La maison d’édition Dargaud a eu l’excellente idée de reprendre quelques-uns des romans « durs » de Georges Simenon (par opposition à ceux où le commissaire Maigret tient toute la place), et de les convertir en bandes dessinées. Ils entendent utiliser deux scénaristes à tour de rôle de même que des dessinateurs différents pour chacune des huit publications prévues dans les prochaines années.
La première de ces publications s’intitule « Le passager du Polarlys ». J’étais incertain lorsque j’ai vu ce nouveau titre en librairie, mais le nom de Georges Simenon sur l’album m’a convaincu de tenter ma chance. Et quelle belle expérience de lecture ce fut. Tout y est : une intrigue intéressante, des dessins très bien exécutés, des personnages attachants et, surtout, la mer avec ce qu’elle représente de défis, spécialement à l’époque où fût écrit le roman.
On longe la Norvège avec ses petits villages aux accès périlleux par gros temps pour un navire sommairement équipé. Les couleurs choisies se prêtent également bien au drame qui se déroule sur le bateau. Bref, on termine la lecture et on a aussitôt le goût de reprendre le récit. Vous ne serez pas déçus.
Le canadien Craig Dobbin a su bâtir la plus grande compagnie d’hélicoptères au monde.
(Le texte original étant en anglais, je me suis chargé de la traduction…)
Son point de vue sur la gestion
« Je ne suis expert en rien » explique-t-il. « Peu importe le travail, peu importe le défi, quelqu’un peut le faire mieux que moi. Les vrais entrepreneurs s’entourent de gestionnaires professionnels qui partagent la même vision qu’eux et les aident à la réaliser. Non seulement vous ne pouvez pas tout faire vous-même mais ce n’est pas nécessaire non plus, cela ne fait pas de sens. Je crois être capable de sélectionner les bonnes personnes qui sauront travailler et partager ensemble. »
Composer avec une pression continuelle
« Ça a été une bonne semaine » pouvait-on entendre dire Craig Dobbin à sa secrétaire personnelle en cette fin de vendredi. Ensuite, son visage s’assombrait et il ajoutait du même coup, « Appelez Keith Stanford au téléphone et demandez-lui de me transmettre les états financiers. Ça va finir de gâcher mon week-end. »
Une capacité à prendre des risques financiers énormes
« « Au diable le contrat » grimace-t-il. « Achetons ces malcommodes et nous obtiendrons le contrat de toute façon! Commençons avec Toronto [Helicopters]. »
« Un bon matin, peu après que l’accord pour acquérir Toronto Helicopters ait été conclu, Craig Dobbin se présente dans le bureau de Toronto de Robert Foster. « Robert » dit-il « Je veux que tu prennes l’avion, vole vers Calgary et achète Okanagan Helicopters pour moi. » « Mais Craig » réplique Foster, « tu n’as pas d’argent. » Dobbin hausse les épaules et ajoute « C’est ton problème. » »
Savoir comment relaxer et avoir du plaisir
« Avec le temps, Dobbin introduisit des rites d’initiation pour les nouveaux visiteurs [à son camp de pêche]. La première visite de Steve Hudson [un de ses pilotes] à Adlatuk impliqua un vol d’hélicoptère au-dessus de l’océan à la recherche d’un iceberg dérivant directement de l’Arctique. Quand un iceberg acceptable fut trouvé, l’initié se fit donner ses instructions. « Ils me donnèrent un marteau et un seau à glace, » explique Hudson. « Ma tâche était de sauter hors de l’hélicoptère sur l’iceberg et de remplir le seau avec de la glace concassée pour nos breuvages une fois de retour au camp de pêche. »
Hudson découvrit que les icebergs étaient particulièrement instables et que de tenter d’en chevaucher un dans l’Atlantique Nord avec un Super Puma en vol stationnaire au-dessus de sa tête était comme de tenter de conserver son équilibre en marchant sur une trampoline. « C’était très amusant pour les gars dans l’hélicoptère, » dit-il, « mais pas aussi amusant pour moi, essayant de casser assez de cet iceberg d’un million d’années pour remplir le seau à glace. » De retour au camp, la glace refroidit plusieurs verres remplis de Jameson et un toast fut porté au nouveau membre d’équipage. »
Un intérêt véritable envers les gens
« Quand il conversait avec vous lors de situations sociales, » relate une connaissance en affaires, « il était totalement centré sur vous. Il ne regardait pas au-dessus de votre épaule ou ailleurs dans la pièce, tentant de trouver quelqu’un de plus important. Il était vraiment intéressé à ce que vous disiez. Tous percevaient cela en cet homme et étaient attirés vers lui. »
L’humanité de Dobbin
« Le sens des affaires de Dobbin eut rarement le dessus sur son humanité. Lors d’un vol vers son camp de pêche de Long Harbour avec un groupe d’amis, Dobbin demanda au pilote d’hélicoptère de poser l’appareil, le temps d’aller à la salle de bain. Le pilote choisit un endroit découvert près d’un cabane et d’une tour où un agent provincial de protection de la faune devait passer l’été, chargé de surveiller les feux de forêts. L’homme, un vétéran grisonnant rompu au travail dans la nature, fit rire le groupe par ses histoires et anecdotes et le court arrêt prévu se transforma en une séance de divertissement improvisé.
