Pour le début de son voyage vers l’estuaire du St-Laurent, un câble relie le remorqueur de la compagnie Ocean au pétrolier Euronav Cap Léon. Le courant et les glaces poussent le pétrolier vers l’Est et la vitesse de ce dernier doit être surveillée pour ne pas qu’il rate le virage serré vers la droite qui lui permettra de contourner l’Île d’Orléans.
Stefan Zweig: Le monde d’hier, souvenirs d’un Européen.
« Avant 1914, la Terre appartenait à tout le monde.
Chacun se rendait où il voulait et y demeurait le temps qu’il lui plaisait. Il
n’y avait ni autorisations ni permissions des autorités, et je m’amuse toujours
de l’étonnement des jeunes dès l’instant où je leur raconte qu’avant 1914, je
voyageais en Inde ou en Amérique sans posséder de passeport ou même sans jamais
en avoir vu un. On montait dans le train et on en descendait sans poser de questions
ou sans qu’on vous en posât, on n’avait pas à remplir un seul de ces centaines
de papiers que l’on exige aujourd’hui.
Il n’y avait pas de permis, de visas, ni de tracasseries
administratives; ces mêmes frontières qui sont aujourd’hui transformées par les
douaniers, la police et les postes de gendarmerie en autant de clôtures, de
barbelés en raison de la méfiance pathologique de chacun envers l’autre ne
signifiaient rien d’autre que des lignes symboliques que l’on franchissait
alors avec autant d’insouciance que le méridien de Greenwich.
Ce n’est qu’après la guerre que le nationalisme a commencé à bouleverser le monde, et le premier phénomène visible que produisit cette épidémie morale de notre siècle fut la xénophobie : la haine de l’étranger ou, tout du moins, la peur de l’autre. On se défendit partout contre l’étranger, on l’élimina partout (p.105) ».
Titre : Le Monde d’hier, Souvenirs d’un Européen (Extraits).
Titre original : Die Welt von Gestern : Erinnungen eines
Europäers (Auszüge)