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Histoire des villes

Livres : Histoire de Chicago

Les débats politiques télévisés de 2016 sur CNN entre Hillary Clinton et Donald Trump ont mis de l’avant le racisme aux États-Unis. La ville de Chicago y a été mentionnée, car elle détient le record national pour le nombre de morts violentes. Le livre « Histoire de Chicago » permet, entre autres, de mieux comprendre ce qui alimente les inégalités sociales entre Noirs et Blancs depuis la création de cette ville.

Le lecteur comprend que ce ne sont pas les déficiences culturelles qui sont à la base des problèmes, mais plutôt le racisme institutionnalisé et les choix économiques des différentes administrations municipales.

La ville s’est construite avec en toile de fond la couleur de la peau qui détermine le type d’emploi que quelqu’un peut occuper. Éventuellement, même la planification urbaine a été pensée de sorte que les Blancs et les Noirs soient séparés : le mur artificiel que constitue la Dan Ryan Expressway ou le Dearborn Park en sont de bons exemples.

En 2016, les sondages montrent, de façon surprenante, un appui très important au candidat républicain à la présidence des États-Unis, Donald Trump. Trump connaît bien Chicago et il y a fait construire sa « Trump Tower ».

Le candidat du Parti républicain reprend dans sa plateforme politique certains des éléments qui ont fait la popularité et le succès de la famille Daley qui a régné sur Chicago durant des décennies : l’exploitation de la peur entre les groupes ethniques pour bâtir et maintenir un pouvoir politique, l’idée de construire un mur et l’utilisation de la torture comme solutions simplistes à des problèmes complexes.

Ce populisme plaît à une certaine classe d’électeurs américains qui sont très facilement effrayés par les différences entre les gens et les cultures.

Bref « Histoire de Chicago » est un livre qui est toujours d’actualité et dont les auteurs ne craignent pas de soulever des sujets politiquement délicats.

Couverture du livre "Histoire de Chicago" par Andrew Diamond et Pap Ndiaye
Couverture du livre « Histoire de Chicago » par Andrew Diamond et Pap Ndiaye

Chicago

Chicago devint un territoire des États-Unis avec le traité de Paris en 1783. Il s’en suivit une appropriation des terres des Indiens au moyen des manœuvres les plus diverses, dont la signature de contrats alors que les autochtones étaient ivres. Vers 1830, après l’éloignement définitif des Indiens, la fièvre spéculative commença.

Le rail

À partir des années 1860, Chicago fit en sorte de devenir le centre à travers lequel s’arrêtaient les grandes compagnies ferroviaires du pays. La ville se développa très rapidement. Les passagers, le bétail, les céréales et autres marchandises devaient désormais transiter par Chicago. La ville dépendait du train pour croître et les compagnies de train dépendaient de Chicago pour être profitables.

L’accroissement rapide de la population de Chicago fut essentiellement dû à la migration en provenance de l’Europe (Irlandais, Allemands, Polonais, Italiens). La dynamique changeante et souvent violente entre tous les groupes ethniques présents à Chicago est vraiment bien détaillée dans le livre.

Les grands magasins

Un peu avant 1900, on assiste à la création des grands magasins, avec la possibilité de commander par catalogue et payer par crédit. De nouvelles catégories d’employés et de gestionnaires s’ajoutent au monde ouvrier et aident à former la classe moyenne.

L’immigration des Noirs vers Chicago

À partir de 1910, l’immigration des Noirs en provenance du sud des États-Unis augmente. Chicago était une ville abolitionniste. Cela ne veut pas dire qu’elle était en faveur de l’égalité raciale, mais plutôt contre l’esclavage. En fait, Chicago est progressivement devenue la ville la plus ségréguée des États-Unis.

Les Noirs arrivaient en masse en provenance du sud des États-Unis, non pas seulement pour des raisons économiques, mais également pour échapper à la violence raciale et à la ségrégation qui sévissaient dans de nombreux États. Bien que loin d’être idéale, la situation à Chicago était meilleure que dans le sud du pays.

