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Dans le ventre de Klara par Régis Jauffret.

Couverture du roman "Dans le ventre de Klara" par Rgis Jauffret
Couverture du roman « Dans le ventre de Klara » par Rgis Jauffret

« En juillet 1888, aux alentours de la Saint-Jacques, Oncle me fit grosse ». C’est ainsi que commence le roman « Dans le ventre de Klara » de Rgis Jauffret, ce maître des phrases chocs et de la synthèse. La Klara en question, c’est Klara Hitler, qui au moment du rcit porte en elle un Adolf Hitler dj capable de lui insuffler l’occasion des visions du dsastre qu’il orchestrera des annes plus tard.

L’auteur a trouv une façon unique de positionner dans le texte les prmonitions terribles de Klara. Ils les imposent soudainement au milieu des rêveries quotidiennes de la future mère, souvent au beau milieu d’un paragraphe ou d’une phrase.

Dans ce rcit naviguant entre les faits vcus et la fiction, l’pouse doit demeurer sa place et ne rien esprer. L’crivain fait dire  Klara : « Je suis afflige de la manie d’esprer autre chose que mon sort ». Le mari dcide de tout. Le confesseur de l’glise locale aimerait bien surpasser l’autorit de l’poux, mais cela s’avère plus difficile que prvu. Le mari et l’abb reprsentent bien les pouvoirs excessifs dont ils jouissent sur les femmes de cette poque. Un militaire grad sans grande exprience de combat qui dicte sa conduite sa conjointe comme un soldat, et un abb fanatique qui impose les règles arbitraires d’une religion qui rend malade, asservit la femme et impose ses dogmes distance aux couples.

Quatrième de couverture "Dans le ventre de Klara" par Rgis Jauffret
Quatrième de couverture « Dans le ventre de Klara » par Rgis Jauffret

L’auteur crit, en parlant de Dieu et de la femme : « Une chrtienne doit enfanter, contribuer peupler la Terre qu’Il nous a donne pour thâtre nos pchs ». Et lorsque Klara se trouve de nouveau au confessionnal et se fait tancer par l’abb : « Foin de la voix du Christ envole, c’tait maintenant l’abb Probst qui s’employait me faire passer par les verges du langage. Des phrases longues comme des lanières. Des mots lourds, contondants comme des matraques. Des mots subtils, acrs, par endroits hrisss de pointes rougies. Une ponctuation de verre bris […]. » Vous voyez le style…

J’apprcie particulièrement la plume de Rgis Jauffret pour avoir lu d’autres de ses œuvres dont « La ballade de Rikers Island », « Le dernier bain de Gustave Flaubert », « Papa  » et les trois volumes intituls Microfictions, parus respectivement en 2007, 2018 et 2022. Il a d’ailleurs remport le Goncourt de la Nouvelle pour l’dition de 2018.

Rgis Jauffret explique en quelques minutes l’intention derrière son dernier roman dans une vido sur Youtube, si cela vous intresse de creuser davantage le sujet.

Bonne lecture !

Cliquez sur le lien pour d’autres romans sur mon blogue.

Titre : Dans le ventre de Klara

Auteur : Rgis Jauffret

Editions : Rcamier

© Rgis Jauffret et les ditions Rcamier, 2024

ISBN : 978-2-38577-057-0

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Histoire des villes

Le livre « Black Detroit »

Page couverture du livre Black Detroit de Herb Boyd.
Page couverture du livre Black Detroit de Herb Boyd.

Je traduis les propos de l’auteur au meilleur de ma connaissance, pour ceux qui ont de la difficult avec la langue anglaise.

Comme l’auteur Herb Boyd l’crit, « c’est le premier livre considrer le Dtroit noir partir d’une perspective historique » (p.14). Si vous recherchez une personne de race noire qui a influenc l’histoire de Dtroit, elle se trouve dans le livre.

L’auteur couvre l’arrive des Noirs Dtroit via le « Chemin de fer clandestin», le type de travail qu’ils pouvaient trouver, la musique qu’ils ont cre, le besoin d’avoir leur propre glise pour viter le racisme, le travail chez Ford, l’influence des unions, les conditions pitoyables d’habitation, etc.

