Avec « Super canon — Le marchand d’armes qui visait les toiles », l’auteur Philippe Girard nous offre un roman graphique de très grande qualit, autant par le scnario que par le dessin et les choix de couleurs. Pour cette œuvre, il a bnfici d’une rsidence d’auteur Liège.
Il a certainement mieux apprci son exprience en Belgique que sa rsidence d’crivain en Pologne où il avait dû se dbrouiller seul, car les hôtes n’avaient pas respect les prsentations et rendez-vous prvus l’horaire. À l’poque, il s’tait servi de sa malchance pour, malgr tout, produire un ouvrage très intressant portant le nom de « Le Starzec — un mois Cracovie ».
« Super canon » se base sur une histoire vcue, celle de l’ingnieur canadien Gerald Vincent Bull. Bien sûr, il est impossible de retracer pas pas la vie de cet homme et l’auteur a donc cr un personnage dsign Docteur Gerry.
À la lecture du bouquin, on ralise le talent incroyable de Gerald Bull, ce scientifique qui a rvolutionn la balistique. On tmoigne de son destin en dents de scie, tourment qu’il tait entre ses rêves de jeunesse et ses ambitions sans limites.
Pour boucler ses budgets de recherche et garder sa compagnie flot, il se transforme progressivement en marchand d’armes. Il se met au service de multiples Etats, dont le Canada, les Etats-Unis, Israël, l’Irak, l’Iran, la Chine. Ce faisant, il devient l’objet d’une surveillance constante de la part de plusieurs agences et accumule les ennemis.
On a de toute vidence affaire un gnie qui a dessein bloqu toute rflexion critique quant ses armes de destruction. Il rêve d’un canon très puissant pour envoyer des satellites dans l’espace, mais les organismes de renseignement d’autres pays ont des projets très diffrents pour ses canons.
Il croit naïvement qu’il pourra servir plusieurs maîtres aux intrêts divergents, sans que cela puisse lui causer le moindre problème. Cela frise le raisonnement enfantin, l’aveuglement volontaire dans le but de s’offrir la grande vie.
Ma seule rserve propos du contenu concerne la première page du rcit. Je trouve qu’il existe une ambiguït propos de l’Irak et les armes de destruction massive (case 5, page 3). C’tait effectivement la crainte initiale souleve par les Etats-Unis, mais des suivis rpts des inspecteurs des Nations Unies avaient montr que Saddam Hussein ne possdait pas de pareilles armes. On ne pouvait justifier l’invasion de l’Irak sur une telle base. Cette invasion a tout de même eu lieu, et on n’a pu trouver aucune de ces supposes armes en Irak. J’aurais souhait que les conclusions de l’ONU soient mentionnes. Cela aurait permis que le scnario du bouquin s’tablisse partir d’une base ne laissant planer aucun doute.
Autrement, chose certaine, vous apprcierez ce roman graphique extrêmement bien conçu.
Cette bande dessine publie en 2023 constitue la troisième de la srie Warbirds, aux ditions Soleil.
Le 18 avril 1942, quelques mois après le raid sur Pearl Harbor, seize bombardiers B-25B Mitchell dcollent du nouveau porte-avions Hornet pour une attaque-surprise sur cinq villes japonaises. Il s’agit en fait d’une mission connue sous le nom de « Raid Doolittle ».
Ces machines qui ne sont pas conçues pour oprer partir d’un porte-avions ne pourront rejoindre leurs cibles et revenir bon port en scurit, faute de carburant suffisant. Tous les pilotes en sont parfaitement conscients et se portent volontaires.
La flotte de seize appareils, commande par Jimmy Doolittle, atteint avec succès son objectif visant semer la confusion chez l’adversaire et montrer que le Japon demeure vulnrable pour des attaques-surprises. Les Japonais se demandent comment des bombardiers amricains ont pu atteindre et frapper leur pays ? D’où sont-ils dcolls ? Ils savent bien que les B-25 Mitchell ne sont pas conçus pour dcoller d’un porte-avions et qu’ils demeurent incapables de s’y poser.
Le gnie de l’intervention tient la combinaison de multiples dcisions très risques qui, ensemble, surprennent l’ennemi. Premièrement, faute de pouvoir faire atterrir les avions sur le Hornet, on les installe avec une grue, en sachant bien que jamais ils ne reviendront sur le navire.
De plus, on entraîne les commandants de bord dcoller sur des distances impensables pour eux, au moyen d’une technique pousse l’extrême. Le dplacement rapide du vaisseau amliore la composante de vent de face si indispensable pour des manœuvres aussi prilleuses.
Les pilotes doivent faire preuve d’une très grande maîtrise pour respecter la trajectoire de dpart sur une plateforme qui bouge de gauche droite en pleine tempête. On doit absolument viter les bâtiments sur le côt du Hornet et l’cart disponible entre le bout de l’aile et la tour du navire ne dpasse pas deux mètres. Malgr tous les obstacles, l’ensemble des B-25 russit dcoller. Ce sera une mission sans retour vers le Japon.
