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Le Livre Microfictions 2018 de Régis Jauffret.

Microfictions 2018 par Rgis Jauffret.
Microfictions 2018 par Rgis Jauffret.

Ce roman Microfictions 2018 de Rgis Jauffret rassemble des centaines de nouvelles faisant toutes environ une page et demie, pour un total de 1024 pages.

Microfictions 2018 a gagn le Goncourt 2018 de la nouvelle.

J’ai achet le livre sur recommandation de la revue « Le Libraire ». Je ne m’attendais cependant pas trouver des nouvelles de ce genre. J’ai persist dans la lecture pour dcouvrir progressivement un auteur hors-normes. Les tournures de phrases, la capacit de synthèse et le vocabulaire mritent vraiment une lecture attentive. Les propos peuvent cependant être drangeants pour certaines personnes.

Les nouvelles sont souvent percutantes et portent entre autres sur : la dtresse, le suicide, la violence conjugale, la maltraitance, les problèmes sexuels, le harcèlement, le vieillissement, la maladie mentale, les carts de richesse, la folie, l’exclusion sociale, etc.

Rgis Jauffret a choisi d’y inclure une bonne dose d’humour noir, et même très noir parfois, pour quilibrer le propos et parfois passer un message.

J’ai choisi quelques citations, travers les 1000 pages de texte, pour donner une ide du style de l’auteur :

 « La rceptionniste m’a tendu la cl avec tellement de haine dans le regard qu’il me semblait la voir suinter au coin des yeux ». P.53

« Je n’en pouvais dj plus de cette soire dont nous tions en train de grimper les premiers kilomètres ». p.58

« À notre poque flaccide, un cadeau doit rveiller son bnficiaire comme une racle ». P.75

« Je n’aimais pas assez les enfants pour rater mon existence cause d’eux ». P.101

« Ma mère n’est pas morte, mais elle a le regard vague depuis son attaque et chaque fois que je la vois je ne peux m’empêcher de fixer longuement ses mollets en me demandant lequel de ses pieds a dj disparu dans la tombe ». P.133

« Il m’est arriv de me demander si je me jetterais un jour corps perdu dans l’existence ». P.180

« Fonder une famille reviendrait jeter mes gamètes dans un utrus comme une paire de ds dans un cornet. Je prfère thsauriser plutôt que de risquer un mauvais placement ». P.180

« […] des militaires traînant des pieds pour mener une guerre mtaphysique contre l’arme d’anges dchus que Lucifer jette sur les vierges afin de capturer leurs hymens dont il nourrit ses enfants qui rissolent de jour comme de nuit sur leur lit chauff blanc dans la maison flambante où il vit en bourgeois dans la haine du Christ ». P.185

« Nous l’avions envoy en colonie de vacances. Par prudence nous avions choisi un organisme laïc. Il n’en avait pas moins t abus par un moniteur et il nous tait revenu libidineux comme une chatte en chaleur, se dandinant, se frottant aux meubles, s’enroulant autour des jambes des invits en minaudant ». P.197

« Les filles ont accept d’appeler maman la mère de substitution dont je me suis amourach pour tirer avec moi la charrette du quotidien ». P.208

« À huit ans il sait dj compter jusqu’ l’infini. Je dois l’obliger reprendre son souffle sinon il s’touffera en essayant d’atteindre en apne le dernier des nombres ». P.213

« Non, je ne critique pas nos enfants. Ils sont polis, polyglottes, ouverts aux nouvelles technologies. Nous les avons si bien levs qu’ils sont ennuyeux comme des caniches de concours ». P.238

« Il ne me pardonnera jamais de l’avoir surpris emboît dans un jeune homme ». P.253

« La transplantation sera ralise par un robot assez intelligent pour se contenter d’un dficient mental en fait de chef de service ». P.283

« Il a su autrefois lire et crire son nom, mais par paresse il prfère prsent laisser son empreinte ADN en crachant sur les documents administratifs plutôt que de les signer ». P.345