La Première Guerre mondiale réduisit de façon importante le nombre d’immigrants en provenance de l’Europe. Cela constitua un sérieux problème pour une ville qui recevait de nombreux contrats militaires et avait besoin d’un très grand nombre d’employés pour ses différentes usines. Cela favorisa également la « grande migration », « c’est-à-dire l’intensification spectaculaire de la migration des Afro-Américains vers les grands centres urbains du Nord-Est et du Middle West […] » (p.143)

Les abattoirs de Chicago

Chicago était reconnue pour le nombre très élevé de ses abattoirs, et en particulier les abattoirs de porc. La senteur et la pollution occasionnées par cette activité étaient épouvantables. Des laboratoires de chimie permettaient l’utilisation de toutes les parties de l’animal. À ce sujet, l’écrivain Georges Duhamel disait dans son livre : À Chicago, « on utilise tout, sauf le cri des porcs » (p.63).

Les travailleurs noirs n’avaient pas le droit de travailler dans l’industrie sidérurgique de Chicago et devaient se contenter des abattoirs où ils étaient engagés comme travailleurs manuels. Mais là encore, ils n’avaient pas accès à des emplois qualifiés.

La Seconde Guerre mondiale

Durant la Seconde Guerre mondiale, Chicago était en concurrence avec d’autres grandes villes américaines pour obtenir de juteux contrats militaires. Elle ne ménagea pas ses efforts pour montrer son support au gouvernement américain et elle finit par profiter de milliards de dollars pour la construction de tanks, tracteurs, torpilles, obus et avions (dont le bombardier B -29).

Pour compenser le manque de main-d’œuvre, étant donné que beaucoup d’hommes s’étaient enrôlés en tant que volontaires et étaient partis à la guerre, les femmes entrèrent massivement sur le marché du travail. Les employeurs y virent l’occasion d’augmenter les profits en réduisant le salaire des femmes, qui n’était plus que 65 % de celui des hommes pour un travail comparable. Cela représente la façon dont les femmes ont été remerciées pour leurs efforts et leur collaboration.

Transformation de l’économie de Chicago

Un Boeing B747 de la United Airlines circule au-dessus de l'autoroute sur l'aéroport O'Hare international de Chicago (sur carte postale aviation)
Un Boeing B747 de la United Airlines circule au-dessus de l’autoroute sur l’aéroport O’Hare international de Chicago (sur carte postale aviation)

Chicago a vécu une profonde transformation durant les années  70. L’ordre industriel s’est terminé avec la fermeture des abattoirs en 1971, en même temps que les aciéries approchaient aussi de leur fin. S’en est suivie une ouverture sur l’international et le développement d’une nouvelle économie basée sur les services spécialisés tels que la finance, l’immobilier, l’assurance, le marketing, la publicité et les services juridiques.

Le maire de Chicago, Richard M. Daley, a favorisé la venue d’une classe socioprofessionnelle de créateurs dans la ville (design, arts, musique, etc.) en traitant cette classe comme un autre « groupe ethnique » qui avait besoin d’un espace privilégié pour s’exprimer.

Le développement des grands ensembles durant les années 1960 -1970

Durant les années 1960-1970, Chicago connaît une transformation importante de son paysage. On assiste à de grands développements (Magnificent Mile, Sandburgh Village, Marina City, Lake Point Tower, Dearborn Park) qui se concentrent dans les quartiers où vivent les Blancs, dans le nord de la ville. Le Chicago Tribune dit de Dearborn Park qu’il est « une forteresse réservée aux Blancs et destinée à protéger le quartier financier contre les Noirs ».

L’administration Daley doit lutter contre l’exode vers les banlieues et favorise alors la construction de gratte-ciels pour conserver les Blancs dans le centre-ville et percevoir davantage de taxes foncières. Deux Bourses d’échange sont créées, le Chicago Board of Trade (CBOT) et le Chicago Mercantile Exchange (CME). La création de ces deux nouvelles Bourses et des grands ensembles ne changent en rien la dynamique entre Blancs et Noirs.

La ségrégation raciale

Bien que Martin Luther King ait été une figure dominante dans la lutte pour les droits civiques des Noirs aux États-Unis, les auteurs mentionnent que les Noirs de Chicago n’ont pas attendu un grand leader pour promouvoir leurs droits et qu’ils avaient déjà commencé à se mobiliser des années plus tôt.

Les idées de Martin Luther King quant à l’intégration des Noirs ne plaisaient pas à tous les Noirs, spécialement les politiciens noirs de Chicago qui bénéficiaient d’un traitement favorable de la machine Daley en favorisant le statu quo.

Le Chicago du maire Richard M. Daley connaissait beaucoup de succès. Pour se maintenir au pouvoir, la machine Daley « tablait sur le maintien de communautés séparées et concurrentes » (p.322-323). La séparation entre Blancs et Noirs était entretenue et planifiée. Il y avait et il y a toujours deux Chicago.