« Depuis combien de temps êtes-vous ici? » demanda Dobbin au vieil homme au moment où le groupe de préparait à monter à bord de l’hélicoptère et poursuivre son voyage. « Dix semaines, » répondit l’officier, « et il me reste environ dix autres semaines avant de retourner à la maison. » « Vous avez besoin de quelque chose? » s’enquérit Dobbin, et l’homme dit qu’il était à court de sucre; il serait agréable de pouvoir mettre un peu de sucre dans son thé, mais il devrait s’en passer.
Une heure plus tard, au moment où tous eurent quitté l’hélicoptère à Long Harbour, Dobbin dit au pilote d’hélicoptère de ne pas éteindre immédiatement le moteur de l’appareil. Il entra dans le réfectoire et en ressortir rapidement avec un sac de deux kilos de sucre, ordonnant au pilote de retourner vers l’agent de conservation de la nature qu’ils avaient rencontré.
« Vous plaisantez? » répliqua le jeune pilote. « Je vais dépenser deux milles dollars juste en essence pour apporter ce sac là-bas. »
Dobbin pris le bras du pilote. « Mon gars, » dit-il, « ce sucre va signifier plus pour ce vieil homme que deux milles dollars ne pourront jamais signifier pour moi. Maintenant, vas-y! » »
L’année 1989 avait été problématique pour les spécialistes en information de vol (FSS) de Transports Canada à Iqaluit tentant de communiquer au moyen de fréquences HF avec les aéronefs traversant l’Atlantique Nord.
Nous tentions comme d’habitude d’obtenir les rapports de position à 60, 70 et 80 degrés Ouest, de façon à nous assurer que les différents centres de contrôle assurant les services de la circulation aérienne (Montréal, Gander, Winnipeg et Edmonton) puissent maintenir un temps de dix minutes ou un espacement de 80 miles nautiques entre chaque aéronef. Il fallait noter les routes, la position actuelle et prévue, les temps, la vitesse et l’altitude, tout en relayant les autorisations ATC.
Mais durant plusieurs semaines en février et mars, la qualité des échanges radio avait été grandement diminuée par une tempête solaire suffisamment puissante qu’elle avait perturbé le réseau hydro-électrique du Québec et plongé la province dans la noirceur pendant neuf heures le 13 mars.
Lors d’une tempête solaire majeure, le spectre complet des fréquences HF peut devenir inutilisable durant de fréquentes périodes variant de dix minutes à une heure.
Je me souviens de plusieurs cas problématiques, dont un épisode où un contrôleur d’un centre de contrôle régional nous demanda de contacter un avion pour savoir si le pilote était capable de monter à 37,000 pieds une fois rendu à 70 degrés ouest. La question fut transmise au pilote et il répondit immédiatement : « Roger, we are climbing 370 ». Il n’avait reçu aucune autorisation de changer son altitude, mais il était maintenant en train de commencer l’ascension à une altitude où il n’y avait pas de séparation suffisante entre lui et les autres aéronefs.
Nous lui avions alors répété à maintes reprises : « Negative, this is a question, this is not a clearance, do not climb to flight level 370 », mais le pilote ne répondit jamais à cause de la pauvre qualité des communications HF. Le centre de contrôle fût rappelé en vitesse et avisé de la situation.
Pour le reste de la durée de la tempête solaire, les spécialistes en information de vol furent interrogés quant à la qualité actuelle des communications HF avant que des demandes ponctuelles soient transmises par radio, de façon à éviter de mauvaises surprises.