« J’ai plus honte de toi encore que de mes hmorroïdes. Du reste avec ton mari et tes gosses vous leur ressemblez comme deux gouttes d’eau. La diffrence c’est que vous n’êtes pas oprables et qu’on ne peut pas davantage adopter un trou-du-cul que l’abandonner au bord d’une autoroute comme un chien dont on ne veut pas s’encombrer pendant les vacances. Je regretterai toujours de ne pas t’avoir porte dès ta naissance aux enfants trouvs. Tu aurais fait le malheur d’une autre pendant que j’aurais lev Laurent avec autant de fiert que Marie a torch Jsus. » p.364

« Elle est rapparue scintillante de haine » p.439

« Le ciel rose pommel de nuages ressemblait une photo de maladie de peau. » p.451

« Nos filles sont maintenant adultes, intelligentes, resplendissantes, exasprantes de perfection ». p. 453

« Elle avait des parents catholiques aux yeux noirs et durs comme les clous de la croix du Christ ». P.455

« Même si vous avez tous les deux plus de quatre-vingts ans, ce n’est pas une raison pour refuser d’voluer ». p.471

« Un garçon aussi terne que notre Carole avec son intelligence basique sans aucun accessoire ni enjoliveur ni option d’aucune sorte. Ils auraient form un couple insipide qui aurait mis au monde des êtres appartenant comme eux la grosse cavalerie de l’humanit. » P.482

« Celui qui survivra l’autre dcdera en essayant d’attraper la main tiède de l’infirmière affame qui se drobera pour aller terminer sa barquette de hachis Parmentier la cantine » p.487

« […] cet endroit où j’ai effectu mon enfance avec autant de joie qu’une peine de prison. » p.515

« Quand vous êtes n dans un sale tat, si vous voulez jouer les Romo vous avez intrêt être un gnie du piano ou un cerveau assez hypertrophi pour dcouvrir chaque matin un nouveau cousin au boson de Higgs ». P.524

« Son corps dcapit tait rest devant le comptoir des hors-d’œuvre ». p.560

« Elle se ressemblait, même si son visage froiss aurait mrit un coup de fer. » p.576

 « La terre est un lieu de passage, une rue, un boulevard, une place publique dont on a depuis longtemps arrach les bancs et lubrifi le bitume afin d’assurer aux humains une meilleure glisse vers le crmatorium ». P.591

« Je portais un appareil d’orthodontie pos l’œil par une organisation de dentistes chrtiens qui donnait mon sourire des airs de clôture lectrifie ». P.609

« La solitude fait un bruit de frigo qui se dclenche rgulièrement toutes les vingt minutes […] » P.655

 « N de parents communistes assez cruels pour aller chaque anne en pèlerinage sur les lieux des anciens goulags, assez cons pour se suicider en 2007 le jour anniversaire de la mort de Staline […] » P.671

« Je suis entre dans la police par goût de la rpression » P.683

« Ta voix tait indcrottable. Un larynx aussi encombr qu’un intestin grêle dont aucun phoniatre ne viendrait jamais bout. Nous qui esprions faire de toi un artiste lyrique pour dissimuler ta mdiocrit intellectuelle derrière les contre-ut et les trilles ». P.715

« À dix-sept ans notre aîn a rvolutionn le monde des mathmatiques en inventant un onzième chiffre […] » p.722

 « Je vais entamer bientôt des pourparlers avec mon dcès. Il a beau faire preuve de la plus grande discrtion, comme tout le monde il est avide d’exister. » P.832

« Encore sa manie vgtarienne de servir de la laitue fatigue mêle de tomates molles, d’œufs durs au goût de vomi avec une guirlande lumineuse qui clignote au fond du plat pour donner un air de fête ce fatras ». P.840