Une autoroute, la Dan Ryan Expressway a même été positionnée de façon à créer un mur artificiel entre le quartier de Daley, Bridgeport et celui de la Black Belt : « C’était l’obstacle le plus massif que la ville pouvait construire, à défaut de construire un mur, pour séparer le South Side blanc de la Black Belt » (p.259).

Le fonctionnement de la machine Daley

On ne peut pas parler de Chicago sans souligner l’importance de la machine politique de la famille Daley : « Par leur contrôle autoritaire de la “machine”, Richard J. Daley et son fils Richard M. Daley, chacun dans son propre style, ont dominé la scène politique de Chicago pendant quarante-trois ans, entre 1955 et 2011.

                Pendant cette période qui vit le développement puis le déclin du mouvement moderne des droits civiques, la ghettoïsation d’énormes pans du West Side et du South Side, une vague massive d’immigration en provenance d’Amérique latine et la métamorphose de la ville de géant de l’industrie en centre de l’économie mondiale de services, c’est tout juste si Chicago a connu une seule élection municipale légitime ou un seul vrai débat au conseil municipal » (p.16)

Il y avait une corruption rampante et des budgets clandestins au sein de l’administration Daley. La Mairie attribuait en toute opacité à des quartiers favorisés des sommes d’argent réservées aux quartiers défavorisés.

« […] Tandis que les gros hommes d’affaires, les hommes de la pègre et tous ceux ayant des liens avec la famille Daley s’enrichissaient, les Noirs et les Latinos démunis étaient abattus aux coins des rues ou torturés dans des arrière-salles de commissariat » (p.394)

Les cabinets d’avocats et les entrepreneurs versaient d’énormes sommes d’argent en échange de contrats importants. La machine Daley ne manquait jamais d’argent.

Beechcraft N35 Bonanza N545T volant au-dessus de Chicago durant les années où régnait la famille Daley (sur carte postale aviation)
Beechcraft N35 Bonanza N545T volant au-dessus de Chicago durant les années où régnait la famille Daley (sur carte postale aviation)

Les tensions raciales et les politiques musclées de répression du maire Daley

« Dès les années 1930, Chicago était devenu, selon l’historien Frank Donner “la capitale nationale de la répression policière” » (p.321)

La migration noire dans les années 1940 et 1950 effraie la population de Chicago qui se sent assiégée, ce qui augmente des tensions raciales déjà présentes et entretenues. Il devient plus facile d’accepter davantage de policiers que de logements sociaux.

Les tactiques musclées du maire Daley sont le plus évidentes lors de la Convention démocrate de 1968, alors que les policiers et 7000 soldats de la Garde nationale tombèrent « à bras raccourcis sur la foule [de 10,000 jeunes manifestants] dans une explosion de violence aveugle ». (p.315).

L’exploitation des peurs raciales connaissait beaucoup de succès à Chicago. Daley défendait ses politiques en disant que « la plupart des gens s’inquiétaient bien plus d’une émeute des Noirs que d’un maire qui ordonne l’usage de la force létale pour y mettre un terme et qu’ils se reconnaissaient bien moins dans des manifestants pacifistes que dans les policiers qui les frappaient à coups de matraque ». (p.319)

La propagande des médias et la police de la machine Daley étaient efficaces pour convaincre les Noirs de ne pas changer l’ordre établi. La torture était pratique courante au commissariat de la zone 2 dans le South Side, entre 1972 et 1991.

L’arrivée prochaine du Noir Harold Washington à la mairie, durant les années » 80, attisa encore davantage les craintes que tout change dans la façon de faire à Chicago. Tout était organisé pour miner la candidature de Washington, mais il finit malgré tout par l’emporter, grâce au vote noir.

Il y avait beaucoup de mouvements politiques de gauche qui avaient chacun leurs objectifs et qui n’ont pas su s’unir sous une même bannière progressiste. Cela a laissé la marge de manœuvre nécessaire à la machine Daley. Cette dernière travaillait en coopération avec les autorités fédérales pour organiser la répression d’État.

Quatrième de couverture du livre "Histoire de Chicago"
Quatrième de couverture du livre « Histoire de Chicago »

Problèmes sociaux dans les quartiers défavorisés

La canicule de 1995 fit 739 victimes à Chicago. La précarité sociale favorisa une augmentation du nombre de décès, mais il fut plus simple de déterminer que les victimes de la chaleur étaient responsables de leur sort.