Doolittle pilote le premier B-25 qui dcollera du porte-avions. Il ne bnficie que d’une très petite portion du pont pour s’excuter, car il y a encore quinze autres bombardiers qui attendent leur tour pour s’envoler. Le deuxième pilote quitter le pont vite de justesse un amerrissage, alors que l’appareil s’enfonce lgèrement et qu’une roue du train d’atterrissage touche l’eau. Mais l’avion gagne juste assez de vitesse pour demeurer en l’air.
Les bombardiers et quipages connaissent des sorts diffrents, une fois les pilonnages effectus sur les objectifs japonais. Les auteurs concluent ainsi : « Le raid dtruisit 112 bâtiments et fit 87 morts, en environ 6 minutes. […] La destruction de 15 des 16 B-25, incapables de rejoindre un terrain chinois pour s’y poser, fut tout de même dplorer, le 16e B-25 ayant atterri sans encombre en URSS. À dplorer aussi la mort accidentelle de trois aviateurs (avions 3 et 6) et la capture de 8 autres (avions 6 et 16) par les Japonais, dont 4 ne revinrent jamais au pays, 3 ayant t excuts comme “criminels de guerre” et le 4e tant mort en captivit. Bien pire encore, les Japonais se vengèrent des Chinois, qui avaient aid tous les aviateurs survivants, en organisant le massacre d’environ 250 000 civils dans les provinces du Zhejiang et du Jiangxi alors sous leur contrôle. Ce qui laissera des traces… ».
Des tests d’atterrissage et de dcollage sur un autre porte-avions, le Forrestal, ont aussi t effectus des dcennies plus tard avec un C-130 Hercules. J’ai tent de reprendre l’exprience en simulation de vol. Le vol se trouve dans la section « vols virtuels exigeants » de mon blogue. Le Forrestal n’tant pas disponible sous forme virtuelle, je me suis servi du porte-avions USS Enterprise.
Vladimir Poutine affirme qu’il se sent coinc par l’OTAN. Pour amliorer sa position stratgique, il envahit l’Ukraine et rase toutes ses installations d’importance, qu’elles soient civiles ou militaires, en tuant et affamant au passage des milliers de personnes.
Les grandes puissances, et spcialement les dictatures, prouvent une infinie difficult rflchir de façon originale et intelligente quand elles savent qu’elles ont accès une solution militaire. Les soldats et les bombes rgleront rapidement ce diffrend qui perdure et on pourra passer autre chose.
En adoptant un schème de pense datant du Moyen, Vladimir Poutine a cr un effet rebond. De très nombreux pays voisins vivent maintenant dans la crainte d’une attaque injustifie. Plutôt que de diminuer la capacit militaire des pays voisins comme il le souhaite, Poutine n’a russi qu’ renforcer leur volont de s’unir et se rarmer.
Par exemple, l’Allemagne devait dvelopper, en partenariat avec d’autres pays, le prochain jet de combat voler dans le ciel europen. Cela prendrait bien sûr des annes concevoir, mais on ne s’en souciait guère. Le pays avait clairement pris la voie du pacifisme depuis des dcennies. L’invasion de l’Ukraine a tout chang. Les Allemands acclèrent tellement la cadence qu’ils commandent maintenant des appareils existants dj sur le march. Au diable la recherche, les dlais et surtout le fait que l’avion proviendra des Etats-Unis.
Car le gouvernement allemand a retenu le F-35 amricain. Ce jet militaire possède la caractristique non ngligeable de pouvoir transporter l’arme nuclaire de façon furtive.
La Russie devra dsormais redoubler d’efforts pour surveiller dans le ciel d’Europe cet appareil performant, difficile dtecter et capable d’infliger de lourdes pertes en cas de conflit.
On a galement constat que la majorit des dommages en Ukraine provenaient d’attaques ariennes. Le système de dfense antimissile Patriot n’tant efficace que sur une courte distance, les Allemands ont rcemment visit Israël pour en connaître davantage sur le Arrow 3. Ce système d’interception dfensif permet de dtruire des missiles se trouvant moyenne et longue porte, même ceux volant hors de l’atmosphère terrestre.
Un avion de combat furtif amricain capable de transporter l’arme nuclaire et quipant les forces de l’air allemandes ? Un système de dfense antimissile de longue porte sur le territoire allemand? Le pays tait bien loin de toutes ces discussions au dbut de 2022. Les actions de Vladimir Poutine en Ukraine ont relanc la course aux armements pour de nombreux pays.
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Ce livre raconte les oprations quotidiennes et les habitudes de vie des gens ayant travaill au dcodage des messages allemands Bletchley Park, en Angleterre, durant la Seconde Guerre mondiale. Le lecteur ralise rapidement l’impact incroyable de ces travailleurs de l’ombre sur l’issue des batailles les plus connues, telles les Bataille d’Angleterre et d’El Alamein, de même que sur le dbarquement comme tel. Mais par-dessus tout, il permet au lecteur de pntrer dans les baraquements pour tmoigner de la rigueur et du professionnalisme de ces hommes et femmes qui ont œuvr jour et nuit, malgr la grande tension et l’puisement, pour accomplir leur devoir.
