Ce roman graphique relate des événements entourant la montée au pouvoir de Vladimir Poutine et l’établissement de sa fortune personnelle. Cette dernière se bâtit à travers l’exfiltration de sommes colossales appartenant au peuple russe et qui sont redirigées vers des sociétés-écrans et des paradis fiscaux.
Étant donné que le récit s’étale sur plusieurs décennies, le lecteur se familiarise avec une multitude de noms de compagnies et de personnages clés dans le domaine politique et économique.
On y trouve également, comme pour d’autres grandes puissances, des règlements de compte politique et des magouilles économiques.
La structure de fonctionnement du pouvoir en Russie diverge du système politique occidental. Les relations tissées avec le président y jouent un rôle beaucoup plus important qu’à l’Ouest. Les avantages sont accordés en échange d’une fidélité indéfectible. On mentionne entre autres les liens entre Silvio Berlusconi et Poutine.
L’échelle des sorties d’argent de la Russie à des fins discrètes surprend. Pour ne citer qu’un exemple, l’auteur note la création de l’opération Luch (une fuite de capitaux estimée à 50 milliards de dollars) en 1990 pour parer aux changements provoqués par Gorbatchev. Il s’agissait de piger dans les fonds secrets du KGB à l’étranger pour enrichir une caisse pouvant servir à assurer la survie du parti et d’autres intérêts particuliers.
« Depuis que Poutine est arrivé au pouvoir, le montant global d’argent sale sorti de Russie et blanchi par les banques de l’Ouest a été au minimum de 1 000 000 000 $ (mille milliards de dollars) ! ».
L’Occident n’a donc pas les mains propres face à ce qui se passe en Russie. Quand il y a de l’argent rapide à faire et que des actionnaires s’attendent à un bilan déraisonnable, la vertu s’efface devant le sens pratique. Parmi les complicités européennes : Danske Bank, SEB et Swedbank, Crédit Suisse, Banca Intesa, Deutsche Bank Russia, Appleby-Estera (cabinet de services offshore), Chypre (cabinets de services financiers), Price Waterhouse Coopers.
Le lecteur constate également l’accumulation des suicides de responsables de tout acabit au cours des années. Par exemple, l’auteur note les suicides déguisés de Nikolai Kruchina, Georgy Pavlov et Dimitri Lissovolik. Ces hommes à l’équilibre précaire avaient tous la fâcheuse habitude de prendre l’air sur un balcon trop élevé pour leur capacité. Le KGB doutait de la fiabilité de ces hommes qui géraient les fonds secrets du parti à l’Ouest.
L’empoisonnement (par le poison Novitchok) est aussi une méthode privilégiée pour aplanir les différends politiques. Mais cet état de fait est déjà connu des Occidentaux, car la plupart des opérations manquées ou réussies font l’objet de nombreux articles dans les médias. Par exemple, cela a été le cas pour Navalny et Skripal. Pour Iouchtchenko, le gagnant des élections présidentielles en Ukraine, un autre poison fût utilisé, mais la source n’a pu être confirmée.
Sous Poutine, les oligarques peuvent conserver les fortunes acquises à travers les nombreuses privatisations, mais il n’est plus question pour eux de s’immiscer dans les affaires politiques. Le bouquin s’attarde aussi sur la détérioration du rapport entre Poutine et des oligarques comme Berezovski (retrouvé pendu dans sa salle de bain à Londres) et Khodorkovski.
Si un dévoué collaborateur change de camp, il peut, dans le meilleur des cas, survivre en quittant le pays et en demeurant apolitique. Autrement, son avion peut exploser en vol, comme pour Prigojine.
Le bouquin montre comment Ivan Rybkyn, un opposant politique de Poutine en 2004, s’est désisté suite à une promenade improvisée en fourgonnette. Il semblerait qu’il ait été saisi et rentré de force dans le véhicule. Cette expérience et les discussions probables qui ont eu lieu durant la balade ont suffi à convaincre le candidat qu’il n’avait pas vraiment le feu sacré pour la politique.
Dans les années 90, le clan mafieux Tambov protège Poutine et Sobchak et participe à la gestion du port de Saint-Pétersbourg. Cela n’empêche pas un « accident » de la route impliquant les filles et la conjointe de Vladimir Poutine. Ceux qui sont insatisfaits de leur part du gâteau font monter les enchères et Poutine doit réunir les familles pour qu’elles s’arrangent entre elles. Pragmatique, il envoie tout de même ses filles en Allemagne pour leur sécurité. Le gardien légal est Matthias Warnig, un ancien de la STASI.
