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Histoires vécues comme spécialiste en information de vol (FSS): le Centre d'information de vol (CIV) de Québec

Un tourbillon de poussière surprend un pilote à Rouyn-Noranda

Avril 2013, au Centre d’information de vol (CIV) de Nav Canada à Québec (CYQB). Les prévisions météorologiques graphiques de ce matin indiquent des possibilités de formation de tourbillons de poussière. Ce genre d’obstacle à la visibilité est rare. Les pilotes contactent les spécialistes en information de vol (FSS) pour savoir ce que signifie le symbole « PO » sur les cartes graphiques.

Malgré le ciel bleu sur tout le sud du Québec et les vents généralement calmes, les conditions météorologiques pourront donner naissance à des cisaillements de vent localisés. S’ils soulèvent du sable, de la terre ou autres petites particules, ces cisaillements de vent deviendront visibles et causeront des tourbillons de poussière de cinq à dix mètres de diamètre.

Il faudrait qu’un pilote soit malchanceux pour circuler à travers un rare tourbillon de poussière. Je me souviens néanmoins d’un évènement dont j’avais été témoin il y a une trentaine d’années alors que je travaillais à la station d’information de vol de Transports Canada à l’aéroport de Rouyn-Noranda (CYUY).

Lors d’une chaude journée d’été, un aéronef avait atterri à Rouyn-Noranda après un vol-voyage de plusieurs heures en provenance de Montréal. Le pilote effectuait une escale de quelques minutes, le temps de faire estampiller son carnet de vol. Les conditions météorologiques à l’aéroport étaient idéales : l’air était sec, les vents calmes et le ciel sans nuage.

Une fois son point fixe terminé sur la voie de circulation, le pilote avait commencé à circuler lentement pour se rendre au seuil de la piste 26. Une fois bien enligné et prêt pour le décollage, il avait fait les dernières vérifications.

À peine quelques secondes plus tard, le signal d’une balise de détresse s’était fait entendre. Les spécialistes en information de vol avaient immédiatement regardé de nouveau vers la piste et constaté que l’avion était toujours sur le seuil, mais à l’envers.

Le monomoteur venait de subir les effets d’un cisaillement de vent puissant, suffisamment important pour retourner l’appareil à l’envers. L’indicateur de vitesse du vent étant éloigné du seuil de piste, il n’enregistrait que des vents calmes.

Le souvenir de cette histoire me rappelait que la nature se réserve toujours le droit de surprendre les pilotes, même les mieux préparés. Et j’imagine la surprise de cet élève-pilote tentant lui aussi de comprendre ce qui avait bien pu se passer. J’espère toutefois que cette aventure ne l’a pas découragé de continuer à piloter.

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Histoires vécues comme spécialiste en information de vol (FSS): Québec FSS

Québec FSS et les évènements du 11 septembre 2001

Passage d'un des quatre F-18s au-dessus du Monument commémoratif de guerre du Canada à Ottawa, le 22 Octobre 2015
Passage d’un des quatre F-18s au-dessus du Monument commémoratif de guerre du Canada à Ottawa, le 22 Octobre 2015

Durant la crise reliée au 11 septembre 2001, le ciel canadien a, pour une courte période, appartenu aux militaires. Ces derniers avaient pris la décision que tout avion qui n’avait pas encore décollé devait demeurer au sol et que tout aéronef en vol devait atterrir au plus tôt.

Il y avait malgré tout des exceptions pour les évacuations médicales, mais ces exceptions étaient gérées très étroitement. Toutes les unités des services de la circulation aérienne communiquaient avec les aéronefs en vol et les agences au sol pour les informer des nouvelles règles, avec application immédiate.

De façon générale, malgré la surprise initiale, tous les pilotes avec qui les spécialistes en information de vol (FSS) de Transports Canada à Québec avaient communiqué sur leurs multiples fréquences avaient obéi sans opposer de résistance.

Je me souviens cependant d’un pilote de bimoteur, volant au-dessus des Laurentides, à qui cette obligation d’atterrir au plus tôt avait été transmise. Il s’était malgré tout obstiné à vouloir continuer ses vols prévus, car il n’était pas question pour lui de perdre des clients en cette journée où la météo était idéale.

Les spécialistes en information de vol pouvaient comprendre sa frustration. Cependant, l’heure n’était pas à la discussion. C’était, pour tous les services de la circulation aérienne, une journée « passablement occupée » et personne n’avait de temps alloué pour argumenter sur le bien-fondé de la demande.