Les Noirs et les Latinos croyaient et croient toujours que leurs problèmes d’écoles et de quartiers proviennent de déficiences culturelles. En tentant de saisir la nature réelle de leurs problèmes, ils négligent les aspects du racisme soutenu et les choix économiques des différentes administrations depuis la création de la ville.

« Le recensement de 1980 indiqua que dix des seize quartiers les plus pauvres des États-Unis se trouvaient à Chicago, dans la Black Belt, bien entendu » (p.334)

En 2002, Chicago était la capitale américaine des meurtres avec 647 victimes. En 2008-2009, la ville détenait le record de meurtres d’élèves d’écoles publiques liés à des gangs.

Il existe aujourd’hui deux Chicago

Chicago profite aujourd’hui de l’existence de quartiers ethniques bien définis qui attirent les touristes en quête d’exotisme. Cependant, les politiques de ségrégation raciale en place ont fait en sorte d’isoler les quartiers Noirs et en 2016 Chicago a toujours la triste réputation d’être la capitale des homicides aux États-Unis.

« La situation de Chicago ressemble de plus en plus à un scénario de science-fiction. Alors qu’une partie de la ville possède une capacité économique qui la classe parmi les cinq premières du monde, l’autre partie est figée dans une situation d’austérité qui pourrait bien devenir irréversible » (p.443)

Titre : Histoire de Chicago

Auteurs : Andrew Diamond et Pap Ndiaye

Éditions : Fayard

© 2013

ISBN : 978-2-213-64255-0

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Comportement humain

Comportement humain: le livre « The Psychopath Test »

« The Psychopath Test » est un livre très intéressant pour ceux qui veulent démystifier ce qui se cache derrière le terme « psychopathe » ou « sociopathe ». L’auteur s’intéresse également aux approximations et dérives lorsqu’il s’agit de diagnostiquer une maladie mentale chez un individu. Et, malgré le sujet très sérieux, le tout est écrit avec une pointe d’humour et de dérision, l’auteur revenant souvent sur ses insécurités et névroses.

Le thème de la psychopathie est celui qui porte le livre, mais les sujets traités couvrent un spectre assez large et sont tous intéressants, sinon surprenants. De nombreux cas ayant été passablement médiatisés sont rappelés à la mémoire, mais avec de nouveaux détails permettant de mieux saisir le fond de chaque histoire.

Couverture du livre "The Psychopath Test" de Jon Ronson
Couverture du livre « The Psychopath Test » de Jon Ronson

Les erreurs de diagnostic

Le lecteur apprend avec étonnement combien il est facile de faire des erreurs dans le diagnostic d’une maladie mentale. De même, il y a plusieurs maladies mentales qui peuvent être attribuées à des individus aussitôt que leur comportement n’est pas considéré comme tout à fait standard. Comme ce qui est standard et acceptable varie au courant des années et à travers les différentes sociétés, il est alors évident que beaucoup de mauvais diagnostics sont posés.

Il est particulièrement désolant de constater que des maladies mentales sont attribuées à de jeunes enfants alors que véritablement les symptômes de ces maladies sont connus pour ne devenir apparents qu’à l’adolescence ou à l’âge adulte.

Feindre la folie pour éviter une peine de prison n’est pas nécessairement avisé…

L’auteur montre qu’une interprétation personnelle assez large, par les différents « spécialistes », des critères de vérification portant sur beaucoup de maladies mentales est susceptible d’envoyer un individu dans un institut psychiatrique où il sera lourdement médicamenté pour une longue période.

Une histoire particulièrement intéressante est celle d’un homme qui a feint la folie après un crime violent pour éviter d’être envoyé en prison, pensant qu’il serait placé dans une institution psychiatrique où la vie est relativement agréable. On l’a plutôt laissé plus d’une décennie à l’hôpital psychiatrique de Broadmoor en Angleterre, un endroit où sont emprisonnés les tueurs en série et les pédophiles. La liste de Robert Hare, servant à déterminer si une personne est psychopathe, lui a joué un bien mauvais tour puisque les « spécialistes » ont considéré qu’il rencontrait la plupart des critères. Il a ensuite fallu qu’il se débatte pendant des années pour prouver qu’il était victime d’erreurs d’interprétation…

