien aimé lui casser la gueule! » ne sont pas des promesses pour un futur glorieux.

Vous ne pouvez pas rendre à l’Amérique sa grandeur si vos idées économiques impliquent d’isoler les États-Unis de ses partenaires commerciaux de longue date. Les États-Unis ont créé 255,000 emplois dans le seul mois de juillet (2016). Pour un pays qui, selon Trump, cède tout à l’avantage de ses partenaires commerciaux, cela semble un peu contradictoire. Une plateforme populiste n’aidera pas les Américains à grandir et comprendre comment fonctionnent les affaires.

Vous ne pouvez pas rendre à l’Amérique sa grandeur en accroissant les tensions entre groupes ethniques à l’intérieur des États-Unis.

Vous ne pouvez pas rendre à l’Amérique sa grandeur en mentant constamment. Plusieurs déclarations de Trump se sont avérées mensongères.

Vous ne pouvez pas rendre à l’Amérique sa grandeur si les quelques propositions générales que vous mettez de l’avant se contredisent entre elles. Donald Trump promet d’abaisser le déficit américain (23 trillions de dollars) et, du même coup, répète qu’il dépensera des milliards et des milliards de dollars pour remettre à jour la capacité militaire du pays. Ceci est totalement contradictoire et implique que la population américaine devra payer pour les nouvelles dépenses en même temps qu’elle absorbe les fortes compressions budgétaires. Étant donné que les riches Américains ne veulent pas payer davantage, et que les Américains les plus pauvres sont à peine capables de survivre, cela implique qu’une classe moyenne en train de disparaître s’occupera de régler la note. Cela ne rendra pas à l’Amérique sa grandeur, mais créera plutôt la crise interne la plus grave qui ait jamais frappé les États-Unis.

Vous ne pouvez pas rendre à l’Amérique sa grandeur en étant impoli et brusque, en insultant et vous moquant de quiconque ne partage pas vos idées. Cette attitude n’aide pas à rendre à l’Amérique sa grandeur.

Vous ne pouvez pas rendre à l’Amérique sa grandeur en étant condescendant envers les prisonniers de guerre. Pendant que certains Américains étaient faits prisonniers de guerre, Donald Trump profitait d’une vie confortable dans la sécurité de sa demeure.

Vous ne pouvez pas rendre à l’Amérique sa grandeur en abaissant le débat politique à un niveau jamais atteint auparavant.

Vous ne pouvez pas rendre à l’Amérique sa grandeur en considérant que la dictature est synonyme de leadership. Vu sous cet angle, Hitler serait un grand leader et nous connaissons tous les conséquences de ses actions. Offrez la présidence à un égo gigantesque et hors de contrôle et les Américains, autant que le reste du monde, en paieront le prix.

Vous ne pouvez pas rendre à l’Amérique sa grandeur en ridiculisant le Mexique, un voisin extrêmement important. Ce pays est un partenaire commercial majeur des États-Unis et a également une culture fantastique, pour quiconque est suffisamment curieux pour ouvrir un bouquin et s’instruire sur le sujet. Mais cela prend de la curiosité et le sentiment qu’il y a d’autres personnes importantes sur cette planète autre que soi-même.

Vous ne pouvez pas rendre à l’Amérique sa grandeur si les candidats républicains à la vice-présidence et à la présidence se contredisent l’un et l’autre sur des sujets très importants à la télévision nationale, et si le candidat à la vice-présidence se retrouve incapable de défendre les positions du candidat à la présidence.

Vous ne pouvez pas rendre à l’Amérique sa grandeur si le candidat républicain à la présidence ne comprend pas les conséquences qui découlent d’une attitude nationaliste populiste. Les Allemands sont passés à travers cette expérience dans le passé. J’ai inclus un vidéo qu’il vaut vraiment la peine d’écouter jusqu’au bout :

Espérons que le ressentiment actuel exprimé envers l’afflux de plus d’un million de réfugiés acceptés récemment en Allemagne ne favorisera pas la montée de l’extrême droite et une répétition des erreurs du passé.

Vous ne pouvez pas rendre à l’Amérique sa grandeur en gouvernant par la peur. Cela n’offre pas un futur prometteur. Vous avez alors une population qui a besoin de plusieurs armes à feu par personne pour pouvoir se sentir en sécurité et bien dormir la nuit.

