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Romans

Dans le ventre de Klara par Régis Jauffret.

Couverture du roman "Dans le ventre de Klara" par Régis Jauffret
Couverture du roman «Dans le ventre de Klara» par Régis Jauffret

« En juillet 1888, aux alentours de la Saint-Jacques, Oncle me fit grosse ». C’est ainsi que commence le roman « Dans le ventre de Klara » de Régis Jauffret, ce maître des phrases chocs et de la synthèse. La Klara en question, c’est Klara Hitler, qui au moment du récit porte en elle un Adolf Hitler déjà capable de lui insuffler à l’occasion des visions du désastre qu’il orchestrera des années plus tard.

L’auteur a trouvé une façon unique de positionner dans le texte les prémonitions terribles de Klara. Ils les imposent soudainement au milieu des rêveries quotidiennes de la future mère, souvent au beau milieu d’un paragraphe ou d’une phrase.

Dans ce récit naviguant entre les faits vécus et la fiction, l’épouse doit demeurer à sa place et ne rien espérer. L’écrivain fait dire à Klara : « Je suis affligée de la manie d’espérer autre chose que mon sort ». Le mari décide de tout. Le confesseur de l’église locale aimerait bien surpasser l’autorité de l’époux, mais cela s’avère plus difficile que prévu. Le mari et l’abbé représentent bien les pouvoirs excessifs dont ils jouissent sur les femmes de cette époque. Un militaire gradé sans grande expérience de combat qui dicte sa conduite à sa conjointe comme à un soldat, et un abbé fanatique qui impose les règles arbitraires d’une religion qui rend malade, asservit la femme et impose ses dogmes à distance aux couples.

Quatrième de couverture "Dans le ventre de Klara" par Régis Jauffret
Quatrième de couverture «Dans le ventre de Klara» par Régis Jauffret

L’auteur écrit, en parlant de Dieu et de la femme : « Une chrétienne doit enfanter, contribuer à peupler la Terre qu’Il nous a donnée pour théâtre à nos péchés ». Et lorsque Klara se trouve de nouveau au confessionnal et se fait tancer par l’abbé : « Foin de la voix du Christ envolée, c’était maintenant l’abbé Probst qui s’employait à me faire passer par les verges du langage. Des phrases longues comme des lanières. Des mots lourds, contondants comme des matraques. Des mots subtils, acérés, par endroits hérissés de pointes rougies. Une ponctuation de verre brisé […]. » Vous voyez le style…

J’apprécie particulièrement la plume de Régis Jauffret pour avoir lu d’autres de ses œuvres dont « La ballade de Rikers Island », « Le dernier bain de Gustave Flaubert », « Papa  » et les trois volumes intitulés Microfictions, parus respectivement en 2007, 2018 et 2022. Il a d’ailleurs remporté le Goncourt de la Nouvelle pour l’édition de 2018.

Régis Jauffret explique en quelques minutes l’intention derrière son dernier roman dans une vidéo sur Youtube, si cela vous intéresse de creuser davantage le sujet.

Bonne lecture !

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Titre : Dans le ventre de Klara

Auteur : Régis Jauffret

Éditions : Récamier

© Régis Jauffret et les éditions Récamier, 2024

ISBN : 978-2-38577-057-0

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Photos du Québec

Kayak de mer à l’île d’Orléans

Kayaks de mer à Saint-Laurent-de-l'Île d'Orléans 2023
Kayaks de mer à Saint-Laurent-de-l’Île d’Orléans 2023

Dimanche 24 septembre 2023, la compagnie Quatre Natures   organisait un cours certifié de kayak de mer niveau 1 sur le fleuve Saint-Laurent, à partir de l’île d’Orléans. L’inscription se faisant longtemps d’avance, on devait avoir un peu de chance lors de l’activité, car elle aurait lieu autant par beau temps que par météo pourrie.

Je tente donc ma chance. Heureusement, une journée incroyable attend les six étudiants en cette fin de septembre : plein soleil et une vingtaine de degrés Celsius. Comment doit-on se vêtir pour les circonstances ? On sait que la température du corps humain est de 37 degrés Celsius. Le kayakiste additionne la température de l’eau et celle de l’air et compare le total à la température du corps humain. Le fleuve étant cette journée-là à 18 degrés et l’air autour de 20 degrés, cela donne un total de 38. Ce chiffre étant légèrement supérieur à la température normale du corps, on peut porter des vêtements usuels pour les activités dans l’eau, et non pas une combinaison isothermique

L’avant-midi sert à couvrir la théorie. Personne ne met un pied dans l’eau. L’instructeur discute de ce que le kayakiste doit obligatoirement avoir à bord, de la qualité relative des différents équipements, de la préparation, des communications et fréquences radio, de la sécurité et de la prévention de l’hypothermie, etc.