Le message avait été passé une seconde fois. Devant son refus d’obéir, NORAD (North American Aerospace Defense Command) avait été avisé. La réponse vint rapidement et le pilote fut placé devant deux choix : il atterrissait ou alors un intercepteur CF -18 se chargerait de la situation.

Nul besoin d’ajouter quoi que ce soit d’autre. Le pilote nous indiqua rapidement son intention d’obéir.

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Histoires vécues comme spécialiste en information de vol (FSS): Québec FSS

Le FSS et les pilotes aux styles différents

Les pilotes consultent régulièrement les spécialistes en information de vol (FSS) lors de la préparation d’un vol. Ils peuvent téléphoner ou se rendre à la station d’information de vol. Les spécialistes connaissent progressivement un nombre grandissant de pilotes dont l’expérience varie énormément.

Comme dans toute profession, la compétence et l’attitude professionnelle varient pour une même licence. Les pilotes ne font pas exception et je pourrais les diviser en trois catégories : 85 % se conforment aux exigences spécifiées de façon continuelle, 10 % dépassent les attentes sur une base régulière et un dernier 5 % présente des lacunes plus ou moins importantes.

Voici deux petites aventures impliquant des pilotes de styles très différents et un spécialiste en information de vol. Elles se sont déroulées dans les années ’80 et ’90 :

Le pilote à l’égo démesuré

Un beau jour, un pilote contacte la station d’information de vol de Transports Canada à l’aéroport de Québec (CYQB) sur la fréquence radio locale et lance : « Je vais être au Lac St-Augustin dans vingt minutes. Appelle ma femme et dis-lui de venir me chercher ».

Il n’utilise aucune formule de politesse et décide que de faire ce genre de demande pour des appels téléphoniques privés fait partie de nos responsabilités. Le spécialiste ayant des priorités plus élevées, le pilote apprend qu’il pourra faire cet appel lui-même une fois à destination.

Le pilote entre alors dans une rage incontrôlée et commence à débiter son CV et tous les contacts avec qui il communiquera pour régler le cas de l’employé. Son monologue continue suffisamment longtemps pour que le volume de la fréquence radio soit atténué considérablement. Ses élucubrations interminables monopolisent une fréquence importante et nuisent à tous les autres pilotes. Il finit éventuellement par ne plus savoir quoi ajouter et la fréquence radio redevient disponible pour les communications essentielles.

Quelques heures plus tard, ce même pilote fait une entrée fracassante dans la station d’information de vol en criant et engueulant le personnel. Le type repart en claquant ce qui peut être claqué des portes battantes de l’époque.

De tels cas se comptent sur les doigts d’une main au cours d’une carrière de plus de trente ans. Ils se détachent tellement de notre vécu quotidien qu’il devient impossible de les oublier, même des décennies plus tard.

Un pilote au sang-froid exceptionnel

Je me souviens d’un pilote possédant des milliers d’heures de vol et qui venait régulièrement nous visiter à la station d’information de vol de Transports Canada à l’aéroport de Rouyn-Noranda (CYUY). Un jour il entre dans la station, s’accote sur le comptoir et prend le temps de discuter des sujets les plus divers pour finalement nous demander si nous avons dans la station des documents offrant des informations lors des cas d’écrasement…

Nous lui répondons par l’affirmative. Considérant son calme et le ton de sa voix, nous considérons qu’il ne s’agit ici que de curiosité de sa part. Il annonce alors qu’il s’est écrasé il y a moins d’une heure et que l’appareil qu’il pilotait est une perte totale. Seul à bord, il a pu s’en sortir avec quelques égratignures.

Je dois admettre que je n’avais jamais rencontré une personne possédant une telle capacité de détachement face à un événement aussi important.

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Histoires vécues comme spécialiste en information de vol (FSS): Iqaluit FSS

En route vers l’Afrique du Sud, Nelson Mandela s’arrête à Iqaluit.

Le 1er juillet 1990, quelques mois après avoir été libéré de vingt-sept années d’emprisonnement, le président de l’Afrique du Sud, Nelson Mandela, débarque de nuit à Iqaluit, au Nunavut. Il est 3 h 30 et l’avion arrive de Détroit aux États-Unis. Mandela y a participé à un évènement relié aux grands constructeurs automobiles américains où il a été invité à prononcer un discours.