Vous ne pouvez pas rendre à l’Amérique sa grandeur si vous poussez la population à s’armer plus que tout autre pays dans le monde. Les tueries entre Américains placent le pays en première position pour la violence dans le monde. Vous pouvez redonner de la grandeur à l’Amérique en réduisant le nombre d’armes en circulation et en augmentant le contrôle quant à l’acquisition de ces armes.

Vous ne pouvez pas rendre à l’Amérique sa grandeur si vous ne comprenez pas bien, en tant que président, ce qui se passe réellement en Syrie en 2016. Résumer la situation de façon simpliste ne fait qu’augmenter la confusion. En Syrie, il y a des crimes de guerre qui sont perpétrés. La population civile et les hôpitaux sont délibérément bombardés pour protéger et améliorer les positions stratégiques militaires.

Vous ne pouvez pas rendre à l’Amérique sa grandeur en disant qu’Hillary Clinton sera envoyée en prison si vous devenez président des États-Unis. Ceci se fait sous les régimes autoritaires autour de la planète et ne constitue en rien une promesse qui aidera à améliorer la crédibilité des États-Unis dans le monde libre.

Vous ne pouvez pas rendre à l’Amérique sa grandeur en déstabilisant les alliés de l’OTAN ou en disant que vous utiliseriez la bombe nucléaire contre l’Europe si cela était nécessaire.

Vous ne pouvez pas rendre à l’Amérique sa grandeur en promettant que vous mettrez de l’avant des réformes sur les impôts des sociétés qui feront en sorte que cela nuise à vos propres entreprises. Quelqu’un qui s’est battu pour maintenir ses hôtels et casinos en vie ne changera pas soudainement d’idée une fois élu président des États-Unis. Il ne mettra pas en place des mesures qui mettront en danger ce qu’il a pris tant de temps à sauvegarder. Cela ne fait pas de sens. La personne qui est la mieux placée pour modifier une loi qui risque de nuire à des entreprises est celle qui ne possède pas elle-même ces entreprises.

Vous ne pouvez pas rendre à l’Amérique sa grandeur en élisant quelqu’un qui déteste les fréquents breffages. Être président des États-Unis requiert d’être disponible, intéressé et capable d’écouter les multiples breffages quotidiens. Vous devez avoir la personnalité pour accepter cela, même si vous voudriez plutôt être ailleurs.

Vous ne pouvez pas rendre à l’Amérique sa grandeur en demeurant silencieux sur la façon de diminuer de façon réaliste les différences de revenus entre Américains. Je ne parle pas d’égalité de revenus, mais d’une diminution des extrêmes entre riches et pauvres. Cela aiderait certainement à remettre de l’avant le « rêve américain », abaisserait les tensions sociales et le taux de criminalité et donnerait davantage de sens au slogan « Redonner à l’Amérique sa grandeur… ». Mais nous n’en sommes pas encore là…

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Terrorisme

The Rise of Islamic State: ISIS and the new Sunni revolution

Comme il s’agit d’un livre écrit en anglais, j’ai dû prendre la liberté de traduire les citations pour faciliter la vie aux lecteurs unilingues francophones.

« Patrick Cockburn a noté l’émergence d’ISIS beaucoup plus tôt que toute autre personne et écrit sur ce sujet avec une profondeur telle qu’elle se trouve dans une catégorie à part. » – Press Gazette Journalist of the Year Judges

Le livre nous présente une image plus large de ce qui se produit au Moyen-Orient. Il donne de la profondeur aux nouvelles des grands réseaux.  Le lecteur prend ainsi connaissance du côté moins médiatisé de chaque histoire,  ce qui aide à acquérir une meilleure compréhension des différents conflits.

Première de couverture du livre "The Rise of Islamic State" de Patrick Cockburn
Première de couverture du livre « The Rise of Islamic State » de Patrick Cockburn

Des nouvelles plus ou moins exactes, et parfois des mensonges.

L’auteur dévoile la facilité avec laquelle les mensonges peuvent être fabriqués sur un champ de bataille. Il démontre également que les informations peuvent être plus ou moins exactes, comme dans le cas où un journaliste préalablement « choisi » voyage protégé par une armée, ou encore lorsque des journalistes se fient à des informations de seconde main non vérifiées pour préparer les nouvelles du soir.

Il semble également passablement difficile pour un réseau de nouvelles de refuser de diffuser une histoire lorsque des doutes subsistent à son sujet, spécialement lorsque les compétiteurs ont décidé de diffuser cette même nouvelle.

