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Histoires vécues comme spécialiste en information de vol (FSS): Inukjuak FSS

Pêche illégale sur la rivière Innuksuak, près d’Inukjuak au Québec

(Histoire précédente : une visite à la station d’information de vol de Inukjuak)

Habitants du village de Inukjuak, 1982
Habitants du village de Inukjuak, 1982

Au début des années » 80, alors que je travaillais comme spécialiste en information de vol (FSS) à la station d’information de vol de Transports Canada à Inukjuak (CYPH), un aéronef sur flotteurs est entré dans notre zone de contrôle sans nous contacter. Il volait à très basse altitude avec l’intention évidente de se poser sur la rivière Innuksuak, quelques kilomètres à l’intérieur des terres. Nous avions bien tenté de le joindre, mais il n’a jamais répondu. Nous suspections désormais que la pêche illégale était la raison principale de son voyage dans le nord du Québec. Le propriétaire de l’avion n’avait possiblement pas payé les frais obligatoires permettant de pêcher sur les territoires contrôlés du Québec, au Nunavik.

Grâce à la collaboration des Inuits, nous avions réussi à obtenir l’immatriculation de l’appareil. Une recherche rapide nous avait permis de déterminer qu’il s’agissait d’une compagnie opérant à partir d’une base du nord de l’Ontario.

Nous estimions que l’aéronef décollerait, bien rempli de poissons, sans courir le risque de venir faire le plein à notre aéroport. Il serait donc forcé d’atterrir à Kuujjuarapik (CYGW) pour son carburant.

Nous avions communiqué avec les spécialistes en information de vol de Kuujjuarapik FSS et leur avions demandé de noter quelle serait la destination finale de l’aéronef. Il s’agissait d’un aéroport du nord de l’Abitibi, sous la responsabilité de la station d’information de vol de l’aéroport de Rouyn-Noranda (CYUY) . Les employés de plusieurs stations coordonnèrent leurs efforts afin de suivre l’aéronef jusqu’à sa destination. Les policiers se rendirent sur l’aéroport pour attendre l’arrivée de l’aéronef. J’imagine que les amendes et saisies ont dû être passablement salées.

Dans cette histoire, l’initiative et la collaboration des Inuits d’Inukjuak avaient été déterminantes. Sans elle, il aurait été impossible de connaître l’immatriculation de l’aéronef avec certitude.

(Prochaine histoire : le gestionnaire qui avait perdu l’appétit)

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Histoires vécues comme spécialiste en information de vol (FSS): Inukjuak FSS

Une visite à la station d’information de vol de Transports Canada à Inukjuak (1982)

(Histoire précédente : dans le doute, vaut mieux l’action que l’inaction)

Des enfants du village visitent la station d'information de vol de Inukjuak en 1982.
Des enfants du village visitent la station d’information de vol de Inukjuak en 1982.

En 1982, lorsque je travaille à la station d’information de vol d’ Inukjuak comme spécialiste en information de vol  (FSS) pour Transports Canada, nous offrons le service consultatif aux aéronefs pour les arrivées et départs. Nous nous occupons également d’agir comme moyen de communication et de relais pour les bateaux autant que pour les avions, au travers de fréquences VHF et HF (je ne me souviens que d’Air France 004 qui nous appelait régulièrement au milieu de la nuit et de KLM692). Nous avons également des contacts avec des aéronefs militaires.

La connaissance du code morse est obligatoire, bien que réservée pour un usage occasionnel seulement. Les présentations météorologiques aux pilotes sont rares. Les moyens technologiques de l’époque sont rudimentaires. Toutes les données reçues, chaque minute de la journée, sont imprimées automatiquement. Des kilomètres de papier doivent être gérés par le personnel de façon mensuelle.

Travailler sept jours sur sept dans un poste isolé du Nunavik, sur des quarts de douze ou de seize heures, devient rapidement répétitif. Il ne faut pas manquer l’occasion de participer à des activités avec la population locale lorsque cela est possible si l’on veut connaître autre chose que le lieu de travail. Je décide donc de préparer un cours de météo élémentaire et d’offrir une présentation pour les enfants du village.