(Histoire précédente : le transport d’un .357 Magnum vers Iqaluit)
Avant de raconter quelques-uns des événements s’étant produits lorsque je travaillais à la station d’information de vol de Transports Canada à Iqaluit (Iqaluit FSS) entre 1989 et 1991, il est nécessaire de présenter quelques dates importantes qui permettront au lecteur de comprendre pourquoi l’aéroport était initialement un aéroport militaire.
1938. Les ambitions d’Hitler sont suffisamment claires pour que Roosevelt juge nécessaire de mentionner ce qui suit : « I give you assurance that the people of the United States will not stand idly by if domination of Canadian soil is threatened by any other empire ».
1939. Les discussions débutent entre le Canada et les États-Unis concernant la défense conjointe du continent nord-américain.
1940. La Grande-Bretagne risque la défaite contre une Allemagne qui progresse à grands pas dans sa conquête du territoire européen. Lorsque le Danemark est vaincu à l’automne 1940, la crainte s’accroit que les Allemands progressent vers l’ouest en établissant des bases militaires opérationnelles sur le territoire des pays récemment vaincus.
Le Groenland appartenant à un Danemark vaincu, les Allemands vont désormais se l’approprier et ainsi se rapprocher du Canada. À l’époque, le Groenland était la seule source d’approvisionnement commercial de cryolite, un composant essentiel de l’aluminium utilisé dans la fabrication des avions.
Il y a également une province qui ne fait pas partie du Canada en 1940 et qui constitue un endroit stratégique à partir duquel l’ennemi peut mener sa guerre contre le Canada et les États-Unis : Terre-Neuve et Labrador.
De façon à ce que le conflit ne se transporte pas directement sur le territoire nord-américain, il faut tenir les Allemands occupés en Europe : il faudra donc les empêcher de vaincre la Grande-Bretagne.
1941. Les navires transportant des avions de combat à court rayon d’action de l’Amérique vers l’Europe sont régulièrement attaqués et coulés par les U-boats. Il est devenu impératif de modifier la route. Les Canadiens et Américains recherchent les meilleurs emplacements pour la création de pistes d’atterrissage permettant aux aéronefs militaires à court rayon d’action de voyager par les airs jusqu’à Prestwick en Écosse.
Cette nouvelle route aura pour nom « Crimson Route » et les étapes choisies seront : Goose Bay, au Labrador, Fort Chimo (Kuujjuaq) au Québec, Frobisher Bay (Iqaluit) dans le Nunavut, de même que trois sites au Groenland (Narsarsuaq, Angmagssalik et Sondre Stromfjord (Kangerlussuaq). Le nom de code d’Iqaluit devient la base « Crystal Two ».
1941-42. Les Allemands établissent les premières bases météo habitées sur la côte est du Groenland, de façon à faciliter les opérations de leur flotte de U-boats opérant dans l’Atlantique Nord. Lorsqu’elles sont découvertes, ces bases sont détruites par des commandos américains.
1942. Les U-boats empruntent le fleuve St-Laurent et coulent des bateaux canadiens.
1942. L’endroit initialement choisi pour établir l’aéroport de Frobisher Bay [la base Crystal Two] était Cromwell Island, située environ à 20 miles au sud-ouest de l’emplacement actuel d’Iqaluit, jusqu’à ce que l’on découvre le site actuel d’Iqaluit, qui permettait la construction de pistes plus longues de même que l’arrivée de bateaux à fond plat chargées de matériaux durant la période estivale.
Un convoi de navires transportant des milliers de tonnes de matériel servant à la construction de la base à Frobisher Bay arrive à destination. Ce convoi est cependant attaqué par le U-boat U517 et le navire-cargo Chatham, transportant 6000 tonnes de matériel destiné aux bases Crystal One et Crystal Two est coulé.
1943. Une station météo allemande inhabitée est construite à Martin Bay au Labrador pour faciliter les opérations des U-boats. Cette station météo est maintenant exposée au musée de la guerre à Ottawa. Des photos ont été retrouvées où l’on peut voir un équipage allemand souriant mais armé, posant fièrement près de la station météo automatique. Le Canada n’a eu connaissance de l’existence de cette station qu’en 1980.
