En procédant très progressivement, Donald Trump est en train de mettre la table pour un changement de système politique aux États-Unis.
Comme il dit souvent tout haut ce qu’il pense vraiment (ses nombreux tweets en sont une preuve), sa dernière visite en Chine l’a convaincu qu’il est possible de changer le système politique américain.
Il a dit tout haut que ce n’est pas une mauvaise idée que de réfléchir à la possibilité de faire plus de deux mandats consécutifs, ce qui est interdit par la Constitution aux États-Unis. Pour se faire, il procède un peu comme Mussolini et change les façons de faire morceau par morceau.
Non seulement il attaque les institutions représentant la justice, comme le FBI, mais il s’en prend également aux médias qui ne disent pas comme lui. Nous sommes à deux doigts de voir la création d’un organisme de presse financé par Trump et qui deviendra le porte-parole du Président américain.
Trump crée des ennemis fictifs, en l’occurrence tous les gens des pays qui sont désormais interdits d’entrée aux États-Unis, alors que toutes les statistiques indiquent que les crimes et attentats sont bien davantage commis par des désaxés à la gâchette facile vivant déjà dans le pays. Et ils sont Américains.
Donald Trump veut devenir, pour la base qui le supporte envers et contre tous, le seul objet de la confiance du peuple. Le seul rempart qui protège des ennemis imaginaires qu’il plante dans la tête des gens. Il invente même un mur qui serait supposément payé par le Mexique, une proposition ridicule qui aurait dû faire rigoler dès le début et qui a pourtant convaincu les électeurs américains. C’est tout dire!
À travers les phrases creuses et les mensonges, que beaucoup des gens qui l’appuient n’ont pas l’intérêt, sinon la capacité de vérifier, il déforme la réalité et installe la peur de l’autre. Il compte sur la lâcheté de plusieurs élus républicains qui ont cessé de s’interroger sur les faits et gestes du Président pour ne se tourner que vers une nécessaire réélection.
Ceux qui prennent Donald Trump à la légère risquent de le payer cher. Combien s’étaient même aperçus que pour préparer sa campagne politique, Cambridge Analytica était déjà au travail?
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Politique américaine: la construction d’un mur entre le Mexique et les États-Unis
L’importance de sauver la face en politique
La façon dont le nouveau gouvernement de Donald Trump traite le Mexique n’est pas politiquement habile. À cause d’une mésentente sur l’immigration illégale entre les deux pays, le Président américain estime nécessaire de régler le litige sur la place publique en utilisant des expressions qui font perdre la face aux Mexicains aux yeux de la planète. Quand le gouvernement d’un pays perd la face, c’est un blocage assuré et une escalade garantie des tensions. Dire aux Mexicains qu’ils vont payer pour un mur qui les empêchent d’entrer aux États-Unis est irresponsable.
L’apport économique des Mexicains aux États-Unis
La croissance économique américaine a toujours profité d’une bonne proportion de gens qui travaillent pour un faible salaire et dans des conditions discutables, spécialement lorsqu’ils sont considérés comme travailleurs illégaux et arrivent justement du Mexique et d’Amérique Centrale. Se priver de cette main-d’œuvre et forcer les employeurs à doubler sinon tripler les salaires ne pourra que faire augmenter les prix des produits américains en risquant de les rendre non compétitifs. Cela aura également pour effet d’appauvrir le Mexique et d’accroître les inégalités entre les deux pays, puisque beaucoup de travailleurs « illégaux » envoient une partie de leur salaire dans leur pays d’origine pour aider leur famille.
