(Histoire précédente : l’Inuit qui voulait tirer des Blancs avec une carabine de calibre .303)
Dans un village nordique, au début des années ` 80, il y avait encore passablement de maisons qui n’étaient pas équipées de toilettes telles qu’on les connaît aujourd’hui. Les occupants de ces propriétés devaient se soulager en s’assoyant sur un réceptacle recouvert d’un sac à poubelle que les gens appelaient « Honey Bag ». Heureusement pour le personnel d’Environnement Canada et de Transports Canada en poste à la station d’information de vol d’Inukjuak, les équipements sanitaires étaient à la hauteur et il n’était pas nécessaire d’utiliser des moyens de fortune.
Toujours est-il qu’un Blanc avait été engagé comme directeur d’une institution publique locale et vivait avec sa famille dans une maison équipée de ce genre de toilette « Honey Bag ». En ce beau samedi, lui et sa conjointe recevaient des invités à souper et ils s’occupaient des derniers détails. La conjointe avait demandé à son mari, quelques jours auparavant, de sortir le « Honey Bag » de la maison et de mettre un nouveau sac sur le contenant.
L’homme avait un peu tardé et le sac avait pris du volume et du poids. Le samedi venu, il ne pouvait plus procrastiner. Il prit le sac, le ferma et traversa le salon pour aller porter le tout à l’extérieur. Au moment où il se retrouva au milieu de la pièce, au-dessus du tapis, le sac se brisa et tout le contenu se répandit.
Il nous a été rapporté qu’il y eut durant tout l’après-midi un ménage gigantesque pour tenter de corriger la situation. Nul moyen de savoir si les invités furent en mesure d’apprécier les arômes subtils du bon vin servi au souper…
(Prochaine histoire: Inukjuak : dernier espoir pour un Twin Otter en manque de carburant)
Note : Il ne s’agit ici que d’une histoire vécue qui sort de l’ordinaire. Les relations normales entre Blancs et Inuits sont tout à fait pacifiques. D’ailleurs, nous connaissons tous des situations dans les villes du sud où des Blancs ont tiré sur d’autres personnes. L’histoire qui suit traite donc d’une situation isolée.
À Inukjuak en 1982-1983, la disposition des bâtiments est simple. En haut de la côte se situe tout le village, habité en très grande majorité par des Inuits. En bas de la côte, près de la piste d’atterrissage et de la baie d’Hudson se trouvent les quelques bâtiments où œuvrent les employés d’Environnement Canada et de Transports Canada. Il n’y a que des Blancs qui vivent et travaillent sur cette parcelle de territoire.
Un soir d’hiver ` 82 — ` 83, quelqu’un frappe à la porte et entre immédiatement sans attendre qu’on lui réponde. Il s’agit d’un policier auxiliaire, c’est-à-dire un jeune homme non armé qui prête main-forte à l’occasion à l’unique policier du village. Le jeune homme nous annonce que le policier est absent du village et qu’il doit donc se débrouiller seul. Il nous dit : « Barrez vos portes et éteignez les lumières; ne sortez que si cela est essentiel, car il y a un Inuit armé d’une carabine de calibre .303 qui veut tirer des Blancs ».
Dans la maison, c’est évidemment la surprise la plus complète. Il est facile de déduire que le tireur qui cherche des Blancs ira vers la solution la plus facile et s’approchera de nos bâtiments pour prendre quelqu’un pour cible, au hasard. Je vais donc dans le réduit à conserves qui me sert de chambre et prend une valise verrouillée qui dort depuis des mois sur une tablette. J’en sors une Remington 700 BDL Bolt Action et remplis le chargeur. Nous établissons un plan, avec les deux autres personnes présentes dans la maison, pour aller chercher une spécialiste en information de vol (FSS) qui est seule dans un autre bâtiment où se trouve la station d’information de vol. Elle n’est possiblement pas avisée des derniers développements, pas plus qu’elle n’est armée. Un de nous la ramènera à la maison et je complèterai le quart de nuit à sa place.