Activité de kayak de mer à l'île d'Orléans (crédit photo Vadym Kravchenko)
Activité de kayak de mer à l’île d’Orléans (crédit photo Vadym Kravchenko)

Après le dîner, on place d’abord les kayaks sur le gazon puis on apprend le vocabulaire relié à chaque partie du kayak. Par la suite, l’étudiant s’installe dans l’embarcation et se familiarise avec les ajustements des cale-pieds du kayak, la façon de tenir la pagaie, l’installation de la jupette, etc. On apporte ensuite les embarcations sur la rive et la pratique du kayaking débute.

Tout d’abord, on apprend les manœuvres de base. Comment embarquer et débarquer, la trajectoire que la pagaie doit suivre dans l’eau selon que l’on veut avancer, reculer, tourner. On discute de la position correcte du corps, des bras et des poignets sur la pagaie et de l’importance de la rotation du bassin pour forcer adéquatement. On réalise rapidement l’influence des vents de côté sur le kayak, spécialement lorsqu’il n’a pas de dérive ou de gouvernail.

On considère le fleuve comme étant de niveau 2 pour la pratique du kayak. Le courant est important et on compose avec des marées de trois mètres. Le vent autour de l’île est également plus fort qu’à Québec. Le pratiquant de niveau 1 est invité à se trouver des endroits de niveau 1 pour prendre de l’expérience et de ne jamais partir seul à cette étape de son apprentissage.

Pendant les exercices, on aperçoit au large les navires porte-conteneurs et les différents bateaux de plaisance. Les plus gros bâtiments génèrent des vagues qui prennent entre cinq et dix minutes avant d’atteindre la rive. Lorsque celles-ci approchent, l’instructeur avertit les kayakistes novices de se tourner face à l’onde, de façon à limiter les effets sur l’embarcation.

Le porte-conteneurs Hapag_Lloyd Quebec Express et le porte-Conteneurs MSC Paola s'apprêtent à contourner l'Île d'Orléans.
Le porte-conteneurs Hapag_Lloyd Quebec Express et le porte-Conteneurs MSC Paola s’apprêtent à contourner l’Île d’Orléans.
Le navire BBC Manila transporte des pales d'éoliennes sur le fleuve St-Laurent près de Québec
Le navire BBC Manila transporte des pales d’éoliennes sur le fleuve St-Laurent près de Québec

Puis viennent les manœuvres d’urgence : quelle est la procédure pour sortir d’un kayak qui vient de chavirer ? Comment aider quelqu’un qui a chaviré ?

Je n’ai pas eu le temps de me rendre à cette étape du cours. J’ai chaviré avant. Je ne me rappelle pas comment j’ai fait pour m’extirper du kayak et revenir à la surface, mais on ne parle pas ici d’une méthode approuvée. Le cerveau détecte immédiatement le danger et s’organise pour que le corps sorte du kayak et que la tête ne reste pas trop longtemps sous l’eau.

Dans les minutes qui suivent, l’instructeur nous enseigne comment s’effectue la sortie classique d’un kayak chaviré. Nous travaillons par groupes de deux. Au niveau 1, il n’est pas encore question d’utiliser la pagaie pour forcer la rotation du kayak.

Pour obtenir la certification KDM 1, tous doivent se pencher de côté pour que le kayak se renverse. Une fois submergé, l’étudiant se penche vers l’avant, décroche la jupette attachée au kayak, tape lentement trois fois sur la coque du kayak pour signaler qu’il est en contrôle de ce qu’il fait. On veut éviter les réactions imprévisibles. Il se pousse ensuite hors du kayak en plaçant ses mains à la hauteur des hanches sur la hiloire. Dès sa sortie de l’eau, il doit absolument se tenir le long de son kayak, grâce à la ligne de vie. Le tout ne prend que quelques secondes. Ici et là, on entend un peu tousser à la sortie de l’eau, mais sans plus. Une bonne gorgée de fleuve Saint-Laurent renforce le système immunitaire.

Vient ensuite la récupération de la personne dans l’eau. Comme nous travaillons en équipe, le ou la kayakiste en difficulté s’accroche au-devant de notre kayak et demeure là, le temps que l’on rattrape son kayak, le monte sur notre embarcation, le vide de son eau, le retourne et le positionne correctement.

Kayak de mer de niveau 1 avec Quatre Natures (crédit photo Quatre Natures)
Kayak de mer de niveau 1 avec Quatre Natures (crédit photo Quatre Natures)

La personne accrochée au kayak lâche ensuite sa prise, et selon la méthode enseignée, grimpe à nouveau dans son embarcation pendant qu’on la tient solidement. L’important ici est de conserver son centre de gravité le plus bas possible. Si la personne ne se presse pas et procède par étapes, l’opération est un succès à tous les coups. 

Quelques autres exercices suivent et le retour s’effectue vers la plage de l’île d’Orléans quelques heures plus tard. Une fois tous les participants séchés et rhabillés chaudement, le cours se termine par quelques notions de météo, dont la nécessité de consulter les prévisions et les radars météorologiques ainsi que de revenir rapidement au bord lorsqu’il y a présence de cellules orageuses.

On survole également le calcul de la marée (règle des 12) et la façon d’attacher un kayak sur un toit d’auto. Combien de points de fixations ? Quels sont les équipements disponibles pour faciliter la tâche ? Où doit-on passer les harnais pour éviter de briser le kayak ? Etc.