Evidemment, il y a plusieurs paragraphes sur le racisme, la rpression policière et la violence inutile, les problèmes causs par le KKK et comment plusieurs Noirs ont ragi face la menace, le Smith Act, la Guerre Civile Amricaine et le dsir d’en finir avec l’esclavage, la prsence de Rosa Parks dans la ville et la visite de Dtroit par Nelson Mandela en 1990.

Il n’y a pas seulement des informations sur l’histoire et le dveloppement de Detroit, mais aussi des ides sur le futur de la ville et la façon dont elle devra grer le fait que tellement de gens choisissent de vivre dans les banlieues au lieu de Dtroit elle-même.

Etant donn que le combat pour l’galit des droits, le racisme, la rpression policière et les morts inutiles de tellement de Noirs ont continu d’être un problème aux Etats-Unis, j’ai choisi quelques citations du livre sur ces sujets.

J’ai choisi un paragraphe sur la visite de Nelson Mandela Dtroit. Quand Nelson Mandela a quitt les Etats-Unis pour retourner vers l’Afrique du Sud, son avion a dû faire un arrêt Iqaluit, dans l’Arctique canadien. Je travaillais comme spcialiste en information de vol (FSS) Iqaluit en 1990, j’ai donc pu les voir, lui et sa conjointe Winnie, en train d’assister une crmonie au milieu de la nuit dans dans le terminal de l’aroport. Vous pouvez lire les histoires vcues Iqaluit sur mon site web.

Dtroit et le Canada

« En 1795, Dtroit tait sous juridiction britannique et la ville tait de facto partie du Haut-Canada » (p.22)

 «  Le juge Woodward stipula plus tard dans un arrêt que si des noirs amricains pouvaient obtenir leur libert au Canada, ils ne pourraient être retourns en esclavage aux Etats-Unis. Deux des enfants de Denison […] profitèrent de cet arrêt en se sauvant vers le Canada pour quelques annes pour ensuite retourner Dtroit en tant que citoyens libres. Leur cas fît jurisprudence et fût cit dans de nombreux appels pour l’mancipation des esclaves Afro- Amricains. » (p.25)

Le Smith Act

« Le Smith Act  fût crit de telle façon que les organisations de travailleurs et l’agitation pour l’galit des droits soit compris comme sdition et trahison, la même chose que de se battre pour renverser le gouvernement par la force » (p.162)

La rpression policière et la brutalit

« […] Vingt-cinq noirs avaient t tus alors qu’ils taient en garde vue au poste de police en 1925, huit fois le nombre tu sous supervision policière cette anne-l New York, ville dont la population noire tait au moins deux fois plus importante. » (p.112) « Durant la première anne d’opration du STRESS (Stop the Robberies and Enjoy Safe Streets –  « Arrêtez les vols et profitez de rues scuritaires ») en tant qu’escadron de la mort / quipe SWAT [vers 1970], les forces policières de la ville avaient le plus haut nombre de civils tus par capita de tous les dpartements de police amricains. Durant ses trois ans et demi d’existence, les policiers du STRESS tirèrent et tuèrent 24 hommes, 22 d’entre eux tant des Afro-Amricains. […] Parmi les officiers du STRESS, aucun cas ne semblait autant problmatique que celui du chef d’quipe Raymond Peterson. Avant qu’il soit assign au STRESS, il avait accumul un nombre record de plaintes. Durant ses deux premières annes au sein de l’escouade, il prit part neuf meurtres et trois fusillades avec blessures par balle. Les balles provenant du rvolver de Peterson tuèrent cinq des victimes. Aucune accusation ne fût porte dans aucun chacun des cas. » (p.226-227)

Le policier Raymond Peterson condamn  Dtroit dans les annes '70.
Le policier Raymond Peterson condamn Dtroit dans les annes ’70.

