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Histoires vécues comme spécialiste en information de vol (FSS): Inukjuak FSS

Une cuisine comme aide à la navigation aérienne.

(Histoire précédente : l’OVNI inventé à Inukjuak en 1983)

Inukjuak durant le long blizzard qui empêcha les atterrissages durant plusieurs jours.
Inukjuak durant le long blizzard qui empêcha les atterrissages durant plusieurs jours.

L’hiver » 82 — » 83 fut féroce à Inukjuak (CYPH). Il y eut une période où les vents étaient suffisamment forts et les visibilités tellement réduites qu’une corde avait été attachée entre le bâtiment où résidaient les employés et la station d’information de vol de Transports Canada, de façon à permettre aux employés de circuler en sécurité. Les spécialistes en information de vol (FSS) tenaient la corde pour passer d’un bâtiment à l’autre. Et gare à celui qui tentait de transporter son plateau avec son repas entre les deux bâtiments. Une main tenait la corde et l’autre le plateau qui allait dans toutes les directions. À une occasion, une partie des aliments s’est retrouvée dans le banc de neige.

À cause des vents, la neige s'accumulait parfois jusqu'au toit de la station d'information de vol d'Inukjuak
À cause des vents, la neige s’accumulait parfois jusqu’au toit de la station d’information de vol d’Inukjuak

Après une tempête qui sembla interminable, je me souviens que le personnel avait eu à creuser des marches dans la neige durcie de façon à pouvoir accéder à la porte de la station d’information de vol.

Il fallait parfois creuser dans la neige pour atteindre la porte et entrer dans la station d'information de vol de Inukjuak
Il fallait parfois creuser dans la neige pour atteindre la porte et entrer dans la station d’information de vol de Inukjuak

Bref, au bout de douze jours d’un blizzard qui avait empêché tout décollage et atterrissage, le lait était maintenant rationné dans le village et réservé aux enfants. À peine cent pieds au-dessus de nous, il paraît que le ciel était bleu, d’après les pilotes qui avaient tenté de s’approcher. Ces cent pieds de visibilité épouvantable et les vents incessants constituaient des obstacles qui empêchaient tout atterrissage. Un bon matin, un pilote de Twin Otter de Austin Airways décida qu’il se risquait.

Le carré rouge était utile pour aider les employés à retrouver un bâtiment durant un blizzard à Inukjuak
Le carré rouge était utile pour aider les employés à retrouver un bâtiment durant un blizzard à Inukjuak

Le pilote devait composer avec l’absence d’une aide à la navigation précise, étant donné que l’aéroport n’était équipé que d’un NDB. Il se fia donc à sa connaissance des lieux et à ce qui lui restait de jugement. Il savait que le bâtiment des employés était vert et que juste à gauche se trouvait la piste. J’imagine qu’il avait décidé qu’il pourrait compter sur la couleur du bâtiment pour lui indiquer le moment où il devrait faire son abrupt virage vers la piste. Il plongea dans la tempête, estimant la dérive des vents de son mieux.

Au même moment, le cuisinier était à l’œuvre dans le bâtiment des employés. Il faisait face à une immense baie vitrée. Il fut sidéré de voir apparaître le nez d’un Twin Otter à quelques mètres de la fenêtre en même temps qu’un brusque virage était effectué pour éviter le bâtiment. On entendit immédiatement les deux moteurs de l’avion en poussée inverse maximale de façon à immobiliser l’appareil le plus rapidement possible.

Le cuisinier conta et raconta encore son histoire au personnel, le temps de décompresser un peu.

Une surprise n’attendant pas l’autre, la porte de l’avion s’ouvrit et, au lieu de transporter le lait et les provisions tant attendues par le village, ce sont plutôt une dizaine de passagers qui sortirent tout souriants. Cependant, ce n’était là qu’une histoire abracadabrante de plus qui s’ajouterait désormais à toutes celles circulant parmi les pilotes offrant un service aérien aux habitants des villages du Nunavik, le long des côtes des baies d’Hudson et d’Ungava.

