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The Rise of Islamic State: ISIS and the new Sunni revolution

Comme il s’agit d’un livre écrit en anglais, j’ai dû prendre la liberté de traduire les citations pour faciliter la vie aux lecteurs unilingues francophones.

« Patrick Cockburn a noté l’émergence d’ISIS beaucoup plus tôt que toute autre personne et écrit sur ce sujet avec une profondeur telle qu’elle se trouve dans une catégorie à part. » – Press Gazette Journalist of the Year Judges

Le livre nous présente une image plus large de ce qui se produit au Moyen-Orient. Il donne de la profondeur aux nouvelles des grands réseaux.  Le lecteur prend ainsi connaissance du côté moins médiatisé de chaque histoire,  ce qui aide à acquérir une meilleure compréhension des différents conflits.

Première de couverture du livre "The Rise of Islamic State" de Patrick Cockburn
Première de couverture du livre « The Rise of Islamic State » de Patrick Cockburn

Des nouvelles plus ou moins exactes, et parfois des mensonges.

L’auteur dévoile la facilité avec laquelle les mensonges peuvent être fabriqués sur un champ de bataille. Il démontre également que les informations peuvent être plus ou moins exactes, comme dans le cas où un journaliste préalablement « choisi » voyage protégé par une armée, ou encore lorsque des journalistes se fient à des informations de seconde main non vérifiées pour préparer les nouvelles du soir.

Il semble également passablement difficile pour un réseau de nouvelles de refuser de diffuser une histoire lorsque des doutes subsistent à son sujet, spécialement lorsque les compétiteurs ont décidé de diffuser cette même nouvelle.

J’ai placé les citations du livre en italique étant donné qu’elles offrent d’excellents résumés. Certaines sont de l’auteur lui-même, d’autres proviennent de sources qu’il a trouvées pour écrire son livre. L’auteur soulève tellement de sujets qu’il m’est impossible de tout couvrir dans un résumé. Je tenterai d’être aussi bref que possible pour présenter la perspective la plus large possible du contenu du livre.

La peur.

La peur est le facteur principal derrière plusieurs décisions politiques irrationnelles. La peur amène une radicalisation des politiques, des religions et de la propagande. Elle est souvent reliée à un très petit groupe d’individus qui dirigent un pays, un état ou une région lorsque ces derniers croient qu’ils peuvent perdre le pouvoir politique leur offrant des privilèges indus par rapport au reste de la population. Plus les avantages sont grands, plus grande est la peur.

Les « solutions » politiques, la plupart du temps irrationnelles, créent des tensions ou aggravent des problèmes existants et aident seulement à accroître l’instabilité.

L’Arabie Saoudite aidait initialement ISIS à cause de sa peur des jihadistes opérant à l’intérieur de leur pays et également à cause de sa peur du pouvoir chiite à l’extérieur du pays. En ce qui concerne la Turquie, elle a plus peur des Kurdes qu’elle ne craint ISIS. Pour une longue période, la Turquie a donc laissé sa frontière perméable avec la Syrie : cela a permis à ISIS de compter sur une base arrière en cas de repli obligatoire temporaire.

L’auteur dit : « Il y a quelque chose d’hystérique et d’exagéré à propos de la peur que l’Arabie Saoudite entretient quant à l’expansionnisme chiite, étant donné que les chiites ne sont puissants que dans la poignée de pays où ils sont en majorité ou en forte minorité. Sur cinquante-sept pays musulmans, seulement quatre ont une majorité chiite. » (p.102)

La démonisation des religions autres que le Wahhabisme.

Dans le cas de l’Arabie Saoudite, la démonisation des religions autres que le Wahhabisme et l’étalage de la haine à travers les médias sociaux ont créé un territoire fertile à la croissance d’ISIS.

L’auteur dit : « […] Les Saoudiens doivent sérieusement s’attaquer à réformer leur système d’éducation qui démonise actuellement les chiites, sufis, chrétiens, Juifs et autres sectes et religions. Ils doivent cesser de prêcher la haine au moyen de tellement de stations satellites et ne pas offrir de passe-droit aux prêcheurs de haine sur les médias sociaux »(p.107)

« La « Wahhabisation » de l’Islam sunnite est un des plus dangereux développements de notre ère » (p.108)

L’argent favorise la polarisation entre Sunnites et Chiites.