La remise du certificat KDM 1 se fait environ huit à neuf heures après le début du cours, selon l’évaluation de l’instructeur. J’ai noté que lors du retour à la maison, dans la chaleur de la voiture, je n’avais vraiment pas envie de me presser sur la route. Mais on revient vite à la réalité quand on voit la vitesse à laquelle les autos arrivent derrière soi.

Activité de kayak de mer sur le St-Laurent près de Rivière-du-Loup.
Activité de kayak de mer sur le St-Laurent près de Rivière-du-Loup.

Bref, une journée bien remplie dont on se souvient!

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Roman graphique et bandes dessinées

Environnement toxique

Environnement toxique par Kate Beaton
Environnement toxique par Kate Beaton

Pour payer ses dettes d’études rapidement, Kate Beaton, une jeune résidente de la Nouvelle-Écosse, décide en 2005 d’aller travailler dans le nord de l’Alberta pour les compagnies pétrolières exploitant les sables bitumineux. À l’époque, ce voyage vers l’ouest avait la cote auprès des Canadiens cherchant un emploi lucratif. Elle quitte donc les paysages paradisiaques du Cap-Breton pour plonger dans l’univers de Syncrude et Shell à Fort McMurray.

Elle réalise alors ce que constitue la vie sur des chantiers occupés en majorité par des hommes loin de leur famille, dont plusieurs démontrent des problèmes de comportement. Peu importe l’endroit où elle se trouve, elle subit du harcèlement sous forme de remarques désobligeantes, d’insultes, et éventuellement le personnel en vient à des agressions sexuelles.

Pour ces travailleuses, la solitude et la survie prennent une tout autre signification que pour le reste des employés masculins de ces postes isolés.

Étant pourvue de multiples talents, dont ceux de raconteuse et dessinatrice, Kate Beaton publie en 2023 un roman graphique décrivant ce qu’elle a vécu. Elle dénonce « un système éprouvant et complexe, qui exploite aussi froidement les ressources naturelles que les êtres humains ».

« Environnement toxique » porte moins sur la destruction d’un habitat causée par l’exploitation des sables bitumineux que sur le milieu de travail toxique que doivent endurer le peu de femmes œuvrant sur ces chantiers.

Le Time Magazine, The Guardian et The New Yorker ont salué ce roman graphique gagnant du concours Canada Reads 2023. Il est paru en anglais sous le titre « Ducks », probablement pour rappeler tous ces canards englués dans le pétrole qui avaient fait la manchette à l’époque.

Cliquez sur le lien pour d’autres romans graphiques sur mon blogue.

Bonne lecture !

Titre : Environnement toxique

Autrice : Kate Beaton

Éditions : Casterman

© 2023

ISBN : 978-2-203-24223-4

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Environnement Tragédie en mer

À la poursuite du Thunder.

Récit d'investigation "À la poursuite du Thunder".
Récit d’investigation «À la poursuite du Thunder».

Ce livre plaira à coup sûr aux amateurs d’histoires vécues. « À la poursuite du Thunder – l’histoire de la plus longue traque navale de tous les temps » nous accroche rapidement surtout du fait qu’il s’agit d’une première dans l’histoire maritime. Les auteurs de ce récit d’investigation, deux journalistes expérimentés du nom de Eskil Engdal et Kjetil Saeter, prennent de nombreux risques pour obtenir des informations cruciales permettant de mieux saisir l’ampleur du vol des ressources halieutiques en Antarctique.

Cette pêche illégale est une affaire de gros sous où la mafia, surtout espagnole, n’hésite pas à ordonner que l’on coupe les filets de pêche ou que l’on coule tout simplement un chalutier pour empêcher l’obtention de preuves. Cliquez sur le lien pour un vidéo de cet accident maritime.

La poursuite a lieu dans des eaux inhospitalières et s’étale sur plusieurs mois et sur plus de 15,000 kilomètres alors que l’on suit en parallèle l’histoire de plusieurs membres de l’équipe de poursuite autant que celle des pêcheurs illégaux.

On y discute de dilapidation des ressources, de la législation laxiste concernant la pêche illégale en eaux internationales, des méthodes que les criminels utilisent pour faire disparaître l’immatriculation des bateaux dans les registres, du manque de courage politique au niveau international, de l’omerta qui règne dans les villages d’où partent les pêcheurs illégaux, du blanchiment d’argent et d’esclavage moderne.

Le capitaine du Thunder fait tout en son pouvoir pour échapper aux poursuivants. Cette fuite le mène à emprunter des passages très risqués à travers les glaces dans l’espoir que le navire de poursuite n’osera pas s’y aventurer. Il dirige aussi à l’occasion son bateau vers des zones où la force des vagues risque de détruire le navire de poursuite. Le capitaine Peter Hammerstedt du navire de poursuite Bob Barker ne recule devant aucun des obstacles posés sur son chemin au cours des mois où dure la poursuite. Il fait preuve d’une détermination qui exaspère au plus haut point l’équipage du Thunder.