(Prochaine histoire : le cockpit d’un Boeing 747 de KLM lors d’un vol de nuit au-dessus de l’Atlantique)

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Histoires vécues comme spécialiste en information de vol (FSS): Inukjuak FSS

L’OVNI inventé à Inukjuak en 1983.

(Histoire précédente : allégations concernant le massacre de chiens de traîneaux durant les années 50 et 60.)

Lâcher d'un ballon-sonde par Environnement Canada à Inukjuak en 1983
Lâcher d’un ballon-sonde par Environnement Canada à Inukjuak en 1983

Un OVNI des plus invraisemblables fût créé à Inukjuak (CYPH) autour de 1983, au moment où j’étais spécialiste en information de vol (FSS) pour Transports Canada.  Le personnel d’Environnement Canada en poste au bâtiment d’aérologie avait la tâche de lancer deux fois par jour des ballons sondes pouvant atteindre des altitudes supérieures à 70,000 pieds. Ces ballons remplis d’hydrogène tiraient une radiosonde transmettant des données telles que la vitesse des vents et la température à toutes les altitudes.

Une bonne journée, un des observateurs attacha une petite pile sur la sonde de même que cinq ampoules alimentées par cette pile. Le taux d’ascension du ballon fut corrigé en fonction du poids additionnel. La noirceur venue, le ballon fut lâché. Tout ce qu’un observateur pouvait voir dans le ciel était cinq lumières se déplaçant l’une derrière l’autre, en gardant le même espacement. La vitesse et l’altitude de cette formation inconnue étaient impossibles à déterminer puisqu’il n’y avait pas de référence terrestre.

Vu du sol, cet OVNI pouvait être à cent pieds d’altitude comme à une très haute altitude. L’objet était totalement silencieux et semblait se déplacer à une vitesse impressionnante. Un OVNI est maintenant identifié, des décennies plus tard.

(Prochaine histoire : une cuisine comme aide à la navigation aérienne)

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Histoires vécues comme spécialiste en information de vol (FSS): Inukjuak FSS

Allégations concernant le massacre de chiens de traîneaux durant les années ` 50 et `60.

Chiots esquimaux canadiens devant une maison de Inukjuak en 1983
Chiots esquimaux canadiens devant une maison de Inukjuak en 1983

(Histoire précédente : acquisition d’une sculpture Inuite à Inukjuak en 1982)

Lorsque j’étais en poste à Inukjuak (CYPH) comme spécialiste en information de vol (FSS) pour Transports Canada, entre 1982-1983, j’adorais faire des promenades le long du littoral de la baie d’Hudson. Une belle journée, j’eus la chance d’être accompagné par un gros chien esquimau canadien appartenant à un employé d’Environnement Canada. Le chien avait trouvé la façon de se libérer de sa laisse et j’avais profité de sa compagnie pour explorer les environs.

Il n’était pas et il n’est toujours pas fréquent d’apercevoir un chien sans surveillance sur le territoire habité par les Inuits, spécialement durant l’été. Ces derniers ont l’habitude d’aller porter les chiens en surplus sur quelques îles se trouvant à proximité des différents villages le long des côtes de la baie d’Hudson et d’Ungava. Naturellement, les Inuits revenant de la pêche s’arrêtent fréquemment sur les îles où se trouvent les chiens et laissent de la nourriture. Ce procédé est toujours en place en 2013, car il fonctionne bien. Selon un Inuit d’Inukjuak avec qui je discutais récemment, l’île permet aux chiens de conserver leur liberté de mouvement au lieu d’être prisonnier d’une corde. De même, les moustiques y sont beaucoup plus rares et les chiens ne s’en portent que mieux.