Nous laissons temporairement une personne dans la maison, avec une carabine pour se protéger en cas de besoin. Cet employé est nouvellement arrivé à Inukjuak. Je me souviens encore de sa réaction au moment où nous nous apprêtions à sortir. Je l’entends encore dire : « Mais quelle place de fous est-ce ici? »
Nous fermons les projecteurs extérieurs et sortons avec nos armes pour nous rendre à la station. Circulant dans la noirceur, accroupis comme en temps de guerre, jusqu’au bâtiment de Transports Canada, nous trouvons l’employée occupée à ses tâches normales, ignorant complètement la présence possible d’un tireur à proximité. Je prends la place de l’employée pour terminer le quart de nuit pendant que celle-ci retourne à la maison accompagnée d’un employé armé.
Une fois seul dans la salle d’opération, je ferme les lumières tout en gardant une petite lampe pour éclairer la console des fréquences radio. Je dépose la carabine à plat sur un comptoir, le verrou de sécurité enlevé pour plus de rapidité d’usage en cas de besoin. La console radio est située face à une grande baie vitrée : cela nous laisse carrément exposés pour quelqu’un qui déciderait de tirer à travers la vitre. Il faut donc essayer de se tenir à l’écart des fenêtres sauf au moment de répondre à des appels radio, et ce jusqu’à ce que nous recevions des nouvelles fraîches quant au tireur.
Le quart de nuit improvisé se termine sans anicroche dans la station d’information de vol, mais j’apprends que plusieurs coups de feu ont été tirés sur un véhicule qui circulait non loin de nos installations. Les projectiles ont transpercé les portes, mais, par chance, elles n’ont pas touché les occupants du véhicule. Dans les heures suivant cet événement, une équipe d’intervention tactique de la Sûreté du Québec se rend à Inukjuak et maîtrise le tireur.
Même si cette histoire s’est déroulée il y a maintenant des décennies, je me souviens encore très bien de l’atmosphère qui régnait cette soirée-là. Quand des civils non entraînés doivent charger des armes à feu dans le but potentiel de s’en servir contre un autre humain, cela ne s’oublie pas.
(Histoire précédente: le gestionnaire qui avait perdu l’appétit)
Durant les années où la station d’information de vol (FSS) de Transports Canada à Inukjuak (CYPH) était en activité, il y avait une chose sur laquelle un pilote d’Austin Airways pouvait compter : dès l’arrivée de l’avion, il y aurait presqu’à coup sûr des gens sur place pour aider aux opérations de déchargement ou pour offrir les services requis permettant à l’aéronef de redécoller le plus rapidement possible. En effet, les Inuits du village téléphonaient régulièrement à la station FSS pour savoir si des avions étaient prévus, et si tel était le cas, l’heure estimée d’arrivée. Nous étions habitués aux questions telles que : « What time plane? », « Is that food plane? », « Is that mail plane? ».
Dès l’atterrissage nous pouvions voir arriver, en provenance du village, des pick-up, un camion-citerne et plusieurs véhicules trois roues Honda. Le maître de poste venait chercher le courrier, les gens du village se pressaient pour saluer les membres de leur famille, et les quelques commerçants aidaient au déchargement de leur matériel ou s’occupaient du ravitaillement en carburant.
L’intérêt était similaire en ce qui concerne l’arrivée des premiers navires de la saison, tard en été. Outre la présence occasionnelle d’un brise-glace, nous assistions à l’arrivée d’un navire de la compagnie Shell chargé de ravitailler les villages. Des barges chargées de centaines de caisses et de machinerie lourde atteignaient enfin les villages du Nord le long des baie d’Hudson et d’Ungava après plus d’une semaine de navigation, profitant de la marée basse pour livrer leur cargaison. Certains de ces vaisseaux avaient été endommagés par les glaces durant leur voyage et devaient parfois être réparés sur place avant de pouvoir reprendre leur route.
Une bonne journée, un avion de patrouille anti-sous-marine CP140 Aurora venant de terminer son travail au-dessus de la baie d’Hudson nous contacta pour recevoir des informations. Puisque ses opérations semblaient momentanément terminées et qu’il se déplaçait maintenant vers un autre secteur, il lui fût demandé de faire une « passe » à basse altitude au-dessus de la station d’information de vol. Le pilote accepta et dans les minutes qui suivirent, l’avion passa en trombe près de nos installations pour disparaître quelques instants plus tard dans les nuages. Je me souviens encore du déluge d’appels téléphoniques que le passage de l’aéronef occasionna dans le village. Faute de pouvoir apercevoir l’aéronef, les gens surpris demandaient : « Is that food plane? » « Is that mail plane? ».
