La simulation de vol avec Microsoft Flight Simulator permet de survoler la planète comme jamais à partir de chez soi. Étant donné qu’à chaque instant à travers le monde les aéroports transmettent des observations météorologiques, on peut importer ces données dans le simulateur et progresser virtuellement dans les conditions météo réelles rapportées autour du globe.
Ces données améliorent la sensation de réalité pour le pilote virtuel, mais compliquent du même coup la tâche de ce dernier, car il doit tenir compte de la présence d’orages et de givrage, des vents en surface et en altitude, des changements de couvert nuageux, de visibilité, de pression, etc.
Le pilote virtuel d’aujourd’hui, s’il possède un aéronef virtuel de grande qualité, doit également prévoir que des pannes de tous genres puissent affecter le vol. Le ou les moteurs peuvent tomber en panne, un problème structurel peut affecter les commandes de l’avion, les équipements de navigation peuvent cesser de fonctionner. Une bonne planification devient nécessaire, comme dans la vraie vie. Et comme le cerveau ne fait pas trop de différence entre le réel et le virtuel, le plaisir est au rendez-vous.
J’ai donc décidé de faire le tour du monde en millionnaire et à mon rythme, c’est-à-dire que j’utilise les types d’avions qui me tentent et je vole sur les trajets qui présentent un intérêt particulier. Le tout se fera en météo réelle, avec les joies et les obstacles qu’elle présente. Je publierai à l’occasion un de ces trajets sur mon blogue.
Le trajet initial s’effectue avec un départ de l’aéroport de Jean-Lesage de Québec (CYQB) passe par Goose Bay (CYYR), dans la province de Terre-Neuve et Labrador au Canada, monte ensuite vers Kuujjuaq et se termine à Iqaluit (CYFB).
Le vol virtuel 2 présentera quelques photos de la traversée de l’Atlantique en passant par le Groënland via Kangerlussuaq (BGSF) et l’Islande via Isafjordur (BIIS).
L’aéroport de Isafjordur est considéré extrême pour son approche exigeante. Je ne sais pas si le Cessna Citation Longitude pourra y atterrir en un morceau, mais je compte bien essayer.
Vol virtuel 1
Ci-dessus, le soleil couchant éclaire les nuages et le Cessna Citation Longitude au décollage de Québec vers Goose Bay. À haute altitude, le pilote règle l’altimètre sur la pression atmosphérique standard, soit 29,92 pouces de mercure. Étant donné que tous les autres pilotes font de même, on s’assure d’une séparation sécuritaire entre les appareils.
Le lendemain, l’avion approche de Kuujjuaq (CYVP) au Nunavik. L’altimètre a été réglé à la pression atmosphérique de l’aéroport pour refléter une bonne hauteur des pistes d’atterrissage par rapport à l’avion. Près de l’aéroport, on débranche le pilote automatique et l’approche se fait manuellement et à vue. La vitesse désirée se situe autour de 135 nœuds pour la finale.
Ci-dessus, le jet décolle de Kuujjuaq en direction d’Iqaluit (CYFB) sur l’île de Baffin au Nunavut.
Le soleil couchant éclaire les hublots de l’appareil. Nous approchons Iqaluit. La descente se fait graduellement pour ne pas susciter d’inconfort aux passagers virtuels…
Ci-dessus, l’aéronef se trouve en finale pour la piste 34 d’Iqaluit (CYFB).
La première étape de vol virtuel autour du monde se termine à Iqaluit, cet aéroport où j’ai travaillé pendant deux ans et demi à titre de spécialiste en information de vol (FSS) dans la tour jaune visible à gauche sur la photo.
Ci-dessus, une photo de l’intérieur de la station d’information de vol à l’époque. Un FSS travaillait sur les arrivées et départs à l’aéroport alors que l’autre s’occupait des vols transatlantiques entre l’Europe et principalement l’ouest des États-Unis.
(Histoire précédente : le transport d’un .357 Magnum vers Iqaluit)
Avant de raconter quelques-uns des événements s’étant produits lorsque je travaillais à la station d’information de vol de Transports Canada à Iqaluit (Iqaluit FSS) entre 1989 et 1991, il est nécessaire de présenter quelques dates importantes qui permettront au lecteur de comprendre pourquoi l’aéroport était initialement un aéroport militaire.
