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Biographies et autobiographies

J’aurais pu devenir millionnaire, j’ai choisi d’être vagabond.

J'aurais pu devenir millionnaire, j'ai choisi d'être vagabond.
J’aurais pu devenir millionnaire, j’ai choisi d’être vagabond.

Avant de lire ce livre, je n’avais jamais entendu parler de John Muir. Et pourtant! Il a fondé le désormais célèbre Sierra Club et a été le créateur du parc national de Yosemite. C’était un génie, inventeur de machines complexes et, en même temps, un explorateur des milieux naturels comme il ne s’en fait plus aujourd’hui.

C’était un être intéressant à tous les points de vue, doté d’une énergie incroyable et d’une santé de fer. Il a parcouru à pied des milliers de kilomètres dans les forêts encore sauvages des États-Unis. Originaire de l’Écosse, il a quitté ce pays à l’âge de dix ans pour venir s’établir aux États-Unis avec sa famille.

Jeune adulte, c’était un travailleur infatigable qui n’hésitait pas à perdre plusieurs heures de précieux sommeil pour élaborer dans le sous-sol familial des pendules et autres machines faites de bois qui l’ont rendu célèbre.

En 1903, sa réputation de marcheur solitaire dans les forêts de Californie fit en sorte que même le président américain Théodore Roosevelt lui demanda la faveur de passer quelques jours en sa compagnie dans la grande « Sauvagerie » sans être dérangés. Là, ils discutèrent de l’urgente nécessité de protéger l’environnement et de créer des parcs nationaux.

L’auteur Alexis Jenni, écrivain français qui a reçu le prix Goncourt en 2011 pour « L’Art français de la guerre » y va de plusieurs observations personnelles et il se compare, bien humblement je dois le dire, à John Muir, car lui aussi possède cet intérêt profond pour le respect de la nature sans toutefois avoir la résistance extraordinaire de Muir.

À propos de la dette écologique, il écrit : « Le concept de la dette écologique est récent, un peu flou, mais très utile, car il vise à mesurer une variable cachée : il est des développements économiques spectaculaires qui se font par l’exploitation d’une ressource dont le coût n’est pas comptabilisé. On prend en compte le prix de l’exploitation, mais pas celui du manque, celui-ci constituant une dette écologique qui se paiera plus tard. Cela concerne l’eau, les forêts, la faune marine, tout ce que l’on prélève sans compter en estimant que c’est inépuisable ». (p.205)

Henry David Thoreau, dont la réputation n’est plus à faire, est également mentionné dans le livre, mais surtout dans le but de différencier l’intensité de l’expérience face à la nature entre Thoreau et Muir. Alors que Muir vécut pendant des années seul au cœur des forêts les plus sauvages d’Amérique, Thoreau vivait tout près de la ville et était considéré comme un ermite. Comme le dit l’auteur : « On comprend bien que “vie sauvage”, dans les deux cas, n’a vraiment pas le même sens. Muir est un peu enthousiaste, Thoreau un philosophe réfléchi et un peu barbant, l’un gambade dans les bois, parle aux écureuils, grimpe aux arbres les jours d’orage et court sur les glaciers; l’autre médite d’un air grave, enseigne, et accueille ses amis venus de Boston le dimanche recueillir quelques oracles. » (p.214)

C’est un livre très intéressant, facile d’accès, qui parle d’une période révolue où un citoyen pouvait sur un coup de tête décider de marcher droit devant lui sur des centaines de kilomètres à travers des forêts sauvages qui n’étaient pas encore devenues des propriétés privées.

Il faut toutefois noter que le Sierra Club a dû s’excuser en 2020 pour les propos racistes utilisés à l’époque par John Muir.

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Titre : J’aurais pu devenir millionnaire, j’ai choisi d’être vagabond  .

Auteur : Alexis Jenni

Éditions : Paulsen

© 2020

ISBN : 978-2-37502-089-0

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Renseignement

Les casseurs de codes de la Seconde Guerre mondiale

Les casseurs de codes de la Seconde Guerre mondiale (Bletchley Park)
Les casseurs de codes de la Seconde Guerre mondiale (Bletchley Park)

Ce livre raconte les opérations quotidiennes et les habitudes de vie des gens ayant travaillé au décodage des messages allemands à Bletchley Park, en Angleterre, durant la Seconde Guerre mondiale. Le lecteur réalise rapidement l’impact incroyable de ces travailleurs de l’ombre sur l’issue des batailles les plus connues, telles les Bataille d’Angleterre et d’El Alamein, de même que sur le débarquement comme tel. Mais par-dessus tout, il permet au lecteur de pénétrer dans les baraquements pour témoigner de la rigueur et du professionnalisme de ces hommes et femmes qui ont œuvré jour et nuit, malgré la grande tension et l’épuisement, pour accomplir leur devoir.

Leurs efforts pour obtenir des résultats frôlaient l’obsession. Même en dormant, les cerveaux étaient au travail. On y apprend qu’une avancée majeure a eu lieu après qu’un chercheur se soit réveillé au beau milieu de la nuit avec la solution qu’il espérait trouver depuis longtemps. Naturellement, des noms comme ceux d’Alan Turing, John Herivel ou Dillwyn Knox reviennent fréquemment. Mais ils sont accompagnés d’une multitude d’autres personnes ayant toutes joué un rôle essentiel.