J’ai placé les citations du livre en italique étant donné qu’elles offrent d’excellents résumés. Certaines sont de l’auteur lui-même, d’autres proviennent de sources qu’il a trouvées pour écrire son livre. L’auteur soulève tellement de sujets qu’il m’est impossible de tout couvrir dans un résumé. Je tenterai d’être aussi bref que possible pour présenter la perspective la plus large possible du contenu du livre.

La peur.

La peur est le facteur principal derrière plusieurs décisions politiques irrationnelles. La peur amène une radicalisation des politiques, des religions et de la propagande. Elle est souvent reliée à un très petit groupe d’individus qui dirigent un pays, un état ou une région lorsque ces derniers croient qu’ils peuvent perdre le pouvoir politique leur offrant des privilèges indus par rapport au reste de la population. Plus les avantages sont grands, plus grande est la peur.

Les « solutions » politiques, la plupart du temps irrationnelles, créent des tensions ou aggravent des problèmes existants et aident seulement à accroître l’instabilité.

L’Arabie Saoudite aidait initialement ISIS à cause de sa peur des jihadistes opérant à l’intérieur de leur pays et également à cause de sa peur du pouvoir chiite à l’extérieur du pays. En ce qui concerne la Turquie, elle a plus peur des Kurdes qu’elle ne craint ISIS. Pour une longue période, la Turquie a donc laissé sa frontière perméable avec la Syrie : cela a permis à ISIS de compter sur une base arrière en cas de repli obligatoire temporaire.

L’auteur dit : « Il y a quelque chose d’hystérique et d’exagéré à propos de la peur que l’Arabie Saoudite entretient quant à l’expansionnisme chiite, étant donné que les chiites ne sont puissants que dans la poignée de pays où ils sont en majorité ou en forte minorité. Sur cinquante-sept pays musulmans, seulement quatre ont une majorité chiite. » (p.102)

La démonisation des religions autres que le Wahhabisme.

Dans le cas de l’Arabie Saoudite, la démonisation des religions autres que le Wahhabisme et l’étalage de la haine à travers les médias sociaux ont créé un territoire fertile à la croissance d’ISIS.

L’auteur dit : « […] Les Saoudiens doivent sérieusement s’attaquer à réformer leur système d’éducation qui démonise actuellement les chiites, sufis, chrétiens, Juifs et autres sectes et religions. Ils doivent cesser de prêcher la haine au moyen de tellement de stations satellites et ne pas offrir de passe-droit aux prêcheurs de haine sur les médias sociaux »(p.107)

« La « Wahhabisation » de l’Islam sunnite est un des plus dangereux développements de notre ère » (p.108)

L’argent favorise la polarisation entre Sunnites et Chiites.

« ISIS n’aurait pu croître en popularité sans le soutien financier de l’Arabie Saoudite, du Qatar, des Émirats Arabes Unis et de la Turquie. Étant donné qu’ISIS se nourrit des tensions entre les sunnites et les chiites, tout ce qui augmente la tension entre sunnites et chiites bénéficie au groupe terroriste : « Il n’y a aucun doute qu’une propagande wahhabite bien financée a contribué a l’accroissement d’un conflit de plus en plus violent entre sunnites et chiites » (p.99)

« Un aspect crucial de la montée du Wahhabisme est le pouvoir financier et politique de l’Arabie Saoudite. Le Dr Allawi dit que si, par exemple, un musulman pieux veut fonder un séminaire au Bangladesh, il n’y a pas beaucoup d’endroits où il pourra obtenir 20,000£ autres que l’Arabie Saoudite. Mais si la même personne veut s’opposer au Wahhabisme, il devra alors le combattre avec des ressources limitées » (p.108)

« Cette polarisation entre deux groupes religieux n’a fait que s’intensifier à travers la guerre chaude et froide que se livrent les États-Unis et la Russie. Des mandataires étaient ici au travail, avec l’Arabie Saoudite et les monarchies du golfe Persique, supportées par les États-Unis, face à l’Iran, la Syrie et le Hezbollah au Liban appuyés par la Russie » (p.71)

Quatrième de couverture du livre de Patrick Cockburn "The Rise of Islamic State"
Quatrième de couverture du livre de Patrick Cockburn « The Rise of Islamic State »

Une propagande qui a fait qu’Al-Qaïda est apparue plus forte et efficace qu’elle ne l’était en réalité, en référence aux attaques du 11 septembre 2001.