Je contacte alors le policier Inuit d’Inukjuak responsable d’un groupe de scouts, lui explique mon idée et propose qu’une période soit réservée où nous pourrions tous nous rencontrer. J’offrirais une présentation sur la météo, suivie d’une période de questions et réponses. Des affiches sont préparées et les sujets traitent spécifiquement des points les plus susceptibles d’intéresser les jeunes. Le jour venu, une dizaine d’entre eux se présentent avec le responsable. Assis le long d’un mur sur le plancher du gymnase, nous passons deux heures à échanger autant sur la météo que sur l’aviation.

J’ai également eu l’opportunité de recevoir quelques visiteurs à la station d’information de vol, accompagnés de l’enseignante. À d’autres occasions, en faisant des promenades, il était possible d’assister à des joutes improvisées de hockey de rue. Pour la photo ci-dessous, deux passants acceptèrent de prendre la pose avec les joueurs de hockey.

Joueurs de hockey du village de Inukjuak en 1982
Joueurs de hockey du village de Inukjuak en 1982

(Prochaine histoire : pêche illégale sur la rivière Innuksuak)

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Histoires vécues comme spécialiste en information de vol (FSS): Inukjuak FSS

Dans le doute, vaux mieux l’action que l’inaction.

(Histoire précédente: en route vers la première mutation, Inukjuak)

La piste en sable mou d'Inukjuak, en 1982, et un Twin Otter d'Austin Airways équipé de pneus ballons.
La piste en sable mou d’Inukjuak, en 1982, et un Twin Otter d’Austin Airways équipé de pneus ballons.

Durant les premières journées où je travaille comme spécialiste en information de vol (FSS) pour Transports Canada à la station d’information de vol d’Inukjuak (CYPH), en 1982, je reçois un appel radio provenant d’un bimoteur Beech 200. Le pilote de l’aéronef immatriculé aux États-Unis signale qu’il désire atterrir à Inukjuak pour une courte escale. Plusieurs passagers sont à bord. Je lui donne donc les informations nécessaires et suis sa progression vers l’aéroport, à travers les communications radios subséquentes.

On tient pour acquis qu’un pilote voulant atterrir sur un aéroport s’est informé au préalable de la longueur et de l’orientation de la piste, de même que de sa constitution (ciment, asphalte, gravier, gazon, sable). Ce sont des informations absolument essentielles, au même titre que de s’assurer qu’il y a suffisamment de carburant à bord de l’aéronef. Cela fait la différence entre un accident et un atterrissage réussi. Le Beech 200 n’est pourtant pas l’appareil indiqué pour Inukjuak, avec sa piste en sable mou.

J’hésite à lui demander s’il est au courant des caractéristiques de la piste d’Inukjuak, parce que c’est une information qui est tellement élémentaire. Par contre, je n’ai aucune expérience comme spécialiste en information de vol et considère inimaginable que dès les premiers jours d’une nouvelle carrière, j’aie affaire à un pilote qui n’a pas pris le temps de se préparer et va bientôt mettre sa vie et la vie de ses passagers en danger.

Mais si ce pilote est responsable de ce type d’avion, c’est qu’il a tout de même des centaines, sinon des milliers d’heures de vol à son actif. Si je le questionne sur ses connaissances des caractéristiques de la piste d’Inukjuak, j’aurais l’impression de lui dire que sa préparation n’est pas adéquate, ou encore que l’avion est trop gros pour ses capacités.

L’aéronef est maintenant en finale pour la piste, à quelques miles de distance. N’y tenant plus, je pose la question fatidique : « Êtes-vous au courant que vous vous préparez à atterrir sur une piste de 2000 pieds en sable mou? » Je m’attends à recevoir un commentaire assez sec, mais le pilote me répond, tout mollement : « OK, on va faire une approche manquée et on va aller atterrir ailleurs. Est-ce que Kuujjuarapik est adéquat? » Je réponds par l’affirmative et, dans les secondes suivantes, peux entendre l’appareil remettre les gaz et survoler la piste à basse altitude.