Bletchley Park était d’une grande efficacité pour plusieurs raisons :

1. Une judicieuse combinaison des employés possédant les capacités et les formations les plus diverses : les compétences croisées et la culture générale étaient recherchées. Les femmes et hommes travaillant au décodage possédaient bien sûr une intelligence très supérieure et une grande capacité de concentration. Des connaissances dans plusieurs disciplines étaient requises : il y avait des experts en mathématique autant qu’en histoire, en lettres classiques ou en linguistique. Dillwyn Knox, une des vedettes de Bletchley, était lui-même expert en vieux papyrus. L’association des intelligences donna lieu à des innovations très importantes.

2. La capacité de maintenir le secret : les employés étaient judicieusement sélectionnés et l’étanchéité entre les bâtiments où ces derniers travaillaient était totale. S’il y avait eu une taupe à l’intérieur d’un bâtiment en particulier, il lui aurait été impossible de traverser d’un emplacement physique à l’autre pour tenter de recueillir de l’information privilégiée. L’existence d’un but commun et du sentiment profond de l’importance de ce qui devait être fait transcendait la fatigue du personnel et contribuait à diminuer l’intensité des inévitables conflits internes. Cela a même assuré des années de discrétion après que le conflit mondial ait été réglé.

3. Un traitement spécial pour les casseurs de codes : même si Bletchley servait essentiellement à des fins militaires, il n’y avait pas de régime militaire strict : « Au fil des années et des siècles, nous pouvons constater que le renseignement britannique est en partie une affaire militaire, mais demeure surtout régi par de talentueux civils ». Les casseurs de codes avaient besoin d’un traitement spécial : « […] On a jugé très important que les “experts” aient suffisamment d’espace et de liberté pour mener à bien leurs raisonnements géniaux. Il ne fallait donc pas les perturber avec les restrictions et la discipline imposées à tous les autres ». Cet objectif de préserver certains employés des contraintes inutiles a aujourd’hui été répété avec succès dans les compagnies internationales vouées à l’innovation.

4. La collaboration entre les pays : il importe de mentionner la collaboration essentielle entre la Pologne, l’Angleterre et la France dans l’accumulation des résultats visant à craquer le code Enigma. Jusqu’à l’effondrement de la France, toutes les solutions trouvées étaient partagées. D’ailleurs, les cryptanalystes polonais furent les premiers à déchiffrer les codes de la première version de la machine Enigma, résultats qu’ils partagèrent avec les deux autres pays.

5. L’importance du facteur chance dans le succès des opérations : l’élément chance devait jouer un rôle très important dans la capacité de Bletchley Park de demeurer en activité sur une longue période. Malgré l’intensité des bombardements allemands, très peu de dommages furent infligés aux bâtiments où travaillaient les décodeurs : « Cela tient du miracle que seules deux bombes aient touché Bletchley Park […]. En outre, une autre est tombée près de l’endroit où Knox et Lever travaillaient, mais n’a pas explosé ». Par ailleurs, deux autres bombes sont tombées sur la propriété, également sans exploser.

Il y avait malgré tout des obstacles à l’efficacité, dont l’existence de paliers inutiles qui nuisaient aux opérations. L’information primaire commence à être transformée dès qu’elle est relayée à un premier niveau pour interprétation. Plus il y a de paliers à travers lesquels l’information doit circuler et plus celle-ci est transformée. Il y a des gens qui deviennent maîtres dans l’art de protéger leur statut et leur emploi et constituent éventuellement un palier inutile. De par leur niveau hiérarchique plus élevé, ils sont difficiles à déloger. Cette situation n’a pu être évitée non plus à Bletchley Park. Comme l’écrivait Knox à l’époque, « […] Nous sommes actuellement encombrés d’officiers du renseignement qui malmènent nos résultats et ne font aucun effort pour vérifier leurs corrections arbitraires ».

Un passage du livre m’ayant particulièrement touché est l’histoire de ces trois marins britanniques qui nagèrent jusqu’à un U-Boat, le U-559, alors qu’il avait commencé à couler, et récupérèrent une machine Enigma à quatre rotors (la nouvelle version complexifiée) de même que les clés Stark utilisées. Les deux marins qui pénétrèrent dans le U-Boat périrent, car ils n’eurent pas le temps d’en sortir à temps. Le troisième, demeuré à l’extérieur, put ramener le matériel (placé judicieusement dans un sac étanche) vers son bateau. Mettre ainsi la main sur une machine Enigma et ses clés devait s’avérer capital pour neutraliser les forces allemandes sur les océans.

Je termine avec une citation de Mavis Batey, qui résume bien l’état d’esprit des gens œuvrant à Bletchley Park : « Vous faites ou non des choses, mais si vous n’agissez pas, personne ne le fera à votre place ».

©2012 Ixelles Publishing SA
ISBN 978-2-87515-178-0
©Sinclair McKay 2010 (auteur), titre original anglais : The Secret Life of Bletchley Park