Plusieurs officiers et soldats capturés en Europe ont été envoyés outremer en attendant la fin de la guerre. Mes grands-parents, qui étaient propriétaires d’une ferme à St-Ignace au Québec, ont ainsi accueilli successivement un officier et deux soldats allemands. Mon grand-père n’a eu que de bons commentaires sur leur comportement et leur désire d’aider sur la ferme.
1943. Les deux pistes de Frobisher Bay sont maintenant opérationnelles, sans toutefois être tout à fait terminées. Cependant, les ingénieurs ne possèdent pas les connaissances des Russes quant au maintien de pistes d’atterrissage dans l’Arctique. Les dommages causés par le pergélisol sont importants et les pistes exigent beaucoup d’entretien. De l’eau s’écoulant sous la surface de la piste et faisant soudainement surface cause parfois des trous pouvant aller jusqu’à cinq mètres de profond. Ces pistes nécessitent un effort constant pour demeurer utilisables.
La première piste à être construite sera éventuellement abandonnée dû à une mauvaise évaluation des vents dominants et des dangers associés au relief environnant. Il ne reste que la piste que l’on connaît aujourd’hui, mais qui a tout de même été rallongée à 9000 pieds. L’année 1943 enregistre 323 arrivées d’aéronefs, mais un petit nombre seulement fait le trajet jusqu’en Europe.
1944. La guerre prend un nouveau tournant. L’avènement des radars longue portée et d’une technologie avancée visant la détection et l’attaque des sous-marins font en sorte que la menace posée par les U-boats dans l’Atlantique Nord diminue radicalement. Le but visé par la création des aéroports de la « Crimson Route » n’a plus sa raison d’être. Le gouvernement canadien, inquiet de la présence importante des Américains dans l’arctique Canadien, achète les aéroports de cette route au gouvernement américain.
1950. Les Canadiens prennent officiellement le contrôle de l’aéroport de Frobisher Bay, mais autorisent cependant une présence américaine, cet aéroport ayant maintenant une valeur stratégique dans la guerre froide qui a succédé à la fin de la Deuxième Guerre mondiale. La station météo et l’entretien de la piste sont assurés par les forces américaines.
1951-53. Construction d’une station radar sur une colline au nord-est de la piste 17-35. Cette station complète ce qu’il est convenu de nommer la ligne Pinetree. La ligne Pinetree est formée de nombreuses stations radars de surveillance à longue portée; elle couvre tout le sud du Canada et bifurque graduellement vers le nord pour se terminer à Frobisher Bay. Toutes ces stations sont habitées et peuvent ordonner des interceptions à tout moment contre les forces ennemies potentielles, au moyen d’avions à réaction.
1955. Les Américains construisent une station de communication juste à côté de la station radar. Son nom de code est « Polevault » et elle est chargée d’être le lien de communication entre le sud et les opérations visant à la construction de la nouvelle ligne Dew à travers le nord du Canada.
Un militaire canadien-français du Québec à l’oeuvre à Frobisher Bay
Mon oncle Gaston Gagnon, décédé en 2016, faisait partie des militaires canadiens francophones qui ont été en poste à Frobisher Bay.Il s’était engagé en tant que volontaire au moment de la Seconde Guerre Mondiale.
Il oeuvrait dans le domaine des communications durant la guerre froide et, en 2016, j’ai reçu quelques photos prises en 1955 à Frobisher Bay. Elles témoignent également de la présence américaine durant cette période.
1956. Les Américains obtiennent la permission du Canada de construire une base SAC [Strategic Air Command] pour y baser des avions ravitailleurs KC -97 pouvant supporter l’utilisation de bombardiers B -47 utilisant l’arme atomique. La base est construite en 1958 et jusqu’à la cessation des opérations en 1963, au moins sept KC-97 y étaient stationnés en permanence. La création des bombardiers B-52 et des KC-135 rendirent inutiles les opérations de la base SAC.
1960. La piste passe de 6000 à 9000 pieds.
1961. La station radar de la ligne Pinetree est fermée, mais la station Polevault demeure en opération.
1963. Les Américains quittent Frobisher Bay et délèguent le contrôle de la station « Polevault » au DOT [Department of Transport] du Canada, l’ancienne appellation de Transports Canada.
1964. L’opérateur radio, et plus tard spécialiste en information de vol (FSS) pour Transports Canada, Georges McDougall, débarque à Frobisher Bay. Tous les habitants du village en viennent à connaître Georges car il y travaillera pendant au moins trente-sept années, et ce sept jours par semaine, sur une rotation de quarts de travail. Il deviendra progressivement le témoin privilégié de tous les événements d’importance s’étant déroulés autant dans la ville qu’à cet aéroport de la Terre de Baffin.