Plusieurs sections du livre font référence, à un moment ou l’autre, aux attaques du 11 septembre 2001. Voici quelques-unes des observations de l’auteur (en italique). J’ai également ajouté des commentaires personnels clairement identifiés comme tels :

L’instant Pearl Harbor des attentats du 11 septembre 2001.

L’auteur écrit : « Le choc des attentats du 11 septembre 2001 a généré un « moment » Pearl Harbor aux États-Unis où la révulsion et la peur du public ont pu être manipulées pour implémenter un agenda néoconservateur préexistant en pointant Saddam Hussein et en envahissant l’Irak » (p.100).

Note : les cinq paragraphes suivants constituent un commentaire personnel sur « l’instant Pearl Harbor » :

Un « instant Pearl Harbor » signifie qu’afin que les Américains approuvent une attaque en sol étranger, ils devaient voir quelque chose de terrible se produire aux États-Unis. Par exemple, avant la destruction évidente de navires de guerre à Pearl Harbor par les Japonais, les Américains avaient refusé de s’engager dans la Seconde Guerre mondiale.

Durant les attentats du 11 septembre 2001, et même plus tard, les quatre-vingts caméras du Pentagone n’ont pas pu capturer quoi que ce soit ressemblant de près ou de loin à un Boeing 757 frappant le bâtiment. Vous deviez croire que les choses s’étaient produites exactement comme vous le disaient les nouvelles étant donné qu’il n’y avait pas de photos ni de vidéos d’un Boeing en morceaux sur le terrain du Pentagone.

Les médias ont plutôt joué et rejoué les scènes vidéos où les tours jumelles du World Trade Center s’écrasent complètement jusqu’au sol après avoir été touchées par un seul avion chacune, même si les bâtiments étaient construits pour résister à des impacts multiples, à travers un design « moustiquaire », une leçon apprise à travers ce qui était arrivé des années plus tôt avec l’Empire State Building.

Des gens ont cru que les bâtiments s’étaient écrasés à cause de la chaleur trop élevée, mais plusieurs ont négligé le rapport de la FEMA émis plus tard affirmant que la température ne s’était pas élevée à plus de 300 ou 400 degrés à l’intérieur du bâtiment, des centaines de degrés en moins que ce qui était nécessaire pour faire fondre l’acier.

La chute libre des tours jumelles du World Trade Center a constitué « l’instant Pearl Harbor » nécessaire pour provoquer la peur et faciliter l’implémentation d’un agenda néoconservateur préexistant. Les électeurs américains n’auraient pas approuvé une guerre en règle à l’étranger si les bâtiments étaient demeurés debout après un seul impact. C’est un peu comme si le monde devait croire que le World Trade Center a été bâti en utilisant la pire ingénierie américaine tout en ne retenant aucune leçon du passé. Pour plus d’infos sur ce sujet spécifique:

Sujets controversés

En 2001, Al-Qaïda était une organisation sans grande efficacité.

Patrick Cockburn est un parmi très peu de journalistes qui n’a pas peur de présenter Al-Qaïda telle qu’elle était en 2001, une organisation émergente qui était loin d’être capable de planifier et exécuter des attaques aussi complexes que celles du 11 septembre 2001. (Cela explique aussi pourquoi, peu de temps après les attaques, les nouvelles internationales ont présenté une vidéo de Ben Laden niant sa responsabilité pour les attaques. Une vidéo qui n’a jamais été remontrée. Mais plusieurs millions de personnes l’ont vue avant qu’elle ne soit censurée subséquemment par les grands réseaux).

« Au moment de 9/11, Al-Qaïda était une petite organisation généralement inefficace »(p.59). L’auteur utilise en anglais le terme « ineffectual », qui réfère à l’incapacité de produire un effet désiré.

L’implémentation de l’agenda néoconservateur.

Cela signifie en réalité que l’agenda préexistant néoconservateur américain ne pouvait compter sur l’expérience d’Al-Qaïda. Il a plutôt fallu l’aide d’une ou plusieurs organisations expérimentées pour le financement, la planification et l’exécution des attaques du 11 septembre 2001. Seulement après les faits Al-Qaïda a-t-elle pu être blâmée étant donné qu’elle était maintenant bien connue des Américains, après toute la propagande des médias. Un lien artificiel a par la suite été fait avec l’Irak, permettant une invasion que soixante pour cent des électeurs américains ont autorisée.