Leurs efforts pour obtenir des rsultats frôlaient l’obsession. Même en dormant, les cerveaux taient au travail. On y apprend qu’une avance majeure a eu lieu après qu’un chercheur se soit rveill au beau milieu de la nuit avec la solution qu’il esprait trouver depuis longtemps. Naturellement, des noms comme ceux d’Alan Turing, John Herivel ou Dillwyn Knox reviennent frquemment. Mais ils sont accompagns d’une multitude d’autres personnes ayant toutes jou un rôle essentiel.
Bletchley Park tait d’une grande efficacit pour plusieurs raisons :
1. Une judicieuse combinaison des employs possdant les capacits et les formations les plus diverses : les comptences croises et la culture gnrale taient recherches. Les femmes et hommes travaillant au dcodage possdaient bien sûr une intelligence très suprieure et une grande capacit de concentration. Des connaissances dans plusieurs disciplines taient requises : il y avait des experts en mathmatique autant qu’en histoire, en lettres classiques ou en linguistique. Dillwyn Knox, une des vedettes de Bletchley, tait lui-même expert en vieux papyrus. L’association des intelligences donna lieu des innovations très importantes.
2. La capacit de maintenir le secret : les employs taient judicieusement slectionns et l’tanchit entre les bâtiments où ces derniers travaillaient tait totale. S’il y avait eu une taupe l’intrieur d’un bâtiment en particulier, il lui aurait t impossible de traverser d’un emplacement physique l’autre pour tenter de recueillir de l’information privilgie. L’existence d’un but commun et du sentiment profond de l’importance de ce qui devait être fait transcendait la fatigue du personnel et contribuait diminuer l’intensit des invitables conflits internes. Cela a même assur des annes de discrtion après que le conflit mondial ait t rgl.
3. Un traitement spcial pour les casseurs de codes : même si Bletchley servait essentiellement des fins militaires, il n’y avait pas de rgime militaire strict : « Au fil des annes et des siècles, nous pouvons constater que le renseignement britannique est en partie une affaire militaire, mais demeure surtout rgi par de talentueux civils ». Les casseurs de codes avaient besoin d’un traitement spcial : « […] On a jug très important que les “experts” aient suffisamment d’espace et de libert pour mener bien leurs raisonnements gniaux. Il ne fallait donc pas les perturber avec les restrictions et la discipline imposes tous les autres ». Cet objectif de prserver certains employs des contraintes inutiles a aujourd’hui t rpt avec succès dans les compagnies internationales voues l’innovation.
4. La collaboration entre les pays : il importe de mentionner la collaboration essentielle entre la Pologne, l’Angleterre et la France dans l’accumulation des rsultats visant craquer le code Enigma. Jusqu’ l’effondrement de la France, toutes les solutions trouves taient partages. D’ailleurs, les cryptanalystes polonais furent les premiers dchiffrer les codes de la première version de la machine Enigma, rsultats qu’ils partagèrent avec les deux autres pays.
5. L’importance du facteur chance dans le succès des oprations : l’lment chance devait jouer un rôle très important dans la capacit de Bletchley Park de demeurer en activit sur une longue priode. Malgr l’intensit des bombardements allemands, très peu de dommages furent infligs aux bâtiments où travaillaient les dcodeurs : « Cela tient du miracle que seules deux bombes aient touch Bletchley Park […]. En outre, une autre est tombe près de l’endroit où Knox et Lever travaillaient, mais n’a pas explos ». Par ailleurs, deux autres bombes sont tombes sur la proprit, galement sans exploser.
Il y avait malgr tout des obstacles l’efficacit, dont l’existence de paliers inutiles qui nuisaient aux oprations. L’information primaire commence être transforme dès qu’elle est relaye un premier niveau pour interprtation. Plus il y a de paliers travers lesquels l’information doit circuler et plus celle-ci est transforme. Il y a des gens qui deviennent maîtres dans l’art de protger leur statut et leur emploi et constituent ventuellement un palier inutile. De par leur niveau hirarchique plus lev, ils sont difficiles dloger. Cette situation n’a pu être vite non plus Bletchley Park. Comme l’crivait Knox l’poque, « […] Nous sommes actuellement encombrs d’officiers du renseignement qui malmènent nos rsultats et ne font aucun effort pour vrifier leurs corrections arbitraires ».
Un passage du livre m’ayant particulièrement touch est l’histoire de ces trois marins britanniques qui nagèrent jusqu’ un U-Boat, le U-559, alors qu’il avait commenc couler, et rcuprèrent une machine Enigma quatre rotors (la nouvelle version complexifie) de même que les cls Stark utilises. Les deux marins qui pntrèrent dans le U-Boat prirent, car ils n’eurent pas le temps d’en sortir temps. Le troisième, demeur l’extrieur, put ramener le matriel (plac judicieusement dans un sac tanche) vers son bateau. Mettre ainsi la main sur une machine Enigma et ses cls devait s’avrer capital pour neutraliser les forces allemandes sur les ocans.
Je termine avec une citation de Mavis Batey, qui rsume bien l’tat d’esprit des gens œuvrant Bletchley Park : « Vous faites ou non des choses, mais si vous n’agissez pas, personne ne le fera votre place ».