Ci-dessous, une photo des anciennes installations du DOT.
1987. Le nom de Frobisher Bay est changé pour Iqaluit.
1989. Stacey Campbell écrit un article dans le News North qu’elle intitule : « Military Jets Fill the Arctic Skies ». Elle explique que NORAD (North American Air Defence) doit régulièrement tenir des exercices visant à vérifier la capacité du nouveau système de défense radar du Canada à déceler des ennemis potentiels en provenance du Nord.
L’officier militaire interviewé par Stacey l’informe que l’exercice comprend, entre autres, des avions de combat CF-18, des avions ravitailleurs et des bombardiers B -52. Les CF-18 sont temporairement basés à Iqaluit, au Nunavut, et Inuvik, le temps de l’exercice. D’autres types d’appareils sont également impliqués dans cet exercice annuel, comme le F-15 Eagle, le bon vieux T-33 et possiblement l’AWAC, mais ce dernier n’est pas atterri à Iqaluit.
Les spécialistes en information de vol (FSS) de Transports Canada à Iqaluit doivent composer avec la cédule serrée fournie par l’officier militaire, tout en intégrant dans la planification les départs et arrivées des aéronefs privés et commerciaux.
À l’époque, la voie de circulation la plus utile, celle qui se situe près de la fin de la piste 35, ne peut être utilisée du fait que le terrain est trop mou. Tous les avions qui atterrissent sur la piste 35 doivent ensuite circuler à rebours sur cette piste avant que celle-ci ne soit complètement dégagée pour les prochains atterrissages et décollages. Les délais requis lors de cette procédure donnent parfois des maux de tête à l’officier militaire assis près de nous.
Je me souviens que l’officier militaire responsable de la mission nous avait dit : « Si les avions ne peuvent décoller d’ici une minute, la mission est annulée. » Le hasard avait fait que durant la fenêtre très réduite où les CF-18 devaient décoller cette journée-là, il y avait beaucoup d’autres aéronefs de type commercial ou exécutif en opération à Iqaluit. Nous devions composer avec les Avro 748, Twin Otter, Boeing 727 et 737, de même qu’avec des jets exécutifs en provenance de l’Atlantique. Il y avait toujours un moyen d’arriver à un résultat satisfaisant pour tous et les exercices se terminaient de la façon souhaitée.
Ce fut une période que tout le personnel appréciait, car pour une semaine durant l’année, les opérations changeaient radicalement : il fallait respecter les besoins impératifs reliés à l’exercice militaire tout en fournissant les services réguliers à la circulation aérienne.
Nous savons, pour avoir discuté avec des membres d’équipage ayant pris part à l’exercice, que les forces militaires ont été assez aimables pour remettre au personnel, via notre gestionnaire, des affiches couleur autographiées par les pilotes des différents escadrons impliqués dans « Amalgam Chief ». Même si le gestionnaire de Transports Canada n’a jamais cru bon de nous montrer ne serait-ce qu’une seule de ces affiches, j’ai apprécié cette attention de la part des pilotes.
1993. Dans le but de remplacer progressivement une ligne Dew devenue désuète, les Canadiens et Américains construisent conjointement à Iqaluit une base de support logistique pour le nouveau North Warning System.
2006. Les tests pour la résistance au froid extrême sont menés par Airbus pour le A -380, le plus gros avion commercial au monde servant au transport de passagers.
2014. Des tests de résistance au froid extrême sont menés par Airbus pour le A-350 XWB.
2015. Le Canada fût l’hôte de la rencontre ministérielle du Conseil de l’Arctique à Iqaluit, au Nunavut. Le Conseil est composé des pays suivants : Canada, Suède, Danemark, Finlande, Islande, Norvège, Russie et États-Unis. Se joignirent à la rencontre les hauts représentants d’organisations autochtones ayant le statut de participants permanents.
2021. La compagnie Dassault effectue les test d’endurance au froid à Iqaluit pour son Falcon 6X
En 1988, je quitte Rouyn-Noranda (CYUY) pour aller travailler à la station d’information de vol de Transports Canada à Iqaluit (CYFB), une station FSS située sur la Terre de Baffin. Iqaluit est la capitale du Nunavut et un port d’entrée au Canada autorisé pour le transport aérien ou maritime international. Situé à la jonction des routes polaires et de l’Atlantique Nord, Iqaluit peut recevoir tous les types d’aéronefs existants.