J’imagine que ce voyage à Détroit devait lui rappeler des souvenirs, car dans son autobiographie, il mentionne que la première automobile qu’il ait vue dans sa jeunesse était une grosse voiture de luxe qu’il reconnut plus tard comme étant un V8 de Ford.

Après Détroit, le jet qui transporte le couple Mandela a suivi une ligne orthodromique autour de la planète pour le retour éventuel en Afrique du Sud. Un arrêt à Iqaluit, dans l’Arctique canadien, devenait obligatoire pour ravitailler l’aéronef.

En prévision de l’arrivée des dignitaires, la tour de la station d’information de vol d’Iqaluit et les installations aéroportuaires sont sécurisées par les policiers de la GRC. Avant de rencontrer les dignitaires, le couple Mandela prend le temps de bifurquer vers un groupe de personnes qui les acclament à l’extérieur. Ils discutent de façon impromptue, chaque groupe étant séparé par la clôture de sécurité de l’aéroport.

Comme le rapporte l’historien Kenn Harper dans Nunatsiaq News en 2008, le personnel de sécurité tente alors de ramener précipitamment le couple Mandela dans le terminal, car des VIP les attendent. Mais Mandela répond : « [ma traduction] il n’y a pas de personnes plus importantes pour moi ce soir que ces gens qui sont venus pour discuter avec moi. J’entrerai dans le terminal quand j’aurai terminé de discuter avec eux ».

Dans ses mémoires Conversations with Myself (Farrar, Straus et Giroux, 2010), Mandela parle de son expérience avec les gens du village : « [ma traduction] ce qui m’a tellement frappé est de constater combien la planète était devenue plus petite durant mes décennies d’emprisonnement; c’était incroyable pour moi de voir qu’un adolescent inuit vivant sur le toit du monde peut assister à la libération d’un prisonnier politique de l’Afrique du Sud ».

Nelson Mandela et son livre "Conversations with Myself", image extraite du site web www.nelsonmandela.org le 5 Janvier 2016
Nelson Mandela et son livre « Conversations with Myself », image extraite du site web www.nelsonmandela.org le 5 Janvier 2016

À leur entrée dans les locaux de Transports Canada, Nelson et Winnie Mandela sont reçus par plusieurs personnes, dont le chef inuit d’Iqaluit. Une cérémonie a lieu dans une pièce voisine de mon lieu de travail, un étage plus bas, sous la tour de la station d’information de vol.

Vers 0400h du matin, je descends de la tour pour transmettre un message important concernant le vol de retour. Au bas des escaliers, un policier, immense gaillard de six pieds six pouces, est positionné de l’autre côté de la porte et empêche notre personnel d’avoir accès au corridor.

Je cogne doucement à travers la porte vitrée et lui montre que j’ai un message pressant pour le personnel entourant Mandela. Il refuse de bouger. La méthode polie n’ayant pas fonctionné, j’utilise les moyens susceptibles d’engendrer rapidement un résultat. Cela ne se fait pas sans un minimum de bruit.

Le policier me laisse finalement passer, sachant très bien que la cote de sécurité de tous les spécialistes en information de vol est vérifiée sur une base régulière. À voir son expression faciale, il est clair que nous ne sommes plus amis.

Bien entendu, tous mes essais pour ouvrir la porte ont dérangé un peu la cérémonie. Au moment de livrer le message, je peux apercevoir le couple Mandela assis dans la salle voisine, à quelques mètres seulement, en train d’assister à une danse inuite traditionnelle. Attiré par le bruit dans le couloir, Nelson Mandela détourne son attention du spectacle et nous nous observons un court instant.

Il est frappant de voir cet homme remarquable assis droit comme un jeune homme dans la fleur de l’âge, ne montrant aucune fatigue, malgré la journée chargée qu’il vient de vivre et l’heure avancée de la nuit qui ne lui permettra certainement pas de trouver le sommeil avant 5 h. Cette nuit-là, j’ai un peu mieux compris ce qu’impliquent les devoirs d’un chef d’État et toute l’énergie requise jour après jour pour occuper le poste.

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Histoires vécues comme spécialiste en information de vol (FSS): Iqaluit FSS

Iqaluit FSS et le DC-8 de Trans Ocean Airways

En 1989, Cam Lockerbie, du journal News North, raconte l’aventure de passagers pris pour rester plus longtemps que prévu à Iqaluit, au Canada, à cause d’une escale qui a mal tourné.