1938. Les ambitions d’Hitler sont suffisamment claires pour que Roosevelt juge nécessaire de mentionner ce qui suit : « I give you assurance that the people of the United States will not stand idly by if domination of Canadian soil is threatened by any other empire ».
1939. Les discussions débutent entre le Canada et les États-Unis concernant la défense conjointe du continent nord-américain.
1940. La Grande-Bretagne risque la défaite contre une Allemagne qui progresse à grands pas dans sa conquête du territoire européen. Lorsque le Danemark est vaincu à l’automne 1940, la crainte s’accroit que les Allemands progressent vers l’ouest en établissant des bases militaires opérationnelles sur le territoire des pays récemment vaincus.
Le Groenland appartenant à un Danemark vaincu, les Allemands vont désormais se l’approprier et ainsi se rapprocher du Canada. À l’époque, le Groenland était la seule source d’approvisionnement commercial de cryolite, un composant essentiel de l’aluminium utilisé dans la fabrication des avions.
Il y a également une province qui ne fait pas partie du Canada en 1940 et qui constitue un endroit stratégique à partir duquel l’ennemi peut mener sa guerre contre le Canada et les États-Unis : Terre-Neuve et Labrador.
De façon à ce que le conflit ne se transporte pas directement sur le territoire nord-américain, il faut tenir les Allemands occupés en Europe : il faudra donc les empêcher de vaincre la Grande-Bretagne.
1941. Les navires transportant des avions de combat à court rayon d’action de l’Amérique vers l’Europe sont régulièrement attaqués et coulés par les U-boats. Il est devenu impératif de modifier la route. Les Canadiens et Américains recherchent les meilleurs emplacements pour la création de pistes d’atterrissage permettant aux aéronefs militaires à court rayon d’action de voyager par les airs jusqu’à Prestwick en Écosse.
Cette nouvelle route aura pour nom « Crimson Route » et les étapes choisies seront : Goose Bay, au Labrador, Fort Chimo (Kuujjuaq) au Québec, Frobisher Bay (Iqaluit) dans le Nunavut, de même que trois sites au Groenland (Narsarsuaq, Angmagssalik et Sondre Stromfjord (Kangerlussuaq). Le nom de code d’Iqaluit devient la base « Crystal Two ».
1941-42. Les Allemands établissent les premières bases météo habitées sur la côte est du Groenland, de façon à faciliter les opérations de leur flotte de U-boats opérant dans l’Atlantique Nord. Lorsqu’elles sont découvertes, ces bases sont détruites par des commandos américains.
1942. Les U-boats empruntent le fleuve St-Laurent et coulent des bateaux canadiens.
1942. L’endroit initialement choisi pour établir l’aéroport de Frobisher Bay [la base Crystal Two] était Cromwell Island, située environ à 20 miles au sud-ouest de l’emplacement actuel d’Iqaluit, jusqu’à ce que l’on découvre le site actuel d’Iqaluit, qui permettait la construction de pistes plus longues de même que l’arrivée de bateaux à fond plat chargées de matériaux durant la période estivale.
Un convoi de navires transportant des milliers de tonnes de matériel servant à la construction de la base à Frobisher Bay arrive à destination. Ce convoi est cependant attaqué par le U-boat U517 et le navire-cargo Chatham, transportant 6000 tonnes de matériel destiné aux bases Crystal One et Crystal Two est coulé.
1943. Une station météo allemande inhabitée est construite à Martin Bay au Labrador pour faciliter les opérations des U-boats. Cette station météo est maintenant exposée au musée de la guerre à Ottawa. Des photos ont été retrouvées où l’on peut voir un équipage allemand souriant mais armé, posant fièrement près de la station météo automatique. Le Canada n’a eu connaissance de l’existence de cette station qu’en 1980.
Plusieurs officiers et soldats capturés en Europe ont été envoyés outremer en attendant la fin de la guerre. Mes grands-parents, qui étaient propriétaires d’une ferme à St-Ignace au Québec, ont ainsi accueilli successivement un officier et deux soldats allemands. Mon grand-père n’a eu que de bons commentaires sur leur comportement et leur désire d’aider sur la ferme.