Un mur inefficace contre l’importation de la drogue
Le mur génèrera des divisions et des tensions entre les propriétaires terriens, les partis politiques et les pays et sa construction exigera de très fortes dépenses qui n’aideront pas réellement à ralentir l’entrée de la drogue aux États-Unis. Pourquoi? 95% des conteneurs arrivant de l’Europe et de l’Asie ne sont pas inspectés en profondeur, autant à cause de ressources humaines et matérielles insuffisantes que dans le but de ne pas retarder indûment les opérations commerciales. Le temps, c’est de l’argent. Il y aura toujours d’importantes lacunes dans le processus de vérification. Le livre « Ninety percent of everything » de Rose George traite du sujet:
Il n’y a pas de façon facile d’empêcher la drogue d’entrer en Amérique ou dans tout autre pays. L’importation continuera jusqu’à ce que les faiblesses dans le système soient corrigées. Cela signifie un contrôle beaucoup plus efficace de ce qui se trouve dans les conteneurs. Et c’est plutôt là qu’il faut investir les milliards, pas dans la construction d’un mur…
Le slogan politique de Donald Trump « Make America great again » (rendre à l’Amérique sa grandeur) ne fait aucun sens lorsqu’analysé en fonction de ses paroles et actions.
Vous ne pouvez pas rendre à l’Amérique sa grandeur si votre plateforme politique ne présente pas un plan d’action détaillé pour la population. Des formules faciles telles que « Regardez-moi cette foule! », « Nous allons construire un mur! » et « J’aurais bien aimé lui casser la gueule! » ne sont pas des promesses pour un futur glorieux.
Vous ne pouvez pas rendre à l’Amérique sa grandeur si vos idées économiques impliquent d’isoler les États-Unis de ses partenaires commerciaux de longue date. Les États-Unis ont créé 255,000 emplois dans le seul mois de juillet (2016). Pour un pays qui, selon Trump, cède tout à l’avantage de ses partenaires commerciaux, cela semble un peu contradictoire. Une plateforme populiste n’aidera pas les Américains à grandir et comprendre comment fonctionnent les affaires.
Vous ne pouvez pas rendre à l’Amérique sa grandeur en accroissant les tensions entre groupes ethniques à l’intérieur des États-Unis.
Vous ne pouvez pas rendre à l’Amérique sa grandeur en mentant constamment. Plusieurs déclarations de Trump se sont avérées mensongères.
Vous ne pouvez pas rendre à l’Amérique sa grandeur si les quelques propositions générales que vous mettez de l’avant se contredisent entre elles. Donald Trump promet d’abaisser le déficit américain (23 trillions de dollars) et, du même coup, répète qu’il dépensera des milliards et des milliards de dollars pour remettre à jour la capacité militaire du pays. Ceci est totalement contradictoire et implique que la population américaine devra payer pour les nouvelles dépenses en même temps qu’elle absorbe les fortes compressions budgétaires. Étant donné que les riches Américains ne veulent pas payer davantage, et que les Américains les plus pauvres sont à peine capables de survivre, cela implique qu’une classe moyenne en train de disparaître s’occupera de régler la note. Cela ne rendra pas à l’Amérique sa grandeur, mais créera plutôt la crise interne la plus grave qui ait jamais frappé les États-Unis.
Vous ne pouvez pas rendre à l’Amérique sa grandeur en étant impoli et brusque, en insultant et vous moquant de quiconque ne partage pas vos idées. Cette attitude n’aide pas à rendre à l’Amérique sa grandeur.
Vous ne pouvez pas rendre à l’Amérique sa grandeur en étant condescendant envers les prisonniers de guerre. Pendant que certains Américains étaient faits prisonniers de guerre, Donald Trump profitait d’une vie confortable dans la sécurité de sa demeure.
Vous ne pouvez pas rendre à l’Amérique sa grandeur en abaissant le débat politique à un niveau jamais atteint auparavant.
Vous ne pouvez pas rendre à l’Amérique sa grandeur en considérant que la dictature est synonyme de leadership. Vu sous cet angle, Hitler serait un grand leader et nous connaissons tous les conséquences de ses actions. Offrez la présidence à un égo gigantesque et hors de contrôle et les Américains, autant que le reste du monde, en paieront le prix.
Vous ne pouvez pas rendre à l’Amérique sa grandeur en ridiculisant le Mexique, un voisin extrêmement important. Ce pays est un partenaire commercial majeur des États-Unis et a également une culture fantastique, pour quiconque est suffisamment curieux pour ouvrir un bouquin et s’instruire sur le sujet. Mais cela prend de la curiosité et le sentiment qu’il y a d’autres personnes importantes sur cette planète autre que soi-même.