L’auteur signale que de l’argent russe a servi à influer sur le résultat du Brexit (51,89 %), ceci dans le but de fragiliser l’Europe. Ensuite, comme nous le savons déjà, la Russie a influencé le résultat du vote dans les états clés des États-Unis pour aider à l’élection de Donald Trump.
Le roman graphique se termine par un dossier documentaire, avec photos, dessins et références pour ceux qui désirent obtenir davantage d’informations.
Et la fortune de Poutine dans tout ça ? Selon les recherches effectuées par les auteurs, elle s’établirait entre 150 et 250 milliards d’euros.
« The Psychopath Test » est un livre très intéressant pour ceux qui veulent démystifier ce qui se cache derrière le terme « psychopathe » ou « sociopathe ». L’auteur s’intéresse également aux approximations et dérives lorsqu’il s’agit de diagnostiquer une maladie mentale chez un individu. Et, malgré le sujet très sérieux, le tout est écrit avec une pointe d’humour et de dérision, l’auteur revenant souvent sur ses insécurités et névroses.
Le thème de la psychopathie est celui qui porte le livre, mais les sujets traités couvrent un spectre assez large et sont tous intéressants, sinon surprenants. De nombreux cas ayant été passablement médiatisés sont rappelés à la mémoire, mais avec de nouveaux détails permettant de mieux saisir le fond de chaque histoire.
Les erreurs de diagnostic
Le lecteur apprend avec étonnement combien il est facile de faire des erreurs dans le diagnostic d’une maladie mentale. De même, il y a plusieurs maladies mentales qui peuvent être attribuées à des individus aussitôt que leur comportement n’est pas considéré comme tout à fait standard. Comme ce qui est standard et acceptable varie au courant des années et à travers les différentes sociétés, il est alors évident que beaucoup de mauvais diagnostics sont posés.
Il est particulièrement désolant de constater que des maladies mentales sont attribuées à de jeunes enfants alors que véritablement les symptômes de ces maladies sont connus pour ne devenir apparents qu’à l’adolescence ou à l’âge adulte.
Feindre la folie pour éviter une peine de prison n’est pas nécessairement avisé…
L’auteur montre qu’une interprétation personnelle assez large, par les différents « spécialistes », des critères de vérification portant sur beaucoup de maladies mentales est susceptible d’envoyer un individu dans un institut psychiatrique où il sera lourdement médicamenté pour une longue période.
Une histoire particulièrement intéressante est celle d’un homme qui a feint la folie après un crime violent pour éviter d’être envoyé en prison, pensant qu’il serait placé dans une institution psychiatrique où la vie est relativement agréable. On l’a plutôt laissé plus d’une décennie à l’hôpital psychiatrique de Broadmoor en Angleterre, un endroit où sont emprisonnés les tueurs en série et les pédophiles. La liste de Robert Hare, servant à déterminer si une personne est psychopathe, lui a joué un bien mauvais tour puisque les « spécialistes » ont considéré qu’il rencontrait la plupart des critères. Il a ensuite fallu qu’il se débatte pendant des années pour prouver qu’il était victime d’erreurs d’interprétation…
Des séances de psychothérapies passablement bizarres
L’auteur survole également quelques-uns des essais les plus bizarres pour tenter de guérir des patients, des expériences qui étaient vouées à l’échec avant même de commencer. Par exemple, le lecteur prend connaissance de séances de psychothérapies où tous les patients étaient nus et sous l’influence du LSD. Il y a également eu des essais pour que ce soient les criminels qui tentent de se soigner entre eux : un voleur d’auto fut ainsi attaché à un meurtrier en série qui avait tué trois enfants à Toronto…
L’effet négatif des psychopathes hautement placés dans la société
L’auteur tente de vérifier, en se servant de la liste de Robert Hare, s’il est vrai que ce sont les psychopathes qui dirigent le monde. Il avoue son insuccès partiel à catégoriser tous les dirigeants de la même façon. Cela semble bien raisonnable puisqu’il y aurait environ 1 % des gens qui sont psychopathes dans la société et que cette proportion augmenterait à 3 % chez les dirigeants de compagnie ou les politiciens. De 3 % à 100 %, la barre était placée bien haut dès le début du livre.