En 1982, j’entendais des rumeurs selon lesquelles un chien laissé libre était susceptible d’être abattu, mais je n’ai jamais assisté à rien de tel. La politique locale veut que des chiens errants ne soient pas tolérés, car ils pourraient représenter une menace pour la population. Dans tout ce qui se dit concernant des chiens abattus pour les raisons les plus diverses, le thème qui revient le plus est celui de l’allégation de massacres de chiens esquimaux durant les années ` 50 et `60. La documentation trouvée à cet égard fait état d’un millier de chiens qui auraient été abattus au courant des années, la plupart inutilement, dans les différents villages longeant les côtes de la baie d’Hudson, de l’Ungava et le long du détroit de Davis.

Un rapport intérim d’enquête sur ce sujet a été remis en 2009 à la Corporation Makivik et au Gouvernement du Québec par le juge à la retraite Jean-Jacques Croteau, de la Cour Supérieure du Québec. On apprend de ce rapport qu’autant la GRC que la Sûreté du Québec avaient participé à l’élimination de chiens de traîneaux au cours des années, en interprétant de façon personnelle et passablement restrictive une loi datant de 1941 et traitant des « Abus causés à l’agriculture ». Le texte de loi visait, lors de sa création, à créer un système de non-responsabilité pour une personne qui abattrait un chien errant selon des conditions spécifiques stipulées dans le texte de loi. On faisait référence ici à des actions prises contre des chiens errants attaquant des moutons et des animaux de ferme.

Un chien esquimaux canadien (Jordan) à Inukjuak en 1983
Un chien esquimau canadien (Jordan) à Inukjuak en 1983

Rapidement, les forces policières utilisèrent à outrance ce passage de la loi pour l’appliquer sur un territoire qui n’était pas visé par la loi. Je peux me tromper, mais je crois que personne n’a encore observé un Inuit éleveur de moutons sur une ferme dans le Grand Nord. Les évènements les plus importants se produisirent après que la GRC eut laissé la responsabilité du territoire à la Sûreté du Québec. Cette force policière fit preuve d’une méconnaissance complète de la culture Inuite. Selon les preuves présentées dans le rapport, des policiers arrivaient dans un village sans prévenir et tuaient les chiens errants, les pourchassant même sous les maisons, sans avoir pris soin de vérifier si le chien était malade ou dangereux. On trouve dans le rapport le témoignage de deux Inuits de Kangiqsujuaq affirmant avoir vu deux policiers arriver par hydravion, et sans dire un mot à qui que ce soit commencer à pourchasser les chiens errants à travers le village. Trente-deux bêtes furent éliminées et les policiers quittèrent le village sans donner d’explications.

Le rapport mentionne que les Inuits du nord du Québec n’ont jamais été consultés quant à la portée de la loi sur « Les abus à l’agriculture », une loi totalement inappropriée pour eux et ne tenant aucun compte de leurs droits ancestraux. Les Inuits dépendaient complètement des chiens pour se déplacer, chasser et pêcher. On peut lire le passage suivant, dans les dernières conclusions du rapport : « Après 1960, les actions et comportements des forces policières dépassèrent les bornes. C’était à n’y rien comprendre. Les officiers démontraient un manque total de conscience par rapport aux droits fondamentaux des Inuits, à leur culture et à l’importance des chiens pour leur subsistance. Le comportement des officiers, qui ne pouvait être ignoré par les administrations civiles provinciale et fédérale, eut pour effet de nuire grandement à 75 propriétaires de chiens et leur famille dans leur capacité de subvenir à leurs besoins en nourriture ». Aucune aide ne fut offerte par les autorités pour compenser la perte des chiens.

Le juge note finalement qu’il n’a d’autre choix que de déclarer qu’il y a eu bris de la part du Canada et du Québec dans leurs obligations fiduciaires envers les Inuits. J’imagine que des compensations monétaires ont été offertes, à moins que ce rapport ne soit que le premier d’une longue série visant à établir les responsabilités et compensations futures.