Des séances de psychothérapies passablement bizarres

L’auteur survole également quelques-uns des essais les plus bizarres pour tenter de guérir des patients, des expériences qui étaient vouées à l’échec avant même de commencer. Par exemple, le lecteur prend connaissance de séances de psychothérapies où tous les patients étaient nus et sous l’influence du LSD. Il y a également eu des essais pour que ce soient les criminels qui tentent de se soigner entre eux : un voleur d’auto fut ainsi attaché à un meurtrier en série qui avait tué trois enfants à Toronto…

L’effet négatif des psychopathes hautement placés dans la société

L’auteur tente de vérifier, en se servant de la liste de Robert Hare, s’il est vrai que ce sont les psychopathes qui dirigent le monde. Il avoue son insuccès partiel à catégoriser tous les dirigeants de la même façon. Cela semble bien raisonnable puisqu’il y aurait environ 1 % des gens qui sont psychopathes dans la société et que cette proportion augmenterait à 3 % chez les dirigeants de compagnie ou les politiciens. De 3 % à 100 %, la barre était placée bien haut dès le début du livre.

L’auteur cite une de ses sources, Essi Viding, qui étudie les psychopathes : [ma traduction] « Les psychopathes ne changent pas. Ils n’apprennent pas suite à une punition. Le mieux que vous pouvez espérer est qu’ils deviennent un jour trop âgés ou trop paresseux pour faire l’effort de commettre un acte criminel. Et ils peuvent être impressionnants, charismatiques. Les gens sont émerveillés. Donc, oui, les vrais problèmes commencent lorsqu’un de ces psychopathes réussit à monter dans l’échelle sociale. » (p.60)

Les psychopathes actifs sur les marchés boursiers peuvent être aussi dangereux que les psychopathes tueurs en série. Comme le dit Robert Hare : « Les tueurs en série détruisent les familles. Les psychopathes corporatifs, politiques ou religieux détruisent les économies. Ils détruisent les sociétés » (p.112)

Quatrième de couverture du livre de Jon Ronson "The Psychopath Test"
Quatrième de couverture du livre de Jon Ronson « The Psychopath Test »

Les vingt critères de la liste PCL-R de Robert Hare servant à établir si une personne est psychopathe

Voici donc, très sommairement, une énumération des points de la liste de Robert Hare. Si une personne obtient environ 30 points sur 40, elle est considérée comme psychopathe :

1. Charme superficiel
2. Sentiment démesuré de sa propre importance
3. Besoin de stimulation/s’ennuie facilement
4. Menteur pathologique
5. Manipulateur
6. Ne se sent pas coupable/n’a pas de remords
7. Incapacité de vivre une gamme d’émotions
8. Impitoyable/insensible/manque d’empathie
9. Mode de vie parasitaire
10. Peu de contrôle sur son comportement
11. Comportement sexuel banalisé
12. Problèmes de comportement dès le jeune âge
13. Manque de réalisme quant à ses projets à long terme
14. Impulsivité
15. Irresponsable
16. N’accepte pas de prendre la responsabilité pour ses propres actions
17. Plusieurs relations de couple de courte durée
18. Délinquance juvénile
19. Révocation d’une libération conditionnelle
20. Éventail assez large des crimes commis

Les vingt critères de la liste PCL-R appliqués au candidat du Parti républicain Donald Trump lors des élections présidentielles américaines de 2016

Au moment où je lis le livre « The Psychopath Test », la télévision américaine nous rapporte quotidiennement les faits et gestes de certains grands noms de la politique américaine, tous en compétition pour prendre la tête du Parti républicain pour les élections présidentielles américaines de 2016. J’entends tous les jours les journalistes se plaindre du comportement (point 10) et des paroles irresponsables (point 15) d’un des candidats en vue, Donald Trump.

Plusieurs déclarations du prétendant s’avèrent mensongères lorsque vérifiées (point 4). Je constate régulièrement son impulsivité devant les imprévus ou les contradictions (point 14). Son populisme, qui propose des réponses simples à des questions complexes, aide dans la manipulation du vote des électeurs américains. (point 5).

De même, il refuse d’accepter la responsabilité pour ses actions et propos (point 16), ne semble pas avoir de remords, d’où sa très grande difficulté à s’excuser clairement (point 6). Selon l’avis des analystes politiques les plus connus et respectés, il y a un manque de réalisme dans la plupart des projets qu’il mettrait de l’avant s’il était élu comme Président américain (point 13).