© Detroit Free Press March 23rd 1973

« [Vers 1999] l’embourgeoisement tait une chose dont il fallait se soucier, mais la brutalit policière tait une menace beaucoup plus immdiate pour les jeunes noirs de Dtroit. Ils taient pleinement conscients qu’il y avait peu de piti attendre de la police, pas plus que des conseillers d’cole ou des agences de placement, et certainement pas des revendeurs de drogues ». (p.292)

« [Vers 2001] Dtroit, selon les reportages de plusieurs journaux locaux, avait le nombre le plus lev de tirs mortels parmi les grandes cits de la nation ». (p.300)

« À travers la nation durant les dcennies prcdentes, de 1999 2009, la violence par arme feu avait enlev la vie des milliers de jeunes femmes et hommes noirs, et des centaines d’entre eux taient des victimes non-armes d’une violence policière injustifie. Peu de ces terribles tragdies furent aussi bouleversantes que le meurtre de Aiyana Jones, une jeune fille de sept ans, par un policier en mai 2010. Il tait autour de minuit et Aiyana tait endormie sur le divan avec sa grand-mère qui regardait la tlvision. Aucune d’entre elles n’eût le temps de ragir au cognement la porte ni la grenade assourdissante lance dans le salon par la police au dbut du raid.

                L’officier Joseph Weekley commença immdiatement tirer l’aveugle avec sa mitraillette MP5 travers la fenêtre dans la fume et le chaos. Une des balles entra dans la tête de Aiyana et ressorti par le cou. Elle fût tue instantanment. L’quipe SWAT tait venue pour chercher un suspect de meurtre qui vivait au deuxième tage, mais quitta avec seulement un enfant mort. […] » (p.327-328)

Education

« Ethelene Crockett , après avoir lv trois enfants, obtint un diplôme de mdecine de l’universit Howard en 1942. Elle complta son internat l’hôpital Detroit Receiving, et parce que l’hôpital de Dtroit n’acceptait pas de femme mdecin Afro-Amricaine, elle fit sa rsidence New-York. Finalement en 1952, elle fût accepte l’hôpital de Dtroit, devenant la première femme dans son domaine de obsttrique et gyncologie pratiquer dans l’tat. » (p.163)

Pas de classe moyenne pour les jeunes noirs.

« Avec la route traditionnelle vers le succès dans la classe moyenne bloque, les jeunes noirs de Dtroit recherchèrent d’autres moyens de survie, spcialement travers l’conomie souterraine ». (p.254)

Nelson Mandela Dtroit

« Durant l’t de 1990, Nelson Mandela visita plusieurs villes des Etats-Unis après avoir pass vingt-sept annes en prison. […] Quand Mandela et sa femme Winnie sortirent de l’avion [ Dtroit], une des premières personnes qu’ils reconnurent fût Rosa Parks. Nelson Mandela dit que Parks avait t son inspiration durant de longues annes alors qu’il tait incarcr Robben Island et que son histoire avait inspir les combattants pour la libert de l’Afrique du Sud. » (p.268)

Le futur de Dtroit

« La plupart des habitants de Dtroit vivent dans des quartiers où le dveloppement est ingal. Il y a des signes d’amlioration, mais dans l’ensemble les communauts sont aux prises avec le chômage, le crime et des coles peu performantes. Dtroit est une ville avec de grandes tendues de terres inhabites où l’on trouve 31,000 maisons vacantes et dilapides. Dans diverses localits de la ville, des organismes communautaires ont travaill sans relâche pour maintenir leurs rgions respectives contre une vague de ngligence et de dsinvestissement. L’administration municipale actuelle a essay d’utiliser un assortiment de mthodes pour arrêter le dclin des quartiers, avec un succès modr. Cette tâche gargantuesque a t aide par l’aide massive de l’administration Obama, mais la ville a encore des obstacles majeurs franchir avec une grande population pauvre, non qualifie et semi-alphabtise.

Cliquez sur le lien pour d’autres livres sur l’histoire des villes sur mon blogue.

Titre : Black Detroit : A people’s history of self-determination.

Auteur : Herb Boyd

Edition : Amistad

© 2017

ISBN : 978-0-06-234662-9

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Romans

Le Livre Microfictions 2018 de Régis Jauffret.

Microfictions 2018 par Rgis Jauffret.
Microfictions 2018 par Rgis Jauffret.