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(Prochaine histoire : l’OVNI inventé à Inukjuak en 1983)

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Acquisition d’une sculpture Inuite à Inukjuak en 1982

(Histoire précédente : Inukjuak : dernier espoir pour un Twin Otter bas en carburant)

Occasionnellement, un sculpteur Inuit visitait la station d’information de vol (FSS) de Transports Canada à Inukjuak (CYPH), de même que les bâtiments environnants pour tenter de vendre sa dernière création. Le problème principal est que ces visites étaient interdites par la coopérative des travailleurs dont font partie les sculpteurs. S’il se faisait prendre à vendre sans passer par un intermédiaire, il perdait son droit de vendre sa production à la coopérative du village. Mais les tentations de passer outre aux règlements en place étaient importantes, et ce, pour plusieurs raisons.

Premièrement, certains sculpteurs considéraient qu’ils ne recevaient pas suffisamment d’argent de la coopérative pour leur travail, surtout que la plupart connaissaient le prix de vente réel de leur œuvre une fois celle-ci rendue sur les étalages des magasins du Sud. Deuxièmement, il y avait des sculpteurs qui avaient un sérieux problème d’alcoolisme. Ils ne pouvaient se procurer leur boisson à Inukjuak, mais savaient que les Blancs avaient généralement de l’alcool en leur possession. Ils prenaient alors la chance de vendre leur création en se déplaçant vers les bâtiments où se trouvaient les Blancs, une fois l’obscurité venue.

Certains Blancs profitaient de cette dépendance à l’alcool pour acquérir de très belles pièces en échange d’une bouteille. Il y avait et il y a toujours plusieurs problèmes associés avec une telle attitude : premièrement, le Blanc perpétue les difficultés vécues par les communautés autochtones par rapport à l’alcool. Nous connaissons tous les ravages causés par l’alcool et les drogues dans certains villages du nord du Canada et c’est pour cette raison que plusieurs emplacements ont mis en place une interdiction stricte de consommation d’alcool. Aucun magasin n’en vend.

Mais un habitant d’un village nordique sait que le Blanc possède de l’alcool dans sa maison. Des employés sont parfois revenus du travail pour s’apercevoir que leur maison avait été visitée par un intrus. Rien n’avait été volé sauf l’alcool, bien que des objets de valeur aient été immédiatement à la disposition du voleur. Le problème est que des gestes violents sont commis surtout lorsqu’il y a intoxication. Il importe d’éviter d’être un acteur indirect d’un drame potentiel.

Le sculpteur étant l’auteur de sa création, il a parfaitement le droit de prendre un risque pour tenter d’obtenir un meilleur prix pour son travail en évitant la coopérative. Cependant, cela est un coup de dés : ses tentatives vont lui rapporter plus d’argent jusqu’à ce qu’il se fasse prendre.

Une rare occasion d’acheter une pièce directement d’un sculpteur s’est présentée un soir d’hiver alors que je travaillais à la station d’information de vol. Un sculpteur s’est présenté avec une sculpture qu’il a déposée sur le comptoir. Elle semblait être de grande taille, du moins d’après le format de l’emballage. Elle était protégée par une simple couverture et devait bien avoir dix-huit pouces de haut par douze ou quinze pouces de large.

Il m’annonça immédiatement qu’il désirait des spiritueux et rien d’autre. Je lui répondis que je ne buvais pas de spiritueux. Il me demanda alors de la bière. J’avais de la bière chez moi, mais refusai de lui dire. Je lui offris alors de l’argent qu’il refusa net : il voulait de l’alcool en ce début de week-end. Je refusai de modifier ma ligne de conduite et, quelques secondes plus tard, voyais le sculpteur disparaître avec sa création, confiant qu’il trouverait rapidement le client recherché.

(Prochaine histoire : allégations concernant le massacre de chiens de traîneaux durant les années » 50 et « 60)

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Inukjuak FSS: dernier espoir pour un Twin Otter en manque de carburant.

(Histoire précédente : un nettoyage urgent)

Le Twin Otter de Bell Canada, au second plan, lors d’une belle journée d’hiver à Inukjuak. Au premier plan, un modèle de ski-doo de l’époque.
Le Twin Otter de Bell Canada, au second plan, lors d’une belle journée d’hiver à Inukjuak. Au premier plan, un modèle de ski-doo de l’époque.

