Romans

Dans le ventre de Klara, par Rgis Jauffret

Couverture du roman "Dans le ventre de Klara" par Rgis Jauffret
Couverture du roman « Dans le ventre de Klara » par Rgis Jauffret

« En juillet 1888, aux alentours de la Saint-Jacques, Oncle me fit grosse ». C’est ainsi que commence le roman « Dans le ventre de Klara » de Rgis Jauffret, ce maître des phrases chocs et de la synthèse. La Klara en question, c’est Klara Hitler, qui au moment du rcit porte en elle un Adolf Hitler dj capable de lui insuffler l’occasion des visions du dsastre qu’il orchestrera des annes plus tard.

L’auteur a trouv une façon unique de positionner dans le texte les prmonitions terribles de Klara. Ils les imposent soudainement au milieu des rêveries quotidiennes de la future mère, souvent au beau milieu d’un paragraphe ou d’une phrase.

Dans ce rcit naviguant entre les faits vcus et la fiction, l’pouse doit demeurer sa place et ne rien esprer. L’crivain fait dire  Klara : « Je suis afflige de la manie d’esprer autre chose que mon sort ». Le mari dcide de tout. Le confesseur de l’glise locale aimerait bien surpasser l’autorit de l’poux, mais cela s’avère plus difficile que prvu. Le mari et l’abb reprsentent bien les pouvoirs excessifs dont ils jouissent sur les femmes de cette poque. Un militaire grad sans grande exprience de combat qui dicte sa conduite sa conjointe comme un soldat, et un abb fanatique qui impose les règles arbitraires d’une religion qui rend malade, asservit la femme et impose ses dogmes distance aux couples.

Quatrième de couverture "Dans le ventre de Klara" par Rgis Jauffret
Quatrième de couverture « Dans le ventre de Klara » par Rgis Jauffret

L’auteur crit, en parlant de Dieu et de la femme : « Une chrtienne doit enfanter, contribuer peupler la Terre qu’Il nous a donne pour thâtre nos pchs ». Et lorsque Klara se trouve de nouveau au confessionnal et se fait tancer par l’abb : « Foin de la voix du Christ envole, c’tait maintenant l’abb Probst qui s’employait me faire passer par les verges du langage. Des phrases longues comme des lanières. Des mots lourds, contondants comme des matraques. Des mots subtils, acrs, par endroits hrisss de pointes rougies. Une ponctuation de verre bris […]. » Vous voyez le style…

J’apprcie particulièrement la plume de Rgis Jauffret pour avoir lu d’autres de ses œuvres dont « La ballade de Rikers Island », « Le dernier bain de Gustave Flaubert », « Papa  » et les trois volumes intituls Microfictions, parus respectivement en 2007, 2018 et 2022. Il a d’ailleurs remport le Goncourt de la Nouvelle pour l’dition de 2018.

Rgis Jauffret explique en quelques minutes l’intention derrière son dernier roman dans une vido sur Youtube, si cela vous intresse de creuser davantage le sujet.

Bonne lecture !

Titre : Dans le ventre de Klara

Auteur : Rgis Jauffret

Editions : Rcamier

© Rgis Jauffret et les ditions Rcamier, 2024

ISBN : 978-2-38577-057-0

Von Westmount

Couverture du livre "Von Westmount" par Jules Clara
Couverture du livre « Von Westmount » par Jules Clara

Avec tout ce qui se publie aujourd’hui dans une anne, on doit forcment prendre des risques ici et l. Au Salon du livre de Qubec 2023, j’ai tent ma chance avec deux ou trois bouquins dont je n’avais pas entendu parler. Celui qui m’a surpris le plus tait un petit roman du nom de Von Westmount.

Le design de la couverture attirait l’attention. En voyant la maison cossue et le terme Westmount, je me doutais bien qu’un dtour dans l’ouest de Montral s’imposerait. Pour les personnes n’habitant pas le Qubec, on connaît Westmount en tant qu’un secteur plus ais financièrement et où la majorit des habitants utilisent la langue anglaise comme moyen de communication, dans un Qubec majoritairement francophone.

Pendant l’anne où l’on suit Aline, l’hroïne de Jules Clara, elle abat pniblement des petits boulots et mène sa vie tant bien que mal jusqu’ ce que le hasard lui permette de tenter sa chance avec un nouvel emploi.

Elle se retrouve ventuellement dans le milieu anglophone de l’ouest de Montral et, travers elle, nous tmoignons du mode de vie et des conversations se droulant dans une rsidence prive de la ville de Westmount.  Est-ce que l’hroïne une fois installe dans cette rsidence cossue saura s’adapter rapidement ses nouvelles fonctions et faire les choix conformes ses intrêts et ses valeurs? Comment voluera sa vision de Montral au sens propre et figur?

J’ai ador ce petit livre jusqu’ la fin. Il convient de noter que certaines personnes ont eu de la difficult comprendre la conclusion, une conclusion qui me semblait certainement un choix logique inclure dans une histoire de ce genre.

Des gens ont aussi contest l’utilisation de la langue anglaise pour quelques sections du roman.  En ce qui me concerne, je crois que cette langue avait tout fait sa place et jouait un rôle important dans le droulement du rcit. Mais il faut bien connaître l’anglais et non en balbutier quelques mots.

Bref, vous passerez un très bon moment avec Von Westmount si vous apprciez un livre bilingue et que vous vous intressez la dynamique spciale entre l’ouest et l’est de Montral.