À partir de cette journée, et pour les décennies suivantes, je me suis promis de ne jamais rien tenir pour acquis. Dans le doute, vaux mieux l’action que l’inaction…

(Prochaine histoire: une visite à la station d’information de vol d’Inukjuak (1982))

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En route vers la première mutation: Inukjuak

(Histoire précédente: le spécialiste en information de vol et l’Institut de formation de Transports Canada à Cornwall)

1982 Nord du Québec vu d'un B737 de Nordair
1982 Nord du Québec vu d’un B737 de Nordair

Été 1982. Aujourd’hui, c’est le départ de Montréal à destination d’Inukjuak, au Nunavik, où j’ai été transféré pour agir en tant que spécialiste en information de vol (FSS) pour Transports Canada. Le Boeing B-737 de Nordair décolle et vire immédiatement vers le Nord. Il passera le long de la baie James et continuera son chemin jusqu’à atteindre la baie d’Hudson, pour atterrir à Kuujjuarapik, sa destination finale. De là, un Twin Otter d’Austin Airways prendra la relève pour Inukjuak, un poste isolé encore un peu plus au nord, sur la côte est de la Baie d’Hudson.

Un B-737 atterrissant sur la piste de 5000 pieds en gravier de Kuujjuarapik le fait en utilisant des procédures spéciales. La piste est courte pour un aéronef chargé, et le freinage est moins efficace que sur l’asphalte. Il n’y a pas de marge importante pour une erreur. Les roues doivent toucher le plus près possible du seuil de piste, suivi d’un maximum de freinage.

Les passagers sentent très bien la décélération. Le même calcul vaut pour le décollage : le pilote positionne l’aéronef le plus près du seuil de piste, applique les freins, exige la puissance maximale des moteurs, et une fois que les paramètres requis sont atteints, relâche les freins. Comme d’habitude, les calculs de poids et centrage, la densité de l’air, l’altitude de l’aéroport de même que la direction et la force des vents doivent avoir été calculés de façon très précise sinon l’avion ne pourra décoller sur la longueur de piste disponible.

1982 Kuujjuarapik. Un Boeing B737 de Nordair au premier plan et un Twin Otter d'Austin Airways à l'arrière-plan.
1982 Kuujjuarapik. Un Boeing B737 de Nordair au premier plan et un Twin Otter d’Austin Airways à l’arrière-plan.
1982 Un FSS (spécialiste en information de vol) travaille à la station de Kuujjuarapik au Québec
1982 Un FSS (spécialiste en information de vol) travaille à la station de Kuujjuarapik au Québec

Après une courte escale, le Twin Otter est maintenant prêt pour le voyage vers Inukjuak. Le décollage de Kuujjuarapik s’effectue sans problème. Je suis assis en première classe, derrière du cargo retenu par un filet. Pour le champagne, il faudra attendre que les boîtes soient enlevées du couloir.

1982 Cargaison et passagers dans un Twin Otter de Austin Airways
1982 Cargaison et passagers dans un Twin Otter de Austin Airways
1982. Une vue de Sanikiluaq à partir d'un Twin Otter d'Austin Airways
1982. Une vue de Sanikiluaq à partir d’un Twin Otter d’Austin Airways

Puis nous commençons une lente descente vers Inukjuak.

De mon hublot, j’aperçois un petit groupe de narvals. J’ai l’impression de rêver mais des documents de recherche consultés subséquemment indiquent que des narvals se tiennent surtout dans le nord de la baie d’Hudson, et généralement par groupe d’environ six individus.L’aéronef approche Inukjuak. Les volets sont sortis et il est possible de voir la piste, avant que nous tournions en finale. Elle a une longueur de 2000 pieds et est constituée de sable suffisamment épais pour rendre sa surface instable.

1982 Twin Otter d'Austin Airways en base pour la piste d'atterrissage d'Inukjuak
1982 Twin Otter d’Austin Airways en base pour la piste d’atterrissage d’Inukjuak

À l’arrivée, quelqu’un vient à ma rencontre en moto. Il m’offre de me reconduire au bâtiment principal, mais nous ne sommes qu’à environ quinze ou vingt secondes de marche. Je décline l’offre poliment, mais le personnage insiste. Pour ne pas faire mauvaise impression dès l’arrivée, j’accepte finalement et tente de me trouver une petite place sur le siège arrière de cette moto minuscule. À peine commençons-nous à avancer dans le sable mou que le conducteur perd la maîtrise de l’engin. Nous chutons (quelle surprise…!), mais il n’y a aucune conséquence sérieuse. Bienvenue à Inukjuak!

1982 Citoyen d'Inukjuak et des canots servant pour les activités traditionnelles
1982 Citoyen d’Inukjuak et des canots servant pour les activités traditionnelles
C170B C-GGPI à Inukjuak, au Québec, en 1982
C170B C-GGPI à Inukjuak, au Québec, en 1982

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