Un survol à basse altitude est demandé, à l’occasion, pour observer un aéronef de près et pouvoir entendre le son des moteurs au moment du passage. Cela permet également la prise d’une photo. Chaque pilote que j’ai connu au cours des années acceptait avec joie cette occasion de mettre un peu de piquant dans sa routine.
(Prochaine histoire: l’Inuit qui voulait tirer des Blancs avec une carabine de calibre .303)
Un gestionnaire de Transports Canada devait occasionnellement quitter le confort de son bureau de Montréal pour venir inspecter une des stations d’information de vol (FSS)située dans le Nord-du-Québec. En 1982, il effectua donc le trajet vers Inukjuak (CYPH), au Nunavik, en utilisant Nordair, pour la portion entre Montréal et Kuujjuarapik (CYGW).
À partir de cet endroit, un Twin Otter d’Austin Airways fit le trajet jusqu’à Inukjuak. Quelques minutes après le départ, lors du survol au-dessus de la baie d’Hudson, la base des stratus baissa dramatiquement et le pilote nous dira plus tard qu’il dû faire le trajet avec tout au plus 200 pieds de jeu entre l’eau et les nuages.
L’avion arriva à Inukjuak en après-midi. Au souper, le cuisinier offrit un repas chaud au gestionnaire, mais ce dernier avoua qu’il n’avait absolument aucun appétit. Il nous confiera, un plus tard, que de voir la surface de l’eau aussi près de l’avion et de sentir la turbulence mécanique durant tout le voyage lui avait coupé l’appétit. Nous avions alors réalisé que notre gestionnaire n’était pas très à l’aise avec les vols « non standards ».
Au retour, il était seul passager à bord, le reste de l’espace n’étant que du cargo. Nous connaissions suffisamment bien les pilotes pour leur demander une petite faveur, soit un décollage avec virage serré. Ce qui fut fait très adroitement et créa une surprise certaine chez le voyageur.
Sur le vol de retour vers Montréal, il profita d’une escale à La Grande (CYGL) pour nous envoyer par téléscripteur une remarque qui en disait long sur son appréciation du virage. Il faut dire, en toute honnêteté, que le pilote en avait donné plus que le client en demandait, et que le voyageur eut la chance d’expérimenter ce qu’était un virage de 70 degrés vers la droite. C’était suffisant pour lui enlever le goût de revenir avant longtemps.
(Histoire précédente : une visite à la station d’information de vol de Inukjuak)
Au début des années » 80, alors que je travaillais comme spécialiste en information de vol (FSS) à la station d’information de vol de Transports Canada à Inukjuak (CYPH), un aéronef sur flotteurs est entré dans notre zone de contrôle sans nous contacter. Il volait à très basse altitude avec l’intention évidente de se poser sur la rivière Innuksuak, quelques kilomètres à l’intérieur des terres. Nous avions bien tenté de le joindre, mais il n’a jamais répondu. Nous suspections désormais que la pêche illégale était la raison principale de son voyage dans le nord du Québec. Le propriétaire de l’avion n’avait possiblement pas payé les frais obligatoires permettant de pêcher sur les territoires contrôlés du Québec, au Nunavik.
Grâce à la collaboration des Inuits, nous avions réussi à obtenir l’immatriculation de l’appareil. Une recherche rapide nous avait permis de déterminer qu’il s’agissait d’une compagnie opérant à partir d’une base du nord de l’Ontario.
Nous estimions que l’aéronef décollerait, bien rempli de poissons, sans courir le risque de venir faire le plein à notre aéroport. Il serait donc forcé d’atterrir à Kuujjuarapik (CYGW) pour son carburant.
Nous avions communiqué avec les spécialistes en information de vol de Kuujjuarapik FSS et leur avions demandé de noter quelle serait la destination finale de l’aéronef. Il s’agissait d’un aéroport du nord de l’Abitibi, sous la responsabilité de la station d’information de vol de l’aéroport de Rouyn-Noranda (CYUY) . Les employés de plusieurs stations coordonnèrent leurs efforts afin de suivre l’aéronef jusqu’à sa destination. Les policiers se rendirent sur l’aéroport pour attendre l’arrivée de l’aéronef. J’imagine que les amendes et saisies ont dû être passablement salées.