Titre: Von Westmount

Autrice : Jules Clara

Editions : La Mèche

© 2022

ISBN : 9 782 897 071 769

Enfant de salaud

Roman "Enfand de salaud" de Sorj Chalandon
Roman « Enfand de salaud » de Sorj Chalandon

Sorj Chalandon est journaliste et a travaill des dcennies durant aux journaux français Libration et Canard enchaîn. Au cours de sa carrière, il a reçu de nombreux prix : Albert Londres (1988), Mdicis (2006), Grand Prix de l’Acadmie française (2011), Goncourt des Lycens (2013) et son plus rcent prix, le Goncourt 2021 des lecteurs de 20 Minutes.  

« Enfant de salaud » est l’histoire vcue de l’auteur qui tente de faire la lumière sur le pass extrêmement nbuleux de son père durant la Seconde Guerre mondiale, au moment où les Allemands occupent la France.

Ayant eu accès aux archives officielles, il dcouvre progressivement que son père a travers la guerre en s’engageant dans cinq armes qu’il a toutes dsertes. Il a servi l’ennemi de toutes les façons, mais s’est toujours mnag des portes de sortie en s’assurant que les quelques gestes qu’il posait pour la France soient rpertoris quelque part, en cas d’enquête lorsque la guerre serait termine.

Le chef de la Sûret nationale de Lille qui a interrog le père au lendemain de la guerre dit de lui : « Cet individu est un menteur, dou d’une imagination tonnante. Il doit être considr comme très dangereux et trait comme tel. »

Entre les rflexions et les dcouvertes du fils sur le pass et la psychologie du père, le lecteur assiste en parallèle au procès de Klaus Barbie, ce psychopathe et grand criminel de guerre nazi qui est mort en prison en France en 1991. Des passages du livre glacent le sang, même si on sait un peu quoi s’attendre quand il est question de nazis, de SS et des membres de la Gestapo.

Lorsque le survivant d’un camp de concentration, Isaac Lathermann,  s’avance la barre lors du procès de Barbie, il annonce que « [dans les camps],  hauteur d’homme, il n’y avait plus d’corce aux arbres, tout avait t mang. Plus d’herbe non plus. Mange, elle aussi ».

Heureusement, le lecteur ne navigue pas en territoire aussi sombre tout au long du roman. Il dcouvre la rsistante incroyable qu’est Lise Lesèvre qui, même torture pendant des jours par Klaus Barbie, ne lâche pas une seule information. Un exemple phnomnal de courage, de dtermination et de patriotisme.

« Enfant de salaud » est le voyage intrieur de l’auteur sur plusieurs dcennies. Le fait que le livre porte sur une histoire vcue rend la lecture encore plus captivante.

Bonne lecture.

Titre : Enfant de salaud

Auteur : Sorj Chalandon

Editions : Grasset et Fasquelle, 2021.

ISBN : 978-2-246-82815-0

Papa

Le roman "Papa" de Rgis Jauffret.
Le roman « Papa » de Rgis Jauffret.

Autant Sorj Chalandon, dans son roman « Enfant de salaud », que Rgis Jauffret dans « Papa » tentent de saisir la personnalit nigmatique de leur père. Celui de Sorj Chalandon aurait t rsistant et traître la fois, alors que le père de Rgis Jauffret aurait t film en sortant d’une sance d’interrogatoire de la Gestapo, la terreur sur le visage. Où se situe la vrit ? Qui sont vraiment ces pères ?

Dans un texte prcdent, j’ai prsent le livre « Enfant de salaud ». Au tour maintenant du roman « Papa » de Rgis Jauffret.

Comme on peut s’y attendre avec Rgis Jauffret, le style d’criture diffère radicalement. L’auteur est laurat du prix Goncourt de la nouvelle (2018) pour son roman « Microfictions 2018 ». Son sens de la synthèse, de l’humour noir et même du cynisme fait de ce retour dans le pass du père une aventure littraire autant qu’historique. Le lecteur comprend rapidement que l’auteur se fait plaisir en prsentant ses dcouvertes. Il ajoute même un peu de fiction au besoin.

Fidèle mon habitude quand il s’agit de Rgis Jauffret, je prsenterai son livre travers des citations choisies. En effet, l’intrêt du livre rside autant dans le contenu que dans la façon dont Rgis s’exprime pour clairer son propos. Voici donc quelques citations susceptibles de donner le ton du bouquin :

« Elle me raccompagne ravie, limite hilare, en me donnant de lgères tapes dans le dos ».

« — J’ai communi.

Quelqu’un m’a fait remarquer en sortant que je n’tais pas croyant.

   — Justement, une hostie ou des chips.

      J’ai souri mais après ce blasphème je n’en menais pas large. Quand on a t duqu religieusement on conserve toujours dans un repli de son cerveau la terreur de Dieu ».  

« Il venait d’avoir un AVC qui loin de le handicaper semblait l’avoir ragaillardi ».

« Elle me raconta que l’humidit avait fait sauter le bois de placage [du cercueil]. Ne restait plus qu’une caisse de planches noircies. Je n’tais pas d’humeur assez badine pour appeler la dame des pompes funèbres afin de faire jouer la garantie ternelle dont jouit sans doute ce genre de produits mtaphysiques ».

« Un de ces souvenirs de bonheur qui vous donnent raison de n’être jamais entr chez un armurier pour acheter de quoi vous tirer une balle dans la tête ».

« […] Alfred avait pour consigne de serrer les dents pendant le coït sans mettre un soupir tandis qu’elle demeurerait aussi stoïque que lorsque sans anesthsie le dentiste taquinait une de ses molaires du bout de sa fraise ».