« ISIS n’aurait pu croître en popularité sans le soutien financier de l’Arabie Saoudite, du Qatar, des Émirats Arabes Unis et de la Turquie. Étant donné qu’ISIS se nourrit des tensions entre les sunnites et les chiites, tout ce qui augmente la tension entre sunnites et chiites bénéficie au groupe terroriste : « Il n’y a aucun doute qu’une propagande wahhabite bien financée a contribué a l’accroissement d’un conflit de plus en plus violent entre sunnites et chiites » (p.99)

« Un aspect crucial de la montée du Wahhabisme est le pouvoir financier et politique de l’Arabie Saoudite. Le Dr Allawi dit que si, par exemple, un musulman pieux veut fonder un séminaire au Bangladesh, il n’y a pas beaucoup d’endroits où il pourra obtenir 20,000£ autres que l’Arabie Saoudite. Mais si la même personne veut s’opposer au Wahhabisme, il devra alors le combattre avec des ressources limitées » (p.108)

« Cette polarisation entre deux groupes religieux n’a fait que s’intensifier à travers la guerre chaude et froide que se livrent les États-Unis et la Russie. Des mandataires étaient ici au travail, avec l’Arabie Saoudite et les monarchies du golfe Persique, supportées par les États-Unis, face à l’Iran, la Syrie et le Hezbollah au Liban appuyés par la Russie » (p.71)

Quatrième de couverture du livre de Patrick Cockburn "The Rise of Islamic State"
Quatrième de couverture du livre de Patrick Cockburn « The Rise of Islamic State »

Une propagande qui a fait qu’Al-Qaïda est apparue plus forte et efficace qu’elle ne l’était en réalité, en référence aux attaques du 11 septembre 2001.

Plusieurs sections du livre font référence, à un moment ou l’autre, aux attaques du 11 septembre 2001. Voici quelques-unes des observations de l’auteur (en italique). J’ai également ajouté des commentaires personnels clairement identifiés comme tels :

L’instant Pearl Harbor des attentats du 11 septembre 2001.

L’auteur écrit : « Le choc des attentats du 11 septembre 2001 a généré un « moment » Pearl Harbor aux États-Unis où la révulsion et la peur du public ont pu être manipulées pour implémenter un agenda néoconservateur préexistant en pointant Saddam Hussein et en envahissant l’Irak » (p.100).

Note : les cinq paragraphes suivants constituent un commentaire personnel sur « l’instant Pearl Harbor » :

Un « instant Pearl Harbor » signifie qu’afin que les Américains approuvent une attaque en sol étranger, ils devaient voir quelque chose de terrible se produire aux États-Unis. Par exemple, avant la destruction évidente de navires de guerre à Pearl Harbor par les Japonais, les Américains avaient refusé de s’engager dans la Seconde Guerre mondiale.

Durant les attentats du 11 septembre 2001, et même plus tard, les quatre-vingts caméras du Pentagone n’ont pas pu capturer quoi que ce soit ressemblant de près ou de loin à un Boeing 757 frappant le bâtiment. Vous deviez croire que les choses s’étaient produites exactement comme vous le disaient les nouvelles étant donné qu’il n’y avait pas de photos ni de vidéos d’un Boeing en morceaux sur le terrain du Pentagone.

Les médias ont plutôt joué et rejoué les scènes vidéos où les tours jumelles du World Trade Center s’écrasent complètement jusqu’au sol après avoir été touchées par un seul avion chacune, même si les bâtiments étaient construits pour résister à des impacts multiples, à travers un design « moustiquaire », une leçon apprise à travers ce qui était arrivé des années plus tôt avec l’Empire State Building.

Des gens ont cru que les bâtiments s’étaient écrasés à cause de la chaleur trop élevée, mais plusieurs ont négligé le rapport de la FEMA émis plus tard affirmant que la température ne s’était pas élevée à plus de 300 ou 400 degrés à l’intérieur du bâtiment, des centaines de degrés en moins que ce qui était nécessaire pour faire fondre l’acier.

La chute libre des tours jumelles du World Trade Center a constitué « l’instant Pearl Harbor » nécessaire pour provoquer la peur et faciliter l’implémentation d’un agenda néoconservateur préexistant. Les électeurs américains n’auraient pas approuvé une guerre en règle à l’étranger si les bâtiments étaient demeurés debout après un seul impact. C’est un peu comme si le monde devait croire que le World Trade Center a été bâti en utilisant la pire ingénierie américaine tout en ne retenant aucune leçon du passé. Pour plus d’infos sur ce sujet spécifique:

Sujets controversés

En 2001, Al-Qaïda était une organisation sans grande efficacité.