Un soir d’hiver, vers 1983, Inukjuak FSS reçu un appel radio d’un aéronef de type Twin Otter opérant pour Bell Canada qui était en difficulté. Le brouillard avait envahi la côte de la Baie d’Hudson à plusieurs endroits, et les atterrissages aux aéroports de dégagement prévus par le pilote étaient maintenant impossibles. Les conditions météo étant encore acceptables à Inukjuak, notre aéroport devint la dernière option pour le pilote. Malheureusement, nos lumières de pistes étaient défectueuses et une solution devait donc être trouvée rapidement.

Des appels téléphoniques furent faits. Plusieurs Inuits arrivèrent en ski-doo et installèrent leur machine de chaque côté de la piste, à intervalles plus ou moins réguliers, de façon à éclairer les limites extérieures de la surface d’atterrissage. Le pilote fit une approche normale et l’aéronef se posa sans problème. Ce genre de service rendu par les Inuits n’était pas une première. Les pilotes étaient toujours heureux de compter sur cet éclairage auxiliaire d’urgence fourni par les habitants des villages nordiques lorsqu’un pépin se présentait.

(Prochaine histoire : acquisition d’une sculpture inuite à Inukjuak en 1982)

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Photographie

Lockheed L-1011 devant la tour de la station d’information de vol d’Iqaluit en 1990

Un Lockheed L-1011 de American Trans Air stationné devant la tour de la station d'information de vol de Iqaluit (Iqaluit FSS) en 1990
Un Lockheed L-1011 de American Trans Air stationné devant la tour de la station d’information de vol de Iqaluit (Iqaluit FSS) en 1990

Cette image provient d’une diapositive qui a par la suite été digitalisée 24 ans plus tard. La qualité en souffre un peu mais l’essentiel s’y trouve: la présence à Iqaluit (CYFB), au Nunavut, d’un Lockheed L-1011 de la compagnie American Trans Air.

Pendant le ravitaillement et le dédouanement, les passagers en profitent pour se dégourdir les jambes sur le tarmac de l’aéroport. En arrière-plan se trouve la tour FSS de la station d’information de vol de Transports Canada à Iqaluit, où nous nous occupions du trafic aérien local autant que des communications internationales HF pour les aéronefs traversant l’océan atlantique, à une époque où la technologie était un peu plus rudimentaire.

Plusieurs gros aéronefs utilisaient Iqaluit de façon régulière comme aéroport d’escale, tels que des DC8 allongés, des Boeing B707, 727, 737. Un Airbus A-380 y est même venu pour effectuer des tests en météo extrême afin d’obtenir sa certification.

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Un nettoyage urgent dans une maison d’Inukjuak

(Histoire précédente : l’Inuit qui voulait tirer des Blancs avec une carabine de calibre .303)

Dans un village nordique, au début des années ` 80, il y avait encore passablement de maisons qui n’étaient pas équipées de toilettes telles qu’on les connaît aujourd’hui. Les occupants de ces propriétés devaient se soulager en s’assoyant sur un réceptacle recouvert d’un sac à poubelle que les gens appelaient « Honey Bag ». Heureusement pour le personnel d’Environnement Canada et de Transports Canada en poste à la station d’information de vol d’Inukjuak, les équipements sanitaires étaient à la hauteur et il n’était pas nécessaire d’utiliser des moyens de fortune.

Toujours est-il qu’un Blanc avait été engagé comme directeur d’une institution publique locale et vivait avec sa famille dans une maison équipée de ce genre de toilette « Honey Bag ». En ce beau samedi, lui et sa conjointe recevaient des invités à souper et ils s’occupaient des derniers détails. La conjointe avait demandé à son mari, quelques jours auparavant, de sortir le « Honey Bag » de la maison et de mettre un nouveau sac sur le contenant.