Le polar écologique Chasing the Thunder a été projeté en 2019 lors de la conférence mondiale sur la biodiversité.

En mars 2023, plus de cent pays ont signé un traité sur la diversité en haute mer, après quinze ans d’efforts. Greenpeace a salué le traité, mais exige que cela se traduise en action…

La lecture de ce seul livre permet au lecteur de s’éveiller à de nombreux aspects jusqu’alors très peu médiatisés de la pêche illégale en haute mer, le tout dans un contexte d’une traque unique dans l’histoire de la navigation maritime.

Cliquez sur les liens pour d’autres livres portant sur l’environnement, la géopolitique, les tragédies en mer ou les sujets controversés sur mon blogue.

Titre : À la poursuite du Thunder

Auteurs : Eskil Engdal et Kjetil Saeter

© Actes Sud, 2021 pour la traduction française

ISBN : 978-2-330-14724-2

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Biographies et autobiographies Tragédie en mer

Magellan l’homme et son exploit

Il s’agit d’une nouvelle traduction de l’allemand du livre de Stefan Zweig  par la traductrice renommée Françoise Wuilmart. Cette nouvelle traduction était devenue nécessaire pour plusieurs raisons. D’abord, le traducteur initial du nom de Alzir Hella a fait le travail initial il y a près de soixante ans et il n’avait justement pas de formation de traducteur.

Couverture du livre "Magellan l'homme et son exploit"
Couverture du livre «Magellan l’homme et son exploit»

Le résultat, bien que correct, ne respectait pas complètement l’écriture de Stefan Zweig. La traductrice signale que lorsqu’il arrive à Zweig d’utiliser quatre adjectifs dans une phrase, Alzir Hella décide de n’en garder qu’un seul. Quand l’auteur est imprécis dans son écriture, M. Hella ajoute une explication. Comme le dit encore Françoise Wuilmart, en s’adressant à Alzir Hella : « […] il vous arrive de confondre l’Égypte et la Perse, ou, plus grave dans un récit de navigation, l’est et l’ouest. Enfin, Zweig clôture souvent un paragraphe ou un chapitre par une considération philosophique ou par un élan lyrique qui se répand sur plusieurs lignes. Vous les évacuez purement et simplement, et j’ai  l’impression que vous n’y voyez que d’inutiles fariboles qui ralentissent le flux de la narration. » (p.9)

Selon Françoise Wuilmart, le Zweig de Alzir Hella est « un journaliste viril à la voix autoritaire ». Elle préfère rendre à l’auteur sa grande sensibilité et en profite pour adapter la traduction à notre époque.

Le résultat du travail de Françoise Wuilmart est vraiment superbe. C’est un livre qu’on ne veut pas fermer tant il est intéressant. Zweig donne un véritable cours d’histoire et sait comment conserver notre attention à chaque page. Le lecteur navigue sur les mers avec l’équipage, vit les privations, les angoisses, les magouilles, les erreurs et les succès et, en permanence, la lutte pour la survie :  « Quant aux biscuits qui sont, avec les poissons qu’ils attrapent, leur seule pitance, ils se sont transformés depuis belle lurette en une poudre grise et sale où pullulent les vers, de surcroît empestée par les excréments des rats qui, devenus fous eux-mêmes, se ruent sur les quelques misérables miettes éparses […] ». (p.250)

Carte du monde Magellan-Elcano
Carte du monde Magellan-Elcano

Les considérations philosophiques ajoutées par Zweig ajoutent encore à la profondeur du texte et en font plus qu’un récit de voyage. Je cite en exemple certains des propos de Zweig qui s’appliquent à bien d’autres situations qu’au premier tour du monde effectué par le Portugais Magellan :

« La présence d’esprit et l’énergie d’une figure de second plan décident souvent du cours de l’histoire. » (p.55)

« L’histoire n’a jamais vu une seule grande victoire rassasier un vainqueur. » (p.66)

« Une vérité suprême peut toujours naître de l’erreur la plus grossière dès lors qu’un génie ou le hasard s’en mêlent. Dans le domaine scientifique, des centaines et des milliers d’inventions importantes sont le fruit d’hypothèses erronées. » (p.99)

« Dans la mémoire des grands exploits, le monde préfère toujours se focaliser sur les instants dramatiques ou pittoresques qui synthétisent les hauts faits du héros : César traversant le Rubicon, Napoléon au pont d’Arcole. L’effet pervers en sera que les années préparatoires, la lente gestation spirituelle, la patiente progression de l’organisation d’un fait historique, demeurent dans l’ombre. » (p.125)

« C’est la somme de tous les obstacles surmontés qui donne la mesure véritable, exacte de l’exploit et de l’humain qui l’a accompli. » (p.128)

« On sait d’expérience que le nationalisme est une corde que la main la plus maladroite sait faire vibrer sans trop de peine quand il le faut. » (p.132)

« Il est toujours plus facile d’exciter les masses, et même tout un peuple, que de les apaiser. » (p.133)

« C’est à son comportement dans les moments décisifs que l’on reconnaît le mieux le caractère d’un homme et c’est à l’heure du danger que sa force et ses facultés cachées se manifestent. » (p.173)