Un DC-8 de Trans Ocean Airlines faisant le trajet San Francisco – Grande-Bretagne s’arrête à Iqaluit, sur la Terre de Baffin, pour refaire le plein en carburant, mais connaît des problèmes avec le ravitaillement. L’avion ne pourra désormais décoller avant le lendemain et 220 passagers doivent donc se trouver un endroit pour coucher à Iqaluit.

Les efforts déployés pour accommoder tous ces gens sont importants, car les chambres d’hôtel libres sont nettement insuffisantes. Finalement, les passagers sont dispersés à travers la ville et même s’il n’y a pas suffisamment de lit pour chaque personne, il y a au moins un toit pour passer la nuit.

L'aile d'un DC-8 de Trans Ocean Airlines entre en contact avec un hangar à Iqaluit
L’aile d’un DC-8 de Trans Ocean Airlines entre en contact avec un hangar à Iqaluit

La pièce de rechange servant à réparer le DC-8 est livrée par jet nolisé directement des États-Unis. Lorsqu’elle est finalement installée, le DC-8 tente de circuler, mais rencontre un nouveau problème. L’aéronef doit tenter de se glisser entre un Lockheed L -1011 installé aux pompes et le hangar de Bradley Air Services. Un employé d’une compagnie aérienne est demandé pour se placer devant le DC-8 et le guider de façon à s’assurer qu’il n’y a aucun contact avec le L -1011 ou le hangar.

L’article du journal mentionne que l’aéronef n’était pas capable de circuler passé le hangar et qu’une portion du bout d’aile dut être enlevée. Ce que le journaliste ne dit pas, sûrement parce qu’il l’ignorait, est qu’il y eut contact entre la porte du hangar et le bout de l’aile, malgré la présence d’une personne au sol, comme le démontre la photo ci-dessus prise par le personnel FSS de la station d’information de vol de Transports Canada à Iqaluit.

Et lors du retour de l’Europe, le même DC-8 rencontra un problème d’alternateur et, n’eût été de l’habileté de l’ingénieur pour réparer le tout en moins de deux heures, les passagers auraient de nouveau couché à Iqaluit. Dans l’année qui suivit, la compagnie déclara faillite.

Lockheed L-1011 de American Trans Air devant la station d'information de vol d'Iqaluit en 1989
Lockheed L-1011 de American Trans Air devant la station d’information de vol d’Iqaluit en 1989
B-737 de Canadian Airlines et HS-748 de Firstair à Iqaluit en 1989
B-737 de Canadian Airlines et HS-748 de Firstair à Iqaluit en 1989

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Histoires vécues comme spécialiste en information de vol (FSS): Iqaluit FSS

Iqaluit FSS et les pilotes bien endormis

Avion de ligne et cumulonimbus
Avion de ligne et cumulonimbus

Au début des années ‘90,  alors que je suis en poste à la station d’information de vol de Transports Canada à Iqaluit et responsable des communications radio HF permettant le suivi des vols transocéaniques, je reçois un appel d’un contrôleur des services de la circulation aérienne qui me demande de tenter de rejoindre un gros porteur d’une compagnie internationale européenne.

Leurs pilotes ont passé 60 degrés Ouest sans communiquer avec l’Islande et il devient nécessaire de s’assurer que le temps de passage pour 70 degrés Ouest et l’altitude de l’aéronef sont toujours valides.

Je tente de communiquer avec l’équipage en utilisant tous les moyens à ma disposition, dont l’utilisation du système SELCAL, censé générer une alarme à bord de l’appareil. Rien n’y fait. D’autres aéronefs de grandes compagnies volant dans les parages sont mis à contribution, en tentant des appels sur les fréquences VHF d’urgence. Toujours aucune nouvelle.

Puis soudainement, environ une heure après que les pilotes auraient dû donner signe de vie, je reçois finalement une réponse à mes appels continus. J’annonce à l’équipage que tous les efforts ont été faits pour tenter de les rejoindre, mais sans succès. J’en profite pour leur demander immédiatement un rapport de position et une estimation pour le prochain point de compte-rendu obligatoire. D’une voix calme, le pilote me répond qu’il ne sait pas pourquoi je n’ai pas reçu ses appels et il prépare immédiatement un rapport de position en bonne et due forme.