Vous ne pouvez pas rendre à l’Amérique sa grandeur si les candidats républicains à la vice-présidence et à la présidence se contredisent l’un et l’autre sur des sujets très importants à la télévision nationale, et si le candidat à la vice-présidence se retrouve incapable de défendre les positions du candidat à la présidence.
Vous ne pouvez pas rendre à l’Amérique sa grandeur si le candidat républicain à la présidence ne comprend pas les conséquences qui découlent d’une attitude nationaliste populiste. Les Allemands sont passés à travers cette expérience dans le passé. J’ai inclus un vidéo qu’il vaut vraiment la peine d’écouter jusqu’au bout :
Espérons que le ressentiment actuel exprimé envers l’afflux de plus d’un million de réfugiés acceptés récemment en Allemagne ne favorisera pas la montée de l’extrême droite et une répétition des erreurs du passé.
Vous ne pouvez pas rendre à l’Amérique sa grandeur en gouvernant par la peur. Cela n’offre pas un futur prometteur. Vous avez alors une population qui a besoin de plusieurs armes à feu par personne pour pouvoir se sentir en sécurité et bien dormir la nuit.
Vous ne pouvez pas rendre à l’Amérique sa grandeur si vous poussez la population à s’armer plus que tout autre pays dans le monde. Les tueries entre Américains placent le pays en première position pour la violence dans le monde. Vous pouvez redonner de la grandeur à l’Amérique en réduisant le nombre d’armes en circulation et en augmentant le contrôle quant à l’acquisition de ces armes.
Vous ne pouvez pas rendre à l’Amérique sa grandeur si vous ne comprenez pas bien, en tant que président, ce qui se passe réellement en Syrie en 2016. Résumer la situation de façon simpliste ne fait qu’augmenter la confusion. En Syrie, il y a des crimes de guerre qui sont perpétrés. La population civile et les hôpitaux sont délibérément bombardés pour protéger et améliorer les positions stratégiques militaires.
Vous ne pouvez pas rendre à l’Amérique sa grandeur en disant qu’Hillary Clinton sera envoyée en prison si vous devenez président des États-Unis. Ceci se fait sous les régimes autoritaires autour de la planète et ne constitue en rien une promesse qui aidera à améliorer la crédibilité des États-Unis dans le monde libre.
Vous ne pouvez pas rendre à l’Amérique sa grandeur en déstabilisant les alliés de l’OTAN ou en disant que vous utiliseriez la bombe nucléaire contre l’Europe si cela était nécessaire.
Vous ne pouvez pas rendre à l’Amérique sa grandeur en promettant que vous mettrez de l’avant des réformes sur les impôts des sociétés qui feront en sorte que cela nuise à vos propres entreprises. Quelqu’un qui s’est battu pour maintenir ses hôtels et casinos en vie ne changera pas soudainement d’idée une fois élu président des États-Unis. Il ne mettra pas en place des mesures qui mettront en danger ce qu’il a pris tant de temps à sauvegarder. Cela ne fait pas de sens. La personne qui est la mieux placée pour modifier une loi qui risque de nuire à des entreprises est celle qui ne possède pas elle-même ces entreprises.
Vous ne pouvez pas rendre à l’Amérique sa grandeur en élisant quelqu’un qui déteste les fréquents breffages. Être président des États-Unis requiert d’être disponible, intéressé et capable d’écouter les multiples breffages quotidiens. Vous devez avoir la personnalité pour accepter cela, même si vous voudriez plutôt être ailleurs.
Vous ne pouvez pas rendre à l’Amérique sa grandeur en demeurant silencieux sur la façon de diminuer de façon réaliste les différences de revenus entre Américains. Je ne parle pas d’égalité de revenus, mais d’une diminution des extrêmes entre riches et pauvres. Cela aiderait certainement à remettre de l’avant le « rêve américain », abaisserait les tensions sociales et le taux de criminalité et donnerait davantage de sens au slogan « Redonner à l’Amérique sa grandeur… ». Mais nous n’en sommes pas encore là…
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