L’auteur cite une de ses sources, Essi Viding, qui étudie les psychopathes : [ma traduction] « Les psychopathes ne changent pas. Ils n’apprennent pas suite à une punition. Le mieux que vous pouvez espérer est qu’ils deviennent un jour trop âgés ou trop paresseux pour faire l’effort de commettre un acte criminel. Et ils peuvent être impressionnants, charismatiques. Les gens sont émerveillés. Donc, oui, les vrais problèmes commencent lorsqu’un de ces psychopathes réussit à monter dans l’échelle sociale. » (p.60)
Les psychopathes actifs sur les marchés boursiers peuvent être aussi dangereux que les psychopathes tueurs en série. Comme le dit Robert Hare : « Les tueurs en série détruisent les familles. Les psychopathes corporatifs, politiques ou religieux détruisent les économies. Ils détruisent les sociétés » (p.112)
Les vingt critères de la liste PCL-R de Robert Hare servant à établir si une personne est psychopathe
Voici donc, très sommairement, une énumération des points de la liste de Robert Hare. Si une personne obtient environ 30 points sur 40, elle est considérée comme psychopathe :
1. Charme superficiel 2. Sentiment démesuré de sa propre importance 3. Besoin de stimulation/s’ennuie facilement 4. Menteur pathologique 5. Manipulateur 6. Ne se sent pas coupable/n’a pas de remords 7. Incapacité de vivre une gamme d’émotions 8. Impitoyable/insensible/manque d’empathie 9. Mode de vie parasitaire 10. Peu de contrôle sur son comportement 11. Comportement sexuel banalisé 12. Problèmes de comportement dès le jeune âge 13. Manque de réalisme quant à ses projets à long terme 14. Impulsivité 15. Irresponsable 16. N’accepte pas de prendre la responsabilité pour ses propres actions 17. Plusieurs relations de couple de courte durée 18. Délinquance juvénile 19. Révocation d’une libération conditionnelle 20. Éventail assez large des crimes commis
Les vingt critères de la liste PCL-R appliqués au candidat du Parti républicain Donald Trump lors des élections présidentielles américaines de 2016
Au moment où je lis le livre « The Psychopath Test », la télévision américaine nous rapporte quotidiennement les faits et gestes de certains grands noms de la politique américaine, tous en compétition pour prendre la tête du Parti républicain pour les élections présidentielles américaines de 2016. J’entends tous les jours les journalistes se plaindre du comportement (point 10) et des paroles irresponsables (point 15) d’un des candidats en vue, Donald Trump.
Plusieurs déclarations du prétendant s’avèrent mensongères lorsque vérifiées (point 4). Je constate régulièrement son impulsivité devant les imprévus ou les contradictions (point 14). Son populisme, qui propose des réponses simples à des questions complexes, aide dans la manipulation du vote des électeurs américains. (point 5).
De même, il refuse d’accepter la responsabilité pour ses actions et propos (point 16), ne semble pas avoir de remords, d’où sa très grande difficulté à s’excuser clairement (point 6). Selon l’avis des analystes politiques les plus connus et respectés, il y a un manque de réalisme dans la plupart des projets qu’il mettrait de l’avant s’il était élu comme Président américain (point 13).
De plus, son manque d’empathie à l’endroit de millions de citoyens des États-Unis fait régulièrement les manchettes (point 8). Il parle parfois de lui-même à la troisième personne, en mettant continuellement de l’avant sa propre importance (point 2). Je laisse au lecteur le soin de faire une recherche sur les autres points manquants.
CNN a cependant pris le temps en septembre 2016 de mentionner des détails sur la vie personnelle de M. Trump et si l’on se fie à leur reportage, il conviendrait d’ajouter les points 11 et 17. Mais n’ayant aucune compétence en psychanalyse, je ne me suis servi de la liste de Robert Hare que comme divertissement et aucune conclusion avisée ne saurait être tirée ici.
Le psychopathe Emmanuel (Toto) Constant et Haïti
Parlant de politique américaine, le lecteur prend connaissance des effets qu’a eus Emmanuel (Toto) Constant sur Haïti. Il s’agit d’un meurtrier de masse, psychopathe, qui travaillait pour la CIA à Haïti. Il fut immédiatement relâché de prison lorsqu’il menaça de divulguer des secrets sur la politique extérieure américaine à Haïti. Emmanuel Constant « modifia profondément la société haïtienne pendant trois ans, la faisant basculer dans la mauvaise direction, détruisant au passage des milliers de vies et affectant des centaines de milliers d’autres ». (p.129)
Télé-réalité et maladies mentales triées sur le volet
L’auteur discute également des programmes de télé-réalité où les invités s’affrontent de façon agressive, verbalement et même physiquement. Une personne interrogée et responsable de monter chaque émission lui confie que les invités sont choisis en fonction des drogues qu’ils consomment pour stabiliser leur maladie mentale. Cela ne se fait pas sans erreurs et il mentionne le cas d’un membre d’une famille qui s’est suicidé tellement elle se sentait coupable de la façon dont elle s’était comportée en préparation pour le programme de télévision.