Il est étrange qu’en cette journée où la réception HF est excellente, et où toutes les compagnies communiquent avec Iqaluit FSS sans aucun problème, cette compagnie aérienne ait pu maintenir le silence pour une période aussi longue.

Le rapport de position nous est transmis, et il devient évident qu’il s’agit de la plus pure improvisation. Si l’on en croit les données qui nous sont maintenant transmises, cet aéronef réussira à parcourir 400 miles nautiques dans les prochaines dix minutes. Ce qui équivaut à traverser une grande partie du Canada en une heure à peine.

J’avise le pilote de refaire ses calculs puisque visiblement il n’a aucune idée de l’endroit où il se trouve. Il me revient avec de nouveaux chiffres, tout à fait différents, et qui fonctionnent cette fois.

Je devine désormais que dans la tranquillité de ce vol transatlantique, le sommeil a gagné l’équipage et le pilote automatique s’est chargé de garder l’avion en vol pendant que l’équipage roupillait. Réveillés éventuellement par les multiples appels, l’équipage n’a pas tenu compte du déplacement de l’aéronef pendant cette heure où les pilotes dormaient et, soucieux de ne pas se faire prendre en défaut, a transmis rapidement des calculs totalement erronés.

L’histoire se termine tout de même de belle façon, puisque l’équipage, désormais reposé, a par la suite fourni les informations exactes lors des rapports de position subséquents, permettant de continuer le vol de façon sécuritaire jusqu’à la destination.

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Histoires vécues comme spécialiste en information de vol (FSS): Iqaluit FSS

Des corbeaux volent par -85C autour de la station FSS d’Iqaluit

Corbeau photographié par Brad Hill en 2010
Corbeau photographié par Brad Hill en 2010

Février 1990 à Iqaluit, au Nunavut. Les activités ont un peu ralenti aujourd’hui. La température de -43 C alliée à des vents nord-ouest de 35 mph fait en sorte que le facteur de refroidissement est descendu à -85 C (NOAA Wind Chill Chart). On aperçoit beaucoup moins de passants et encore moins de véhicules sur les quelques routes de la ville. Beaucoup de moteurs ne démarrent plus, l’huile à moteur a pratiquement la consistance de la tire d’érable.

Journée étonnante, car, depuis la tour de la station d’information de vol de Transports Canada à Iqaluit, nous assistons à un ballet des plus inusité. D’immenses corbeaux ont choisi cette journée pour s’amuser, sans égard à la température. Volant du côté sous le vent près de la tour FSS, ils profitent de l’effet de venturi. Nul besoin de battre des ailes. Ils ne font que planer tout en corrigeant, à l’occasion, l’angle d’attaque pour s’ajuster aux multiples rafales.

Le facteur de refroidissement s’applique à la peau des organismes vivants et il me semble tout à fait spectaculaire de voir ces grands oiseaux noirs s’amuser alors que l’on s’attendrait, avec un facteur de -85 C, à ce que des corbeaux qui n’ont absolument pas besoin d’être en vol recherchent un refuge en attendant une accalmie.

Lorsqu’un grand corbeau passe près de nous en planant, on entend clairement le bruit causé par le vent sur ses ailes. Un jour où je faisais une marche dans les environs du village d’Apex, dans le silence le plus complet, j’ai entendu un de ces corbeaux planer juste au-dessus de ma tête. Il était probablement intéressé à savoir s’il y avait quelque chose de comestible dans cette masse informe transformée par les multiples pelures de vêtements d’hiver. Il n’y avait que le bruissement des grandes ailes ouvertes et aucun autre son : une expérience vraiment spéciale.

Le village de Apex en 1989
Le village de Apex en 1989

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Iqaluit FSS et le DC-8 surchargé

DC-8-63F de Trans Ocean N794AL à Iqaluit en 1989
DC-8-63F de Trans Ocean N794AL à Iqaluit en 1989

Une journée d’été de 1989, un DC-8-63F est décollé de l’aéroport d’Iqaluit, au Nunavut, sur la piste 36, en direction de Los Angeles. De façon à faire le vol sans escale, les réservoirs de l’aéronef  avaient été remplis au maximum. Le poids combiné du carburant, des passagers et du cargo nécessitèrent une course au sol extrêmement longue avant que les roues ne quittent le sol.