Soixante pour cent des électeurs américains ont été induits en erreur.

L’auteur écrit : « Le nom Al-Qaïda a toujours été utilisé de façon élastique pour identifier un ennemi. En 2003 et en 2004 en Irak, alors que l’opposition irakienne à l’occupation américaine et britannique s’accentuait, les autorités américaines ont attribué presque toutes les attaques à Al-Qaïda alors que plusieurs étaient le fait de groupes nationalistes et baathistes. Une telle propagande a aidé à persuader près de soixante pourcent des électeurs américains avant l’invasion en Irak qu’il y avait une connexion entre Saddam Hussein et les responsables de 9/11, malgré une absence complète de preuves sur le sujet. En Irak, et à travers le monde musulman, ces accusations ont grandement bénéficié à Al-Qaïda en exagérant son rôle dans sa résistance à l’occupation américaine et britannique » (p.53)

La chute de Mosul.

ISIS n’a eu besoin que de 6000 combattants pour gagner la Bataille de Mosul. Pourtant, le groupe armé faisait face à un million de soldats irakiens. Comment cela a-t-il été possible? L’auteur voit trois raisons :

1. La coopération des sunnites irakiens, qui sentaient qu’ils étaient mieux protégés par ISIS que par les chiites.
2. Une corruption à tous les niveaux dans l’armée irakienne : « Comme un ancien ministre l’a dit, « le gouvernement irakien est une kleptocratie institutionnalisée ». Un autre politicien qui ne veut pas être nommé a dit « […] Les gens donnent de l’argent pour faire partie de l’armée [pour obtenir un salaire] – mais ce sont des investisseurs, pas des soldats » (p.77)
3. Le fait que l’armée irakienne ne soit désormais plus une armée nationale, étant donné que les soldats sunnites bien entraînés ont été mis de côté.

Syrie : le président Bachar Assad n’était pas aussi faible qu’on le croyait.

Autant le monde extérieur que l’opposition percevaient le président Assad comme beaucoup plus faible qu’il ne l’était en réalité. Tous pensaient qu’il serait défait sans l’aide d’une campagne aérienne organisée.

Une omission majeure quant à la guerre en Syrie.

« Les États-Unis et autres pouvoirs occidentaux ont échoué à prévoir qu’en supportant une révolte armée en Syrie, ils déstabiliseraient inévitablement l’Irak et provoqueraient une nouvelle ronde d’une guerre civile sectaire » (p.73)

Cinq différents conflits en Syrie.

Le conflit syrien est extrêmement compliqué étant donné qu’il y a plusieurs intérêts politiques et religieux en jeu : « La crise syrienne comprend cinq différents conflits qui s’infectent entre eux et s’exacerbent mutuellement. La guerre a commencé avec une révolte populaire véritable contre une dictature brutale et corrompue, mais elle a vite été mélangée au conflit entre sunnites et alawites, pour ensuite dégénéré dans un conflit régional global entre chiites et sunnites avec d’un côté une alliance représentée par les États-Unis, l’Arabie Saoudite et les états sunnites et, de l’autre côté, l’Iran, l’Irak et les chiites libanais. En plus de tout cela, il y a eu un renouveau dans la guerre froide entre Moscou et l’Occident, exacerbée par le conflit en Libye et de façon récente s’aggravant encore à cause de la crise en Ukraine » (p.94)

En Syrie, c’est un choix entre Assad ou ISIS.

ISIS est la plus importante force d’opposition en Syrie. Si Bachar Assad tombe, ISIS prend sa place : « Les Syriens ont le choix entre une dictature violente, dans laquelle le pouvoir est monopolisé par la présidence et des services de sécurité brutaux, ou une opposition qui tire en plein visage des enfants pour un blasphème mineur et envoie des photos de soldats décapités aux parents des victimes ». (p.81)

Les victoires octroyées par Dieu.

« L’attrait de l’État islamique pour les musulmans sunnites de Syrie, d’Irak et d’ailleurs dans le monde vient en partie du sentiment que ses victoires sont octroyées par Dieu et inévitables, donc toute défaite endommage sa prétention à un support divin » (p.159)

La solution au conflit syrien viendra de l’extérieur du pays.

« Plusieurs Syriens voient maintenant une solution à leur guerre civile comme étant largement entre les mains des États-Unis, de la Russie, de l’Arabie Saoudite et de l’Iran. En cela, ils sont probablement corrects ».