 « Par l’entremise du vaste pavillon en cuivre d’un gramophone perch sur un pidestal dont on avait vol la statue, Edith Piaf gueulait “J’ai dans avec l’amour” tandis que du sous-sol montaient les cris des martyrs ».

« Ecrire sur soi-même est une forme d’incontinence ».

« On est condescendant avec les sourds sans statut ni talent mais on prfère les frquenter parcimonieusement. Quand on ne les a pas aperçus assez tôt pour s’être planqu derrière un engin de chantier ou un homme volumineux, on les salue de loin en filant ».

« Si je n’avais pas vu ces images, tu serais rest dans les gouts de ma mmoire ».

« Si je dure aussi longtemps que Madeleine, je serai un centenaire qui ruminera inopinment son père dans son cerveau dessch comme un raisin de Corinthe tandis qu’un aide-soignant bâti comme un colosse balancera jambes en l’air mon corps dcharn pour changer ma couche ».

« Minable descendante de protozoaires devenus difficultueusement êtres multicellulaires pourvus d’encphale, l’humanit n’a aucun motif de pavoiser ».

« C’est hroïque en temps de guerre d’assumer le rôle de bourreau quitte se tromper parfois puisque dans les situations extrêmes le doute ne profite jamais l’accus ».

« Il discourait du matin au soir. La moindre personne connue de lui rencontre dans la rue se voyait douche de langage comme un imprudent sur une jete un jour de tempête par une dferlante. À son bureau, tout le monde en tait tremp. Si bien qu’on le fuyait mais il parvenait toujours trouver quelqu’un qui par gentillesse se laissait inonder ».

« Je ne l’ai jamais entendu non plus parler de sa journe. Il avait fait beau, il avait neig, il avait plu, un chamois avait travers la piste en queue-de-pie, un homme touch par l’orage s’tait enflamm, une dame tait tombe dans une crevasse en chantant une cantate de Jean-Sbastien Bach ».

« Pendant ce temps, Jean-Jacques et Honor entreprirent les sœurs rouges comme de la viande bleue de se retrouver en prsence de deux garçons dont les pantalons la mode du temps moulaient l’appareil gnital dont elles redoutaient par avance la piqûre ».

Bonne lecture !

Titre : Papa

Auteur : Rgis Jauffret

Editions : Roman/Seuil, 2020.

ISBN : 978-2-02-145035-4

Une vie entière

Livre "Une vie entière" de Robert Seethaler
Livre « Une vie entière » de Robert Seethaler

En fouillant gauche et droite dans les diffrentes librairies de Qubec, je fais souvent de très belles dcouvertes, comme ce livre de Robert Seethaler, publi initialement en allemand sous le titre de ,,Ein ganzes Leben’’ et qui en français se traduit par « Une vie entière ».

C’est un petit livre de seulement 145 pages mais dont l’criture tellement limpide a le pouvoir de propulser immdiatement le lecteur au dbut des annes 1900, au beau milieu des montagnes autrichiennes. C’est la priode où commence la construction des premiers tlphriques qui vont changer toute la dynamique de la socit en permettant graduellement aux touristes de plus en plus nombreux d’occuper un territoire autrefois très peu achaland.

L’auteur raconte la vie d’Andreas Egger, un homme simple et attachant dont la force de caractère lui permet de traverser n’importe quelle preuve. Il ne se distingue pas par son intelligence, qui est somme toute assez ordinaire, mais plutôt par sa capacit de survie et son dsir de toujours aller de l’avant. C’est un être que l’on aime et qui l’on ne souhaite que du bien.

Voici ce que dit l’diteur au sujet de Robert Seethaler : « Une vie entière, lu livre de l’anne (2014) par les libraires d’outre-Rhin, confirme ainsi la profondeur de son talent d’crivain, capable de mener avec une grande simplicit son lecteur au plus près de ses motions ».

En cette priode de pandmie, il s’agit d’une lecture très rafraîchissante pour tous!

Titre : Une vie entière

Auteur : Robert Seethaler

Editions : Gallimard (Folio 6409)

© Sabine Wespieser diteur, 2015, pour la traduction française.

ISBN 978-2-07-079343-3

La ballade de Rikers Island

La ballade de Rikers Island par Rgis Jauffret.
La ballade de Rikers Island par Rgis Jauffret.

Pour avoir crit ce livre sur l’affaire du Sofitel impliquant Dominique Strauss-Kahn (qui n’est jamais nomm explicitement dans le roman), Rgis Jauffret et la maison d’dition du Seuil ont t poursuivis en diffamation et condamns par un tribunal français. Ils sont alls en appel et ont de nouveau perdu. La Ballade de Rikers Island n’en reste pas moins très bien crit, dans un style qui est assez unique. Ceci dit, il me semble que le livre aurait pu être abrg sans nuire au propos.

Pour ceux qui l’ignoreraient, Rikers Island est une prison aux Etats-Unis où Dominique Strauss-Kahn (DSK) a fait un sjour immdiatement après une histoire d’agression sexuelle qui aurait impliqu le dfendeur et une prpose aux chambres, Nafissatou Diallo, de l’hôtel Sofitel de New York.

Voici quelques citations qui donnent une ide du style littraire de l’auteur, un style où l’humour, parfois assez noir, est souvent prsent. Pour ce qui est des extraits les plus durs en ligne avec le propos immdiat du livre, je me suis gard une petite gêne dans ma slection, mais vous pouvez toujours trouver le livre en format poche dans de multiples librairies. Voici cependant quelques extraits (sauf le dernier) qui ne devraient pas trop froisser les âmes sensibles.