De notre point de vue à partir de la tour de la station d’information de vol (FSS) de Transports Canada à Iqaluit, il nous sembla que le pilote avait attendu à la dernière minute avant de tirer sur le manche pour commencer l’ascension. Et même une fois en vol, l’avion volait de façon horizontale, très près du sol au-dessus d’un terrain peu accidenté de façon à profiter de l’effet de sol.

Cependant, à quelques kilomètres du seuil de la piste 18, le terrain s’élevait suffisamment pour forcer un pilote à établir un taux de montée positif. Le pilote fit donc monter légèrement le DC-8, mais en évitant encore tout virage pour profiter d’un maximum de portance.

Avec des jumelles, nous le regardions s’éloigner et il y a longtemps que l’avion aurait dû effectuer un virage vers la gauche. Lorsque cela fût finalement tenté, l’avion commença à s’enfoncer et à perdre l’altitude gagnée précédemment. Nous pouvions suivre les changements d’altitude en observant les longues traînées noires occasionnées par le carburant brûlé.

Constatant sa descente, le pilote avait remis l’appareil en vol rectiligne. Finalement, un autre virage de cinq ou dix degrés fût tenté puis l’avion commença à monter très légèrement. Ce fut certainement un décollage à la limite des capacités de l’appareil.

C’était la première fois que nous considérions appuyer sur le bouton rouge servant à signaler une urgence majeure auprès des unités d’intervention de l’aéroport. Mais cela n’aurait pas été très utile, car bien peu d’aide aurait été apportée dans un délai suffisamment rapide, considérant la position de l’aéronef, son énorme chargement en carburant et l’absence totale de routes dans cette région isolée.

N795AL DC-8-63 Trans Ocean airborne runway 18 in Iqaluit in 1990
N795AL DC-8-63 Trans Ocean airborne runway 18 in Iqaluit in 1990
C-GMXD DC-8-61 de Nationair à Iqaluit en 1989
C-GMXD DC-8-61 de Nationair à Iqaluit en 1989

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Iqaluit, havre pour la drogue

En 1990, Stacey Campbell, du journal News North, écrit un article qu’elle intitule : « Iqaluit Drug Haven ». Elle y mentionne que l’aéroport d’Iqaluit, au Nunavut, est l’endroit où arrive la drogue desservant toute la région de la Terre de Baffin. Le courrier est également un moyen utilisé par les trafiquants. Marijuana, haschisch et cocaïne sont offerts sans avoir à chercher bien longtemps.

Sur l’étage supérieur du bâtiment de huit étages dans lequel je demeure, les utilisateurs de drogues sont de plus en plus nombreux. Alors qu’il y a un an seulement l’endroit était relativement tranquille, ce n’est plus le cas aujourd’hui. De mon appartement, j’entends plus souvent les cris provenant du couloir ou des chambres avoisinantes et les « Open the door! » lancés par les policiers de la GRC.

Il y a des cas de violence conjugale, des bagarres, des gens que je dois enjamber pour circuler dans le couloir parce qu’ils sont étendus par terre, la tête dans leur flaque de vomissures, totalement intoxiqués. Tout près de l’endroit où j’habite, quelqu’un a été sorti assez rapidement d’un appartement : la porte et quelques moulures sont arrachées et il y a du sang sur les murs du corridor. L’endroit est beaucoup moins paisible que l’an dernier.

Au centre de l'image, un immeuble à étages habité par des célibataires à Iqaluit en 1988
Au centre de l’image, un immeuble à étages habité par des célibataires à Iqaluit en 1988

Dans une chambre tout près se réunissent certains cas problématiques, spécialement le vendredi soir. Il n’est pas rare que la tension monte alors que plusieurs personnes se querellent entre des parties de cartes. L’endroit est devenu malsain pour une personne tentant de se reposer un peu entre les quarts de jour, de soir et de nuit ajoutés à un horaire de travail de sept jours par semaine à la station d’information de vol d’Iqaluit.

Je me souviens d’une occasion où quelqu’un s’est mis à frapper sur ma porte de chambre alors que j’étais en train d’étudier bien tranquille. Je pouvais entendre crier: « I am going to kick your ass! Je n’avais absolument aucune idée de ce qui se passait et comme il semblait que j’étais directement interpellé, j’ai ouvert la porte.

Je reconnais alors un individu à qui j’ai demandé poliment, il y a au moins six mois, d’essayer de faire un peu moins de bruit. Tous ces mois sont passés et soudainement le souvenir de la demande revient à la mémoire de cette personne, ce soir dans un état second. Il a visiblement pris ma demande pour une insulte. Il semble pour l’instant sous l’emprise d’un produit “dérivé” et est en colère.