Dans cette histoire, l’initiative et la collaboration des Inuits d’Inukjuak avaient été déterminantes. Sans elle, il aurait été impossible de connaître l’immatriculation de l’aéronef avec certitude.
(Prochaine histoire : le gestionnaire qui avait perdu l’appétit)
(Histoire précédente : dans le doute, vaut mieux l’action que l’inaction)
En 1982, lorsque je travaille à la station d’information de vol d’ Inukjuak comme spécialiste en information de vol (FSS) pour Transports Canada, nous offrons le service consultatif aux aéronefs pour les arrivées et départs. Nous nous occupons également d’agir comme moyen de communication et de relais pour les bateaux autant que pour les avions, au travers de fréquences VHF et HF (je ne me souviens que d’Air France 004 qui nous appelait régulièrement au milieu de la nuit et de KLM692). Nous avons également des contacts avec des aéronefs militaires.
La connaissance du code morse est obligatoire, bien que réservée pour un usage occasionnel seulement. Les présentations météorologiques aux pilotes sont rares. Les moyens technologiques de l’époque sont rudimentaires. Toutes les données reçues, chaque minute de la journée, sont imprimées automatiquement. Des kilomètres de papier doivent être gérés par le personnel de façon mensuelle.
Travailler sept jours sur sept dans un poste isolé du Nunavik, sur des quarts de douze ou de seize heures, devient rapidement répétitif. Il ne faut pas manquer l’occasion de participer à des activités avec la population locale lorsque cela est possible si l’on veut connaître autre chose que le lieu de travail. Je décide donc de préparer un cours de météo élémentaire et d’offrir une présentation pour les enfants du village.
Je contacte alors le policier Inuit d’Inukjuak responsable d’un groupe de scouts, lui explique mon idée et propose qu’une période soit réservée où nous pourrions tous nous rencontrer. J’offrirais une présentation sur la météo, suivie d’une période de questions et réponses. Des affiches sont préparées et les sujets traitent spécifiquement des points les plus susceptibles d’intéresser les jeunes. Le jour venu, une dizaine d’entre eux se présentent avec le responsable. Assis le long d’un mur sur le plancher du gymnase, nous passons deux heures à échanger autant sur la météo que sur l’aviation.
J’ai également eu l’opportunité de recevoir quelques visiteurs à la station d’information de vol, accompagnés de l’enseignante. À d’autres occasions, en faisant des promenades, il était possible d’assister à des joutes improvisées de hockey de rue. Pour la photo ci-dessous, deux passants acceptèrent de prendre la pose avec les joueurs de hockey.
(Prochaine histoire : pêche illégale sur la rivière Innuksuak)
(Histoire précédente: en route vers la première mutation, Inukjuak)
Durant les premières journées où je travaille comme spécialiste en information de vol (FSS) pour Transports Canada à la station d’information de vol d’Inukjuak (CYPH), en 1982, je reçois un appel radio provenant d’un bimoteur Beech 200. Le pilote de l’aéronef immatriculé aux États-Unis signale qu’il désire atterrir à Inukjuak pour une courte escale. Plusieurs passagers sont à bord. Je lui donne donc les informations nécessaires et suis sa progression vers l’aéroport, à travers les communications radios subséquentes.
On tient pour acquis qu’un pilote voulant atterrir sur un aéroport s’est informé au préalable de la longueur et de l’orientation de la piste, de même que de sa constitution (ciment, asphalte, gravier, gazon, sable). Ce sont des informations absolument essentielles, au même titre que de s’assurer qu’il y a suffisamment de carburant à bord de l’aéronef. Cela fait la différence entre un accident et un atterrissage réussi. Le Beech 200 n’est pourtant pas l’appareil indiqué pour Inukjuak, avec sa piste en sable mou.
J’hésite à lui demander s’il est au courant des caractéristiques de la piste d’Inukjuak, parce que c’est une information qui est tellement élémentaire. Par contre, je n’ai aucune expérience comme spécialiste en information de vol et considère inimaginable que dès les premiers jours d’une nouvelle carrière, j’aie affaire à un pilote qui n’a pas pris le temps de se préparer et va bientôt mettre sa vie et la vie de ses passagers en danger.