« [Dans la cellule] … un petit lavabo où une main ne pourrait pas prendre un bain » p.79

« [Sur la table] … un peigne minuscule bon coiffer le dernier toupet d’un chauve » p.79

« Elle s’en va. J’ouvre l’ordinateur, j’cris une minuscule histoire de Parisien perdu dans le mtro. Dimitri frappe la porte tandis que le malheureux tombe du quai ». p.168

« Il faisait confiance l’Amrique, une dmocratie où le doute profite toujours l’accus condition de n’avoir pas un profil d’islamiste bon être tortur Guantanamo ». p.183

« Après avoir braill avec les hyènes, nos journalistes vont rentrer dans le rang. Quand ils seront revenus de meilleurs sentiments, nous les inviterons djeuner. On profitera de leur bouche ouverte pour leur enfoncer notre part de vrit grosses bouches ». p.262

« Une cohorte de prisonniers tire au cordeau. Il se trouvait toujours un toxicomane rendu fou par le manque prêt vous gorger pour canaliser son trop-plein d’nergie ». p.313

Au sujet des journalistes : « Un bloc indiffrent aux folliculaires agglutins tout autour, porcelets charmeurs toujours rclamant confidences, impressions, prêts leur servir leurs parents dbits en amuse-gueule pour une bribe d’interview ». p.318

« Un blanc-bec qui son costume noir donnait un air de singe habill a bredouill une muflerie ». p. 324

« Il ne se sentait aucune affinit avec la population de ce siècle qui acceptait le collier, le harnais, les coups de cravache de la socit contre la promesse de pouvoir lcher ses plaies dans le camp de vacances des retraits. La retraite, cette religion, cet opium des besogneux, cet au-del pour les damns de la Terre du monde du travail, incapables de rclamer le bonheur du jour ». p.337

« L’avenir est une œuvre d’art, chaque journe une autre toile blanche. La jubilation de ne rien savoir du lendemain. Les petits bonheurs embusqus dans les replis des annes en attente dans les coulisses ». p.392

« Elle le sème en traversant un groupe de mormons venus du Wyoming serrs les uns contre les autres par peur du malin qui hante les sous-sols des mtropoles fornicatrices ». p.398

« Il s’en irait, pauvre hère trouvant refuge auprès d’une bergère dont il mangerait la soupe, tarauderait les creux, maltraiterait les bosses, attendant la nuit pour courir l’table profaner le troupeau afin de se donner le frisson de l’adultère ». p.90

Pour obtenir davantage d’informations sur le dossier Jauffret/Strauss-Kahn, les documents suivants sont utiles :

Le Devoir

hal.archives-ouvertes.fr

Ici.fr

bfmtv.com

Titre : La ballade de Rikers Island

Auteur : Rgis Jauffret

Editions : Seuil

©Rgis Jauffret/Editions du Seuil 2014

ISBN : 978-2-02-109759-7 (pour le grand format). Mais je sais que ce format est difficile obtenir aujourd’hui. Cependant, le format poche est toujours en vente dans les librairies.

Le sympathisant.

Le livre "Le sympathisant" de Viet Thanh Nguyen.
Le livre « Le sympathisant » de Viet Thanh Nguyen.

L’agent double du roman « Le sympathisant » est un homme seul que rien ne va dtourner de son idal politique, un peu comme pour le soldat japonais Hiro Onada que l’on retrouve dans un autre excellent livre intitul « Au nom du Japon ».

« Le sympathisant » est un voyage entre le Saïgon de 1975 et la côte ouest-amricaine des annes » 80. Le roman dcrit la vie d’un agent double dans la rgion où il est n, l’Indochine coloniale, puis plus tard dans la nouvelle existence qu’il s’est recre aux Etats-Unis. Cet homme de l’ombre, en qui son gnral de l’arme du Sud Vietnam a parfaitement confiance, transmet par messages cods des informations aux communistes du Nord Vietnam.

L’intrêt du roman tient la façon dont l’auteur prsente les propos et penses du personnage principal. Cet agent double anonyme est un parfait analyste du monde dans lequel il vit et n’hsite pas une seconde commenter ses observations avec une grande acuit et aussi, parfois, avec un minimum de diplomatie. Les thèmes graves autant que l’humour et le cynisme ont souvent leur place, au grand plaisir du lecteur. En voici quelques passages :

« […] les mêmes hommes qui ricanent l’ide que les licornes puissent exister croiront dur comme fer, les larmes aux yeux, dans l’existence d’une espèce encore plus rare, plus mythique, qu’on ne trouve que dans les ports les plus reculs ou dans les recoins sombres et cachs des tavernes les plus sordides : je veux parler de la fameuse prostitue au cœur d’or. Je puis vous assurer que si les prostitues ont quelque chose en or, ce n’est pas leur cœur. Que certains puissent ne pas le croire est un hommage aux grandes comdiennes. » (p.56-57)

« Je note simplement que l’apparition de prostitues indigènes au service de soldats trangers est une consquence invitable de toute guerre d’occupation, un de ces vilains petits effets collatraux de la dfense de la libert, que les femmes, sœurs, fiances, mères, pasteurs et politiciens du fin fond de l’Amrique font tous mine d’ignorer, derrière leurs murs de sourires lustrs, en accueillant leurs soldats de retour au pays, prêts soigner n’importe quelle maladie honteuse avec la pnicilline de la bont amricaine. » (p.57-58)