Ce roman Microfictions 2018 de Rgis Jauffret rassemble des centaines de nouvelles faisant toutes environ une page et demie, pour un total de 1024 pages.

Microfictions 2018 a gagn le Goncourt 2018 de la nouvelle.

J’ai achet le livre sur recommandation de la revue « Le Libraire ». Je ne m’attendais cependant pas trouver des nouvelles de ce genre. J’ai persist dans la lecture pour dcouvrir progressivement un auteur hors-normes. Les tournures de phrases, la capacit de synthèse et le vocabulaire mritent vraiment une lecture attentive. Les propos peuvent cependant être drangeants pour certaines personnes.

Les nouvelles sont souvent percutantes et portent entre autres sur : la dtresse, le suicide, la violence conjugale, la maltraitance, les problèmes sexuels, le harcèlement, le vieillissement, la maladie mentale, les carts de richesse, la folie, l’exclusion sociale, etc.

Rgis Jauffret a choisi d’y inclure une bonne dose d’humour noir, et même très noir parfois, pour quilibrer le propos et parfois passer un message.

J’ai choisi quelques citations, travers les 1000 pages de texte, pour donner une ide du style de l’auteur :

 « La rceptionniste m’a tendu la cl avec tellement de haine dans le regard qu’il me semblait la voir suinter au coin des yeux ». P.53

« Je n’en pouvais dj plus de cette soire dont nous tions en train de grimper les premiers kilomètres ». p.58

« À notre poque flaccide, un cadeau doit rveiller son bnficiaire comme une racle ». P.75

« Je n’aimais pas assez les enfants pour rater mon existence cause d’eux ». P.101

« Ma mère n’est pas morte, mais elle a le regard vague depuis son attaque et chaque fois que je la vois je ne peux m’empêcher de fixer longuement ses mollets en me demandant lequel de ses pieds a dj disparu dans la tombe ». P.133

« Il m’est arriv de me demander si je me jetterais un jour corps perdu dans l’existence ». P.180

« Fonder une famille reviendrait jeter mes gamètes dans un utrus comme une paire de ds dans un cornet. Je prfère thsauriser plutôt que de risquer un mauvais placement ». P.180

« […] des militaires traînant des pieds pour mener une guerre mtaphysique contre l’arme d’anges dchus que Lucifer jette sur les vierges afin de capturer leurs hymens dont il nourrit ses enfants qui rissolent de jour comme de nuit sur leur lit chauff blanc dans la maison flambante où il vit en bourgeois dans la haine du Christ ». P.185

« Nous l’avions envoy en colonie de vacances. Par prudence nous avions choisi un organisme laïc. Il n’en avait pas moins t abus par un moniteur et il nous tait revenu libidineux comme une chatte en chaleur, se dandinant, se frottant aux meubles, s’enroulant autour des jambes des invits en minaudant ». P.197

« Les filles ont accept d’appeler maman la mère de substitution dont je me suis amourach pour tirer avec moi la charrette du quotidien ». P.208

« À huit ans il sait dj compter jusqu’ l’infini. Je dois l’obliger reprendre son souffle sinon il s’touffera en essayant d’atteindre en apne le dernier des nombres ». P.213

« Non, je ne critique pas nos enfants. Ils sont polis, polyglottes, ouverts aux nouvelles technologies. Nous les avons si bien levs qu’ils sont ennuyeux comme des caniches de concours ». P.238

« Il ne me pardonnera jamais de l’avoir surpris emboît dans un jeune homme ». P.253

« La transplantation sera ralise par un robot assez intelligent pour se contenter d’un dficient mental en fait de chef de service ». P.283

« Il a su autrefois lire et crire son nom, mais par paresse il prfère prsent laisser son empreinte ADN en crachant sur les documents administratifs plutôt que de les signer ». P.345

« J’ai plus honte de toi encore que de mes hmorroïdes. Du reste avec ton mari et tes gosses vous leur ressemblez comme deux gouttes d’eau. La diffrence c’est que vous n’êtes pas oprables et qu’on ne peut pas davantage adopter un trou-du-cul que l’abandonner au bord d’une autoroute comme un chien dont on ne veut pas s’encombrer pendant les vacances. Je regretterai toujours de ne pas t’avoir porte dès ta naissance aux enfants trouvs. Tu aurais fait le malheur d’une autre pendant que j’aurais lev Laurent avec autant de fiert que Marie a torch Jsus. » p.364