« […] Après une victoire totale, les dictateurs ont moins de peine à reconnaître leurs droits à d’autres humains, et après avoir assuré leur pouvoir, il leur est plus facile de leur laisser la parole. » (p.234)

« Le monde ne récompense jamais que le dernier de la série, celui qui a la chance d’achever une œuvre, et oublie tous ceux qui l’ont conçue et permise avec leur esprit et leur sang. » (p.331)

« Magellan a prouvé à tout jamais qu’une idée animée par le génie et résolument portée par la passion s’avère plus forte que tous les éléments réunis, et qu’un seul homme, malgré son passage éphémère sur terre, est toujours capable de transformer en réalité et en vérité impérissable ce qui n’était qu’une utopie pour des centaines de générations. » (p.340)

Titre : Magellan – l’homme et son exploit  .

Auteur : Stefan Zweig (traduction de Françoise Wuilmart)

Éditions : Robert Laffont

©2020

ISBN : 978-2-221-24683-2

Sur mon site web, un lien pour d’autres biographies .

Sur mon site web, un autre lien pour ceux qui s’intéressent aux histoires de survie et/ou de tragédie en mer   .

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Romans

Le Livre Microfictions 2018 de Régis Jauffret.

Microfictions 2018 par Régis Jauffret.
Microfictions 2018 par Régis Jauffret.

Ce roman Microfictions 2018 de Régis Jauffret rassemble des centaines de nouvelles faisant toutes environ une page et demie, pour un total de 1024 pages.

Microfictions 2018 a gagné le Goncourt 2018 de la nouvelle.

J’ai acheté le livre sur recommandation de la revue «Le Libraire». Je ne m’attendais cependant pas à trouver des nouvelles de ce genre. J’ai persisté dans la lecture pour découvrir progressivement un auteur hors-normes. Les tournures de phrases, la capacité de synthèse et le vocabulaire méritent vraiment une lecture attentive. Les propos peuvent cependant être dérangeants pour certaines personnes.

Les nouvelles sont souvent percutantes et portent entre autres sur : la détresse, le suicide, la violence conjugale, la maltraitance, les problèmes sexuels, le harcèlement, le vieillissement, la maladie mentale, les écarts de richesse, la folie, l’exclusion sociale, etc.

Régis Jauffret a choisi d’y inclure une bonne dose d’humour noir, et même très noir parfois, pour équilibrer le propos et parfois passer un message.

J’ai choisi quelques citations, à travers les 1000 pages de texte, pour donner une idée du style de l’auteur :

 « La réceptionniste m’a tendu la clé avec tellement de haine dans le regard qu’il me semblait la voir suinter au coin des yeux ». P.53

« Je n’en pouvais déjà plus de cette soirée dont nous étions en train de grimper les premiers kilomètres ». p.58

« À notre époque flaccide, un cadeau doit réveiller son bénéficiaire comme une raclée ». P.75

« Je n’aimais pas assez les enfants pour rater mon existence à cause d’eux ». P.101

« Ma mère n’est pas morte, mais elle a le regard vague depuis son attaque et à chaque fois que je la vois je ne peux m’empêcher de fixer longuement ses mollets en me demandant lequel de ses pieds a déjà disparu dans la tombe ». P.133

« Il m’est arrivé de me demander si je me jetterais un jour à corps perdu dans l’existence ». P.180

« Fonder une famille reviendrait à jeter mes gamètes dans un utérus comme une paire de dés dans un cornet. Je préfère thésauriser plutôt que de risquer un mauvais placement ». P.180

« […] des militaires traînant des pieds pour mener une guerre métaphysique contre l’armée d’anges déchus que Lucifer jette sur les vierges afin de capturer leurs hymens dont il nourrit ses enfants qui rissolent de jour comme de nuit sur leur lit chauffé à blanc dans la maison flambante où il vit en bourgeois dans la haine du Christ ». P.185

« Nous l’avions envoyé en colonie de vacances. Par prudence nous avions choisi un organisme laïc. Il n’en avait pas moins été abusé par un moniteur et il nous était revenu libidineux comme une chatte en chaleur, se dandinant, se frottant aux meubles, s’enroulant autour des jambes des invités en minaudant ». P.197

« Les filles ont accepté d’appeler maman la mère de substitution dont je me suis amouraché pour tirer avec moi la charrette du quotidien ». P.208

« À huit ans il sait déjà compter jusqu’à l’infini. Je dois l’obliger à reprendre son souffle sinon il s’étouffera en essayant d’atteindre en apnée le dernier des nombres ». P.213

« Non, je ne critique pas nos enfants. Ils sont polis, polyglottes, ouverts aux nouvelles technologies. Nous les avons si bien élevés qu’ils sont ennuyeux comme des caniches de concours ». P.238

« Il ne me pardonnera jamais de l’avoir surpris emboîté dans un jeune homme ». P.253

« La transplantation sera réalisée par un robot assez intelligent pour se contenter d’un déficient mental en fait de chef de service ». P.283