L’homme avait un peu tardé et le sac avait pris du volume et du poids. Le samedi venu, il ne pouvait plus procrastiner. Il prit le sac, le ferma et traversa le salon pour aller porter le tout à l’extérieur. Au moment où il se retrouva au milieu de la pièce, au-dessus du tapis, le sac se brisa et tout le contenu se répandit.

Il nous a été rapporté qu’il y eut durant tout l’après-midi un ménage gigantesque pour tenter de corriger la situation. Nul moyen de savoir si les invités furent en mesure d’apprécier les arômes subtils du bon vin servi au souper…

(Prochaine histoire: Inukjuak : dernier espoir pour un Twin Otter en manque de carburant)

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L’Inuit qui voulait tirer des Blancs avec une carabine de calibre 303 à Inukjuak

(Histoire précédente : l’avion tant attendu)

Notre lieu de travail et de résidence à Inukjuak en 1982. Un des bâtiments est occupé par la station d'information de vol de Transports Canada.
Notre lieu de travail et de résidence à Inukjuak en 1982. Un des bâtiments est occupé par la station d’information de vol de Transports Canada.

Note : Il ne s’agit ici que d’une histoire vécue qui sort de l’ordinaire. Les relations normales entre Blancs et Inuits sont tout à fait pacifiques. D’ailleurs, nous connaissons tous des situations dans les villes du sud où des Blancs ont tiré sur d’autres personnes. L’histoire qui suit traite donc d’une situation isolée.

À Inukjuak en 1982-1983, la disposition des bâtiments est simple. En haut de la côte se situe tout le village, habité en très grande majorité par des Inuits. En bas de la côte, près de la piste d’atterrissage et de la baie d’Hudson se trouvent les quelques bâtiments où œuvrent les employés d’Environnement Canada et de Transports Canada. Il n’y a que des Blancs qui vivent et travaillent sur cette parcelle de territoire.

Un soir d’hiver ` 82 — ` 83, quelqu’un frappe à la porte et entre immédiatement sans attendre qu’on lui réponde. Il s’agit d’un policier auxiliaire, c’est-à-dire un jeune homme non armé qui prête main-forte à l’occasion à l’unique policier du village. Le jeune homme nous annonce que le policier est absent du village et qu’il doit donc se débrouiller seul. Il nous dit : « Barrez vos portes et éteignez les lumières; ne sortez que si cela est essentiel, car il y a un Inuit armé d’une carabine de calibre .303 qui veut tirer des Blancs ».

Dans la maison, c’est évidemment la surprise la plus complète. Il est facile de déduire que le tireur qui cherche des Blancs ira vers la solution la plus facile et s’approchera de nos bâtiments pour prendre quelqu’un pour cible, au hasard. Je vais donc dans le réduit à conserves qui me sert de chambre et prend une valise verrouillée qui dort depuis des mois sur une tablette. J’en sors une Remington 700 BDL Bolt Action et remplis le chargeur. Nous établissons un plan, avec les deux autres personnes présentes dans la maison, pour aller chercher une spécialiste en information de vol (FSS) qui est seule dans un autre bâtiment où se trouve la station d’information de vol. Elle n’est possiblement pas avisée des derniers développements, pas plus qu’elle n’est armée. Un de nous la ramènera à la maison et je complèterai le quart de nuit à sa place.

Nous laissons temporairement une personne dans la maison, avec une carabine pour se protéger en cas de besoin. Cet employé est nouvellement arrivé à Inukjuak. Je me souviens encore de sa réaction au moment où nous nous apprêtions à sortir. Je l’entends encore dire : « Mais quelle place de fous est-ce ici? »

Nous fermons les projecteurs extérieurs et sortons avec nos armes pour nous rendre à la station. Circulant dans la noirceur, accroupis comme en temps de guerre, jusqu’au bâtiment de Transports Canada, nous trouvons l’employée occupée à ses tâches normales, ignorant complètement la présence possible d’un tireur à proximité. Je prends la place de l’employée pour terminer le quart de nuit pendant que celle-ci retourne à la maison accompagnée d’un employé armé.