« Elle est rapparue scintillante de haine » p.439

« Le ciel rose pommel de nuages ressemblait une photo de maladie de peau. » p.451

« Nos filles sont maintenant adultes, intelligentes, resplendissantes, exasprantes de perfection ». p. 453

« Elle avait des parents catholiques aux yeux noirs et durs comme les clous de la croix du Christ ». P.455

« Même si vous avez tous les deux plus de quatre-vingts ans, ce n’est pas une raison pour refuser d’voluer ». p.471

« Un garçon aussi terne que notre Carole avec son intelligence basique sans aucun accessoire ni enjoliveur ni option d’aucune sorte. Ils auraient form un couple insipide qui aurait mis au monde des êtres appartenant comme eux la grosse cavalerie de l’humanit. » P.482

« Celui qui survivra l’autre dcdera en essayant d’attraper la main tiède de l’infirmière affame qui se drobera pour aller terminer sa barquette de hachis Parmentier la cantine » p.487

« […] cet endroit où j’ai effectu mon enfance avec autant de joie qu’une peine de prison. » p.515

« Quand vous êtes n dans un sale tat, si vous voulez jouer les Romo vous avez intrêt être un gnie du piano ou un cerveau assez hypertrophi pour dcouvrir chaque matin un nouveau cousin au boson de Higgs ». P.524

« Son corps dcapit tait rest devant le comptoir des hors-d’œuvre ». p.560

« Elle se ressemblait, même si son visage froiss aurait mrit un coup de fer. » p.576

 « La terre est un lieu de passage, une rue, un boulevard, une place publique dont on a depuis longtemps arrach les bancs et lubrifi le bitume afin d’assurer aux humains une meilleure glisse vers le crmatorium ». P.591

« Je portais un appareil d’orthodontie pos l’œil par une organisation de dentistes chrtiens qui donnait mon sourire des airs de clôture lectrifie ». P.609

« La solitude fait un bruit de frigo qui se dclenche rgulièrement toutes les vingt minutes […] » P.655

 « N de parents communistes assez cruels pour aller chaque anne en pèlerinage sur les lieux des anciens goulags, assez cons pour se suicider en 2007 le jour anniversaire de la mort de Staline […] » P.671

« Je suis entre dans la police par goût de la rpression » P.683

« Ta voix tait indcrottable. Un larynx aussi encombr qu’un intestin grêle dont aucun phoniatre ne viendrait jamais bout. Nous qui esprions faire de toi un artiste lyrique pour dissimuler ta mdiocrit intellectuelle derrière les contre-ut et les trilles ». P.715

« À dix-sept ans notre aîn a rvolutionn le monde des mathmatiques en inventant un onzième chiffre […] » p.722

 « Je vais entamer bientôt des pourparlers avec mon dcès. Il a beau faire preuve de la plus grande discrtion, comme tout le monde il est avide d’exister. » P.832

« Encore sa manie vgtarienne de servir de la laitue fatigue mêle de tomates molles, d’œufs durs au goût de vomi avec une guirlande lumineuse qui clignote au fond du plat pour donner un air de fête ce fatras ». P.840

« J’ai suivi l’enterrement de mon père la fosse commune avec les gens du village sous l’objectif d’une chaîne de tlvision locale l’quipe nonchalante qui semblait accompagner le cortège par dsœuvrement. » P.850

« La gomtrie ne peut pas servir continuellement d’excuse un enseignant pour humilier un être humain ». p.893

« On peut avoir une opinion diffrente sans organiser une fatwa contre les lèves qui comme moi se rebellent contre sa conception fondamentaliste des maths ». P.893

« Elle a intgr dès la semaine suivante un pensionnat clos de murs dans le Vercors pour mditer sur les vertus de l’abngation dont ont fait preuve son arrière-grand-père et bien d’autres antismites chrtiens au nom de la haine du Boche en s’engageant dans la rsistance au mpris de leurs convictions raciales ». P. 901