1943. Les deux pistes de Frobisher Bay sont maintenant opérationnelles, sans toutefois être tout à fait terminées. Cependant, les ingénieurs ne possèdent pas les connaissances des Russes quant au maintien de pistes d’atterrissage dans l’Arctique. Les dommages causés par le pergélisol sont importants et les pistes exigent beaucoup d’entretien. De l’eau s’écoulant sous la surface de la piste et faisant soudainement surface cause parfois des trous pouvant aller jusqu’à cinq mètres de profond. Ces pistes nécessitent un effort constant pour demeurer utilisables.
La première piste à être construite sera éventuellement abandonnée dû à une mauvaise évaluation des vents dominants et des dangers associés au relief environnant. Il ne reste que la piste que l’on connaît aujourd’hui, mais qui a tout de même été rallongée à 9000 pieds. L’année 1943 enregistre 323 arrivées d’aéronefs, mais un petit nombre seulement fait le trajet jusqu’en Europe.
1944. La guerre prend un nouveau tournant. L’avènement des radars longue portée et d’une technologie avancée visant la détection et l’attaque des sous-marins font en sorte que la menace posée par les U-boats dans l’Atlantique Nord diminue radicalement. Le but visé par la création des aéroports de la « Crimson Route » n’a plus sa raison d’être. Le gouvernement canadien, inquiet de la présence importante des Américains dans l’arctique Canadien, achète les aéroports de cette route au gouvernement américain.
1950. Les Canadiens prennent officiellement le contrôle de l’aéroport de Frobisher Bay, mais autorisent cependant une présence américaine, cet aéroport ayant maintenant une valeur stratégique dans la guerre froide qui a succédé à la fin de la Deuxième Guerre mondiale. La station météo et l’entretien de la piste sont assurés par les forces américaines.
1951-53. Construction d’une station radar sur une colline au nord-est de la piste 17-35. Cette station complète ce qu’il est convenu de nommer la ligne Pinetree. La ligne Pinetree est formée de nombreuses stations radars de surveillance à longue portée; elle couvre tout le sud du Canada et bifurque graduellement vers le nord pour se terminer à Frobisher Bay. Toutes ces stations sont habitées et peuvent ordonner des interceptions à tout moment contre les forces ennemies potentielles, au moyen d’avions à réaction.
1955. Les Américains construisent une station de communication juste à côté de la station radar. Son nom de code est « Polevault » et elle est chargée d’être le lien de communication entre le sud et les opérations visant à la construction de la nouvelle ligne Dew à travers le nord du Canada.
Un militaire canadien-français du Québec à l’oeuvre à Frobisher Bay
Mon oncle Gaston Gagnon, décédé en 2016, faisait partie des militaires canadiens francophones qui ont été en poste à Frobisher Bay.Il s’était engagé en tant que volontaire au moment de la Seconde Guerre Mondiale.
Il oeuvrait dans le domaine des communications durant la guerre froide et, en 2016, j’ai reçu quelques photos prises en 1955 à Frobisher Bay. Elles témoignent également de la présence américaine durant cette période.
1956. Les Américains obtiennent la permission du Canada de construire une base SAC [Strategic Air Command] pour y baser des avions ravitailleurs KC -97 pouvant supporter l’utilisation de bombardiers B -47 utilisant l’arme atomique. La base est construite en 1958 et jusqu’à la cessation des opérations en 1963, au moins sept KC-97 y étaient stationnés en permanence. La création des bombardiers B-52 et des KC-135 rendirent inutiles les opérations de la base SAC.
1960. La piste passe de 6000 à 9000 pieds.
1961. La station radar de la ligne Pinetree est fermée, mais la station Polevault demeure en opération.
1963. Les Américains quittent Frobisher Bay et délèguent le contrôle de la station « Polevault » au DOT [Department of Transport] du Canada, l’ancienne appellation de Transports Canada.