« Il avait clou un beau tapis oriental au mur, dfaut, je suppose, d’un Oriental tout court. » (p.88)

« Une fois capturs, ces subversifs avaient une seule destination, mais nombreux taient les chemins dsagrables pour y parvenir. » (p.111)

« C’tait l qu’tait n le criminel de guerre Richard Nixon, et l que rsidait John Wayne, un coin si frocement patriote que je pensais que l’agent orange avait t fabriqu ici, ou en tout cas baptis en son honneur. » (p.126)

« Il parlait la bouche pleine et ouverte, envoyait de temps en temps un bout de riz sur ma joue, sur mes cils, ou dans mon propre bol, et mangeait avec un tel bonheur que je ne pus m’empêcher d’prouver tendresse et piti devant tant d’innocence. » (p.129)

« J’avais cru, naïvement, pouvoir dtourner l’organisme hollywoodien de son objectif, la lobotomisation et le dtroussement simultans des spectateurs du monde entier. » (p.177)

« […] des pages centrales voquaient les rcents meurtres non lucids de dissidents politiques et leurs corps cribls de balles jets en pleine rue. Dans une situation troublante de ce genre, tous les corps cribls mènent un cribleur en chef, le dictateur. » (p.197)

« La mission d’un espion n’est pas de se cacher l où personne ne peut le voir, puisque lui-même ne pourra rien voir non plus. La mission d’un espion est de se cacher l où tout le monde peut le voir et où il peut tout voir. » (p.227)

« […] et un Blanc, grand et mince, portant un costume bleu pastel, une cravate motifs cachemires aussi paisse qu’Elvis Presley et une chemise couleur de l’urine après un repas d’asperges. » (p.258)

« Dans les ngociations, comme dans les interrogatoires, le mensonge tait non seulement acceptable, mais attendu. » (p.262)

« Elle m’insulta si copieusement, et avec une telle inventivit verbale, que je dus consulter autant ma montre que mon dictionnaire. » (p.292)

« Les journalistes sont toujours gênants quand ils sont indpendants. » (p.296)

« Je vais vous dire quel est mon rêve amricain, dit-il en tenant le micro avec une dlicatesse qu’on rserverait un bâton de dynamite ». (p.302)

« Dehors s’tendrait un immense green de golf consommant plus d’eau qu’une mtropole du tiers-monde, et des quatuors de banquiers virils y pratiqueraient ce sport dont la maîtrise exigeait la fois la force brutale, et guerrière, requise pour viscrer les syndicats et toute la finesse ncessaire une bonne vasion fiscale. » (p.319)

« J’avais devant moi plusieurs spcimens reprsentatifs de la crature la plus dangereuse de tous les temps : le Blanc en costume-cravate ». (p.320)

Bonne lecture!

Titre : Le sympathisant

Auteur : Viet Thanh Nguyen

Editions : Belfond, 2017

ISBN : 978-2-7144-7565-7

Microfictions par Rgis Jauffret.

Microfictions (2007) de Rgis Jauffret.
Microfictions (2007) de Rgis Jauffret.

Ce recueil de nouvelles de plus de 1000 pages de Rgis Jauffret a gagn le prix France/Culture Tlrama et le Grand Prix de l’humour noir Xavier-Forneret 2007. Bien des annes plus tard, il a publi « Microfictions 2018 », un second roman comportant des centaines de nouvelles qui lui a valu le Prix Goncourt de la nouvelle.

Il y en a pour tous les goûts dans le Microfictions de 2007. Les nouvelles ne sont pas exactement pour les âmes sensibles et les lecteurs qui perçoivent tout au premier degr. Quand Rgis Jauffret traite du comportement humain, il tire dans toutes les directions : souffrances de la vie, relations humaines, manque d’empathie, problèmes sexuels, vie de la famille, obsit, suicide, mdiocrit intellectuelle, avortement, solitude et vieillissement, stress, stupidit, maladies mentales, socit et politique, bourgeoisie, entrepreneuriat. Le sociopathe, le bourgeois, le fraudeur et bien d’autres vivent leur heure de gloire dans le bouquin.

Plusieurs nouvelles amusent le lecteur par les tournures de phrases et l’humour noir utiliss. D’autres surprennent par l’intensit des propos et une pause peut être ncessaire avant de continuer la lecture. Il y a des nouvelles qui frappent comme un marteau. Si vous êtes habitus la censure et la mesure dans tout ce que vous lisez, vous serez certainement secou par Microfictions!

Comme l’aurait peut-être dit Rgis Jauffret : « Si vous trouvez les nouvelles trop noires, arrêtez-vous avant d’avoir envie de vous dfenestrer! »

Voici quelques citations pour vous mettre l’eau la bouche :

« Les terroristes ne plaignent pas leurs victimes avec la sensiblerie d’une amie des bêtes qui vient d’craser une poule » (p.49).

« Personne dans l’arogare, part une femme endormie sur un chariot qui semblait être une grande bourgeoise tombe de haut » (p.163).

« Je me suis tout de suite senti l’aise dans cet endroit prestigieux où l’intelligence faisait bon mnage avec la rpression » (p.393).

« L’un d’entre eux s’est tu l’t dernier dans un accident de la route. Je n’ai pas regrett d’être toujours en vie pour pouvoir profiter d’une nouvelle aussi rjouissante » (p.462).

« Avec ma mère, nous nous passerions très bien de l’humanit. Elle me nourrirait des lgumes du potager, et afin de nous divertir tous les deux je la poursuivrais dans la campagne avec une pioche » (p.622).

