L’auteur Andrew S. Weiss a travaill la Maison-Blanche, au Pentagone, au dpartement d’Etat, etc. Il signale : « Si l’poque on m’avait dit qu’un ancien sous-officier du KGB – qui n’avait jamais vraiment brill – un certain Vladimir Poutine […] – serait promu des arrière-salles du Kremlin directement la tête du pays, je vous aurais dit d’aller vous faire soigner ». Il ajoute : « Ce que nous croyons savoir de lui est souvent un savant mlange de psychologie de comptoir et d’interprtations errones de l’histoire millnaire de la Russie ». Sa mise en scène comme un dur cuire « lui permet de passer pour plus intelligent – et plus comptent – qu’il ne l’est rellement. […] ».
Le roman graphique « Tsar par accident » raconte les hasards de la vie qui ont fait en sorte que Vladimir Poutine s’est retrouv au pouvoir au moment où sa carrière plutôt sans clats le destinait un poste moins lev. Mais on pourrait dire la même chose de certains dictateurs, prsidents, rois et ministres de par le monde au cours des âges auxquels la chance a souri. Eux aussi ont su profiter des occasions favorables pour gravir des chelons trop importants pour leur talent naturel. La nation en paie alors le prix jusqu’au renversement, exil ou dcès du personnage.
Il faut quand même donner Poutine le fait qu’il s’obstine, qu’il s’accroche, malgr les revers et les refus. Pour accder au KGB, on lui dit de faire des tudes ou d’entrer dans l’arme. Il s’excute et reçoit son diplôme.
Il se retrouve donc au KGB en 1975. Mais ce ne sont pas les grandes missions dont il rêvait qui l’attendent, mais du travail de terrain local. Il n’impressionne pas ses suprieurs avec les rsultats obtenus. À la suite d’une bagarre dans le mtro, on le mute Dresde en 1985 pour des missions vides de sens, faute de budget. En 1999, on apprend au prsident Clinton que Poutine sera le prochain prsident russe. Que s’est-il pass entre 1985 et 1999 pour que soudainement Poutine sorte ce point de l’obscurit et soit propuls comme prsident de la Russie ?
Il faut crditer son thique de travail, mais avant toute chose sa loyaut envers ses patrons dans cette organisation qui privilgie les liens personnels. Eltsine, le prsident de l’poque, sentait sa fin venir et proposa un march Poutine. L’auteur crit : « Il ferait de lui le prsident s’il acceptait de les protger, lui et sa famille ».
Tout comme Hindenburg croyait pouvoir manipuler Hitler en lui permettant d’accder aux hautes sphères du gouvernement, Eltsine pensait faire de même avec Poutine. Dans les deux cas, ce fut une erreur coûteuse pour l’Europe et le monde.
Le bouquin passe en revue la monte des oligarques russes, le rapprochement du pouvoir pour les amis de Poutine. Andrew Weiss souligne : « L’un des points que les trangers ne saisissent pas toujours c’est que la Russie est une socit qui fonctionne sur la base des liens personnels, plutôt que dans le cadre d’institutions ou d’un tat de droit. »
Dans les annes suivant la chute du Mur de Berlin, on constate la mainmise de secteurs importants de l’conomie russe par des fonctionnaires et agents du KGB corrompus, de même que par la mafia. Comme l’crit l’auteur : « Vladimir Koumarine, patron tout-puissant du gang notoire Tambov, faisait la loi dans le pays ».
Le support de Vladimir Poutine envers les Etats-Unis après les attentats du 11 septembre 2001 le rapproche de George W. Bush et de son père George H. W. Bush avec lesquels il va même la pêche Kennebunkport. Il esprait ainsi relancer l’conomie moribonde russe et gagner en libert pour contrôler les mdias russes.
Le plus tonnant pour moi demeure le fait que Poutine approuva durant cette priode l’implantation hautement controverse de bases amricaines et de l’OTAN travers l’ex-Union sovitique (Ouzbkistan, Tadjikistan, Kirghizistan). Par ce geste, il recherchait une stabilisation avec l’Ouest. Les causes des attentats du 11 septembre 2001 tant encore discutes aujourd’hui travers le monde, spcialement dans les cercles les plus informs, Poutine a dû rflchir plus tard la pertinence et aux consquences de sa dcision d’autoriser de nouvelles bases amricaines et de l’OTAN près de la Russie.
Le prsident russe s’aperçoit rapidement qu’il ne pèse pas lourd dans la balance diplomatique face un superpouvoir comme les Etats-Unis. On ne le reconnaît pas en tant que joueur sur lequel il faut compter. Dans l’optique d’une meilleure comprhension entre l’Occident et la Russie, l’auteur souligne l’importance de mieux apprhender les griefs des deux camps. Il signale que cela manque cruellement.
D’autant plus que le Kremlin a la certitude que « les revendications de changement politique sont toujours le fait de conspirations soutenues par les Occidentaux ». À force de se surveiller les unes les autres et tenter d’influer sur la gestion intrieure d’autres pays, toutes les grandes nations projettent leurs intentions et ne croient plus qu’une manifestation peut provenir de la base partir d’un dsir srieux d’amlioration de certaines politiques dtestables.
L’auteur effectue un retour sur les problèmes entourant la scurit territoriale de la Russie travers les poques, envahie tour tour par les Mongols, Napolon et Hitler : « [La Russie] se repose traditionnellement sur les territoires annexs pour faire tampon entre la mère patrie et toute menace extrieure ». Il traite galement du conflit tchtchène, de la lutte contre le terrorisme, de l’ingrence politique dans les Etats voisins et de l’implication russe dans les lections amricaines de 2016.
Andrew S. Weiss couvre large et d’autres thèmes trouvent leur place dans le bouquin : l’histoire de la Guerre froide, Trump, Snowden, Wikileaks, les JO de Sotchi et le travail de Maria Butina, une agente russe qui russit pntrer les cercles suprieurs du parti rpublicain amricain.
C’est sa croyance dans le dclin irrversible de l’Occident qui a permis Vladimir Poutine d’envahir l’Ukraine. L’auteur conclut avec une remarque sur l’invasion de ce pays et le bombardement sans discernement des cibles civiles : « Le monde est en train de comprendre que Poutine n’a jamais t le stratgiste qu’il a prtendu être. C’est un improvisateur pris dans son propre piège ».
Je me permets une remarque concernant l’invasion de l’Ukraine. Ce pays doit recevoir des avions de combat des Etats allis pour protger son territoire, ce qui offusque profondment la Russie. J’aimerais tout de même rappeler le fait que lors de la Seconde Guerre mondiale, l’Union sovitique a accept normment d’aide provenant de l’extrieur pour sa dfense sur le Front de l’Est. Pour ne citer qu’un seul appareil et pays, l’Union sovitique a obtenu 877 bombardiers B-25 Mitchell des Etats-Unis.
Cliquez sur le lien pour d’autres romans graphiques et bandes dessines sur mon blogue.
Titre : Tsar par accident : mythes et mensonges de Vladimir Poutine
Auteur : Andrew S. Weiss et Brian « Box » Brown
Editions : Rue de Sèvres
© 2022
ISBN : 978-2-81020-450-2