Êtes-vous psychopathe?
Êtes-vous psychopathe? « Si vous commencez à craindre que vous puissiez être psychopathe, si vous reconnaissez certains des traits en vous et que vous ressentez une certaine anxiété à ce sujet, cela signifie que vous n’en êtes pas un. » (p.114). Le psychopathe n’a pas d’émotions face à sa situation : cela ne le rend pas triste, il ne se pose pas de questions quant à sa condition pas plus qu’il n’est heureux d’être classifié en tant que psychopathe.
Les intérêts financiers des grandes compagnies pharmaceutiques
Évidemment, de gros intérêts financiers sont en jeu lorsqu’il s’agit de prescrire des médicaments pour les millions de patients susceptibles de se retrouver un jour avec un diagnostic de maladie mentale : le rôle des compagnies pharmaceutiques et la pression qu’elles exercent sont donc soulevés avec justesse dans le livre. « Il y a évidemment beaucoup de personnes vraiment malades dans ce monde. Mais il y aussi des individus dans l’entre-deux qui sont faussement surdiagnostiqués avec des maladies reliées à la folie par des gens qui bénéficient de ce faux diagnostic. » (p.267)
Mes réserves
À quelques reprises, l’auteur m’a surpris avec un raisonnement assez sommaire. Par exemple, il s’étonne du fait que les blogueurs écrivent alors qu’ils ne sont pas payés. Il faudrait donc que tout acte de création dans la société soit essentiellement rémunéré, sinon il ne ferait aucun sens? À un autre endroit où la discussion porte sur les évènements du 11 septembre 2001, l’auteur écrit [je garde le texte en anglais pour plus de fidélité] : « 9/11 obviously wasn’t an inside job ». Le terme « obviously » remplace ici un travail de recherche conséquent et ne tient pas compte du fait que la moitié du peuple américain a des questions restées sans réponses sur ce sujet.
Conclusion
En guise de conclusion, voici un passage du livre qui, je crois, résume le mieux la pensée de l’auteur : « Il n’y a pas d’évidence que nous avons été placés sur cette terre dans le but d’être spécialement heureux ou spécialement normaux. Et, en fait, notre mécontentement ou notre étrangeté, nos anxiétés et compulsions, tous ces aspects remarquables de notre personnalité, sont souvent ce qui nous amène à accomplir des choses particulièrement intéressantes » (p.271)
Il fallait certainement beaucoup de chance pour photographier l’arrivée à Ottawa de Justin Trudeau en tant que nouveau Premier ministre désigné du Canada, après le gain historique d’Octobre 2015.
Comme il arrive souvent lorsque je termine une longue sortie pour faire de la photographie, il se produit des occasions de dernière minute qui permettent de prendre des photos totalement inattendues.
Je venais à peine de réemballer mon équipement lorsque j’ai aperçu un policier à moto bloquant la circulation sur la rue Wellington. Il libérait le passage à l’autobus de campagne du Parti Libéral.
Estimant que possiblement le nouveau Premier ministre désigné du Canada était à bord, j’ai pris la chance de rebrousser chemin au pas de course et me suis dirigé vers le Parlement d’Ottawa. Grimpant les marches deux par deux, je suis arrivé en même temps que l’autobus. Un objectif Canon 70-200 f2.8L IS II USM a été posé en vitesse pour m’assurer de photos au format suffisant.
La sécurité était assurée par de nombreux policiers mais j’ai tout de même pu m’approcher suffisamment étant donné que nous n’étions que vingt ou trente personnes sur place, l’arrivée du Premier ministre étant gardée secrète pour des raisons évidentes de sécurité. Quelques secondes ont suffi avant que Justin Trudeau ne sorte de l’autobus et se retourne immédiatement en direction de la foule en saluant tout le monde.
Puis, il s’est retourné et a gravi quelques marches avant de saluer de nouveau les gens, le pouce en l’air.
Ce n’est que la deuxième fois dans l’histoire du Canada qu’un parti politique en troisième position gagne ses élections tout en formant un gouvernement majoritaire.Et c’était la première fois qu’un fils répète l’exploit de son père et devienne également Premier ministre du Canada.