Notes supplémentaires.

La guerre ne concerne jamais que le « combat ». Il y a toujours un processus politique sous-jacent qui est en marche. Donc, même si un pays semble militairement défait, d’énormes efforts politiques devront être faits si l’on veut créer un nouvel ordre stable.

« La conviction qu’un gouvernement toxique est à la base de tout ce qui est mauvais est la position publique de la plupart des oppositions, mais il est dangereux de se fier à l’agenda personnel de toute personne. »

« Un gouvernement ou une armée peut tenter de maintenir le secret en interdisant les journalistes, mais il devra payer le prix étant donné que l’absence de nouvelles est remplacée par de l’information fournie par leurs ennemis ».

Titre: The Rise of Islamic State (Publié initialement sous le titre: The Jihadis return: ISIS and the failure of the global war on terror par OR Books ©2014)
Auteur: Patrick Cockburn
Éditions: Verso
©2015
ISBN-13: 978-1-78478-040-1

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Terrorisme

Le Califat du sang

Le Califat du sang, de Alexandre Adler
Le Califat du sang, de Alexandre Adler

Le Califat du sang

État Islamique, Daech, ISIS : trois noms pour désigner le même groupe terroriste

De façon à réduire les risques de confusion pour le lecteur, l’auteur, Alexandre Adler, présente immédiatement trois noms qui signifient une même entité : État islamique, Daech, ISIS. Il explique ce que désire ISIS : établir un califat sur le Levant, un territoire qui s’étend de la Méditerranée au golfe Persique et qui inclue le Liban, la Syrie, l’Irak et la Palestine.

Le concept de « califat » et les raisons du désir de son rétablissement sont clairement expliqués.

Modification du rapport de force entre sunnites et chiites

ISIS recherche des zones en décomposition où s’implanter. Il se nourri des tensions très fortes créées par l’inégalité croissante entre deux groupes : les sunnites et les chiites. Les sunnites, groupe religieux plus conservateur, ont perdu énormément d’influence à la suite de la mort de Saddam Hussein. On tente aujourd’hui de réparer les pots cassés en s’assurant que le pouvoir en Irak prend en considération les intérêts des deux groupes.

Les mouvements radicaux puisent chez les insatisfaits

Les sunnites ont constaté la force croissante de l’axe chiite : Beyrouth, Damas sous Bachar Assad, Bagdad sous Maniki, et surtout la montée de l’Iran moderne, qui est également constitué d’une majorité chiite. Utilisant ce débalancement des nouveaux rapports de force, ISIS a su recruter des officiers militaires et des chefs de tribus arabes et sunnites insatisfaits.

L’auteur insiste donc sur le fait que les mouvements radicaux puisent à la base chez les insatisfaits, les laissés pour compte. Il donne un autre exemple susceptible de créer de l’insatisfaction : la colonisation.

Une division des territoires qui ne tient pas compte du facteur humain

La colonisation modifie les rapports de force à l’intérieur d’une population. L’auteur étant Français, il cite en exemple la façon dont la France est intervenue au Sahara, en divisant des territoires sans tenir compte du facteur humain. Avec la mise en place de nouvelles frontières, la tribu des Touaregs a soudainement été divisée en trois.

Cette tribu ayant refusé de se soumettre à une autorité nouvelle, en l’occurrence le gouvernement du Mali, des tensions ont été créées et se sont accrues avec le temps, faute d’accommodement raisonnable.

Le dictateur Kadhafi, depuis la Libye, a compris qu’il pouvait tirer profit de la situation et a soutenu le mouvement de résistance des Touaregs. Kadhafi ayant été abattu, les Touaregs se sont alors tournés vers une nouvelle forme de support : les jihadistes. De fil en aiguille, une tribu autrefois autonome est devenu un terreau fertile pour les jihadistes.

Entre Al Qaëda et ISIS, Boko Haram choisit ISIS

L’auteur explique qu’au Nigeria, Boko Haram est né des tensions internes entre le nord du pays qui possède le pouvoir politique et le sud du pays où la population bénéficie des revenus engendrés par les ressources pétrolières. En 2014, Boko Haram se range du côté d’ISIS. Pourquoi? ISIS, contrairement à Al Qaeda, souhaite un affrontement généralisé avec les chiites. Boko Haram a choisi le mouvement le plus radical.