« J’ai suivi l’enterrement de mon père la fosse commune avec les gens du village sous l’objectif d’une chaîne de tlvision locale l’quipe nonchalante qui semblait accompagner le cortège par dsœuvrement. » P.850

« La gomtrie ne peut pas servir continuellement d’excuse un enseignant pour humilier un être humain ». p.893

« On peut avoir une opinion diffrente sans organiser une fatwa contre les lèves qui comme moi se rebellent contre sa conception fondamentaliste des maths ». P.893

« Elle a intgr dès la semaine suivante un pensionnat clos de murs dans le Vercors pour mditer sur les vertus de l’abngation dont ont fait preuve son arrière-grand-père et bien d’autres antismites chrtiens au nom de la haine du Boche en s’engageant dans la rsistance au mpris de leurs convictions raciales ». P. 901

« Les habitants d’un endroit pareil ne valent pas plus cher que son climat. Dans le coin aucune famille sans son meurtrier, son voleur, son auteur de crime sexuel dont chaque rveillon un pervers oncle saoul raconte avec envie la carrière » p.959

« Elle allait rater sa licence, un diplôme certes mdiocre, mais qui lui manquerait le jour où elle serait en panne de papier de toilette ». P.965

« Quand je suis enfin couch je me dis que j’aurais mieux fait de naître sous forme de foule pour n’être pas seul supporter ma vie navrante ». P976

Cliquez sur le lien pour d’autres romans sur mon blogue.

Voil! Bonne lecture!

https://www.lepoint.fr/livres/regis-jauffret-l-acte-sexuel-est-devenu-une-performance-14-01-2018-2186484_37.php

https://www.ledevoir.com/lire/522252/regis-jauffret-et-ses-500-fragments-de-vie-et-d-insanite

http://www.gallimard.fr/Media/Gallimard/Entretien-ecrit/Entretien.-Regis-Jauffret.-Microfictions-2018

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Environnement

Vert paradoxe

A book cover with an image of a light bulb and a snake.

Vert Paradoxe est certainement une belle surprise. L’auteur, David Owen, emprunte le chemin risqué de critiquer l’utilité réelle des produits éco-énergétiques pour l’environnement. Il développe son sujet de manière humoristique, en se citant lui-même à plusieurs reprises comme mauvais élève face à la consommation excessive des ressources planétaires. La preuve étant qu’il est plus facile de réfléchir à un problème que de passer véritablement à l’action.

M. Owen, démontre avec succès que la seule solution efficace pour ralentir le réchauffement planétaire et agir contre l’utilisation excessive des ressources planétaires est une baisse de la consommation générale. Plutôt que de supporter l’idée que les solutions éco-énergétiques sauveront l’environnement, il démontre qu’elles ont en fin de compte l’effet inverse.

La science permettant de créer des produits nouveaux et de moins en moins dispendieux, leur utilisation à outrance devient la norme. De même, par leur faible coût, les produits deviennent soudainement accessibles à un très grand nombre de nouveaux consommateurs, créant un effet-rebond et augmentant ainsi la consommation et l’impact sur l’environnement. Il ne s’agit pas ici d’empêcher les humains les plus démunis d’avoir accès à une meilleure qualité de vie mais plutôt de favoriser un partage plus équitable des ressources planétaires entre tous en demandant aux pays les plus riches de diminuer leur consommation globale.

Plusieurs moyens de transport sont analysés : l’usage de l’automobile électrique, le train léger, l’aviation moderne. Considérons le transport par avion : il y a des décennies, un avion effectuant un vol intercontinental polluait beaucoup plus qu’aujourd’hui. Les innovations technologiques ont fait en sorte que la pollution pour chaque vol diminue considérablement. Les moteurs brûlent moins de combustibles fossiles, les aéronefs sont équipés de pièces en alliage léger, etc. Bref un franc succès pourrait-on croire, si on regarde les résultats à micro-échelle. Mais en adoptant une vision planétaire, il est facile de réaliser que le nombre de vols s’est accru de façon extraordinaire. L’augmentation de la population mondiale, la baisse du coût des billets, une offre accessible à une nouvelle clientèle font en sorte que le bilan carbone s’alourdit.