« Le mois prochain, j’accueillerai mes quarante ans comme une tante loigne qui on offre une tasse de th avant de la foutre dehors » (p.647).

« Nous serions honnêtes si nous en avions les moyens. Au lieu de voler, nous frauderions comme les riches qui font magouiller leur feuille d’impôt par un avocat » (p. 671).

« […] et je me demande de temps en temps si je ne ferais pas mieux de devenir dans une autre vie un de ces fils papa qui passent l’t sur un yacht et le reste de l’anne dans un pensionnat suisse où les profs les servent avec l’obsquiosit des esclaves qui craignent d’être vendus des terroristes pour leur servir d’otages » (p.697).

« Elle s’est mise pleurer petites gouttes, on aurait dit une bruine de larmes » (p.826).

« Je lui ai donn une petite tape dans le dos, et je suis parti en claquant bruyamment des dents pour ne pas l’entendre sangloter » (p.842).

« Une grande dmocratie ne peut s’empêcher d’inspirer la terreur ses citoyens, et chaque lection nous prouve quel point ils rclament davantage de svrit, de rpression, et d’arbitraire s’il le faut, pour qu’ils puissent continuer vivre dans un pays pacifique où l’ordre règne comme dans une maison bien tenue » (p.939)

« Personne ne m’avait jamais sodomis. Il est vrai que je perds un peu la mmoire, mais il me semble que je m’en souviendrais » (p.981)

Titre : Microfictions

Auteur : Rgis Jauffret

Editions : Gallimard

© 2007

ISBN : 978-2-07-078317-5

Pour d’autres romans sur mon site, cliquez sur le lien suivant : Romans.

Microfictions 2018 par Rgis Jauffret.

Microfictions 2018 par Rgis Jauffret.
Microfictions 2018 par Rgis Jauffret.

Ce roman Microfictions 2018 de Rgis Jauffret rassemble des centaines de nouvelles faisant toutes environ une page et demie, pour un total de 1024 pages.

Microfictions 2018 a gagn le Goncourt 2018 de la nouvelle.

J’ai achet le livre sur recommandation de la revue « Le Libraire ». Je ne m’attendais cependant pas trouver des nouvelles de ce genre. J’ai persist dans la lecture pour dcouvrir progressivement un auteur hors-normes. Les tournures de phrases, la capacit de synthèse et le vocabulaire mritent vraiment une lecture attentive. Les propos peuvent cependant être drangeants pour certaines personnes.

Les nouvelles sont souvent percutantes et portent entre autres sur : la dtresse, le suicide, la violence conjugale, la maltraitance, les problèmes sexuels, le harcèlement, le vieillissement, la maladie mentale, les carts de richesse, la folie, l’exclusion sociale, etc.

Rgis Jauffret a choisi d’y inclure une bonne dose d’humour noir, et même très noir parfois, pour quilibrer le propos et parfois passer un message.

J’ai choisi quelques citations, travers les 1000 pages de texte, pour donner une ide du style de l’auteur :

 « La rceptionniste m’a tendu la cl avec tellement de haine dans le regard qu’il me semblait la voir suinter au coin des yeux ». P.53

« Je n’en pouvais dj plus de cette soire dont nous tions en train de grimper les premiers kilomètres ». p.58

« À notre poque flaccide, un cadeau doit rveiller son bnficiaire comme une racle ». P.75

« Je n’aimais pas assez les enfants pour rater mon existence cause d’eux ». P.101

« Ma mère n’est pas morte, mais elle a le regard vague depuis son attaque et chaque fois que je la vois je ne peux m’empêcher de fixer longuement ses mollets en me demandant lequel de ses pieds a dj disparu dans la tombe ». P.133

« Il m’est arriv de me demander si je me jetterais un jour corps perdu dans l’existence ». P.180

« Fonder une famille reviendrait jeter mes gamètes dans un utrus comme une paire de ds dans un cornet. Je prfère thsauriser plutôt que de risquer un mauvais placement ». P.180

« […] des militaires traînant des pieds pour mener une guerre mtaphysique contre l’arme d’anges dchus que Lucifer jette sur les vierges afin de capturer leurs hymens dont il nourrit ses enfants qui rissolent de jour comme de nuit sur leur lit chauff blanc dans la maison flambante où il vit en bourgeois dans la haine du Christ ». P.185

« Nous l’avions envoy en colonie de vacances. Par prudence nous avions choisi un organisme laïc. Il n’en avait pas moins t abus par un moniteur et il nous tait revenu libidineux comme une chatte en chaleur, se dandinant, se frottant aux meubles, s’enroulant autour des jambes des invits en minaudant ». P.197

« Les filles ont accept d’appeler maman la mère de substitution dont je me suis amourach pour tirer avec moi la charrette du quotidien ». P.208

« À huit ans il sait dj compter jusqu’ l’infini. Je dois l’obliger reprendre son souffle sinon il s’touffera en essayant d’atteindre en apne le dernier des nombres ». P.213

« Non, je ne critique pas nos enfants. Ils sont polis, polyglottes, ouverts aux nouvelles technologies. Nous les avons si bien levs qu’ils sont ennuyeux comme des caniches de concours ». P.238

« Il ne me pardonnera jamais de l’avoir surpris emboît dans un jeune homme ». P.253

« La transplantation sera ralise par un robot assez intelligent pour se contenter d’un dficient mental en fait de chef de service ». P.283

« Il a su autrefois lire et crire son nom, mais par paresse il prfère prsent laisser son empreinte ADN en crachant sur les documents administratifs plutôt que de les signer ». P.345