« Il a su autrefois lire et écrire son nom, mais par paresse il préfère à présent laisser son empreinte ADN en crachant sur les documents administratifs plutôt que de les signer ». P.345

« J’ai plus honte de toi encore que de mes hémorroïdes. Du reste avec ton mari et tes gosses vous leur ressemblez comme deux gouttes d’eau. La différence c’est que vous n’êtes pas opérables et qu’on ne peut pas davantage adopter un trou-du-cul que l’abandonner au bord d’une autoroute comme un chien dont on ne veut pas s’encombrer pendant les vacances. Je regretterai toujours de ne pas t’avoir portée dès ta naissance aux enfants trouvés. Tu aurais fait le malheur d’une autre pendant que j’aurais élevé Laurent avec autant de fierté que Marie a torché Jésus. » p.364

« Elle est réapparue scintillante de haine » p.439

« Le ciel rose pommelé de nuages ressemblait à une photo de maladie de peau. » p.451

« Nos filles sont maintenant adultes, intelligentes, resplendissantes, exaspérantes de perfection ». p. 453

« Elle avait des parents catholiques aux yeux noirs et durs comme les clous de la croix du Christ ». P.455

« Même si vous avez tous les deux plus de quatre-vingts ans, ce n’est pas une raison pour refuser d’évoluer ». p.471

« Un garçon aussi terne que notre Carole avec son intelligence basique sans aucun accessoire ni enjoliveur ni option d’aucune sorte. Ils auraient formé un couple insipide qui aurait mis au monde des êtres appartenant comme eux à la grosse cavalerie de l’humanité. » P.482

« Celui qui survivra à l’autre décédera en essayant d’attraper la main tiède de l’infirmière affamée qui se dérobera pour aller terminer sa barquette de hachis Parmentier à la cantine » p.487

« […] cet endroit où j’ai effectué mon enfance avec autant de joie qu’une peine de prison. » p.515

« Quand vous êtes né dans un sale état, si vous voulez jouer les Roméo vous avez intérêt à être un génie du piano ou un cerveau assez hypertrophié pour découvrir chaque matin un nouveau cousin au boson de Higgs ». P.524

« Son corps décapité était resté devant le comptoir des hors-d’œuvre ». p.560

« Elle se ressemblait, même si son visage froissé aurait mérité un coup de fer. » p.576

 « La terre est un lieu de passage, une rue, un boulevard, une place publique dont on a depuis longtemps arraché les bancs et lubrifié le bitume afin d’assurer aux humains une meilleure glisse vers le crématorium ». P.591

« Je portais un appareil d’orthodontie posé à l’œil par une organisation de dentistes chrétiens qui donnait à mon sourire des airs de clôture électrifiée ». P.609

« La solitude fait un bruit de frigo qui se déclenche régulièrement toutes les vingt minutes […] » P.655

 « Né de parents communistes assez cruels pour aller chaque année en pèlerinage sur les lieux des anciens goulags, assez cons pour se suicider en 2007 le jour anniversaire de la mort de Staline […] » P.671

« Je suis entrée dans la police par goût de la répression » P.683

« Ta voix était indécrottable. Un larynx aussi encombré qu’un intestin grêle dont aucun phoniatre ne viendrait jamais à bout. Nous qui espérions faire de toi un artiste lyrique pour dissimuler ta médiocrité intellectuelle derrière les contre-ut et les trilles ». P.715

« À dix-sept ans notre aîné a révolutionné le monde des mathématiques en inventant un onzième chiffre […] » p.722

 « Je vais entamer bientôt des pourparlers avec mon décès. Il a beau faire preuve de la plus grande discrétion, comme tout le monde il est avide d’exister. » P.832

« Encore sa manie végétarienne de servir de la laitue fatiguée mêlée de tomates molles, d’œufs durs au goût de vomi avec une guirlande lumineuse qui clignote au fond du plat pour donner un air de fête à ce fatras ». P.840

« J’ai suivi l’enterrement de mon père à la fosse commune avec les gens du village sous l’objectif d’une chaîne de télévision locale à l’équipe nonchalante qui semblait accompagner le cortège par désœuvrement. » P.850

« La géométrie ne peut pas servir continuellement d’excuse à un enseignant pour humilier un être humain ». p.893

« On peut avoir une opinion différente sans organiser une fatwa contre les élèves qui comme moi se rebellent contre sa conception fondamentaliste des maths ». P.893

« Elle a intégré dès la semaine suivante un pensionnat clos de murs dans le Vercors pour méditer sur les vertus de l’abnégation dont ont fait preuve son arrière-grand-père et bien d’autres antisémites chrétiens au nom de la haine du Boche en s’engageant dans la résistance au mépris de leurs convictions raciales ». P. 901

« Les habitants d’un endroit pareil ne valent pas plus cher que son climat. Dans le coin aucune famille sans son meurtrier, son voleur, son auteur de crime sexuel dont à chaque réveillon un pervers oncle saoul raconte avec envie la carrière » p.959

« Elle allait rater sa licence, un diplôme certes médiocre, mais qui lui manquerait le jour où elle serait en panne de papier de toilette ». P.965

« Quand je suis enfin couché je me dis que j’aurais mieux fait de naître sous forme de foule pour n’être pas seul à supporter ma vie navrante ». P976

Voilà! Bonne lecture!

https://www.lepoint.fr/livres/regis-jauffret-l-acte-sexuel-est-devenu-une-performance-14-01-2018-2186484_37.php

https://www.ledevoir.com/lire/522252/regis-jauffret-et-ses-500-fragments-de-vie-et-d-insanite

http://www.gallimard.fr/Media/Gallimard/Entretien-ecrit/Entretien.-Regis-Jauffret.-Microfictions-2018

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Pionniers de l'aviation

Un monde sans rivage.