Patrick Cockburn est un parmi très peu de journalistes qui n’a pas peur de présenter Al-Qaïda telle qu’elle était en 2001, une organisation émergente qui était loin d’être capable de planifier et exécuter des attaques aussi complexes que celles du 11 septembre 2001. (Cela explique aussi pourquoi, peu de temps après les attaques, les nouvelles internationales ont présenté une vidéo de Ben Laden niant sa responsabilité pour les attaques. Une vidéo qui n’a jamais été remontrée. Mais plusieurs millions de personnes l’ont vue avant qu’elle ne soit censurée subséquemment par les grands réseaux).

« Au moment de 9/11, Al-Qaïda était une petite organisation généralement inefficace »(p.59). L’auteur utilise en anglais le terme « ineffectual », qui réfère à l’incapacité de produire un effet désiré.

L’implémentation de l’agenda néoconservateur.

Cela signifie en réalité que l’agenda préexistant néoconservateur américain ne pouvait compter sur l’expérience d’Al-Qaïda. Il a plutôt fallu l’aide d’une ou plusieurs organisations expérimentées pour le financement, la planification et l’exécution des attaques du 11 septembre 2001. Seulement après les faits Al-Qaïda a-t-elle pu être blâmée étant donné qu’elle était maintenant bien connue des Américains, après toute la propagande des médias. Un lien artificiel a par la suite été fait avec l’Irak, permettant une invasion que soixante pour cent des électeurs américains ont autorisée.

Soixante pour cent des électeurs américains ont été induits en erreur.

L’auteur écrit : « Le nom Al-Qaïda a toujours été utilisé de façon élastique pour identifier un ennemi. En 2003 et en 2004 en Irak, alors que l’opposition irakienne à l’occupation américaine et britannique s’accentuait, les autorités américaines ont attribué presque toutes les attaques à Al-Qaïda alors que plusieurs étaient le fait de groupes nationalistes et baathistes. Une telle propagande a aidé à persuader près de soixante pourcent des électeurs américains avant l’invasion en Irak qu’il y avait une connexion entre Saddam Hussein et les responsables de 9/11, malgré une absence complète de preuves sur le sujet. En Irak, et à travers le monde musulman, ces accusations ont grandement bénéficié à Al-Qaïda en exagérant son rôle dans sa résistance à l’occupation américaine et britannique » (p.53)

La chute de Mosul.

ISIS n’a eu besoin que de 6000 combattants pour gagner la Bataille de Mosul. Pourtant, le groupe armé faisait face à un million de soldats irakiens. Comment cela a-t-il été possible? L’auteur voit trois raisons :

1. La coopération des sunnites irakiens, qui sentaient qu’ils étaient mieux protégés par ISIS que par les chiites.
2. Une corruption à tous les niveaux dans l’armée irakienne : « Comme un ancien ministre l’a dit, « le gouvernement irakien est une kleptocratie institutionnalisée ». Un autre politicien qui ne veut pas être nommé a dit « […] Les gens donnent de l’argent pour faire partie de l’armée [pour obtenir un salaire] – mais ce sont des investisseurs, pas des soldats » (p.77)
3. Le fait que l’armée irakienne ne soit désormais plus une armée nationale, étant donné que les soldats sunnites bien entraînés ont été mis de côté.

Syrie : le président Bachar Assad n’était pas aussi faible qu’on le croyait.

Autant le monde extérieur que l’opposition percevaient le président Assad comme beaucoup plus faible qu’il ne l’était en réalité. Tous pensaient qu’il serait défait sans l’aide d’une campagne aérienne organisée.

Une omission majeure quant à la guerre en Syrie.

« Les États-Unis et autres pouvoirs occidentaux ont échoué à prévoir qu’en supportant une révolte armée en Syrie, ils déstabiliseraient inévitablement l’Irak et provoqueraient une nouvelle ronde d’une guerre civile sectaire » (p.73)

Cinq différents conflits en Syrie.