Mais si ce pilote est responsable de ce type d’avion, c’est qu’il a tout de même des centaines, sinon des milliers d’heures de vol à son actif. Si je le questionne sur ses connaissances des caractéristiques de la piste d’Inukjuak, j’aurais l’impression de lui dire que sa préparation n’est pas adéquate, ou encore que l’avion est trop gros pour ses capacités.
L’aéronef est maintenant en finale pour la piste, à quelques miles de distance. N’y tenant plus, je pose la question fatidique : « Êtes-vous au courant que vous vous préparez à atterrir sur une piste de 2000 pieds en sable mou? » Je m’attends à recevoir un commentaire assez sec, mais le pilote me répond, tout mollement : « OK, on va faire une approche manquée et on va aller atterrir ailleurs. Est-ce que Kuujjuarapik est adéquat? » Je réponds par l’affirmative et, dans les secondes suivantes, peux entendre l’appareil remettre les gaz et survoler la piste à basse altitude.
À partir de cette journée, et pour les décennies suivantes, je me suis promis de ne jamais rien tenir pour acquis. Dans le doute, vaux mieux l’action que l’inaction…
(Prochaine histoire: une visite à la station d’information de vol d’Inukjuak (1982))
(Histoire précédente: le spécialiste en information de vol et l’Institut de formation de Transports Canada à Cornwall)
Été 1982. Aujourd’hui, c’est le départ de Montréal à destination d’Inukjuak, au Nunavik, où j’ai été transféré pour agir en tant que spécialiste en information de vol (FSS) pour Transports Canada. Le Boeing B-737 de Nordair décolle et vire immédiatement vers le Nord. Il passera le long de la baie James et continuera son chemin jusqu’à atteindre la baie d’Hudson, pour atterrir à Kuujjuarapik, sa destination finale. De là, un Twin Otter d’Austin Airways prendra la relève pour Inukjuak, un poste isolé encore un peu plus au nord, sur la côte est de la Baie d’Hudson.
Un B-737 atterrissant sur la piste de 5000 pieds en gravier de Kuujjuarapik le fait en utilisant des procédures spéciales. La piste est courte pour un aéronef chargé, et le freinage est moins efficace que sur l’asphalte. Il n’y a pas de marge importante pour une erreur. Les roues doivent toucher le plus près possible du seuil de piste, suivi d’un maximum de freinage.
Les passagers sentent très bien la décélération. Le même calcul vaut pour le décollage : le pilote positionne l’aéronef le plus près du seuil de piste, applique les freins, exige la puissance maximale des moteurs, et une fois que les paramètres requis sont atteints, relâche les freins. Comme d’habitude, les calculs de poids et centrage, la densité de l’air, l’altitude de l’aéroport de même que la direction et la force des vents doivent avoir été calculés de façon très précise sinon l’avion ne pourra décoller sur la longueur de piste disponible.
Après une courte escale, le Twin Otter est maintenant prêt pour le voyage vers Inukjuak. Le décollage de Kuujjuarapik s’effectue sans problème. Je suis assis en première classe, derrière du cargo retenu par un filet. Pour le champagne, il faudra attendre que les boîtes soient enlevées du couloir.
Puis nous commençons une lente descente vers Inukjuak.
De mon hublot, j’aperçois un petit groupe de narvals. J’ai l’impression de rêver mais des documents de recherche consultés subséquemment indiquent que des narvals se tiennent surtout dans le nord de la baie d’Hudson, et généralement par groupe d’environ six individus.L’aéronef approche Inukjuak. Les volets sont sortis et il est possible de voir la piste, avant que nous tournions en finale. Elle a une longueur de 2000 pieds et est constituée de sable suffisamment épais pour rendre sa surface instable.
À l’arrivée, quelqu’un vient à ma rencontre en moto. Il m’offre de me reconduire au bâtiment principal, mais nous ne sommes qu’à environ quinze ou vingt secondes de marche. Je décline l’offre poliment, mais le personnage insiste. Pour ne pas faire mauvaise impression dès l’arrivée, j’accepte finalement et tente de me trouver une petite place sur le siège arrière de cette moto minuscule. À peine commençons-nous à avancer dans le sable mou que le conducteur perd la maîtrise de l’engin. Nous chutons (quelle surprise…!), mais il n’y a aucune conséquence sérieuse. Bienvenue à Inukjuak!