Un monde sans rivage.
Un monde sans rivage.

Il s’agit d’une histoire vécue dans l’environnement arctique. En 1897, trois aventuriers utilisent une montgolfière dans le but d’atteindre le pôle Nord. Ils disparaissent et on retrouve leur trace en 1930 sur l’île Blanche, la plus reculée de l’archipel du Svalbard. Le pire, c’est que le responsable de l’expédition connaissait déjà, avant le départ, les faiblesses de cette montgolfière composée de multiples pièces : « […] Le ballon, si majestueux, mais si fragile, perdait son souffle contre sa main » p.236

Voici quelques passages du roman qui permettent d’imaginer la mauvaise gestion du risque et la naïveté des aventuriers face aux conditions météorologiques extrêmes que peut représenter un voyage dans un monde de froid et de glace :

« Dans cette région dont on connaît mal le climat, Andrée pensait qu’en été, un soleil radieux ne cessait de briller. Il ne brille pas. Et la brume tombe. Le ballon s’alourdit. D’un coup, c’est la panique […] » p. 95

« Les voilà, tous les trois, moins chaudement vêtus que le moindre touriste à l’assaut de la moindre petite montagne […] » p. 128

« Bientôt, ils se drogueront à la morphine, à l’opium, pour soulager diarrhées, crampes et douleurs, pour calmer la toux alors qu’ils croyaient qu’aucun microbe ne survivait ici, dans la glace» p. 138

« Mais ils n’avancent pas, ils reculent. En plus d’être un désert, en plus d’être glacé, le lieu qu’ils arpentent a la capacité de se mouvoir. Ce n’est pas une terre ferme, mais un agglomérat de forme qui sans cesse se déplacent […], les conduisant le plus souvent dans la direction opposée à celle qu’ils voudraient prendre » p. 212

« Leur réchaud à pétrole donne des signes de faiblesse. Il s’allume, s’éteint, sans cesse. Personne n’a pensé à prendre des pièces de rechange. Sans oser se le dire peut-être, ils craignent de n’avoir bientôt plus aucune flamme pour réchauffer leur nuit » p. 252

La première chose dont il faut être conscient à l’achat de ce livre, c’est qu’il s’agit d’un roman. Étant donné qu’il existe peu d’informations concrètes sur ce vol en ballon, un fort pourcentage du livre consiste à imaginer, de la façon la plus réaliste possible, ce qu’ont pu vivre les trois aérostiers. Hélène Gaudy a cependant effectué beaucoup de recherches et a eu accès à des photographies et un journal de bord pour rédiger son roman. Il n’y a pas de photographies incluses dans le livre. La photo en page couverture est le seul élément visuel pour situer le lecteur. Cependant de nombreuses photos de l’expédition peuvent être trouvées sur le site suivant : https://fr.wikipedia.org/wiki/Exp%C3%A9dition_polaire_de_S._A._Andr%C3%A9e

Bonne lecture!

Titre : Un monde sans rivage

Auteure : Hélène Gaudy

Éditions : Actes Sud       

© 2019

ISBN : 978-2-330-12494-6

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Tragédie en mer

Sauvetage par temps très froid avec un traversier à Québec en janvier 2018

Traversier amarré au Port de Québec. Hiver 2018.
Traversier amarré au Port de Québec. Hiver 2018.

Cette année, l’hiver est particulièrement froid à Québec, avec un nombre très élevé de journées où la température se situe sous les -20 C. Les traversiers de la STQ du gouvernement du Québec doivent composer avec de la glace sur la plus grande partie du fleuve St-Laurent entre Québec et Lévis.

Traversier du gouvernement du Québec se frayant un chemin dans les glaces entre Lévis et Québec durant l'hiver 2018.
Traversier du gouvernement du Québec se frayant un chemin dans les glaces entre Lévis et Québec durant l’hiver 2018.

Les traversiers Alphonse-Desjardins et Lomer-Gouin qui transportent passagers et voitures entre les deux rives doivent parfois cesser momentanément le service. En d’autres temps, comme cela s’est produit à quelques reprises depuis le début de l’hiver, un traversier qui tente de rejoindre la rive opposée peut demeurer coincé dans les glaces et les passagers doivent patienter plus de trois ou quatre heures avant de pouvoir rejoindre la terre ferme.

La photo ci-dessous a été prise des hauteurs du Vieux-Québec. Au premier plan, l’ancien restaurant Le Vendôme, à vendre depuis des années. Au loin, un traversier en route vers Québec fait son chemin dans la glace.