En ce qui a trait aux résultats de la consommation sur l’environnement, la vision à micro-échelle prévaut. Le consommateur responsable se dit : « J’ai acheté mon véhicule électrique, ou mon véhicule hybride, et donc j’ai fait ma part pour l’environnement ». La solution véritable ne résiderait pourtant pas dans le fait de pouvoir effectuer plus de kilomètres pour un litre d’essence mais plutôt de limiter le nombre de kilomètres effectués dans une année, et à la limite réduire le nombre de conducteurs et de véhicules. Cela paraît énorme comme proposition. L’auteur démontre que l’usage d’un véhicule, quel qu’il soit, nécessite un réseau routier très bien développé et maintenu. Ce réseau routier en développement de même que la meilleure performance des véhicules réguliers ou électriques invitent les utilisateurs, de plus en plus nombreux, à toujours s’éloigner un peu davantage des zones hautement densifiées.

David Owen souligne ainsi l’importance de la densification. Mais une densification bien réfléchie, c’est-à-dire où le citoyen ne sent plus le besoin d’utiliser un véhicule automobile car il a tous les services à proximité. Le site www.walkscore.com contient des informations intéressantes à ce sujet. L’auteur cite en exemple certaines des villes les plus éco-énergétiques du monde : New-York, Hong-Kong. Facile à constater, mais moins évident à régler. Surtout quand on réalise que ces villes deviennent des exemples pour l’environnement parce qu’elles n’ont pas le choix, la limitation de leur territoire exigeant une densification massive. Cependant, quand le virage de la densification planifiée est pris, on ne peut nier que les services offerts à la population augmentent et se diversifient.

D’autre part, s’il y a densification des quartiers près du centre-ville mais que, du même coup, on élargit et rallonge des autoroutes permettant de circuler plus facilement vers la banlieue et les zones moins densément peuplées, on applique des politiques contradictoires, ralentissant grandement du même coup le processus de densification. Le juste équilibre est difficile à réaliser.

Pour régler des problèmes de circulation, plusieurs villes adoptent le train léger alors que la densité de la population et la grandeur du territoire couvert indiquent que les opérations seront d’avance vouées à l’échec. L’auteur cite Phoenix en exemple : cette ville a un train léger moderne desservant des habitants deux fois plus nombreux que ceux vivant à Manhattan mais sur un territoire deux cents fois plus vaste. Il y a donc un déficit récurrent et ce moyen de transport s’avère inefficace.

Le nÅ“ud du problème est finalement qu’il est plus facile d’acheter des produits éco-énergétiques et de continuer à conserver un train de vie que de diminuer le niveau de notre confort général en limitant la consommation des ressources planétaires. Mais il faut avouer que ce n’est pas une tâche facile pour le citoyen que de changer son mode de vie, surtout lorsqu’il est constamment sollicité par la publicité et la propagande pour consommer davantage.

En fin de livre, David Owen cite quelques mots de Daniel Nocera, détenteur de la chaire Henry Dreyfus en science de l’énergie au MIT : « […] La confusion se produit quand on croit qu’avec son cÅ“ur on peut résoudre les problèmes environnementaux, alors qu’on ne s’attaque qu’à ceux de la conscience ».

Vert Paradoxe a originalement été publié en 2011 par Riverhead Books sous le titre The Conumdrum : How Scientific Innovation, Increased Efficiency and Good Intentions can Make Our Energy and Climate Problems Worse.

Edition française par Écosociété, 2013. ISBN 978-2-89719-085-9

Note : David Owen est un collaborateur régulier du New Yorker. Il est l’auteur de nombreux livres, dont Green Metropolis (2009), à propos de la supériorité écologique des mégapoles comme New-York.