« J’ai plus honte de toi encore que de mes hmorroïdes. Du reste avec ton mari et tes gosses vous leur ressemblez comme deux gouttes d’eau. La diffrence c’est que vous n’êtes pas oprables et qu’on ne peut pas davantage adopter un trou-du-cul que l’abandonner au bord d’une autoroute comme un chien dont on ne veut pas s’encombrer pendant les vacances. Je regretterai toujours de ne pas t’avoir porte dès ta naissance aux enfants trouvs. Tu aurais fait le malheur d’une autre pendant que j’aurais lev Laurent avec autant de fiert que Marie a torch Jsus. » p.364

« Elle est rapparue scintillante de haine » p.439

« Le ciel rose pommel de nuages ressemblait une photo de maladie de peau. » p.451

« Nos filles sont maintenant adultes, intelligentes, resplendissantes, exasprantes de perfection ». p. 453

« Elle avait des parents catholiques aux yeux noirs et durs comme les clous de la croix du Christ ». P.455

« Même si vous avez tous les deux plus de quatre-vingts ans, ce n’est pas une raison pour refuser d’voluer ». p.471

« Un garçon aussi terne que notre Carole avec son intelligence basique sans aucun accessoire ni enjoliveur ni option d’aucune sorte. Ils auraient form un couple insipide qui aurait mis au monde des êtres appartenant comme eux la grosse cavalerie de l’humanit. » P.482

« Celui qui survivra l’autre dcdera en essayant d’attraper la main tiède de l’infirmière affame qui se drobera pour aller terminer sa barquette de hachis Parmentier la cantine » p.487

« […] cet endroit où j’ai effectu mon enfance avec autant de joie qu’une peine de prison. » p.515

« Quand vous êtes n dans un sale tat, si vous voulez jouer les Romo vous avez intrêt être un gnie du piano ou un cerveau assez hypertrophi pour dcouvrir chaque matin un nouveau cousin au boson de Higgs ». P.524

« Son corps dcapit tait rest devant le comptoir des hors-d’œuvre ». p.560

« Elle se ressemblait, même si son visage froiss aurait mrit un coup de fer. » p.576

 « La terre est un lieu de passage, une rue, un boulevard, une place publique dont on a depuis longtemps arrach les bancs et lubrifi le bitume afin d’assurer aux humains une meilleure glisse vers le crmatorium ». P.591

« Je portais un appareil d’orthodontie pos l’œil par une organisation de dentistes chrtiens qui donnait mon sourire des airs de clôture lectrifie ». P.609

« La solitude fait un bruit de frigo qui se dclenche rgulièrement toutes les vingt minutes […] » P.655

 « N de parents communistes assez cruels pour aller chaque anne en pèlerinage sur les lieux des anciens goulags, assez cons pour se suicider en 2007 le jour anniversaire de la mort de Staline […] » P.671

« Je suis entre dans la police par goût de la rpression » P.683

« Ta voix tait indcrottable. Un larynx aussi encombr qu’un intestin grêle dont aucun phoniatre ne viendrait jamais bout. Nous qui esprions faire de toi un artiste lyrique pour dissimuler ta mdiocrit intellectuelle derrière les contre-ut et les trilles ». P.715

« À dix-sept ans notre aîn a rvolutionn le monde des mathmatiques en inventant un onzième chiffre […] » p.722

 « Je vais entamer bientôt des pourparlers avec mon dcès. Il a beau faire preuve de la plus grande discrtion, comme tout le monde il est avide d’exister. » P.832

« Encore sa manie vgtarienne de servir de la laitue fatigue mêle de tomates molles, d’œufs durs au goût de vomi avec une guirlande lumineuse qui clignote au fond du plat pour donner un air de fête ce fatras ». P.840

« J’ai suivi l’enterrement de mon père la fosse commune avec les gens du village sous l’objectif d’une chaîne de tlvision locale l’quipe nonchalante qui semblait accompagner le cortège par dsœuvrement. » P.850

« La gomtrie ne peut pas servir continuellement d’excuse un enseignant pour humilier un être humain ». p.893

« On peut avoir une opinion diffrente sans organiser une fatwa contre les lèves qui comme moi se rebellent contre sa conception fondamentaliste des maths ». P.893

« Elle a intgr dès la semaine suivante un pensionnat clos de murs dans le Vercors pour mditer sur les vertus de l’abngation dont ont fait preuve son arrière-grand-père et bien d’autres antismites chrtiens au nom de la haine du Boche en s’engageant dans la rsistance au mpris de leurs convictions
raciales ». P. 901

« Les habitants d’un endroit pareil ne valent pas plus cher que son climat. Dans le coin aucune famille sans son meurtrier, son voleur, son auteur de crime sexuel dont chaque rveillon un pervers oncle saoul raconte avec envie la carrière » p.959

« Elle allait rater sa licence, un diplôme certes mdiocre, mais qui lui manquerait le jour où elle serait en panne de papier de toilette ». P.965

« Quand je suis enfin couch je me dis que j’aurais mieux fait de naître sous forme de foule pour n’être pas seul supporter ma vie navrante ». P976

Voil! Bonne lecture!

https://www.lepoint.fr/livres/regis-jauffret-l-acte-sexuel-est-devenu-une-performance-14-01-2018-2186484_37.php

https://www.ledevoir.com/lire/522252/regis-jauffret-et-ses-500-fragments-de-vie-et-d-insanite

http://www.gallimard.fr/Media/Gallimard/Entretien-ecrit/Entretien.-Regis-Jauffret.-Microfictions-2018

Les derniers jours de Smokey Nelson, par Catherine Mavrikakis

Roman de Catherine Mavrikakis: Les derniers jours de Smokey Nelson
Roman de Catherine Mavrikakis: Les derniers jours de Smokey Nelson

Catherine Mavrikakis ddie son roman « Les derniers jours de Smokey Nelson » ceux et celles « qui meurent assassins par les gouvernements de nombreux Etats de l’Amrique ». Elle dsire galement souligner le travail de « David R. Dow qui, au Texas, tente de les sauver ».