1964. L’opérateur radio, et plus tard spécialiste en information de vol (FSS) pour Transports Canada, Georges McDougall, débarque à Frobisher Bay. Tous les habitants du village en viennent à connaître Georges car il y travaillera pendant au moins trente-sept années, et ce sept jours par semaine, sur une rotation de quarts de travail. Il deviendra progressivement le témoin privilégié de tous les événements d’importance s’étant déroulés autant dans la ville qu’à cet aéroport de la Terre de Baffin.
Ci-dessous, une photo des anciennes installations du DOT.
1987. Le nom de Frobisher Bay est changé pour Iqaluit.
1989. Stacey Campbell écrit un article dans le News North qu’elle intitule : « Military Jets Fill the Arctic Skies ». Elle explique que NORAD (North American Air Defence) doit régulièrement tenir des exercices visant à vérifier la capacité du nouveau système de défense radar du Canada à déceler des ennemis potentiels en provenance du Nord.
L’officier militaire interviewé par Stacey l’informe que l’exercice comprend, entre autres, des avions de combat CF-18, des avions ravitailleurs et des bombardiers B -52. Les CF-18 sont temporairement basés à Iqaluit, au Nunavut, et Inuvik, le temps de l’exercice. D’autres types d’appareils sont également impliqués dans cet exercice annuel, comme le F-15 Eagle, le bon vieux T-33 et possiblement l’AWAC, mais ce dernier n’est pas atterri à Iqaluit.
Les spécialistes en information de vol (FSS) de Transports Canada à Iqaluit doivent composer avec la cédule serrée fournie par l’officier militaire, tout en intégrant dans la planification les départs et arrivées des aéronefs privés et commerciaux.
À l’époque, la voie de circulation la plus utile, celle qui se situe près de la fin de la piste 35, ne peut être utilisée du fait que le terrain est trop mou. Tous les avions qui atterrissent sur la piste 35 doivent ensuite circuler à rebours sur cette piste avant que celle-ci ne soit complètement dégagée pour les prochains atterrissages et décollages. Les délais requis lors de cette procédure donnent parfois des maux de tête à l’officier militaire assis près de nous.
Je me souviens que l’officier militaire responsable de la mission nous avait dit : « Si les avions ne peuvent décoller d’ici une minute, la mission est annulée. » Le hasard avait fait que durant la fenêtre très réduite où les CF-18 devaient décoller cette journée-là, il y avait beaucoup d’autres aéronefs de type commercial ou exécutif en opération à Iqaluit. Nous devions composer avec les Avro 748, Twin Otter, Boeing 727 et 737, de même qu’avec des jets exécutifs en provenance de l’Atlantique. Il y avait toujours un moyen d’arriver à un résultat satisfaisant pour tous et les exercices se terminaient de la façon souhaitée.
Ce fut une période que tout le personnel appréciait, car pour une semaine durant l’année, les opérations changeaient radicalement : il fallait respecter les besoins impératifs reliés à l’exercice militaire tout en fournissant les services réguliers à la circulation aérienne.
Nous savons, pour avoir discuté avec des membres d’équipage ayant pris part à l’exercice, que les forces militaires ont été assez aimables pour remettre au personnel, via notre gestionnaire, des affiches couleur autographiées par les pilotes des différents escadrons impliqués dans « Amalgam Chief ». Même si le gestionnaire de Transports Canada n’a jamais cru bon de nous montrer ne serait-ce qu’une seule de ces affiches, j’ai apprécié cette attention de la part des pilotes.
1993. Dans le but de remplacer progressivement une ligne Dew devenue désuète, les Canadiens et Américains construisent conjointement à Iqaluit une base de support logistique pour le nouveau North Warning System.
2006. Les tests pour la résistance au froid extrême sont menés par Airbus pour le A -380, le plus gros avion commercial au monde servant au transport de passagers.
2014. Des tests de résistance au froid extrême sont menés par Airbus pour le A-350 XWB.
2015. Le Canada fût l’hôte de la rencontre ministérielle du Conseil de l’Arctique à Iqaluit, au Nunavut. Le Conseil est composé des pays suivants : Canada, Suède, Danemark, Finlande, Islande, Norvège, Russie et États-Unis. Se joignirent à la rencontre les hauts représentants d’organisations autochtones ayant le statut de participants permanents.
2021. La compagnie Dassault effectue les test d’endurance au froid à Iqaluit pour son Falcon 6X