Une fois seul dans la salle d’opération, je ferme les lumières tout en gardant une petite lampe pour éclairer la console des fréquences radio. Je dépose la carabine à plat sur un comptoir, le verrou de sécurité enlevé pour plus de rapidité d’usage en cas de besoin. La console radio est située face à une grande baie vitrée : cela nous laisse carrément exposés pour quelqu’un qui déciderait de tirer à travers la vitre. Il faut donc essayer de se tenir à l’écart des fenêtres sauf au moment de répondre à des appels radio, et ce jusqu’à ce que nous recevions des nouvelles fraîches quant au tireur.

Twin Otter en rapprochement pour Inukjuak lors d'une journée très venteuse de 1982.
Twin Otter en rapprochement pour Inukjuak lors d’une journée très venteuse de 1982.

Le quart de nuit improvisé se termine sans anicroche dans la station d’information de vol, mais j’apprends que plusieurs coups de feu ont été tirés sur un véhicule qui circulait non loin de nos installations. Les projectiles ont transpercé les portes, mais, par chance, elles n’ont pas touché les occupants du véhicule. Dans les heures suivant cet événement, une équipe d’intervention tactique de la Sûreté du Québec se rend à Inukjuak et maîtrise le tireur.

Même si cette histoire s’est déroulée il y a maintenant des décennies, je me souviens encore très bien de l’atmosphère qui régnait cette soirée-là. Quand des civils non entraînés doivent charger des armes à feu dans le but potentiel de s’en servir contre un autre humain, cela ne s’oublie pas.

(Prochaine histoire : un nettoyage urgent)

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L’avion tant attendu à Inukjuak

(Histoire précédente: le gestionnaire qui avait perdu l’appétit)

Deux Twin Otters de la compagnie Austin Airways déchargent leur cargo à Inukjuak en 1982.
Deux Twin Otters de la compagnie Austin Airways déchargent leur cargo à Inukjuak en 1982.

Durant les années où la station d’information de vol (FSS) de Transports Canada à Inukjuak (CYPH) était en activité, il y avait une chose sur laquelle un pilote d’Austin Airways pouvait compter : dès l’arrivée de l’avion, il y aurait presqu’à coup sûr des gens sur place pour aider aux opérations de déchargement ou pour offrir les services requis permettant à l’aéronef de redécoller le plus rapidement possible. En effet, les Inuits du village téléphonaient régulièrement à la station FSS pour savoir si des avions étaient prévus, et si tel était le cas, l’heure estimée d’arrivée. Nous étions habitués aux questions telles que : « What time plane? », « Is that food plane? », « Is that mail plane? ».

Dès l’atterrissage nous pouvions voir arriver, en provenance du village, des pick-up, un camion-citerne et plusieurs véhicules trois roues Honda. Le maître de poste venait chercher le courrier, les gens du village se pressaient pour saluer les membres de leur famille, et les quelques commerçants aidaient au déchargement de leur matériel ou s’occupaient du ravitaillement en carburant.

L’intérêt était similaire en ce qui concerne l’arrivée des premiers navires de la saison, tard en été. Outre la présence occasionnelle d’un brise-glace, nous assistions à l’arrivée d’un navire de la compagnie Shell chargé de ravitailler les villages. Des barges chargées de centaines de caisses et de machinerie lourde atteignaient enfin les villages du Nord le long des baie d’Hudson et d’Ungava après plus d’une semaine de navigation, profitant de la marée basse pour livrer leur cargaison. Certains de ces vaisseaux avaient été endommagés par les glaces durant leur voyage et devaient parfois être réparés sur place avant de pouvoir reprendre leur route.

