Pour avoir crit ce livre sur l’affaire du Sofitel impliquant Dominique Strauss-Kahn(qui n’est jamais nomm explicitement dans le roman), Rgis Jauffret et la maison d’dition du Seuil ont t poursuivis en diffamation et condamns par un tribunal français. Ils sont alls en appel et ont de nouveau perdu. La Ballade de Rikers Island n’en reste pas moins très bien crit, dans un style qui est assez unique. Ceci dit, il me semble que le livre aurait pu être abrg sans nuire au propos.
Pour ceux qui l’ignoreraient, Rikers Island est une prison aux Etats-Unis où Dominique Strauss-Kahn (DSK) a fait un sjour immdiatement après une histoire d’agression sexuelle qui aurait impliqu le dfendeur et une prpose aux chambres, Nafissatou Diallo, de l’hôtel Sofitel de New York.
Voici quelques citations qui donnent une ide du style littraire de l’auteur, un style où l’humour, parfois assez noir, est souvent prsent. Pour ce qui est des extraits les plus durs en ligne avec le propos immdiat du livre, je me suis gard une petite gêne dans ma slection, mais vous pouvez toujours trouver le livre en format poche dans de multiples librairies. Voici cependant quelques extraits (sauf le dernier) qui ne devraient pas trop froisser les âmes sensibles.
« [Dans la cellule] … un petit lavabo où une main ne pourrait pas prendre un bain » p.79
« [Sur la table] … un peigne minuscule bon coiffer le dernier toupet d’un chauve » p.79
« Elle s’en va. J’ouvre l’ordinateur, j’cris une minuscule histoire de Parisien perdu dans le mtro. Dimitri frappe la porte tandis que le malheureux tombe du quai ». p.168
« Il faisait confiance l’Amrique, une dmocratie où le doute profite toujours l’accus condition de n’avoir pas un profil d’islamiste bon être tortur Guantanamo ». p.183
« Après avoir braill avec les hyènes, nos journalistes vont rentrer dans le rang. Quand ils seront revenus de meilleurs sentiments, nous les inviterons djeuner. On profitera de leur bouche ouverte pour leur enfoncer notre part de vrit grosses bouches ». p.262
« Une cohorte de prisonniers tire au cordeau. Il se trouvait toujours un toxicomane rendu fou par le manque prêt vous gorger pour canaliser son trop-plein d’nergie ». p.313
Au sujet des journalistes : « Un bloc indiffrent aux folliculaires agglutins tout autour, porcelets charmeurs toujours rclamant confidences, impressions, prêts leur servir leurs parents dbits en amuse-gueule pour une bribe d’interview ». p.318
« Un blanc-bec qui son costume noir donnait un air de singe habill a bredouill une muflerie ». p. 324
« Il ne se sentait aucune affinit avec la population de ce siècle qui acceptait le collier, le harnais, les coups de cravache de la socit contre la promesse de pouvoir lcher ses plaies dans le camp de vacances des retraits. La retraite, cette religion, cet opium des besogneux, cet au-del pour les damns de la Terre du monde du travail, incapables de rclamer le bonheur du jour ». p.337
« L’avenir est une œuvre d’art, chaque journe une autre toile blanche. La jubilation de ne rien savoir du lendemain. Les petits bonheurs embusqus dans les replis des annes en attente dans les coulisses ». p.392
« Elle le sème en traversant un groupe de mormons venus du Wyoming serrs les uns contre les autres par peur du malin qui hante les sous-sols des mtropoles fornicatrices ». p.398
« Il s’en irait, pauvre hère trouvant refuge auprès d’une bergère dont il mangerait la soupe, tarauderait les creux, maltraiterait les bosses, attendant la nuit pour courir l’table profaner le troupeau afin de se donner le frisson de l’adultère ». p.90
Pour obtenir davantage d’informations sur le dossier Jauffret/Strauss-Kahn, les documents suivants sont utiles :
ISBN : 978-2-02-109759-7 (pour le grand format). Mais je sais que ce format est difficile obtenir aujourd’hui. Cependant, le format poche est toujours en vente dans les librairies.
Il y en a pour tous les goûts dans le Microfictions de 2007. Les nouvelles ne sont pas exactement pour les âmes sensibles et les lecteurs qui perçoivent tout au premier degr. Quand Rgis Jauffret traite du comportement humain, il tire dans toutes les directions : souffrances de la vie, relations humaines, manque d’empathie, problèmes sexuels, vie de la famille, obsit, suicide, mdiocrit intellectuelle, avortement, solitude et vieillissement, stress, stupidit, maladies mentales, socit et politique, bourgeoisie, entrepreneuriat. Le sociopathe, le bourgeois, le fraudeur et bien d’autres vivent leur heure de gloire dans le bouquin.
Plusieurs nouvelles amusent le lecteur par les tournures de phrases et l’humour noir utiliss. D’autres surprennent par l’intensit des propos et une pause peut être ncessaire avant de continuer la lecture. Il y a des nouvelles qui frappent comme un marteau. Si vous êtes habitus la censure et la mesure dans tout ce que vous lisez, vous serez certainement secou par Microfictions!
Comme l’aurait peut-être dit Rgis Jauffret : « Si vous trouvez les nouvelles trop noires, arrêtez-vous avant d’avoir envie de vous dfenestrer! »
Voici quelques citations pour vous mettre l’eau la bouche :
« Les terroristes ne plaignent pas leurs victimes avec la sensiblerie d’une amie des bêtes qui vient d’craser une poule » (p.49).
« Personne dans l’arogare, part une femme endormie sur un chariot qui semblait être une grande bourgeoise tombe de haut » (p.163).
« Je me suis tout de suite senti l’aise dans cet endroit prestigieux où l’intelligence faisait bon mnage avec la rpression » (p.393).
« L’un d’entre eux s’est tu l’t dernier dans un accident de la route. Je n’ai pas regrett d’être toujours en vie pour pouvoir profiter d’une nouvelle aussi rjouissante » (p.462).
« Avec ma mère, nous nous passerions très bien de l’humanit. Elle me nourrirait des lgumes du potager, et afin de nous divertir tous les deux je la poursuivrais dans la campagne avec une pioche » (p.622).
« Le mois prochain, j’accueillerai mes quarante ans comme une tante loigne qui on offre une tasse de th avant de la foutre dehors » (p.647).
« Nous serions honnêtes si nous en avions les moyens. Au lieu de voler, nous frauderions comme les riches qui font magouiller leur feuille d’impôt par un avocat » (p. 671).
« […] et je me demande de temps en temps si je ne ferais pas mieux de devenir dans une autre vie un de ces fils papa qui passent l’t sur un yacht et le reste de l’anne dans un pensionnat suisse où les profs les servent avec l’obsquiosit des esclaves qui craignent d’être vendus des terroristes pour leur servir d’otages » (p.697).
« Elle s’est mise pleurer petites gouttes, on aurait dit une bruine de larmes » (p.826).
« Je lui ai donn une petite tape dans le dos, et je suis parti en claquant bruyamment des dents pour ne pas l’entendre sangloter » (p.842).
« Une grande dmocratie ne peut s’empêcher d’inspirer la terreur ses citoyens, et chaque lection nous prouve quel point ils rclament davantage de svrit, de rpression, et d’arbitraire s’il le faut, pour qu’ils puissent continuer vivre dans un pays pacifique où l’ordre règne comme dans une maison bien tenue » (p.939)
« Personne ne m’avait jamais sodomis. Il est vrai que je perds un peu la mmoire, mais il me semble que je m’en souviendrais » (p.981)