Le conflit syrien est extrêmement compliqué étant donné qu’il y a plusieurs intérêts politiques et religieux en jeu : « La crise syrienne comprend cinq différents conflits qui s’infectent entre eux et s’exacerbent mutuellement. La guerre a commencé avec une révolte populaire véritable contre une dictature brutale et corrompue, mais elle a vite été mélangée au conflit entre sunnites et alawites, pour ensuite dégénéré dans un conflit régional global entre chiites et sunnites avec d’un côté une alliance représentée par les États-Unis, l’Arabie Saoudite et les états sunnites et, de l’autre côté, l’Iran, l’Irak et les chiites libanais. En plus de tout cela, il y a eu un renouveau dans la guerre froide entre Moscou et l’Occident, exacerbée par le conflit en Libye et de façon récente s’aggravant encore à cause de la crise en Ukraine » (p.94)

En Syrie, c’est un choix entre Assad ou ISIS.

ISIS est la plus importante force d’opposition en Syrie. Si Bachar Assad tombe, ISIS prend sa place : « Les Syriens ont le choix entre une dictature violente, dans laquelle le pouvoir est monopolisé par la présidence et des services de sécurité brutaux, ou une opposition qui tire en plein visage des enfants pour un blasphème mineur et envoie des photos de soldats décapités aux parents des victimes ». (p.81)

Les victoires octroyées par Dieu.

« L’attrait de l’État islamique pour les musulmans sunnites de Syrie, d’Irak et d’ailleurs dans le monde vient en partie du sentiment que ses victoires sont octroyées par Dieu et inévitables, donc toute défaite endommage sa prétention à un support divin » (p.159)

La solution au conflit syrien viendra de l’extérieur du pays.

« Plusieurs Syriens voient maintenant une solution à leur guerre civile comme étant largement entre les mains des États-Unis, de la Russie, de l’Arabie Saoudite et de l’Iran. En cela, ils sont probablement corrects ».

Notes supplémentaires.

La guerre ne concerne jamais que le « combat ». Il y a toujours un processus politique sous-jacent qui est en marche. Donc, même si un pays semble militairement défait, d’énormes efforts politiques devront être faits si l’on veut créer un nouvel ordre stable.

« La conviction qu’un gouvernement toxique est à la base de tout ce qui est mauvais est la position publique de la plupart des oppositions, mais il est dangereux de se fier à l’agenda personnel de toute personne. »

« Un gouvernement ou une armée peut tenter de maintenir le secret en interdisant les journalistes, mais il devra payer le prix étant donné que l’absence de nouvelles est remplacée par de l’information fournie par leurs ennemis ».

Titre: The Rise of Islamic State (Publié initialement sous le titre: The Jihadis return: ISIS and the failure of the global war on terror par OR Books ©2014)
Auteur: Patrick Cockburn
Éditions: Verso
©2015
ISBN-13: 978-1-78478-040-1

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Renseignement

Les casseurs de codes de la Seconde Guerre mondiale

Les casseurs de codes de la Seconde Guerre mondiale (Bletchley Park)
Les casseurs de codes de la Seconde Guerre mondiale (Bletchley Park)

Ce livre raconte les opérations quotidiennes et les habitudes de vie des gens ayant travaillé au décodage des messages allemands à Bletchley Park, en Angleterre, durant la Seconde Guerre mondiale. Le lecteur réalise rapidement l’impact incroyable de ces travailleurs de l’ombre sur l’issue des batailles les plus connues, telles les Bataille d’Angleterre et d’El Alamein, de même que sur le débarquement comme tel. Mais par-dessus tout, il permet au lecteur de pénétrer dans les baraquements pour témoigner de la rigueur et du professionnalisme de ces hommes et femmes qui ont œuvré jour et nuit, malgré la grande tension et l’épuisement, pour accomplir leur devoir.

Leurs efforts pour obtenir des résultats frôlaient l’obsession. Même en dormant, les cerveaux étaient au travail. On y apprend qu’une avancée majeure a eu lieu après qu’un chercheur se soit réveillé au beau milieu de la nuit avec la solution qu’il espérait trouver depuis longtemps. Naturellement, des noms comme ceux d’Alan Turing, John Herivel ou Dillwyn Knox reviennent fréquemment. Mais ils sont accompagnés d’une multitude d’autres personnes ayant toutes joué un rôle essentiel.

Bletchley Park était d’une grande efficacité pour plusieurs raisons :

1. Une judicieuse combinaison des employés possédant les capacités et les formations les plus diverses : les compétences croisées et la culture générale étaient recherchées. Les femmes et hommes travaillant au décodage possédaient bien sûr une intelligence très supérieure et une grande capacité de concentration. Des connaissances dans plusieurs disciplines étaient requises : il y avait des experts en mathématique autant qu’en histoire, en lettres classiques ou en linguistique. Dillwyn Knox, une des vedettes de Bletchley, était lui-même expert en vieux papyrus. L’association des intelligences donna lieu à des innovations très importantes.