« Les habitants d’un endroit pareil ne valent pas plus cher que son climat. Dans le coin aucune famille sans son meurtrier, son voleur, son auteur de crime sexuel dont chaque rveillon un pervers oncle saoul raconte avec envie la carrière » p.959

« Elle allait rater sa licence, un diplôme certes mdiocre, mais qui lui manquerait le jour où elle serait en panne de papier de toilette ». P.965

« Quand je suis enfin couch je me dis que j’aurais mieux fait de naître sous forme de foule pour n’être pas seul supporter ma vie navrante ». P976

Cliquez sur le lien pour d’autres romans sur mon blogue.

Voil! Bonne lecture!

https://www.lepoint.fr/livres/regis-jauffret-l-acte-sexuel-est-devenu-une-performance-14-01-2018-2186484_37.php

https://www.ledevoir.com/lire/522252/regis-jauffret-et-ses-500-fragments-de-vie-et-d-insanite

http://www.gallimard.fr/Media/Gallimard/Entretien-ecrit/Entretien.-Regis-Jauffret.-Microfictions-2018

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Commerce

Ninety percent of everything

Le livre "Ninety Percent of Everything" par Rose George
Le livre « Ninety Percent of Everything » par Rose George

S’il n’y avait qu’un livre lire pour en apprendre davantage sur les dessous du commerce maritime, ce serait « Ninety percent of everything », de Rose George. Le New York Times dit de ce livre qu’il garde continuellement l’intrêt du lecteur par son actualit et sa profondeur en pntrant un monde vaste, prilleux et largement inconnu.

Ce livre contient de vritables rvlations. L’auteure a t autorise monter bord du Maersk Kendal, un navire porte-conteneurs, pour effectuer le voyage de Rotterdam vers Singapour, en passant par le canal de Suez. Le lecteur apprend donc ce qui se passe lors des oprations quotidiennes sur ces immenses navires. Mais il y a plus : du fait que le livre est extrêmement bien document, des rapprochements sont tablis entre des faits marquants de l’histoire maritime et des vènements d’actualit.

Maersk est la plus grande compagnie du Danemark et ses ventes sont quivalentes 20% du produit national brut du pays. La flotte de Maersk compte plus de 600 navires. Ses revenus en 2011 s’tablissaient 60 milliards de dollars, ce qui la place juste sous Microsoft.

Le commerce maritime s’est accru de 400% depuis 1970. Une majorit de navires (68%) voguent sous des pavillons de complaisance, tels que ceux du Panama ou du Liberia. Cela permet des rductions de taxes et l’embauche de travailleurs trangers faiblement rmunrs. Les travailleurs sont galement moins protgs car les lois d’un pays spcifique diffèrent de celles qui s’appliquent une fois les navires rendus en eau internationale. Les statistiques montrent que 2000 marins prissent en mer annuellement. Sur la liste noire des pavillons de complaisance : Core du Nord, Lybie, Sierra Leone et Montenegro.

Selon l’International Transport Workers’Federation (ITF) [ma traduction] « l’industrie du commerce maritime et des pêches autorisent des abus incroyables contre les droits des marins et pêcheurs. Ces employs sont continuellement obligs de travailler dans des conditions qui ne seraient pas acceptes dans une socit civilise ». Un exemple frappant : une compagnie de Manille exige que des marins chercheurs d’emplois travaillent gratuitement pendant des mois avant de leur offrir un emploi. Il vaut la peine de lire ce livre, ne serait-ce que pour prendre connaissance de l’histoire que vcurent les marins du MV Philipp. Le propritaire de ce navire, Vega Reederei en Allemagne, ne payait ses marins philippins que le tiers du salaire entendu.

Etant donn qu’un navire porte-conteneurs peut dcharger et recharger des milliers de conteneurs en moins de 24 heures, l’quipage n’a plus le temps de quitter le bateau pour profiter des escales dans les diffrents pays comme cela se faisait autrefois. Un marin est confin au bateau pendant des mois.