L’auteure prsente les travers de l’Amrique profonde avec en toile de fond les meurtres sordides d’une famille de quatre personnes dans un motel, il y a une vingtaine d’annes. Les dtails du crime ne prsentent qu’un intrêt accessoire dans le roman.

Ce crime est l’occasion pour l’auteure de prsenter les vies très diffrentes des personnes qui ont t directement touches par le drame. À travers les histoires personnelles de ces individus, s’expriment les peurs et les dsquilibres des Amricains.

Catherine Mavrikakis a une façon originale d’aborder les injustices vcues cause d’une couleur de peau diffrente. Elle labore galement de façon très habile sur les consquences que peuvent avoir la religion, la maladie mentale, l’usage des mdicaments et de l’alcool, le manque d’ducation et les carts de richesse sur les citoyens Amricains.

Quatrième de couverture du livre: Les derniers jours de Smokey Nelson, de Catherine Mavrikakis
Quatrième de couverture du livre: Les derniers jours de Smokey Nelson, de Catherine Mavrikakis

Il est galement question dans le roman de cette peur du gouvernement qui est perçu comme l’ennemi des citoyens amricains et dont il est ncessaire de se protger par les armes. Le citoyen amricain, tel Timothy McVeigh, se transforme lui-même en terroriste tant il est certain « du complot de l’Etat contre ses croyances ».

Le roman aborde galement la diffrence du traitement entre Blancs et Noirs face la justice. Cela n’est d’ailleurs une surprise pour personne. Il y a beaucoup plus de Noirs que de Blancs en prison, et galement beaucoup plus de Noirs qui se retrouvent dans le couloir de la mort.

L’ingalit de traitement entre Blancs et Noirs est galement prsente lorsque l’auteure rappelle la mmoire les ravages causs par l’ouragan Katrina et les doutes quant certains dtails entourant la destruction des digues protgeant les diffrents quartiers.

Les rumeurs voudraient que l’on ait volontairement dtruit certaines sections des barrages pour contrôler le trajet des inondations. Le dsir de protger les quartiers favoriss, majoritairement occups par des Blancs, aurait caus la destruction et l’inondation des quartiers noirs du Lower Ninth Ward. Il appartient au lecteur de dterminer si une recherche plus approfondie sur le sujet est justifie.

Certaines sections du rcit rsument merveille les contradictions dans le discours religieux. À de nombreuses occasions, il est possible d’assister au discours d’un Dieu vantard devant qui les humains doivent se prosterner sans discuter afin de clbrer « sa gloire ». Un Dieu par qui la violence arrive nanmoins et qui justifie les actions radicales afin de venir bout d’un Satan qui, parfois, prend la libert de prendre une pause. Cette courte absence est toujours une occasion que ne rate pas Dieu pour rayonner pleinement.

En toute fin de rcit, le condamn mort, après avoir pris un dernier repas copieux, rflchit sur l’utilit de rencontrer un prêtre juste avant d’être excut. Il a cette dlicieuse observation : « Un pasteur, c’est comme un steak, au dernier moment, cela ne se refuse pas ».

Titre : Les derniers jours de Smokey Nelson

Auteure : Catherine Mavrikakis

Editions : Hliotrope

© 2014

ISBN : 978-2-923975-49-8

Il tait une ville

Couverture du livre de Thomas B Reverdy: Il tait une ville
Couverture du livre de Thomas B Reverdy: Il tait une ville

« Il tait une ville » est le tout dernier roman de Thomas B. Reverdy. Le prcdent roman de l’auteur, « Les vapors », publi en 2013 chez Flammarion, lui a valu le Grand prix de la SGDL et le prix Joseph Kessel.

« Il tait une ville » est l’occasion pour le lecteur d’approcher d’une façon diffrente et fort intressante la chute brutale de la ville amricaine de Dtroit. Les consquences de la crise de 2008 sur les gens de tous âges et de toutes conditions sont très bien dmontres.

À travers plusieurs histoires se droulant en parallèle, le lecteur peut vivre le quotidien de gens de diverses classes sociales qui sont demeurs Dtroit durant cette priode critique, que ce soit par choix ou par obligation.

L’criture de Thomas B. Reverdy est de très grande qualit et possède un style particulier qui la rend rafraîchissante et pleine de surprises. Le lecteur est vritablement plong dans un Dtroit qui, au lieu d’être le centre-ville dynamique autour duquel les banlieues s’agglomèrent, est plutôt devenu un trou noir dont se sont chapps les habitants qui en avaient les moyens.

Sans être un roman historique, il s’agit malgr tout d’une œuvre qui prtend faire autre chose que de divertir le lecteur. J’ai complt la lecture de ce roman avec de nouvelles connaissances sur les aspects de la vie des citoyens de mgapoles soudainement laisses l’abandon.

Un livre rare et surprenant de maturit pour un auteur aussi jeune.

Titre : Il tait une ville
Auteur : Thomas B. Reverdy
Editions : Flammarion
ISBN : 978-2-0813-4281-9
©2015