2. La capacité de maintenir le secret : les employés étaient judicieusement sélectionnés et l’étanchéité entre les bâtiments où ces derniers travaillaient était totale. S’il y avait eu une taupe à l’intérieur d’un bâtiment en particulier, il lui aurait été impossible de traverser d’un emplacement physique à l’autre pour tenter de recueillir de l’information privilégiée. L’existence d’un but commun et du sentiment profond de l’importance de ce qui devait être fait transcendait la fatigue du personnel et contribuait à diminuer l’intensité des inévitables conflits internes. Cela a même assuré des années de discrétion après que le conflit mondial ait été réglé.

3. Un traitement spécial pour les casseurs de codes : même si Bletchley servait essentiellement à des fins militaires, il n’y avait pas de régime militaire strict : « Au fil des années et des siècles, nous pouvons constater que le renseignement britannique est en partie une affaire militaire, mais demeure surtout régi par de talentueux civils ». Les casseurs de codes avaient besoin d’un traitement spécial : « […] On a jugé très important que les “experts” aient suffisamment d’espace et de liberté pour mener à bien leurs raisonnements géniaux. Il ne fallait donc pas les perturber avec les restrictions et la discipline imposées à tous les autres ». Cet objectif de préserver certains employés des contraintes inutiles a aujourd’hui été répété avec succès dans les compagnies internationales vouées à l’innovation.

4. La collaboration entre les pays : il importe de mentionner la collaboration essentielle entre la Pologne, l’Angleterre et la France dans l’accumulation des résultats visant à craquer le code Enigma. Jusqu’à l’effondrement de la France, toutes les solutions trouvées étaient partagées. D’ailleurs, les cryptanalystes polonais furent les premiers à déchiffrer les codes de la première version de la machine Enigma, résultats qu’ils partagèrent avec les deux autres pays.

5. L’importance du facteur chance dans le succès des opérations : l’élément chance devait jouer un rôle très important dans la capacité de Bletchley Park de demeurer en activité sur une longue période. Malgré l’intensité des bombardements allemands, très peu de dommages furent infligés aux bâtiments où travaillaient les décodeurs : « Cela tient du miracle que seules deux bombes aient touché Bletchley Park […]. En outre, une autre est tombée près de l’endroit où Knox et Lever travaillaient, mais n’a pas explosé ». Par ailleurs, deux autres bombes sont tombées sur la propriété, également sans exploser.

Il y avait malgré tout des obstacles à l’efficacité, dont l’existence de paliers inutiles qui nuisaient aux opérations. L’information primaire commence à être transformée dès qu’elle est relayée à un premier niveau pour interprétation. Plus il y a de paliers à travers lesquels l’information doit circuler et plus celle-ci est transformée. Il y a des gens qui deviennent maîtres dans l’art de protéger leur statut et leur emploi et constituent éventuellement un palier inutile. De par leur niveau hiérarchique plus élevé, ils sont difficiles à déloger. Cette situation n’a pu être évitée non plus à Bletchley Park. Comme l’écrivait Knox à l’époque, « […] Nous sommes actuellement encombrés d’officiers du renseignement qui malmènent nos résultats et ne font aucun effort pour vérifier leurs corrections arbitraires ».

Un passage du livre m’ayant particulièrement touché est l’histoire de ces trois marins britanniques qui nagèrent jusqu’à un U-Boat, le U-559, alors qu’il avait commencé à couler, et récupérèrent une machine Enigma à quatre rotors (la nouvelle version complexifiée) de même que les clés Stark utilisées. Les deux marins qui pénétrèrent dans le U-Boat périrent, car ils n’eurent pas le temps d’en sortir à temps. Le troisième, demeuré à l’extérieur, put ramener le matériel (placé judicieusement dans un sac étanche) vers son bateau. Mettre ainsi la main sur une machine Enigma et ses clés devait s’avérer capital pour neutraliser les forces allemandes sur les océans.

Je termine avec une citation de Mavis Batey, qui résume bien l’état d’esprit des gens œuvrant à Bletchley Park : « Vous faites ou non des choses, mais si vous n’agissez pas, personne ne le fera à votre place ».

©2012 Ixelles Publishing SA
ISBN 978-2-87515-178-0
©Sinclair McKay 2010 (auteur), titre original anglais : The Secret Life of Bletchley Park