Apparition et disparition du pouvoir califal

Le pouvoir califal établi une continuité théologique et politique de l’État instauré dès 622 par le Prophète à Médine. L’auteur énumère les raisons des multiples apparitions et disparitions de ce pouvoir califal depuis l’an 622. Le dernier changement a été apporté en 1923, alors que Mustapha Kemal a aboli le califat.

Quel groupe religieux incarne le véritable islam?

Des tensions existent entre chiites et sunnites au sujet du califat et du groupe qui incarne le véritable islam. La division date de plusieurs siècles. Les chiites considèrent qu’Ali, le quatrième successeur du Prophète, a été victime de complots au moment où il tentait un redressement étatique et moral de l’islam. La défaite d’Ali a conduit à la division entre chiites et sunnites. Les chiites considèrent qu’ils sont les détenteurs du véritable islam. Ils défendent ce point de vue depuis des siècles, malgré les persécutions sunnites.

Les chiites sont contre un rétablissement précoce du califat

L’auteur signale qu’il y a de profondes divergences d’opinions quant aux vues philosophiques, théologiques et politiques entre les deux groupes. À cause de ces raisons, les chiites sont contre un rétablissement précoce du califat, ce qui porte les sunnites les plus radicaux et, à travers eux ISIS, à leur mener une guerre totale.

L’axe sunnite est représenté par l’Arabie Saoudite et l’Égypte, bien qu’entre ces deux pays existe également une certaine rivalité.

La crainte de l’Arabie Saoudite

Les saoudiens craignent la naissance d’un mouvement politique chiite puissant sur leur territoire; ils estiment qu’il y aurait un risque de perdre le contrôle de leurs installations pétrolières, ce qui constitue la base de la richesse en Arabie Saoudite. L’auteur dit des Saoudiens qu’ils financent « tous les mouvements anti-chiites dans le monde arabe, y compris le jihad sunnite en Irak ».

Le retour de l’Iran

Le retour de l’Iran, puissance chiite, sur l’échiquier mondial ajoute à une équation déjà complexe. L’auteur nous explique qu’il y a traditionnellement des tensions entre l’Iran Perse et les Arabes. Mais il y a autre chose : l’Iran, à l’instar de certains autres pays de la région, soutient maintenant des positions plus modérées : « L’Iran est en train de changer radicalement d’orientation et de préparer son retour sur la scène mondiale, comme un pays ouvert, pluraliste, pratiquant une démocratie chiite, certes imparfaite, mais en train de vivre sa perestroïka ».

Une lutte entre extrémisme et modération

L’adoption de positions plus modérées est loin de plaire à un groupe politique extrémiste comme ISIS. L’accord américano-iranien sur le nucléaire, en 2013, et les avancées plus récentes de 2015, correspondent à une accentuation marquée des actes terroristes commis par ISIS.

Les atrocités contre l’humanité replacées dans un contexte historique

Les médias rapportent régulièrement les atrocités perpétrées par ISIS. Selon l’auteur, cette médiatisation donnerait une fausse impression de la force de l’État islamique : ISIS commettrait aujourd’hui de tels actes contre l’humanité du fait de sa faiblesse relative.

Dans son livre, l’auteur fait un rapprochement entre les actes d’ISIS et les crimes de guerre et atrocités commis par d’autres régimes à travers les décennies. Il situe ces actes à des moments qui correspondent tous à une dernière tentative de survivre avant d’être défaits complètement et d’être remplacés par des partis modernes et modérés.

Bref, à travers la défaite d’ISIS et des régimes de terreurs similaires, l’auteur annonce l’émergence des grandes nations musulmanes modernes.

Une petite réserve

La seule réserve que je soulèverais porte sur le passage où l’auteur répète, sans nuancer et à l’instar des grands médias, que Ben Laden est responsable des attentats du 11 septembre 2001 à New-York. Cette version des faits a toujours été âprement discutée, et ce, depuis les premières heures de l’attentat. Il n’y a pas que les « conspirationnistes » qui ont soulevé ce point. Mais tout le monde sait qu’à force de répéter quelque chose, cela devient une vérité absolue. Noam Chomsky et d’autres auteurs de renom ont couvert ce sujet en long et en large.

Titre : Le califat du sang
Auteur : Alexandre Adler
Éditions : Grasset & Fasquelle, 2014.
ISBN : 978-2-246-85457-9