Il se tient debout dans le couloir. Toute confrontation physique “modérée” semble inutile parce que dans l’état où il se trouve, il apparaît que seules des actions rapides et radicales auront du succès.

Je tente de fermer lentement la porte, mais il l’immobilise avec sa main. La situation se gâte un peu plus. J’attends quelques secondes puis essaie de nouveau, calmement et sans dire un mot. Dans quelques secondes, si cela ne fonctionne pas, il ne restera qu’une solution. J’appuie progressivement sur la porte et lui, à mon plus grand étonnement, commence à céder, à laisser aller, si bien qu’en environ vingt secondes, la porte est refermée.

Tout cela s’est fait dans le plus grand silence. Dans ma chambre, je me tiens à quelques pieds de la porte, anticipant qu’elle sera défoncée sous peu. Mais rien ne se produit. Toujours le silence. Après quelques minutes à être resté là, dans ma pièce, à attendre la suite des évènements, je réalise que tout est terminé. Quelle soirée bizarre! Cela ne se serait pas terminé ainsi dans une grande ville du Sud.

Je suis en mesure de dire qu’en effet, Iqaluit en 1990 était un havre pour la drogue. De plus, l’étage où se trouvait ma chambre ne faisait pas exception. Heureusement, j’ai éventuellement pu changer d’étage et me retrouver avec des gens qui avaient un mode de vie un peu plus balancé et le besoin de dormir à l’occasion…

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Histoires vécues comme spécialiste en information de vol (FSS): Iqaluit FSS

Le sultan de Brunei s’arrête à Iqaluit, dans l’Arctique Canadien

L’aéroport d’Iqaluit constitue une escale populaire pour le ravitaillement de plusieurs types d’appareils à court ou moyen rayon d’action lorsque ceux-ci doivent survoler le Nunavut, dans l’Arctique Canadien. Sa piste de 8,600 pieds permet à n’importe quel type d’appareil d’atterrir. Des avions de la compagnie Airbus, dont le A380, le A350-XWB et le A330-200F y ont d’ailleurs été mis à l’épreuve durant plusieurs jours lors de tests en condition de froid extrême.

Airbus A330-200F arrivant à Iqaluit pour des tests lors de froid extrême. (PHOTO par CHRIS WINDEYER)
Airbus A330-200F arrivant à Iqaluit pour des tests lors de froid extrême. (PHOTO par CHRIS WINDEYER)

Des acteurs bien connus, des princes et princesses (dont des membres de la monarchie Britannique) et plusieurs personnalités politiques s’y sont arrêtés au cours des années. Même Nelson Mandela y est passé lors d’une escale en provenance des États-Unis.

Elder Alacie Joamie and Prince Albert II of Monaco in Iqaluit in 2012
Elder Alacie Joamie and Prince Albert II of Monaco in Iqaluit in 2012

Vers 1989-1990, le sultan de Brunei et sa suite se sont eux aussi arrêtés à Iqaluit. Le personnel FSS de la station d’information de vol de Transports Canada à Iqaluit a été surpris de constater qu’un Boeing 727 n’était pas suffisant pour accommoder le souverain. En effet, deux autres jets privés de type Gulfstream précédaient l’arrivée du B-727.

Une fois les trois aéronefs stationnés sur le tarmac, la porte avant du Boeing B727 s’est ouverte, un grand tapis rouge a été déroulé sur le sol, à partir de l’escalier de l’avion. Deux femmes sont sorties du Boeing et ont balayé le tapis sur toute sa longueur puis, quelques minutes plus tard, le monarque est sorti prendre l’air frais du Grand Nord.

En moins d’une heure, le ravitaillement étant complété, tout ce beau monde est reparti sans plus attendre. C’était la première fois que j’étais témoin d’un tel déploiement de ressources pour transporter un souverain.

Mais je n’avais encore rien vu. Quelques années plus tard, j’étais transféré à la station d’information de vol de Québec, qui deviendrait plus tard le Centre d’information de vol de Québec, sous Nav Canada. Là, j’ai pu témoigner, en compagnie d’autres employés des services de la circulation aérienne, de la frénésie entourant l’arrivée du Président des États-Unis, Georges W. Bush, pour le Sommet des Amériques de 2001. Sans commune mesure…

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