Il faudra donc y apprendre de nouvelles fonctions reliées aux responsabilités de l’OACI vis-à-vis du trafic aérien international traversant l’Atlantique, tout en occupant la tâche de spécialiste en information de vol (FSS) en ce qui a trait au service consultatif d’aéroport.
Le décollage se fera à partir de l’aéroport international Pierre-Elliott-Trudeau de Montréal (CYUL). Je décide d’emporter le révolver de type .357 Magnum avec lequel je m’entraîne depuis plusieurs années. Les papiers m’autorisent à le transporter de ma demeure vers l’aéroport de Montréal. Une fois à l’aéroport, je dois me diriger vers un comptoir où un agent me fournit un document qui me permet de transporter le révolver dans le Boeing B737 de Nordair en partance pour Iqaluit.
Il n’y a aucune mention qui fait en sorte que l’arme doive être entreposée dans la cabine de pilotage. Au passage dans la zone de sécurité, le .357 Magnum se trouve dans une mallette, dans mon sac Adidas. Je mets le sac sur une courroie mobile, comme pour n’importe quel bagage à main de passager, pour qu’il soit vérifié par les agents. Le sac n’est pas ouvert par l’agent de sécurité; il scrute l’écran et constate son contenu, sans plus. J’imagine qu’il a dû recevoir des instructions spéciales dont j’ignore tout.
Je suis un peu surpris de la facilité avec laquelle je peux transporter un révolver, mais n’ayant jamais tenté l’expérience auparavant, car je ne suis pas un policier, je me rassure en me disant que toutes les demandes ont été faites et que les papiers sont en règle. Je passe sans problème l’inspection et me retrouve dehors. Une petite marche est nécessaire pour rejoindre le Boeing B737.
Une agente de bord accueille tous les passagers. Au moment où je me prépare à entrer dans l’avion, elle me questionne à voix basse pour savoir si le révolver est dans le sac et s’il est chargé. Mes réponses étant satisfaisantes, elle m’invite à me diriger vers mon siège.
Une fois installé à ma place, je glisse le sac Adidas sous le siège de mon voisin d’en face, plutôt que dans les compartiments surélevés le long des allées, histoire de toujours avoir le sac en vue. L’avion décolle et le vol se fait en douceur vers Iqaluit.
Trois années passent et vient le temps du retour pour une mutation vers la station d’information de vol de l’aéroport de Québec (CYQB). Dans l’intervalle, le monde a changé, et au Québec, Marc Lépine a fait des siennes en 1989, avec le massacre, au moyen d’une arme à feu, de quatorze étudiantes de l’École Polytechnique de Montréal.
Je me dirige vers le bureau de la Gendarmerie Royale du Canada (GRC) d’Iqaluit pour remplir les papiers dans le but de rapporter le révolver vers mon nouveau lieu de mutation, révolver qui sera finalement vendu dans les premiers mois de mon arrivée. Le policier signe les papiers et m’annonce tout de suite que l’arme sera conservée dans la cabine de pilotage.
Je lui demande, au cas où cela serait encore permis, si j’ai toujours la liberté de l’installer sous le siège du passager avant, comme cela avait été fait lors de mon arrivée. Il me regarde d’une façon qui signifie clairement qu’il ne croit pas un mot de ce que je viens de dire. Cela n’a pas d’importance. L’arme voyagera donc avec les pilotes et je la réclamerai après l’atterrissage.
Quand je repense à cette histoire presque trente ans plus tard, je réalise combien le monde a changé. Il y eut un temps où je pouvais aller à l’aéroport international de Montréal et m’installer sur une longue passerelle extérieure réservée au public pour assister aux mouvements des aéronefs et véhicules de toutes sortes.
Sur cette même passerelle, des citoyens en profitaient pour fumer un peu tout en laissant négligemment tomber leurs mégots de cigarettes ici et là, tout près des camions citernes en opération. La gestion de l’aéroport interdit éventuellement l’accès à cette passerelle après avoir reçu de multiples plaintes de passagers ayant trouvé des traces de brûlures sur leurs valises …
[Prochaine histoire : Iqaluit et l’ancienne base militaire américaine]