Traversier approchant de Québec durant l'hiver 2018
Traversier approchant de Québec durant l’hiver 2018

Les remorqueurs de la compagnie Ocean sont également présents sur le fleuve, peu importe la température. La photo ci-dessous montre un de ces remorqueurs en route vers la raffinerie Jean-Gaulin pour porter assistance à un pétrolier.

Remorqueur de la compagnie Ocean sur le fleuve St-Laurent près de la ville de Québec durant l'hiver 2018 par -20 C.
Remorqueur de la compagnie Ocean sur le fleuve St-Laurent près de la ville de Québec durant l’hiver 2018 par -20 C.

Les photos du présent article ont été prises le 7 janvier 2018 avec un Canon 5DSR muni d’un objectif Canon EF 85 mm f/1.2L II USM. La température était alors de -18 C.

Le lendemain de ma séance de photos, un homme tombé dans les eaux glacées du fleuve St-Laurent a été aperçu par hasard par des passagers du traversier Lomer-Gouin qui faisait le trajet vers la ville de Québec. L’homme en état avancé d’hypothermie a été sauvé de justesse par le personnel de la Société des traversiers du gouvernement du Québec. Voici un lien pour TVA nouvelles: Une personne tombe dans le fleuve Saint-Laurent à Québec

Malgré le grand froid, les canotiers, dont l’équipe du Château Frontenac, s’entraînaient à faire la traversée entre les deux rives, en prévision de la compétition tenue annuellement lors du Carnaval de Québec. Cette année, la course aura lieu le 4 février. L’Association des coureurs en canots à glace du Québec a également vécu une tragédie récemment à Québec alors qu’un de leurs canotiers est mort noyé lors d’une séance d’entraînement en présence de conditions météorologiques adverses.

L'équipe de canot sur glace du Château Frontenac au travail par -18 C sur le fleuve St-Laurent entre Lévis et Québec.
L’équipe de canot sur glace du Château Frontenac au travail par -18 C sur le fleuve St-Laurent entre Lévis et Québec.

Voici le lien pour les nouvelles de Radio-Canada: http://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1072906/operation-sauvetage-embarcation-fleuve-saint-laurent

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Histoires vécues comme spécialiste en information de vol (FSS): le Centre d'information de vol (CIV) de Québec

Un tourbillon de poussière surprend un pilote à Rouyn-Noranda

Avril 2013, au Centre d’information de vol (CIV) de Nav Canada à Québec (CYQB). Les prévisions météorologiques graphiques de ce matin indiquent des possibilités de formation de tourbillons de poussière. Ce genre d’obstacle à la visibilité est rare. Les pilotes contactent les spécialistes en information de vol (FSS) pour savoir ce que signifie le symbole « PO » sur les cartes graphiques.

Malgré le ciel bleu sur tout le sud du Québec et les vents généralement calmes, les conditions météorologiques pourront donner naissance à des cisaillements de vent localisés. S’ils soulèvent du sable, de la terre ou autres petites particules, ces cisaillements de vent deviendront visibles et causeront des tourbillons de poussière de cinq à dix mètres de diamètre.

Il faudrait qu’un pilote soit malchanceux pour circuler à travers un rare tourbillon de poussière. Je me souviens néanmoins d’un évènement dont j’avais été témoin il y a une trentaine d’années alors que je travaillais à la station d’information de vol de Transports Canada à l’aéroport de Rouyn-Noranda (CYUY).

Lors d’une chaude journée d’été, un aéronef avait atterri à Rouyn-Noranda après un vol-voyage de plusieurs heures en provenance de Montréal. Le pilote effectuait une escale de quelques minutes, le temps de faire estampiller son carnet de vol. Les conditions météorologiques à l’aéroport étaient idéales : l’air était sec, les vents calmes et le ciel sans nuage.

Une fois son point fixe terminé sur la voie de circulation, le pilote avait commencé à circuler lentement pour se rendre au seuil de la piste 26. Une fois bien enligné et prêt pour le décollage, il avait fait les dernières vérifications.

À peine quelques secondes plus tard, le signal d’une balise de détresse s’était fait entendre. Les spécialistes en information de vol avaient immédiatement regardé de nouveau vers la piste et constaté que l’avion était toujours sur le seuil, mais à l’envers.

Le monomoteur venait de subir les effets d’un cisaillement de vent puissant, suffisamment important pour retourner l’appareil à l’envers. L’indicateur de vitesse du vent étant éloigné du seuil de piste, il n’enregistrait que des vents calmes.

Le souvenir de cette histoire me rappelait que la nature se réserve toujours le droit de surprendre les pilotes, même les mieux préparés. Et j’imagine la surprise de cet élève-pilote tentant lui aussi de comprendre ce qui avait bien pu se passer. J’espère toutefois que cette aventure ne l’a pas découragé de continuer à piloter.

Pour d’autres histoires vécues en tant que FSS à Québec, cliquez sur le lien suivant: Spécialiste en information de vol (FSS) à Québec