Il n’y a pas moyen de savoir vritablement ce qui se trouve dans les conteneurs. Les Etats-Unis reçoivent annuellement 17 millions de conteneurs et ne peuvent en inspecter physiquement que 5%. En Europe, le pourcentage se situe entre 1 et 3%. Il est clair que ce moyen de transport est donc favoris pour le trafic d’armes, de drogues et d’humains. Des armes illgales sont rgulièrement envoyes en pièces dtaches, travers plusieurs conteneurs, et rassembles une fois destination.

Lorsqu’un navire porte-conteneurs passe par le canal de Suez ou de Panama, il n’y a plus de repos autoris pour le personnel. Le capitaine peut être en veil jusqu’ 36 heures d’affile. Le canal de Suez est surnomm Marlboro Canal cause des paquets de cigarettes remis aux douaniers, la police, aux gardes de scurit et divers autres reprsentants officiels pour viter que le bateau ne soit immobilis pour les raisons les plus invraisemblables. Les frais de transit, quant eux, avoisinent $300,000 pour un navire de la taille du Maersk Kendal.

Le Maersk Patras sur le St-Laurent,  la hauteur de La Malbaie en 2012
Le Maersk Patras sur le St-Laurent, la hauteur de La Malbaie en 2012

Le lecteur trouve galement dans le livre des dtails tonnants concernant le naufrage de plusieurs navires, dont le Danny FII et le Erika. Il prend connaissance des obligations devant être respectes par les compagnies lorsqu’un accident maritime survient. Les organismes et conventions dictant ces procdures sont UNCLOS, SOLAS et MARPOL.

L’Organisation Maritime Internationale (IMO) considère que le transport maritime contribue de façon relativement faible aux missions atmosphriques. Cependant, si on considère ce commerce l’chelle mondiale, il vient alors en tête des metteurs de gaz effet de serre. Les quinze plus gros navires ont t la cause, en 2009, d’une pollution gale 760 millions de voitures. Il est intressant de noter que 70% de la pollution se situe en-dedans de 250 miles des côtes où se trouvent les routes les plus frquentes par les bateaux. À Los Angeles, la moiti de tout le smog caus par le dioxyde de souffre provient des bateaux.

Une section du livre porte sur le piratage en mer. Encore ici, Rose George y va d’informations extrêmement pertinentes. Elle explique quelles sont les proies les plus faciles pour les pirates Somaliens et Ymnites et signale que la cargaison n’offre pas d’intrêt vritable pour les pirates. Ils ne dsirent que la rançon. Le chapitre traite de l’aventure du Maersk Alabama, du piratage rcent du MV Golden Blessing, du corridor international de transit recommand (IRTC) le long de la côte du Ymen, de la protection obtenue par le EU-NAVFOR, des comportements des pirates une fois bord des navires et des effets sur l’quipage, avant et pendant les longues ngociations.

Elle divulgue des dtails tonnants quant aux façons de procder pour les ngociations lors des situations de K&R (Kidnap and ransom). Les ngociateurs, travaillant souvent partir de Londres, connaissent les habitudes et exigences particulières des pirates ou ravisseurs de chaque rgion problmatique, que ce soit au niveau des montants demands ou du temps requis pour mettre fin une crise. Rsoudre une crise trop rapidement fait augmenter les enchères. Si un propritaire accepte de payer un fort montant dans un court dlai, l encore les sommes demandes vont augmenter. Les ngociateurs respectent donc les barèmes tablis.

Il y a tant de sujets intressants dans ce livre. Ainsi, le lecteur pourra galement en apprendre davantage sur l’aide offerte par de rares volontaires envers des marins dans le besoin, lors de certaines escales. Il est galement possible de s’informer sur la pollution par le bruit dans les ocans, une pollution en augmentation et qui affecte grandement les mammifères marins. De même, une section très intressante couvre les sauvetages en mer et les prouesses des marins de la marine marchande en priode de conflit.

Bref, un livre que je recommande vivement. Vous ne pourrez plus voir passer un navire porte-conteneurs sans penser «Ninety percent of everything».

Titre: Ninety percent of everything
Auteure: Rose George
©Picador Edition September 2014
ISBN: 978-1-250-05829-4