Piano et matelas laissés sur place en l'absence des clients. Inukjuak 1982
Situation inusitée: un piano et des matelas sont laissés sur place en l’absence des clients. Inukjuak 1982

Une bonne journée, un avion de patrouille anti-sous-marine CP140 Aurora venant de terminer son travail au-dessus de la baie d’Hudson nous contacta pour recevoir des informations. Puisque ses opérations semblaient momentanément terminées et qu’il se déplaçait maintenant vers un autre secteur, il lui fût demandé de faire une « passe » à basse altitude au-dessus de la station d’information de vol. Le pilote accepta et dans les minutes qui suivirent, l’avion passa en trombe près de nos installations pour disparaître quelques instants plus tard dans les nuages. Je me souviens encore du déluge d’appels téléphoniques que le passage de l’aéronef occasionna dans le village. Faute de pouvoir apercevoir l’aéronef, les gens surpris demandaient : « Is that food plane? » « Is that mail plane? ».

Un survol à basse altitude est demandé, à l’occasion, pour observer un aéronef de près et pouvoir entendre le son des moteurs au moment du passage. Cela permet également la prise d’une photo. Chaque pilote que j’ai connu au cours des années acceptait avec joie cette occasion de mettre un peu de piquant dans sa routine.

Le Twin Otter C-GMDC de la compagnie Air Inuit refait le plein de carburant à Inukjuak en 1982
Le Twin Otter C-GMDC de la compagnie Air Inuit refait le plein de carburant à Inukjuak en 1982

(Prochaine histoire: l’Inuit qui voulait tirer des Blancs avec une carabine de calibre .303)

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Histoires vécues comme spécialiste en information de vol (FSS): Inukjuak FSS

Le gestionnaire qui avait perdu l’appétit en arrivant à Inukjuak.

Décollage d'un Twin Otter d'Austin Airways durant une averse de neige à Inukjuak en 1982. En arrière-plan, le bâtiment d'aérologie d'Environnement Canada.
Décollage d’un Twin Otter d’Austin Airways durant une averse de neige à Inukjuak en 1982. En arrière-plan, le bâtiment d’aérologie d’Environnement Canada.

Un gestionnaire de Transports Canada devait occasionnellement quitter le confort de son bureau de Montréal pour venir inspecter une des stations d’information de vol (FSS)située dans le Nord-du-Québec. En 1982, il effectua donc le trajet vers Inukjuak (CYPH), au Nunavik, en utilisant Nordair, pour la portion entre Montréal et Kuujjuarapik (CYGW).

À partir de cet endroit, un Twin Otter d’Austin Airways fit le trajet jusqu’à Inukjuak. Quelques minutes après le départ, lors du survol au-dessus de la baie d’Hudson, la base des stratus baissa dramatiquement et le pilote nous dira plus tard qu’il dû faire le trajet avec tout au plus 200 pieds de jeu entre l’eau et les nuages.

L’avion arriva à Inukjuak en après-midi. Au souper, le cuisinier offrit un repas chaud au gestionnaire, mais ce dernier avoua qu’il n’avait absolument aucun appétit. Il nous confiera, un plus tard, que de voir la surface de l’eau aussi près de l’avion et de sentir la turbulence mécanique durant tout le voyage lui avait coupé l’appétit. Nous avions alors réalisé que notre gestionnaire n’était pas très à l’aise avec les vols « non standards ».

Un Twin Otter d'Austin Airways au décollage de Inukjuak en 1982
Un Twin Otter d’Austin Airways au décollage de Inukjuak en 1982

Au retour, il était seul passager à bord, le reste de l’espace n’étant que du cargo. Nous connaissions suffisamment bien les pilotes pour leur demander une petite faveur, soit un décollage avec virage serré. Ce qui fut fait très adroitement et créa une surprise certaine chez le voyageur.

Sur le vol de retour vers Montréal, il profita d’une escale à La Grande (CYGL) pour nous envoyer par téléscripteur une remarque qui en disait long sur son appréciation du virage. Il faut dire, en toute honnêteté, que le pilote en avait donné plus que le client en demandait, et que le voyageur eut la chance d’expérimenter ce qu’était un virage de 70 degrés vers la droite. C’était suffisant pour lui enlever le goût de revenir avant longtemps.

(Prochaine histoire : l’avion tant attendu)

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