De plus, son manque d’empathie à l’endroit de millions de citoyens des États-Unis fait régulièrement les manchettes (point 8). Il parle parfois de lui-même à la troisième personne, en mettant continuellement de l’avant sa propre importance (point 2). Je laisse au lecteur le soin de faire une recherche sur les autres points manquants.

CNN a cependant pris le temps en septembre 2016 de mentionner des détails sur la vie personnelle de M. Trump et si l’on se fie à leur reportage,  il conviendrait d’ajouter les points 11 et 17.  Mais n’ayant aucune compétence en psychanalyse, je ne me suis servi de la liste de Robert Hare que comme divertissement et aucune conclusion avisée ne saurait être tirée ici.

Le psychopathe Emmanuel (Toto) Constant et Haïti

Parlant de politique américaine, le lecteur prend connaissance des effets qu’a eus Emmanuel (Toto) Constant sur Haïti. Il s’agit d’un meurtrier de masse, psychopathe, qui travaillait pour la CIA à Haïti. Il fut immédiatement relâché de prison lorsqu’il menaça de divulguer des secrets sur la politique extérieure américaine à Haïti. Emmanuel Constant « modifia profondément la société haïtienne pendant trois ans, la faisant basculer dans la mauvaise direction, détruisant au passage des milliers de vies et affectant des centaines de milliers d’autres ». (p.129)

Télé-réalité et maladies mentales triées sur le volet

L’auteur discute également des programmes de télé-réalité où les invités s’affrontent de façon agressive, verbalement et même physiquement. Une personne interrogée et responsable de monter chaque émission lui confie que les invités sont choisis en fonction des drogues qu’ils consomment pour stabiliser leur maladie mentale. Cela ne se fait pas sans erreurs et il mentionne le cas d’un membre d’une famille qui s’est suicidé tellement elle se sentait coupable de la façon dont elle s’était comportée en préparation pour le programme de télévision.

Êtes-vous psychopathe?

Êtes-vous psychopathe? « Si vous commencez à craindre que vous puissiez être psychopathe, si vous reconnaissez certains des traits en vous et que vous ressentez une certaine anxiété à ce sujet, cela signifie que vous n’en êtes pas un. » (p.114). Le psychopathe n’a pas d’émotions face à sa situation : cela ne le rend pas triste, il ne se pose pas de questions quant à sa condition pas plus qu’il n’est heureux d’être classifié en tant que psychopathe.

Les intérêts financiers des grandes compagnies pharmaceutiques

Évidemment, de gros intérêts financiers sont en jeu lorsqu’il s’agit de prescrire des médicaments pour les millions de patients susceptibles de se retrouver un jour avec un diagnostic de maladie mentale : le rôle des compagnies pharmaceutiques et la pression qu’elles exercent sont donc soulevés avec justesse dans le livre. « Il y a évidemment beaucoup de personnes vraiment malades dans ce monde. Mais il y aussi des individus dans l’entre-deux qui sont faussement surdiagnostiqués avec des maladies reliées à la folie par des gens qui bénéficient de ce faux diagnostic. » (p.267)

Mes réserves

À quelques reprises, l’auteur m’a surpris avec un raisonnement assez sommaire. Par exemple, il s’étonne du fait que les blogueurs écrivent alors qu’ils ne sont pas payés. Il faudrait donc que tout acte de création dans la société soit essentiellement rémunéré, sinon il ne ferait aucun sens? À un autre endroit où la discussion porte sur les évènements du 11 septembre 2001, l’auteur écrit [je garde le texte en anglais pour plus de fidélité] : « 9/11 obviously wasn’t an inside job ». Le terme « obviously » remplace ici un travail de recherche conséquent et ne tient pas compte du fait que la moitié du peuple américain a des questions restées sans réponses sur ce sujet.

Conclusion

En guise de conclusion, voici un passage du livre qui, je crois, résume le mieux la pensée de l’auteur : « Il n’y a pas d’évidence que nous avons été placés sur cette terre dans le but d’être spécialement heureux ou spécialement normaux. Et, en fait, notre mécontentement ou notre étrangeté, nos anxiétés et compulsions, tous ces aspects remarquables de notre personnalité, sont souvent ce qui nous amène à accomplir des choses particulièrement intéressantes » (p.271)

Titre : The Psychopath Test
Auteur : Jon Ronson
Éditions : First Riverhead
©2012
ISBN : 978-1-59448-575-6